Origine http ://www.ex-premie4.org/best-fr/bfr091700173038.htm
Date : Sept 19, 2000
Sujet : A propos du projet de loi/Manipulation Mentale
Voici un article intéressant écrit par R. Gonnet
(ex-fiento) sur le newsgroup fr.soc.sectes
Je vais tenter un tour global mais non exhaustif la question
'manipulation mentale', lavage de cerveau, contrôle mental
etc, en passant du sens général au sens restreint
(celui que la loi en cours sur les abus sectaires veut
cerner).
Premier acte : la 'manipulation mentale' existe et nous en connaissons
tous des preuves indubitables. (Cette partie est avant tout destinée
à établir le parallèle existant entre 'manipulation
mentale' qu'on pourrait séparer en 'consciente' et 'inconsciente').
J'emploie ici le terme 'manipulation mentale' au sens très
large d'influence sur le mental, pour m'approcher ensuite de la
définition plus restrictive qu'on lui donnera par exemple
en psychologie .
Rappel : cette 'manipulation' peut être positive ou négative,
ou les deux à la fois.
A : NIVEAU 'MANIPULATION MENTALE ' VIA LE PHYSIQUE :
1. Tout drogué aux drogues provoquant une accoutumance est
en permanence manipulé mentalement . On ne pense généralement
pas à faire le rapprochement entre contrôle mental
chimique et contrôle psychologique. Le parallèle n'est
pas si simpliste qu'il n'y paraît, puisqu'on connaît
à peine les mécanismes en jeu au niveau physique.
Le fumeur, l'alcoolique, l'héroïnomane, sont évidemment
dans ce cas. Certains patients qui prennent des médicaments
à accoutumance aussi.
La manipulation est permanente du fait que le besoin se fait sentir
même lorsque l'effet premier du produit - celui qu'on recherche
- a disparu.
2. Tout drogué ou patient soigné par des drogues
ayant des effets mentaux directs [psychiatrie par exemple] ou des
effets secondaires mentaux [hormones par exemple] est manipulé
mentalement via le physique. Cela inclut même l'aspirine,
qui est en mesure de provoquer une sensation de bien-être,
donc mentale. Ou tout poison, qui provoquera l'inverse. L'effet
n'est pas que physique, il a des répercussions sur la vie
subjective du patient.
3. Une majorité de patients subissant un traîtement
pour maladie ou symptôme de maladie subit un contrecoup mental
(amélioration ou détérioration) : même
là, il existe une forme de 'manipulation'.
Dans tous ces cas de 'manipulation' au niveau physique, la personne
a conscience de cette 'manipulation', et n'en est donc pas l'effet
vraiment involontaire si elle obtient l'effet recherché;
la manipulation ne devenant vraiment indue ou indésirable
que pour : - les toxiques à accoutumance - cela se fait peu
à peu et plus ou moins vite, - les médicaments à
effets secondaires indésirables, surtout lorsque l'effet
secondaire prend trop d'importance. (On pourrait mettre dans cette
catégorie certaines chimiothérapies en phase terminale,
provoquant plus de malaises que d'effets positifs).
B/ 'MANIPULATION MENTALE' au niveau mental/psychologique
(par la parole, l'exemple donné, les ordres communiqués
etc.)
On rencontrera ici aussi les deux catégories essentielles,
la première étant bénéfique ou neutre,
la seconde dangereuse.
1. Tout éducateur, parent, relation, spectacle,
lecture, publicité, etc. 'manipule' le mental de ceux à
qui il (ou cela) fait passer le savoir ou les idées, opinions,
images, etc. (*)
Ce sont les idées reçues, qu'elles soient exactes
ou pas, qui détermineront le comportement futur de la personne;
à ces idées etc. s'ajoutent les expériences
de la personne, ses goûts, ses aptitudes; rappelons qu'à
ce niveau, nous sommes dans l'imprévisible : qui peut dire
quel argument, quelle image, quelle méthode détermineront
quel choix précis? Pourquoi allons-nous choisir telle voiture?
Telle profession? Tel comportement face à une situation?
