"Nouveau millénaire, Défis libertaires"
Licence
"GNU / FDL"
attribution
pas de modification
pas d'usage commercial
Copyleft 2001 /2014

Moteur de recherche
interne avec Google
Un texte de Miguel Benasayag
Après le vote sur la constitution européenne

Origine : http://altermonde-levillage.nuxit.net/article.php3?id_article=3116


À lire les journaux, à regarder la télévision, à écouter les commentateurs politiques, on ne peut que dresser ce constat : quelques semaines après le résultat du référendum, rien n’a changé. En fait, le oui est passé.

Il y a bien quelques électeurs qui se sont trompés, qui ont voté non, mais le oui demeure la seule valeur de référence pour tout citoyen respectable. Reste une question, pourquoi ce référendum a-t-il suscité un tel « sursaut citoyen » ?

« Parce qu’il a trop tourné autour du contexte, et pas assez autour du texte », nous expliquent les tenants du oui. On aurait pu penser - comme on l’avait déjà espéré après le 21 avril 2002 - que ce « sursaut citoyen » appellerait une responsabilisation de la vie politique, consciente de devoir se renouveler. Que nenni. Les leçons du 21 avril furent oubliées à l’approche des échéances électorales qui l’ont suivi. De même, les résultats du référendum s’analysent désormais à travers la grille de lecture de l’élection présidentielle de 2007. Ces échéances électorales ouvrent de véritables trous noirs dans la vie et la pensée politique du pays. C’est un peu comme si la vie politique se limitait à exiger des citoyens l’application d’un principe assez simple : « Occupez-vous de ce dont on vous demande de vous occuper, quand on vous le demande. » Comme on demande à un chien de faire là où on lui dit de faire. Et après la promenade du soir, rentrez chez vous !

Devant ce constat décevant, une question nous préoccupe : où en sont les mouvements alternatifs ?

Depuis quelques années, des organisations plus ou moins définies, plus ou moins structurées, ont voulu faire de la politique autrement. Des hommes et des femmes, en dehors des partis et des programmes, ont voulu assumer la responsabilité de leur vie sociale, de leur vie, tout simplement. Que ce soit en France, en Italie, au Mexique ou au Brésil, force est de constater que pour des raisons plus ou moins différentes, cette alternative est aujourd’hui en panne. En France, des voix s’élèvent régulièrement pour accabler ces mouvements des pires maux de la terre. Altermondialiste est même, pour certains, synonyme d’antisémite.

C’est dire si ces mouvements restent incompris. Ils doivent de leur côté faire un effort de clarification de leur message.
La morosité de cette alternative s’explique par la volonté de certains de transformer une dynamique sociale en organisation politique, ordonnée et disciplinée. Or, cette alternative, si elle représente un intérêt, c’est d’être un lieu où les pratiques et les pensées s’inscrivent dans une longue durée, sans être soumises à l’accélération ou à l’hystérie électorale.

Les mouvements alternatifs doivent être capables de créer des instances où l’on pense la démographie, l’écologie, la médecine, l’éducation, en dehors des discours politiques qui obligent systématiquement à passer par le mensonge pour gagner des élections. En ce sens, les alternatifs ont vocation à impliquer tout le monde, ils n’entrent dans aucune compétition.

LULA. À quelques jours de la venue en France du président brésilien, Lula, penchons-nous sur son exemple. Que disent nos amis du Mouvement des sans-terre dans leur rapport avec Lula ? Ils préfèrent le voir à la tête du gouvernement et disent ouvertement qu’ils voteront pour lui à la prochaine élection, parce que sinon, ce sera pire. Pour autant, leur situation ne s’est pas vraiment améliorée. Les « sans-terre » disent qu’ils ont des revendications précises à faire avancer et que, avec ou sans Lula à la tête du gouvernement, ils savent ce qu’ils ont à faire, en toute indépendance. Voilà une attitude qui devrait être méditée par Lula, lui-même, mais aussi par toute personne qui s’intéresse aux nouvelles formes d’organisation politique et sociale dans nos pays.
Les alternatifs doivent tenir bon sur des objectifs concrets, sans tomber dans les contradictions que la vie électorale entraîne forcément.

Miguel Benasayag est psychanalyste et philosophe. Dernier livre paru : « Abécédaire de l’engagement » (Bayard).