"Nouveau millénaire, Défis libertaires"
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Militer, c'est d'abord en avoir envie !

Envie d'en découdre avec la misère et l'injustice. Envie de solidarité et envie d'exister par la solidarité. C'est gratuit, mais on aimerait tant aussi que ce soit gratifiant. Pour des tas de gens lobotomisés par les media de masse (TF1, mais aussi le soi-disant "service public" de la télévision qui court après les chaînes privées), nous apparaissons parfois comme des bêtes curieuses (voir ces regards étranges, presque bovins, quand nous manifestons en ville le samedi après-midi) : va pourtant falloir qu'ils/elles s'habituent.
Pour d'autres, un peu plus conscients des horreurs qui nous entourent, l'époque est malgré tout à la démerde individuelle. A l'occasion d'un tract ou d'une prise de position, ils/elles nous diront que c'est intéressant ce qu'on écrit ou ce qu'on dit, pour tout de suite partir sur un discours complètement individualiste du genre "c'est bien mais c'est vain : on ne peut compter que sur soi".

Distancions-nous, mais de quoi ?

D'ailleurs, je ne sais pas si vous avez remarqué : la plupart des "intellectuels critiques", forts en version latine et en géométrie descriptive de la société, arrivent à la conclusion que l'important est de se "distancier". (Cf le bouquin à la mode de Corinne Maier, cadre à EDF "Bonjour paresse, de l'art et de la nécessité d'en faire le moins possible en entreprise").
Les constats genre "monde diplo" sont sans appel, mais les propositions sont plates. Au final, toujours une posture hédoniste (profitons de la vie, point barre) et individualiste (mon nombril, mon réseau de sociabilité, ma bulle).
Profiter de la vie, pas de problème : nous aussi, on sait faire. Mais enfin merde : la société du capitalisme réel est franchement abjecte. Alors, nous avons l'envie impérieuse de lui rentrer dans le lard. Ce ne sont pas les sujets qui manquent (l'exploitation économique, le sort réservé aux peuples du Sud, la Palestine, l'Irak, l'abandon de centaines de millions d'individus qui meurent de famine et de maladie parce qu'ils/elles ne sont pas "solvables", les victimes de la folie religieuse, les "sans" qui survivent comme ils/elles peuvent dans notre bel occident, etc).
En bref, il y a bien des combats à mener et sûrement pas de parodies du genre "libération des nains de jardins".

Et la répression de frapper.

Révolté/e/s nous sommes. Comme les armes à feu ne nous intéressent pas, c'est avec d'autres armes que nous luttons contre l'injustice. L'arme de la solidarité et des combats collectifs. Mais même celles-ci ne sont pas admises par le Pouvoir : c'est encore trop.
Contre la liberté d'expression : allez donc dire que les pratiques policières sont dignes de Vichy ou faites un bras d'honneur au passage d'un convoi ministériel… Sarkozy vous tombe dessus et porte plainte pour outrage.
Contre l'exercice de la solidarité : allez donc résister contre les forces de l'ordre pour entraver leur action d'expulsion, la Justice vous condamne comme le fut Charles Hoarau en 2000, militant syndical marseillais. Non satisfait, le système politico-administrato-sécuritaro-judiciaire exige qu'il vienne donner son profil génétique (des fois qu'il radicaliserait son action en devenant un vrai hors-la-loi).
Et les deux militants de Calais dont nous parlions le mois dernier : "coupables" de solidarité envers les migrants (avoir hébergé des "clandestins" et servi de prête-nom pour qu'ils puissent recevoir des mandats) , Jean-Claude Lenoir et Charles Frammezelle dit Moustache (du collectif calaisien C'Sur) ont finalement été condamnés tout en étant dispensés de peine. Désormais, Moustache continue à voir les réfugiés et participe aux distributions alimentaire. "Par contre je n'héberge plus de réfugiés : une condamnation ça suffit". Qui pourrait l'en blâmer ?

La répression s'exerce aussi sur le terrain symbolique.

