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Esclavage : désaccord autour du Mémorial
Nantes - 31 Mars 2012
Philippe GAMBERT

Origine : http://www.ouest-france.fr/esclavage-desaccord-autour-du-memorial-2076206

Des militants veulent que soient inscrits dans des espaces libres près de l'entrée du passage souterrain, « les débuts politiques et juridiques de l'histoire dont il célèbre la fin. » Des militants veulent que soient inscrits dans des espaces libres près de l'entrée du passage souterrain, « les débuts politiques et juridiques de l'histoire dont il célèbre la fin. »

Des militants soutenus par Christiane Taubira, ministre de la Justice, demandent que le Mémorial de l'abolition de l'esclavage fasse référence au Code noir, recueil d'articles légalisant l'esclavage en 1685.

Le Mémorial de l'abolition de l'esclavage doit-il évoquer clairement les origines légales de la traite et de l'esclavage des Noirs en France et notamment l'édit de 1685 en particulier ? Des militants, dont le philosophe Louis Sala-Molins, le comédien et metteur en scène nantais Peter Lema et l'avocate historienne Rosa Amelia Plumelle-Uribe, auteur de La férocité blanche, militent en ce sens depuis des mois.

Ils ont envoyé en janvier une lettre pétition à Patrick Rimbert, maire de Nantes jusqu'à vendredi prochain. Missive sans réponse à notre connaissance. Pour eux, pas de doute, le Mémorial de l'abolition de l'esclavage, doit proposer, en son sein même, un récit contenant « le début de l'histoire qu'il raconte ». Il doit donc « mentionner les débuts politiques et juridiques de l'histoire dont il célèbre la fin ». Les militants réclament « une référence au Code noir, document signé par Colbert et Louis XIV, légalisant l'esclavage en 1685 ».

Débat sur le rôle du monument

Le débat n'est pas nouveau. Il a été initié en fait depuis plus de deux ans, peu de temps après l'ouverture du Mémorial. Il a trait au rôle de ce monument. Pour la Ville, « c'est un lieu de mémoire qui renvoie à l'histoire, mais ce n'est pas un lieu didactique de l'histoire ». C'est au château des Ducs, où le Code noir est explicité notamment, que revient ce rôle de raconter la traite du début à la fin. Et pour relier les deux sites, la ville a créé un parcours didactique, jalonné de totems (panneaux avec des textes explicatifs).

Mais Louis Sala Molins, Peter Lema et tous les militants qui les soutiennent ne sont pas d'accord. « De nombreuses personnes ne vont qu'au Mémorial, précisent-ils. Si on ne parle pas du début de l'histoire, le visiteur peut quitter le monument sans savoir, parce qu'il n'en souffle mot, que ce crime contre l'humanité (la traite et l'esclavage) ne fut pas l'oeuvre d'une bande de brigands (les négriers, (....) mais celle de la volonté du pouvoir royal solennellement proclamée et codifiée, inlassablement réitérée. »

Une mention avant le 10 mai ?

Le débat prend une tournure encore plus forte avec le soutien de la ministre de la Justice en personne, Christiane Taubira.

La garde des Sceaux apporte, « avec beaucoup de conviction », écrit-elle dans une lettre du 24 mars dernier et adressée à Louis Sala-Molins, son soutien à une démarche « qui vise à parfaire la mission de mémoire de monument symbolique », grâce à « l'évocation de la codification de la traite et de l'esclavage par le pouvoir royal ».

La ministre, à l'origine ,lorsqu'elle était parlementaire, de la loi déclarant l'esclavage et la traite, « crimes contre l'humanité », va même plus loin puisqu'elle souhaite que « ce geste d'une belle grandeur se concrétise avant le 10 mai, Journée nationale des mémoires de la traite, de l'esclavage et de leurs abolitions ». Et pour mieux mettre tout son poids dans la balance, elle a envoyé un courrier au Premier ministre, Jean-Marc Ayrault. Voilà qui doit mettre dans l'embarras la mairie de Nantes.

Le Mémorial, lieu d'apaisement

La municipalité a toujours craint que ce Mémorial soit assimilé à une démarche de repentance, alors que le but recherché est au contraire que ce soit un symbole d'apaisement : « Un lieu de recueillement et de réflexion sur l'esclavage d'hier et d'aujourd'hui et aussi un appel à lutter contre toutes les formes de racisme et de discrimination », selon Jean-Marc Ayrault.