Origine : http://nantes.indymedia.org/article/12511
Sur chaque tract et affiche des candidats de la LRC aux législatives,
on pouvait lire en bas "X, soutenu(e) par Olivier Besancenot."
Avec en prime, sur les affiches, une photo du facteur en question.
En quoi est-ce que le fait d’être soutenu ou non par
Oliver Besancenot constitue un argument rationnel invitant au vote
LCR ?
Ce type de mention - tampon label rouge - paraît pour le
moins étrange, surtout quand on entend par ailleurs des militants
de la Ligue expliquer qu’ils sont opposés à
toute personnalisation médiatique du parti autour de Besancenot,
qu’il n’est qu’un porte parole, que c’est
le collectif de la Ligue qui prime, etc.
La LCR a produit un candidat séduisant qui passe très
bien dans les médias et, comme les publicitaires, elle entend
rentabiliser le capital sympathie de Besancenot. Que la Ligue commence
donc par assumer son choix de la stratégie marketing en politique.
Ensuite, nous pouvons discuter de ce choix. Mais si la Ligue pratique
la langue de bois, en faisant comme si elle refusait toute compromission
avec les formes médiatiques dominantes, alors il n’y
a même pas de débat possible. Qu’ils nous disent
« nous avons fait le choix d’une campagne utilisant
les stratégies de communication et de marketing issues de
la publicité, et la focalisation médiatique sur une
personne. » Car c’est le cas. Ils pourront ajouter ensuite
« car nous considérons que c’est une nécessité
politique dans le contexte présent. » Ce qui ouvre
le débat. Première mise en garde donc, sur la tendance
à l’hypocrisie, peu constructive. Amis de la Ligue,
arrêtez de nous prendre pour des cons, et de nous dire «
mais non, c’est faux, on ne fait pas de comm’ ! ».
Pourquoi nous contestons le recours aux stratégies
marketing en politique ?
Tout d’abord parce que c’est de l’espace pour
l’information politique sur les tracts et les affiches qui
est sacrifié. L’espace consacré à l’information
réelle, et donc subversive, est tellement limité qu’on
ne peut se permettre de le remplir de photos design ou de symboles
100 % marketing.
La publicité mérite toujours un décodage.
La phrase de comm’ à partir de laquelle nous discutons
signifie en clair "X est copain/copine avec le facteur que
vous trouvez sympa, donc c’est super, votez pour lui/elle
!" Le but est clairement de créer une effet cognitif
de séduction, utilisant le capital sympathie du leader d’extrême
gauche le plus médiatiquement côté. La démarche
est donc anti-réflexive : c’est de la publicité.
Faut-il rappeler que les voix de personnes qui ont besoin des mentions
"vu à la télé" et "soutenu par
Olivier Besancenot" pour se prononcer, ne nous intéressent
pas pour construire une résistance durable ? Maintenir ces
personnes en situation de client errant dans le supermarché
politique, c’est permettre qu’à la première
réforme anticapitaliste menaçant le confort de leur
non-vie, elles votent pour nos ennemis, exactement comme elles avaient
voté pour la résistance, selon les mêmes procédés
publicitaires. La prise de pouvoir ne doit que succéder la
prise de conscience ! Toute prise de pouvoir déconnectée
d’une prise de conscience, d’un changement profond dans
les mentalités, n’est qu’illusoire, et donc dangereuse
car elle débouche toujours sur un bain de sang. Tirons des
leçons de l’histoire : « Les révolutions
qui commencent en troupeau finissent à l’abattoir.
»
L’urgence est au contraire d’informer sérieusement
ces personnes pour qu’elles ne choisissent plus leur candidat
comme elles choisissent entre Fanta et Coca, en fonction d’un
slogan martelé pour éviter toute réflexion,
en fonction de la tête maquillé d’un candidat
formaté et fashionisé.
On est d’accord pour dire que la spectacularisation de la
politique, débutée dans les années 1960, a
dramatiquement appauvri le débat d’idées. Pourquoi
dans ce cas décidez-vous d’y participer allègrement
? Les mêmes causes produisent les mêmes effets. Mêmes
recettes marketing, mêmes gâteaux aliénants.
