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Origine http://nopasaran.samizdat.net/article.php3?id_article=467
Depuis une dizaine d’années, le racisme fait périodiquement
la une des journaux. L’épisode actuel est en partie
dû au discours de Le Pen lors de l’université
d’été du Front National, affirmant "l’inégalité
des races". Depuis on a vu monter au créneau les hommes
politiques de droite et de gauche. Toubon y va de sa loi contre
le racisme, les partis de gauche mettent en place un comité
de vigilance. Les élections de 98 se profilent à l’horizon.
La lutte des sans-papiers continue.
Une des forces du système actuel est d’arriver à
cacher le racisme réel qui est à l’œuvre
! Les médias jouent un rôle primordial. L’éclipse
de la vérité se fait par la mise en spectacles de
ce que disent ou` vivent les gens. Ces différents spectacles
médiatiques recherchent l’émotion. Si l’émotion
est trop forte, elle peut servir momentanément ceux et celles
qui luttent et peut se retourner contre le pouvoir (dans ce cas,
les médias revoient rapidement la mise en scène).
Mais l’émotion a aussi pour objet d’éloigner
le spectateur de la raison, de la réflexion. Elle le rend
extérieur à l’événement, alors
qu’il se croit proche de l’acteur. Pour un même
sujet, les spectacles sont juxtaposés de telle sorte que
le spectateur ne puisse voir les liens, les contradictions. Ainsi,
le spectateur en retirera l’impression que tout se vaut, l’incitant
à la passivité.
La question du racisme peut illustrer ces phénomènes
18 mars, 300 sans-papiers occupent l’église Saint-Ambroise
et demandent une régularisation collective. Leur lutte connaît
de nombreuses péripéties (plusieurs expulsions, création
d’un collège de médiateurs...). Les médias
en parlent et nombreux sont les spectateurs émus par la situation
des parents d’enfant franc,ais, des couples mixtes, des personnes
présentes en France depuis plus de 10 ans,... Mais cette
émotion n’entraîne pas un soutien actif. La mise
en avant de personnalités civiles ou religieuses pour accroître
l’effet médiatique peut aussi être à double
tranchant : poids des personnalités, lutte pour la valorisation
personnelle, sans parler du Hic de l’abbé Pierre avec
l’affaire Garaudy.
Les questions posées par la lutte des sans-papiers ne sont
pas débattues : rapports Nord-Sud, liberté de circulation
de tous les habitants de cette planète. Le consensus émotionnel
permet de ne pas remettre en cause le consensus sur la politique
xénophobe et raciste mise en oeuvre par l’Etat franc,ais
depuis 1974.
Mai-juin 96, le Front National refuse d’être qualifié
d’extrême droite
Le Front National est en mal de respectabilité pour devenir
un parti en situation de prendre le pouvoir. Il a donc lancé
une campagne qui se caractérise (entre autres choses) par
une série de demandes de "droit de réponse"
aux journaux qui ont accolé les termes "extrême
droite" à Front national. La justice a donné
gain de cause au FN et a condamné plusieurs quotidiens dont
"Le Monde" et "Libération" à publier
des droits de réponse du FN, du Club de l’Horloge (nouvelle
droite) et du quotidien "Présent".
Quelle est l’argumentation du FN ?
Le Pen a estimé que "la sémantique est aujourd’hui
un des terrains de l’affrontement intellectuel et politique"
et que "les mots ont une importance capitale". Ce qualificatif
"est dans le monde médiatique toujours associé
à la violence". "Quand il y a un attentat, un incendie,
un meurtre, des violences, on dit : "on ne néglige pas
la piste d’extrême droite", et on associe toujours
ce mot à ces images", déclare Le Pen. et il ajoute
"Après, il suffit de l’associer systématiquement
au Front national pour obtenir une espèce d’image subliminale",
une "image politiquement connotée".
Plus brutalement, le quotidien Présent affirmait mardi 11
juin que ce terme veut dire "raciste, nazi, etc, et ce sont
là des délits".Les dirigeants du Front national
ont compris depuis longtemps l’importance de la société
du spectacle. La sémantique dans ce cadre prend toute son
importance. Le FN veut que les médias montrent de lui une
image qui fasse oublier qu’il est synonyme de violence, de
meurtre, ...
