(Lesbian and gay pride)
Le Mauvais genre est dans la rue !
mai 2000.
C'est au dix-neuvième siècle, quand on a commencé
à opérer des hermaphrodites et des pseudo-hermaphrodites,
que la notion d'identité sexuelle « mentale » s'est
imposée, primant l'identité « biologique »
: mêmes si leurs organes étaient plus près d'un
des deux sexes biologiques, on a fini par comprendre qu'il valait mieux
que la chirurgie attribue aux hermaphrodites le genre dans lequel ils
se sentaient à l'aise. Encore aujourd'hui des associations d'hermaphrodites
demandent qu'on laisse les enfants intersexués tels qu'ils sont
à la naissance pour qu'à leur majorité ils puissent
choisir eux mêmes le sexe de leur choix, ou rester tel qu'ils
sont.
Même si la première opération de changement de
sexe « le cas de Dora » remonte au Berlin d'avant le nazisme,
le terme « transexuel » date des années 50. Il désigne
des personnes désirant vivre ou vivant sous une identité
contraire à celle de leur sexe biologique. En fait les trans
ont bénéficié des avancées de la science
réalisées sur les hermaphrodites : hormones, chirurgie
réparatrice du sexe.
La France tirant profit de la notion « d'indisponibilité
des personnes », visant les conscrits qui, sous Napoléon,
se mutilaient pour ne pas aller à la guerre a longtemps interdit
de telles opérations. Depuis quelques années, elle a été
obligée d'accorder sa législation à la réglementation
européenne en la matière, pour que les personnes opérées
obtiennent leurs changements d'identité.
Des psychiatres de Sainte-Anne, Lacan en bandoulière, ont protesté
que c'était là une atteinte intolérable «
au nom du père » (à leur père de quoi ?).
Les trans subissent aujourd'hui la vague d'ordre moral, noyant le pauvre
Freud dans l'eau bénite. Une catho-psy, Colette Chilland, dans
un livre récent, parle même d'atteinte « aux fondements
de la civilisation » ! Héritage des interdits bibliques,
quand d'autres civilisations ont su respecter leurs « transgenres
» (des « rérés » de Tahiti aux «
deux esprits » amérindiens). Les assassinats d'efféminés
par les fondamentalistes musulmans relève de l'héritage
colonial judéo-chrétien.
Libre disposition de son corps
La solution libertaire pour les transexuels, c'est la libre disposition
de son corps, c'est de brûler tous les papiers d'identité,
tous. En attendant les interdits nourrissent le racket des avocats,
des experts médicaux (il n'y a pas si longtemps, à Paris,
il fallait pour changer de sexe un certificat de bonnes mœurs établit
par le commissariat !). Les trans sont victimes de la discrimination,
de la violence urbaine et les autorités refusent de donner des
papiers aux trans algériennes en exil à Paris, les contraignant
à la prostitution. Au plus bas de l'échelle sociale, la
condition carcérale des trans ajoute l'horreur à l'horreur
: isolement, viol par les matons… La presse bourgeoise vient de
découvrir ce que tous les intéressés savaient depuis
toujours : des trans prostituées par des matons aux autres détenus.
Ça vous semble vraiment invraisemblable ?
Les spécialistes américains, qui ont inventé les
concept de transexualité, face au puritanisme, ont développé
une martyrologie transexuelle spiritualiste (une « âme de
femme » dans un corps d'homme ou une « âme d'homme
» dans un corps de femme).
Le but était de faire sortir cette population du domaine de
la perversion pénale. Du coup les juges, les psys débattent
pour savoir s'ils ont affaire à de « vraies » ou
« fausses » trans, avec des arguties sans fin qui ont des
répercussions lourdes sur la vie des intéressés.
Les personnes vivant sous une identité opposée à
celle de leur sexe de naissance sans vouloir aller jusqu'à l'opération
sont mal vues, exclues du monde du travail pour cause de prénoms
et de numéro de sécurité sociale inadéquats
: comme si la société poussait à une opération
qui reste difficile et dangereuse.
La transexualité, le transgénérisme, n'est pas
un état plus « radical » qu'un autre, mais il révèle
combien le féminin et le masculin sont pétris de social.
Ce qui devrait intéresser les libertaires, outre la solidarité
avec des personnes manifestement discriminées, c'est d'observer
comment l'Etat s'arroge, par ses médecins, ses juges, son administration,
ses flics, une mainmise accablante sur la vie de quelques individus.
Aujourd'hui quelques associations de trans militent pour leurs droits
: le Syndrome de Benjamin, Caritig, le Pastt.
Leur discours est le plus souvent réformiste, même si
on y rencontre quelques libertaires, mais dès que des gens se
réunissent pour lutter ensemble et pour qu'on ne parle plus à
leur place, la liberté a avancé.<
Hélène (Paris)
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