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"Ma sensibilité n'a plus sa place sur France Culture"
Miguel Benasayag est philosophe et psychanalyste
Dernier ouvrage : "La fragilité" (éd. La Découvert) (sortie le 25
mars 2004)
Contrairement à ce que dit Laure Adler, vous affirmez que la
suppression de votre chronique est de nature politique. Pensez-vous
que ce soit lié à un billet récent sur les projets sécuritaires
du FN et les réalisations de Sarkozy ?
- Non, je ne crois pas que ce soit lié à une chronique en particulier,
c'est une accumulation de chroniques. En tout cas, Laure Adler m'en
a cité plusieurs le jour où elle m'a annoncé la suppression de ma
chronique. Donc, clairement, les reproches qui m'étaient faits n'étaient
pas techniques. J'aurai compris qu'on me dise que je n'étais pas
bon. La radio, ce n'est pas mon métier. Mais là, concrètement, Laure
Adler m'a reproché d'être "trop militant, trop engagé, trop personnel".
Elle m'a dit que ma "chronique n'avait plus sa place à 8h35".
Laure Adler affirme que, depuis de nombreux mois, elle vous reprochait
de ne pas respecter le cahier des charges de votre chronique, à
savoir mettre en perspective l'actualité. Que lui répondez-vous
?
- Mettre en perspective l'actualité, c'est extrêmement flou comme
notion. Quand j'ai été embauché à France Culture, il y avait deux
chroniques de droite, celles d'Alexandre Adler et d'Alain-Gérard
Slama, et je devais refléter la gauche alternative.
Et, à mon sens, ce que je faisais dans mes chroniques correspondait
à cette notion, comme Adler et Slama, mais avec ma sensibilité.
Quant aux nombreux reproches, c'est faux. Une seule fois, Laure
Adler m'a fait un reproche. Il s'agissait d'une chronique sur le
planning familial, qui défendait cet organisme. Laure Adler m'avait
dit à cette occasion que j'étais trop engagé.
Laure Adler évoque aussi un coup de fil que vous n'auriez pas
retourné vendredi 12 mars, au lendemain des attentats de Madrid
- On me reproche de ne pas avoir rappelé immédiatement, mais je
travaillais. J'ai rappelé à 13h00 quand j'ai eu le message. France
Culture a essayé d'en faire un prétexte pour me renvoyer en disant
que je n'avais rappelé que le mardi suivant, mais c'est faux. Des
techniciens de la radio peuvent en témoigner. France Culture n'a
pas été très réactive lors des attentats de Madrid, alors je suis
peut-être le fusible qui saute.
Laure Adler dit vous avoir fait trois propositions, allez-vous
en accepter une ?
- On ne m'a pas fait trois propositions, mais une seule, et, en
l'occurrence, il s'agit d'un strapontin dans une émission politique
où je n'ai pas ma place (celle d'Ali Baddou, ndlr). J'ai
un contrat avec France Culture jusqu'en juillet, alors c'est une
façon de me pousser à partir sans me renvoyer. Si j'accepte cette
proposition, j'accepte la censure.
Et, de toute façon, pourquoi pourrais-je dire en fin d'après-midi
ce que je ne peux pas dire le matin dans ma chronique.
Ce n'est pas le fait de me faire virer qui m'énerve, c'est politiquement
que c'est inacceptable. La radio, ce n'est pas mon métier, c'est
pourquoi je trouve important de faire connaître ce qui se passe.
Quand j'ai dit qu'Alexandre Adler était lui aussi très militant,
Laure Adler m'a répondu que ce n'était pas pareil.
Lorsque j'ai été embauché à France Culture, mes positions étaient
déjà archi-connues. Ils savaient qui ils embauchaient. D'ailleurs,
des quatre chroniqueurs, j'étais celui qui recevait le plus de courrier,
à 90% positif. Ça marchait très bien. Laure Adler m'avait demandé
de refléter ces positions de la gauche démocratique alternative.
Désormais, ma sensibilité n'a plus sa place sur France Culture,
m'a-t-on dit.
