|
Miguel Benasayag présentera son dernier ouvrage, La fragilité
(La Découverte), le 19 avril 2004, à 19 h, à
la maison de l’Amérique latine (217, bd Saint-Germain,
75007 Paris). Une occasion de le retrouver et de lui manifester notre
soutien (après qu'il ai été viré de France
Culture par Laure Adler quand il expliqué que le gouvernement
appliquait déjà le programme du Front National).
http://www.place-publique.fr/article600.html
Pourquoi un tel sentiment d’impuissance étreint-il
notre époque ? Après des siècles d’une
modernité qui nous avait promis la pensée adéquate
pour comprendre le monde et les outils techniques pour le transformer,
pourquoi sommes-nous devenus les spectateurs passifs d’une
histoire qui paraît nous échapper, témoins d’«
un horizon obscur et clos, impossible à déchiffrer
? » Pour Miguel Benasayag, le problème vient des séparations
créées par la modernité : entre la pensée
et l’agir, entre le rêve et la pratique, entre le monde
et l’individu... Pour les dépasser, il propose deux
chemins. Celui de la philosophie qui dénonce les illusions
du libre-arbitre : nous nous croyons libres du fait que nous ignorons
nos chaînes, expliquait Spinoza. Et celui des récentes
découvertes en neurophysiologie, telles celles du Chilien
Francisco Varela qui nous montre que la réalité n’existe
pas indépendamment des perceptions que nous en avons. Autrement
dit, il n’y a pas de savoir dissocié de l’action.
Construire une pensée de l’agir : voilà la
motivation de Benasayag. Depuis plusieurs mois, chaque matin vers
8h30 sur France Culture, il distillait des mots pour nous éveiller,
nous réveiller. Le voilà privé d’antenne.
Licencié vendredi dernier par la direction de la station,
qui lui reproche sa lecture du monde trop « engagée
». Une décision qui a ému ceux qu’il côtoie
depuis des années dans ses engagements, tels Droit au logement
ou le Syndicat de la magistrature.
Miguel Benasayag aime citer l’Italien Antonio Gramsci : «
L’ancien monde a déjà disparu, le nouveau monde
n’est pas encore là, et dans cet entre-deux les monstres
apparaissent ». Ces monstres, en Argentine, il ne les a que
trop connus. Emprisonné, torturé, il a vu mourir des
proches. C’est aussi ce qui l’aide à comprendre
et à accepter cette idée, chère à Gilles
Deleuze, que « la vie n’est pas quelque chose de personnel
». La phrase dérange. A l’ère du narcissisme
généralisé, ne revendiquons pas nous-même
d’être une sorte de quartier général autour
duquel le monde s’organiserait ? Pourtant, dans des situations
qui mettent en jeu l’amour, l’art, la science ou ce
que Benasayag appelle la « politique libertaire » -
le souci de lutter contre l’injustice sans tomber dans les
jeux de pouvoir -, nous faisons l’expérience sensible
d’appartenir à un tout qui dépasse notre «
petit moi ».
Quittons la posture de l’ingénieur, « qui conçoit
un modèle et tente de l’appliquer au monde »,
pour devenir des êtres conscients de leur fragilité.
Ainsi l’abandon de la toute-puissance peut nous délivrer
de la tristesse impuissante. Au lieu de nous projeter dans l’avenir,
habitons d’abord le présent, petit mot dont on oublie
trop souvent qu’il signifie à la fois « maintenant
» et « cadeau ».
La fragilité, par Miguel Benasayag (La Découverte,
17 E). On peut aussi relire Parcours, autobiographie sous forme
d’entretiens (Calmann-Lévy, 2001).
Philippe Merlant
Chronique parue dans La Vie, du 24 mars 2004.
www.lavie.presse.fr
A lire, les réactions de plusieurs associations et personnalités
des mouvements sociaux, sur le site du réseau IPAM (Initiative
Pour un Autre Monde) :
http://www.reseau-ipam.org/article.php3
?id_article=196
|
|