Non content de frapper les militants par des poursuites judiciaires, il les frappe aussi symboliquement.
Nous sommes loin du mythe entretenu d'une justice apaisée et apaisante, "qui dit le Droit". De même que la prison n'est pas seulement une privation de liberté, mais bien une oppression qui prend la tête.
Donc, non content de "rappeler à l'ordre", la Justice doit enfoncer le clou par l'humiliation. Héberger des sans-papiers sans abri serait trop noble et risquerait d'entraîner la sympathie du public pas toujours si lobotomisé que ça. Il faut donc pour le Pouvoir dramatiser, mettre en scène ce délit bénin et le transformer en crime de complicité de trafic d'humains, ce qui nous transforme en salauds. Rappelons-nous l'enquête dont fut l'objet le Gasprom au printemps dernier et la tentation de la justice et de la police de nous charger du délit de complicité de proxénétisme. Et l'ASTI d'Orléans, dont l'existence est aujourd'hui menacée, est accusée publiquement d'être responsable d'une hausse de l'insécurité dans le département du Loiret.
Et l'humiliation, ça ne s'oublie pas. Moi-même, je garde un très mauvais souvenir de ce juge moustachu me posant des questions en rafale, lors de notre procès en septembre 1996. "Bub-bub", ai-je répondu en eskimo, car je connais aussi cette langue.

Pendant ce temps, les puissants soignent leur image !

Mais ça coince quand des "leaders d'opinion" se font passer pour de grands humanistes : Chirac faisant le mariole sur le thème de la fracture sociale en 1995 ou en ce mois de septembre 2004 paradant aux côtés de Lula, président brésilien, pour plaider en faveur d'une taxe mondiale contre la pauvreté. Il y a une tradition française (Mitterrand, Chirac) de multiplier les discours internationaux généreux, qui ne mangent pas de pain et qui ne seront jamais suivis d'effets, les pays riches, dont la France, faisant le contraire de ce qu'ils prétendent (effet de serre, commerce des armes, soutien à des régimes dictatoriaux et criminels ou à des filières terroristes, spoliation des richesses du Sud, etc).
Mais la palme de la démagogie revient au nouveau ministre de l'intérieur, Dominique de Villepin. Côté pile, il applique sans état d'âme une politique sarkozienne très sécuritaire et expéditive concernant les sans-papiers et demandeurs d'asile. Dans la rivalité sourde qui oppose Chirac et Sarkozy, de Villepin est chargé par le premier de démontrer qu'il n'y a pas besoin de Sarkozy au Ministère de l'Intérieur pour mener une politique ultra-sécuritaire.
Côté face, monsieur de Villepin se veut ami des arts et des lettres et sort en 2003 un bouquin salué par la critique littéraire : "Eloges des voleurs de feu" (édité chez NRF Gallimard, s'il vous plaît), "témoignage d'un fou de poésie" : "en tout lieu et en tout temps, un poète se lèvera pour défier les dieux et les pouvoirs, pour vivre intensément et faire entendre le son de la vie" . C'est qu'il a du talent, mon cochon. Amis sans-papiers, il faudra lui demander la prochaine fois que vous le verrez : "poète, des papiers !".

Mais revenons à l'essentiel : la rage et les moyens de l'exprimer !

Donc, nous avons du pain sur la planche : réussir dans nos entreprises militantes nécessite aussi de bien mettre en valeurs nos idéaux et expliquer notre démarche. Cette démarche, pour réussir, est à relier à celle d'autres mouvements de lutte.
"Il ne suffit pas d'avoir raison sur ce qui ne va pas dans la société et de savoir pourquoi il en est ainsi. Même la capacité de diffuser cette analyse sur de vastes auditoires ne suffit pas. Nos mouvements doivent à tout prix articuler avec plus de clarté leurs objectifs et leur stratégie de manière à garder leur mission, leur confiance, leur identité et leur intégrité devant la critique" (Michael Albert, militant de la gauche radicale américaine, "L'élan du changement, stratégies nouvelles pour transformer la société", écosociété éditions, 2003).
En pratique, ça donne quoi ? Je ne peux répondre seul à cette question.

H un miltant de la région nantaise

Fin Septembre 2004