Propos recueillis pas Benjamin Cherrière
(le lundi 22 mars 2004)
Origine : NOUVELOBS.COM le 22.03.04 http://permanent.nouvelobs.com/
et http://perso.wanadoo.fr/felina/doc/secur_lib/benasayag.htm#questions
La SDJ -société des Journalistes de Radio France - au secours
de Miguel Benasayag
Dans un communiqué rendu public vendredi 26 mars, la société des Journalistes
de Radio France prend la défense du philosophe et psychanalyste Miguel
Benasayag, dont la chronique quotidienne sur France-Culture a été
supprimée, jeudi 18 mars, par la directrice de la station, Laure Adler
*.
Voici le texte du communiqué de la SDJ:
Le fait du prince
"Les prérogatives d’une direction de chaîne dans le recrutement
de ses chroniqueurs ne se discutent pas. En revanche, la méthode
employée pour se séparer du philosophe et psychanalyste Miguel Benasayag
est, selon la SDJ, inacceptable tant sur le fond que sur la forme.
Laure Adler, directrice de France Culture, se dit attachée à la
liberté d'expression, mais elle reproche à ce chroniqueur d'être
trop militant, trop engagé, d’avoir des compétences inadaptées
à l'espace qui lui était imparti. Rappelons qu'il a été embauché
il y a un peu plus d'un an, et reconduit en septembre pour ses qualités
d'analyste. Il est consternant de penser que sa liberté de ton est
sanctionnée parce que jugée politiquement incorrecte, alors que
celle d'un autre chroniqueur qui, à plusieurs reprises, a suscité
des réactions dans la rédaction, a été soutenue par la direction
de la chaîne quelques jours plus tôt. La liberté de ton ne peut
être à géométrie variable.
Quant à la seconde raison invoquée, elle est tout simplement sidérante
: il est reproché à Miguel Benasayag de ne pas avoir été présent
en direct à l’antenne au lendemain des attentats de Madrid.
Ces attentats se sont produits le jeudi 11 mars, à 8 heures du matin,
et ce n'est qu'à 6 heures, le lendemain, que la direction s'est
préoccupée de reconsidérer le contenu des "Matins de France Culture",
émission qui, ce jour-là, était enregistrée! Dans ce contexte, il
est révoltant d'évincer Miguel Benasayag au prétexte de n'avoir
pas pu le joindre une heure et demie seulement avant sa chronique.
S'il devait être sanctionné pour ce seul fait, c'est l'ensemble
de l'équipe... et de la direction qui aurait dû tirer les conséquences
de ce manque flagrant de réactivité.
De réactivité, il n'en fut nullement question à l'antenne pour expliquer
aux auditeurs la suppression de cette chronique.
La Société des Journalistes de Radio France condamne ce manque de
respect à l'égard d'un chroniqueur congédié du jour au lendemain.
Manque de respect encore pour les auditeurs qui n'ont pas eu droit
à un mot d'explication.
Elle regrette infiniment que ces événements dégradent l'image d'une
radio à laquelle elle est attachée."
* Michel Benasayag est remplacé, à partir du lundi 29 mars, par Geneviève
Fraisse, philosophe et directrice de recherches au CNRS. Elle est
aussi députée au Parlement européen depuis juin 1999, où elle est
membre indépendante du Groupe Confédéral de la Gauche Unitaire Européenne.
Origine :
Origine NOUVELOBS.COM le 27.03.04
http://permanent.nouvelobs.com/
Laure Adler vire Miguel Benasayag de France Culture
Après Martin Winckler sur France Inter, c'est au tour de Miguel
Benasayag de voir sa chronique matinale de France culture supprimée
de l'antenne.
Depuis des mois, les propos du psychanalyste Miguel Benasayag
paraissaient comme égarés, entre les chroniques ultra libérales
d'Alain-Gérard Slama, et celles ultra-réactionnaires d'Alexandre
Alder. On se demandait jusqu'à quand il serait toléré…[...]
Dans sa chronique du 18 mars (l'avant-dernière), Miguel Benasayag
évoquait l'alliance entre le parti socialiste autrichien et le parti
de Jorg Haider et précisait : « A vrai dire, on aurait tort de se
scandaliser de trop, car il paraît de plus en plus clair que pour
nos sociétés néolibérales, la marchandisation de la vie va de paire
avec un besoin très, très fort de mesures disciplinaires propres
à l'extrême droite.
Et en France ? Et bien en France, chez nous, on fait encore mieux,
on fait du disciplinaire, du tout répressif, mais sans le Front
National.
