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Crise de l’autorité ou crise de la démocratie ?
Document de travail dans l’Education Nationale (remis en forme)
Jean Ferette


Entretien avec Gérard Mendel, psychanalyste et sociologue.

Face au thème de la sécurité, brandi par tous les candidats, Gérard Mendel analyse le recours systématique à la notion d’autorité. Symptomatique, selon lui, de « notre fatigue du désaccord, donc de la démocratie ».

Entretien publié dans Télérama du 3 avril 2002.

L’autorité est ce par quoi on obtient une obéissance volontaire sans avoir à donner d’explication, sans discussion et sans contrainte physique.

Pour les enseignants, l[autorité] représente la vertu cardinale : on la confond avec sens pédagogique, prestige, expérience… Pour les libertaires de Mai 68, il signifiait répression : on le confond avec pouvoir, force, coercition. Et quand Jack Lang parle de restaurer l’ autorité à l ‘école, il préconise le filtrage des entrées, des grilles autour des établissements, l’augmentation du nombre de surveillants, des conseils de discipline avec des barêmes de sanctions. Autrement dit, la restauration de la force et de la discipline, ce qui est précisément le contraire de l’autorité.

Pourquoi la restauration de la force est-elle le contraire de l’autorité ?

La force n’est pas l’instrument de l’autorité, elle en est le recours ultime.

Télérama : De quoi parlons-nous lorsque nous diagnostiquons la « crise de l’autorité », et que promettent les politiques lorsqu’ils veulent restaurer l’autorité de l’Etat ? Simple nostalgie d’un âge d’or révolu ?

GM : [....] Tous ceux qui disposent d’un pouvoir rêvent d’être obéis sans que cela ouvre un conflit (c’est ça, l’autorité). cela concerne aussi bien les hommes politiques que les policiers, l’homme traditionnel avec son épouse, les parents vis-à-vis des enfants, les professeurs avec les élèves, le gardien de prison avec les prisonniers. Or à l’heure actuelle où tout est objet de conflit, c’est-à-dire de négociation, l’usage en dépit du bon sens de la notion d’autorité dit notre immense fatigue du désaccord, notre fatigue, donc, de la démocratie, notre rêve infantile du consensus.

Pourquoi l’autorité est-elle moins fatigante que la démocratie ?

Télérama : Vous détaillez dans votre livre* l’opposition entre démocratie et autorité. En quoi sont-elles antagonistes ?

G.M : En tout : la démocratie est née avec la modernité, qui s’est construite dans la lutte contre l’ordre traditionnel, contre les hiérarchies héréditaires ; la démocratie est égalitaire et individualiste, et l’autorité est à soubassement familialiste, c’est-à-dire concevant l’individu construit par sa communauté et la société comme une grande famille. La démocratie, c’est ne pas nier le désaccord, chercher à faire le tour du problème de manière objective. L’ autorité au contraire est de l’ordre de la subjectivité. La démocratie est un mode de régulation des contradictions sur la base de la discussion, tout le contraire des décisions autoritaires, qui ne se négocient pas.

L’autorité vous fait redevenir petit enfant en faute. L’autorité met en jeu des phénomènes très archaïques de la petite enfance.

L’autorité est d’abord un phénomène consubstanciel à l’être humain, construit par le schéma familial. Le petit enfant vit pendant des années - fait exceptionnel parmi les espèces animales - dans la dépendance de ce que l’on appelle famille. Pendant tout ce temps il va développer en lui des représentations coupées de la réalité, ce que j’appelle l’archaïsme psychologique : c’est le fantasme de toute-puissance, ou du tout-plaisir. Cet l’archaïsme psychologique a aussi sa face sombre : la peur devant les frustrations, de n’être plus aimé.

Aucune société ne peut vivre dans l’archaïsme (qui est une négation de l’autorité). Mais toutes ont cherché à conserver socialement le prolongement de l’enfance. L’autorité témoigne à la fois de ce prolongement et d’une défense contre notre angoisse d’abandon. Quand le Général de Gaulle disait « moi ou le chaos », il était au coeur de ce qu’est l’autorité .

Pourquoi peut-on qualifier l’autorité de « régressive » ?

DÉBAT : Autorité et démocratie sont-ils compatibles ?


* Une histoire de l'autorité
Gérard mendel
Ed La découverte
256 p 18,50 euros


lien d'origine :
http://www.ac-versailles.fr/PEDAGOGI/ses/ecjs/sequences/seconde/autorite-democratie.htm

Jean Ferrette    Contact Jean Ferrette