L’explication du quotidien "Présent" est
plus crue et bien plus significative. En effet elle pose la question
suivante : "Peut-on accuser le Front National, Présent,
Le Club de l’Horloge, les satellites du FN de RACISTES ?".
Selon les termes de la loi, ils s’en défendent, criant
à qui veut l’entendre qu’ils n’ont rien
contre les arabes, les noirs, les indiens, .... que les noirs méritent
autant de respect que les blancs. En conséquence, la légalité
républicaine ne peut rien leur reprocher. S’ils étaient
racistes, ils seraient en situation permanente de délit.
Alors, tous les partis, associations, syndicats de l’hexagone
qui se revendiquent de la défense des droits de l’homme,
de la lutte contre le racisme, seraient en droit de porter plainte.
Ils ne le font pas !
Face à la campagne du FN, les médias ont porté
le débat sur la liberté d’expression des journalistes,
faisant jouer cette corde émotionnelle "Le FN, c’est
le grand méchant loup qui veut nous baillonner". La
question de fond sur la "substitution" du racisme biologique
par le racisme différentialiste n’a été
ni posée, encore moins débattue.
Aout 96 : Le Pen et l’inégalité des races
Université d’été du FN, Le Pen déclare
que les races ne sont pas égales. Émotion de nouveau
! Le Pen vient de franchir l’innommable. Pour les médias,
Le Pen revendique le racisme biologique, une des origines du nazisme,
de la Shoah.
Plus l’émotion est forte, plus le pouvoir (ou ceux
qui le veulent), l’instrumentalise, pour se blanchir. En effet,
que constate-t-on ?
- Les mêmes (Juppé en tête) qui mettent en oeuvre
le racisme et la xénophobie d’état, expulsent
les sans-papiers, se présentent comme les défenseurs
des libertés, qualifient Le Pen de raciste, xénophobe,
- Les mêmes (Toubon et Debré en tête) qui présentent
une nouvelle loi anti-immigrés, veulent faire voter une nième
loi antiraciste. Elle punirait de 300 000F d’amende et d’un
an d’emprisonnement "le fait de diffuser un message portant
atteinte à la dignité, à l’honneur ou
la considération d’une personne, ou d’un ou plusieurs
groupes de personnes en raison de leur origine ou de leur appartenance,
à une ethnie, une nation, une race ou une religion, qu’elle
soit ou non déterminée". Avec une telle loi,
gare à tous ceux et celles qui oseraient manifester contre
les sectes catholiques anti-avortements, la venue du pape en aout
97 à Paris.
- Le PS, le PCF, le Parti radical socialiste, Le Mouvement des Citoyens
et les verts ont décidé de "constituer un comité
de vigilance contre l’extrême droite, chargé
de conduire tout type d’action de nature à faire régresser
le racisme et la xénophobie". Tout ce beau monde se
montre à la télé. Vite oubliée, la politique
xénophobe du PS quand il était au gouvernement. Vite
oubliés, les bulldozers du PCF contre les foyers d’immigrés.
Pour être élu, la fin justifie les moyens
Dans deux élections partielles le 15/09/96, deux candidats
de droite ont été élus grâce à
un front républicain (RPR, UDF, PS, PCF, MEI3). Si pour de
nombreux électeurs, il est nécessaire de battre le
FN pour ne pas étouffer, on est en droit de se poser des
questions sur les objectifs des dirigeants politiques. Y aurait-il
un racisme honorable (racisme et xénophobie d’état)
face au racisme différentialiste du FN ? Ne serait-on pas
plutôt les élections des députés en 1998
qui les préoccupent avant toute autre chose ? On peut constater
que pour gagner les élections, les dirigeants politiques
sont prêts à tout. Clinton lance son armée contre
l’Irak, Eltsine contre les Tchétchènes. En France,
les immigrés sont les boucs émissaires. Jospin n’hésite
pas à dire que s’ils reviennent au pouvoir en 1998,
les expulsions seront nécessaires. Seul changement, elles
se feront dans la dignité !
Le spectacle antiraciste des partis institutionnels n’est
que la façade d’une politique raciste et xénophobe
de l’Etat, collant au programme du FN.
Georges (Scalp-Nantes)
Article extrait de "No Pasaran !", numéro 40, octobre
1996
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