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Origine : http://www.humanite.presse.fr/journal/2005-02-19/2005-02-19-457012
Les chômeuses allemandes menacées de trottoir
À l’heure où Borloo renforce le contrôle
sur les chômeurs pour les caser dans le premier emploi venu,
l’exemple d’outre-Rhin, dont il s’inspire, donne
à réfléchir. En Allemagne, avec la réforme
Schröder en vigueur depuis janvier, les chômeurs de longue
durée sont tenus d’accepter n’importe quelle
offre d’emploi proposée par l’Agence fédérale
pour l’emploi (BA), l’équivalent de l’ANPE
en France. En cas de refus, le chômeur s’expose à
une perte de son allocation. « Tout emploi est acceptable
», martèle le ministre de l’Emploi. Le hic, c’est
que la prostitution a été légalisée
en 2002. « Vendeuse de charme » est donc un métier
comme les autres, et la presse a révélé récemment
plusieurs cas de femmes aiguillées par le BA vers des établissements
de charme dont les annonces étaient ambiguës. «
Nous payons nos cotisations sociales, il est donc normal qu’on
profite aussi des services de l’agence pour l’emploi
pour trouver du personnel », a revendiqué la Fédération
allemande des métiers du sexe, citée par le Matin
de Genève.
Juridiquement, les chômeuses allemandes peuvent donc être
tenues d’accepter ces emplois inhumains, ou alors éjectées
de l’assurance chômage, pour les avoir refusés.
De quoi alléger les statistiques du chômage.
Fanny Doumayrou
"Si vous n'acceptez pas de vous prostituer, nous supprimerons
vos allocations"
Par Clare Chapman (30/01/2005)
Une serveuse de 25 ans qui avait refusé un emploi qui consistait
à fournir des "services sexuels" dans un bordel
de Berlin pourrait se voir refuser le versement de ses allocations
chômage en application de lois votées cette année.
La prostitution a été légalisée en Allemagne
il y a un peu plus de deux ans, et les propriétaires de bordels
qui doivent payer des impôts et des assurances maladies à
leurs employées ont été autorisés à
consulter les bases de données officielles de demandeurs
d'emplois.
La serveuse, une professionnelle des technologies de l'information
sans emploi, avait mentionné qu'elle était prête
à travailler dans un bar de nuit et qu'elle avait déjà
travaillé dans un café.
Elle a reçu une lettre de l'agence pour l'emploi lui disant
qu'un employeur potentiel était intéressé par
son "profil" et qu'elle devrait le contacter. Ce n'est
que lorsque cette femme dont l'identité n'a pas été
révélée pour des raisons légales a appelé
l'employeur en question qu'elle a réalisé qu'elle
avait un directeur de bordel au bout du fil.
Depuis les réformes sociales en Allemagne, une femme de moins
de 55 ans qui a été sans emploi depuis plus d'un an
peut être forcée à prendre un poste vacant y
compris dans l'industrie du sexe sous peine de perdre ses allocations
chômage. Le taux de chômage dans ce pays est en augmentation
depuis onze mois et a atteint la barre des 4.5 millions le mois
dernier, amenant le nombre de chômeuses et de chômeurs
à son apogée depuis la réunification en 1990.
Le gouvernement avait envisagé de placer les bordels en dehors
des employeurs potentiels sur la base de considérations morales,
mais a finalement décidé qu'il serait trop difficile
de les distinguer des bars. En conséquence, les agences pour
l'emploi doivent traiter les employeurs à la recherche d'une
prostituée de la même manière que ceux cherchant
une infirmière dentaire.
Quand la serveuse a entamé une procédure judiciaire
à l'encontre de l'agence pour l'emploi, elle s'est rendue
compte que celle-ci n'avait pas enfreint la loi. Une agence qui
ne pénalise pas les personnes qui refusent un emploi en leur
supprimant leurs allocations peut faire face à des procès
de la part de l'employeur potentiel.
"Il n'y a rien dans la loi qui empêche les femmes d'être
envoyées dans l'industrie du sexe" nous dit Merchthild
Garweg, une avocate de Hambourg spécialisée dans de
telles affaires. "Le nouveau règlement établit
que désormais il n'est plus immoral de travailler dans l'industrie
du sexe, et en conséquence on ne peut plus refuser aucune
offre sans prendre le risque de se voir supprimer ses allocations."
Mme Garweg explique que des femmes ayant travaillé auparavant
dans des centres d'appels se sont vues proposer des postes pour
des téléphones "roses". Dans une agence
de la ville de Gotha, on a dit à une femme de 23 ans qu'elle
devait se présenter à un entretien d'embauche pour
"poser nue" et devrait ensuite revenir à l'agence
pour faire un compte rendu de cet entretien. Les employeurs de l'industrie
du sexe peuvent aussi poser leurs propres annonces dans les agences,
une nouveauté entrée en vigueur ce mois-ci. Une agence
qui refuse d'accepter l'annonce peut être poursuivie.
Tatiana Ulyanova, qui possède un bordel dans le centre de
Berlin, a consulté la base de données de son agence
locale afin de trouver de nouvelles recrues.
"Pourquoi ne pourrais-je pas chercher de nouvelles employées
dans une agence pour l'emploi alors que je paye des impôts
comme tout le monde ?" demande Mme Ulyanova.
Ulrich Kueperkoch voulait ouvrir un bordel à Goerlitz, dans
l'ex-Allemagne de l'Est, mais l'agence locale retira son annonce
demandant douze prostituées en affirmant qu'il lui serait
impossible de les trouver.
M. Kueperkoch répondit alors qu'il était sûr
de la demande pour un tel établissement dans la région,
et qu'il envisageait de demander compensation auprès des
plus hautes autorités. La prostitution a été
légalisée en Allemagne en 2002 par le gouvernement
qui pensait ainsi mieux combattre le trafic de femmes et couper
les liens avec les organisations criminelles.
Mme Garweg estime que les pressions sur les agences pour l'emploi
afin qu'elles fournissent des "employées" auront
bientôt pour effet de les pousser à supprimer les allocations
de celles qui refuseront de se prostituer.
"Elles sont déjà préparées à
orienter des femmes vers des emplois liés aux services sexuels,
mais qui ne sont pas considérés comme de la prostitution"
nous dit Mme Garweg.
"Maintenant que la prostitution n'est plus considérée
par la loi comme immorale, il n'y a plus que la bonne volonté
des agences qui peut les empêcher d'orienter les femmes vers
des emplois qu'elles ne veulent pas prendre"
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