Comme elles sont dramatiquement oubliées, les critiques de
l’industrie culturelle et de la société du spectacle.
Avec comme leader de l’anticapitalisme, un beau petit prince
mis en scène et qui signe des autographes, les bourgeois
doivent tranquillement sourire et se reposer sur leurs billets.
Utiliser des procédés cognitifs de persuasion, (usage
cynique de la psychologie et de la sociologie), qui font d’autrui
un être passif, un client à séduire, malgré
lui, c’est clairement collaborer et prendre joyeusement part
à la mortifère mascarade spectaculaire qui colonise
l’ensemble de nos vies.
Nous cherchons à convaincre des humain-e-s que la seule
vie qui vaille est une vie digne, debout. Nous cherchons à
expliquer à nos proches que courber l’échine
sous les coups de la domination, ou participer par l’inaction
au massacre collectif de l’espèce humaine et de son
ecosystème est insupportable. C’est un constant travail
philosophique, de dissidence, c’est-à-dire un effort
pour nous arracher les un-e-s les autres à ce monde que nous
contestons. Nous ne cherchons pas à exploiter les failles
psychologiques des quelques âmes qui se posent quelques questions
pour les amener à foutre un bulletin inutile dans une boîte
magique.
Le but de l’information politique est que les gens ne votent
plus pour des candidats-stars. Comme disait Coluche, « il
suffirait que les gens arrêtent d’en acheter pour qu’ils
arrêtent d’en vendre. » A mesure que le travail
critique progressera, le système se videra, les candidats
fantoches perdront, les Mac Do seront désertés. On
n’est pas arrivés, certes, mais le constat pessimiste
et déprimant ne doit pas démotiver l’action,
et encore moins la compromission.
Nous ne croyons plus à la stratégie court-termiste
disant qu’il faut d’abord utiliser la pub pour faire
élire un candidat-star pour, une fois au pouvoir, abolir
la pub. D’abord, parce qu’une fois au pouvoir, on cherche
avant tout à s’y maintenir. Ensuite, parce que l’électorat
ainsi berné refusera toute révolution de sa vie quotidienne.
Face à la puissance des idéologies qui nous formatent
(rapport au corps, à l’autre, à la nature, culte
de l’image, du paraître, etc.) nous luttons ensemble
pour une désintoxication collective. C’est pourquoi
il nous semble impossible employer des moyens grossièrement
toxiques tels que la pub et le fashion style de la Ligue.
Vous invoquez sans cesse le sacro-saint argument du « pragmatisme
» et du « réalisme politique ». Mais en
quoi est-ce pragmatique d’utiliser des techniques de comm’
pour faire perdre des législatives pourries ?
Amilitant-e-s de la Ligue, les deniers que vous versez au parti
ont servi à financer un marketing politique nécessairement
aliénant. Des milliers d’euros pour maintenir l’électeur
et les lecteurs de tracts dans l’apathie spectaculaire, des
milliers d’euros dépensés pour faire moins de
3% à des élections qui ne nous intéressent
pas, des milliers d’euros qui auraient pu servir à
construire une résistance de fond contre un capitalisme de
fond, ou à aider concrètement les victimes de la répression
politique et économique.
Soutenir les victimes du capitalisme nous semble être une
nécessité éthique, mais c’est aussi un
premier acte de politisation. Une victime de la justice d’abattage
aidée par une association sera bien plus politisée
qu’un consommateur temporaire de slogans sur papier glacé
ou de photos à la mode.
Chaque année vous achetez un stock de drapeaux neufs aux
couleurs du Parti. C’est ça, le pragmatisme ?
Pour une critique constructive de la Ligue, lire aussi :
- Quittez les partis (Réaction à la lettre de démission
de la LCR par Willy Pelletier)
http://dissidence.over-blog.com/article-6685422.html
- "On ne fait pas la loi à qui risque sa vie
devant le pouvoir"
(Réaction au "je désapprouve" d’Olivier
Besancenot, suite aux révoltes du second tour)
http://dissidence.over-blog.com/article-6719666.html
D i s s i d e n c e .fr
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