Bref, on fait du lepenisme sans Le Pen. (…) Evelyne Sire-Marin,
juge d'instruction (…) analyse les 24 proposition sur la justice
et la police dans le programme Le Pen, pour montrer comment 11 parmi
elles furent reprises par M. Perben ou M. Sarkozy (…) bientôt
on fera mieux que l'Autriche justement.
On n'aura pas besoin d'alliance avec le Front National, car il suffit
pour nos hommes et femmes politiques de devenir le Front National.
»
Dans cette même chronique, Benasayag, notait : « Je ne sais pas
si vous vous êtes rendu compte, mais dernièrement on penche de plus
en plus à droite, mais alors là carrément à droite ». Il ne croyait
pas si bien dire…
Arnaud Rindel
extraits de l'article d'Arnaud Rindel mise en ligne le 23 mars 2004
sur Acrimed | action critique médias
http://www.acrimed.org/article.php3?id_article=1528
Cause toujours
Origine : http://www.elistalive.com/cause03.html
Presque, presque marrant.
Miguel Benasayag, j’ai toujours associé son nom à
ce titre, à l’expression dont il est issu : Du Contre-pouvoir.
Contre-pouvoir, pour dire l’alternative mais pour dire, au-dessus
de tout, qu’il est un autre pouvoir - que les possibles se multiplient
quand l’exclusivité s’arrête.
Contre-pouvoir, le même mot pour aller contre, le même
mot pour le recréer, le même mot pour l’annuler.
C’est simple, c’est plein de bon sens.
Je n’ai pas bien compris quand, mardi soir au Lèche-Vin,
Fabrice me disait combien il était révolté -
Miguel Benasayag foutu à la porte de France Culture par Laure
Adler. On entendra depuis qu’il n’a pas été
« foutu à la porte » ; il ne s’agirait là
que d’un collaborateur qui cesse de collaborer. On ne le vire
pas, on le fait taire, on l’interdit d’antenne.
Qu’il cesse donc d’exister.
Ironique, non ? Collaborer, c’est un mot plein de sens, et qui
peut bien aller dans tous.
Et là, pour le coup, c’est droit dans le mur.
De la collaboration de Miguel Benasayag à France Culture, dans
sa chronique matinale, on dira qu’on savait, justement, la pluralité,
la curiosité défricheuse, l’intransigeance…
de gauche ?
Bin oui, de gauche. Les deux autres chroniqueurs sont bien de droite,
eux. « C’est par où, les Infos ? Prenez à
droite. On s’assurera que la route bouge pas. »
Et donc à droite, tout le monde - à droite, toute.
La veille de son « remerciement » (merci, casse-toi),
Miguel Benasayag, parlant d’un bouquin, aura cité onze
initiatives de Le Pen portées à terme par Sarkozy. Pas
en rêve. Vraiment. Ca vous parle ?
A Laure Adler, ça lui parle, ça lui parle fort, alors
elle répond ferme-la. Ne nous méprenons pas, dans sa
bouche, Miguel Benasayag est formidable. Dans nos oreilles, dès
le lendemain, formidablement absent. On lui propose d’autres
trucs - faudrait qu’il dise oui, peut-être ?
France Culture, chantre du déblatérage « culturel
», sensément propice à l’ouverture, sinon
reste chez toi, attrape ses propres alternatives pour leur dire de
la boucler. Alors la boucle commence à droite, reste à
droite et zou ! (étonnement), elle retourne à droite.
C’est la (re) fabrication d’une culture borgne - borgne
? Tiens tiens…
Est-il possible d’en arriver à bouffer de la culture
« de droite » ? C’est dur. Regardez le programme
actuel, droite et culture, y’a paradoxe.
La culture, pour la droite, c’est un chuchotement ; un courant
d’air même pas frais, qui va vers…la droite.
Le reste tient en une phrase : « Vos gueules, on pense (ra)
(pour vous) ».
Miguel Benasayag ne gueulait pas, il faisait dire et disait à
son tour. On n’a pas fait taire que sa voix.
C’est plus de la censure - ça, ils le lui avaient déjà
fait - c’est une négation.
Du Contre-pouvoir, donc. On peut remplacer l’expression :
Aujourd’hui, c’est (n’en) plus pouvoir.
Et Cause Toujours, pour l’occasion, c’est Ferme Ta Gueule.
Benjamin Peurey
Origine : http://www.elistalive.com/cause03.html
D'autres textes de Miguel Benasayag et du Collectif Malgré Tout Malgré
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