Tout simplement parce que nous pensons que c'est la chose à
faire; et si nous le pensons, c'est en fonction d'un nombre de critères
dont nous serions probablement bien en peine de citer tous les paramètres,
bien que certains soient beaucoup plus objectifs que d'autres [ce
qui aboutit parfois à des idées fixes très
répandues du type : 'les voitures allemandes sont plus solides
que les françaises', ou encore 'les femmes sont moins douées
que les hommes' : on obtient ici une forme de préjugé
proche de la 'manipulation mentale', manipulation qui serait due
à l'ensemble de la société.
Autre exemple : Le cannibale reçoit une éducation
qui le pousse à manger ses semblables, alors que les autres
seraient écoeurés à cette idée et la
trouveraient généralement barabare - sauf dans quelques
situations rarissimes de survie.
Pourtant, ces phénomènes connus - éducation
, publicité, lecture, discussion etc - sont très largement
admis par la société, même lorsqu'ils aboutissent
à des résultats passablement négatifs ou désastreux.
Nous connaissons tous des gens 'qui ont tout ce qu'il faut' - mais
vivent l'enfer.
Qu'est-ce qui a poussé une Mère Thérésa
ou un Gandhi à faire ce qu'ils ont fait? Quel paramètre
de son passé - combiné à son caractère
- fera prendre à un individu la décision de tuer,
personne ne l'ayant contraint ni ne lui ayant conseillé?
Quelle opinion ou autre influence peut faire créer à
un Staline une société de semi-esclaves, alors qu'il
partait en principe d'une 'belle idée altruiste de partage
des bienfaits de la nature et du travail'.
Quel raisonnement força par le passé les chrétiens
à assassiner, violer et piller, alors que les évangiles
leur conseillaient le contraire?
Nous avons ici un point commun : les choix effectués se fondent
sur la recherche d'avantages, que ces avantages soient supposés
altruistes ou égoïstes. Les avantages recherchés
dépendent de l'éducation etc.
Acte 2 : puisqu'on ne peut déterminer avec
précision relative les effets à long terme des 'manipulations'
qu'on appelerait bénignes ou conscientes - bénignes
puisque la société les admet, sera-t'il possible de
déterminer les effets des manipulations malhonnètes
- celles dont parle la seconde partie du projet de loi présenté
pour venir à bout des sectes coercitives?
C'est ici qu'on rejoindrait les définitions de l'escroquerie.
En effet, pour qu'il y ait manipulation mentale véritable,
au sens où l'entend le projet - et au sens où la majorité
des gens le comprenennt, il faut d'abord qu'il existe une escroquerie,
un mensonge quelconque.
Prenons l'exemple bénin du gamin qui dit qu'on lui a volé
son porte-monnaie afin d'obtenir un peu plus d'argent de poche cette
semaine-là : il fait prendre à ses parents une décision
qu'ils n'auraient pas prise sans l'existence de ce mensonge. C'est
une manipulation mentale - certes, les effets ne changeront pas
la face du monde, mais les faits sont là : de bonne foi, les
parents paient; c'est l'effet du mensonge.
Les sectes les plus dangereuses pratiquent ainsi à grande
échelle : en résumé, elles font croire à
la future victime qu'elles ont les réponses à ses
problèmes - altruistes ou égoïstes. Elles apportent
en effet certaines réponses ou conforts de vie (love-bombing,
amitié etc) -sans quoi nul n'y resterait plus de quelques
jours, mais elles sont loin de fournir les résultats qu'elles
promettent. Certaines se gardent de promettre du concret réalisable
dans cette vie, et mentent donc beaucoup mois ou pas du tout : on
sort des sectes pour pénétrer le domaine des croyances,
religieuses ou non.
Les sectes coercitives seront contraintes de mentir davantage pour
conserver leur clientèle. On découvre une gradation
de la taille ou de l'importance des mensonges, jointe à une
pression considérable destinée à empècher
que la vérité des faits ne soit découverte.
On peut ajouter ici que la 'hiérarchie' interne du mouvement
part du haut de la pyramide, le 'gourou', en s'appuyant sur une
'orthodoxie' plus ou moins complète des échelons intermédiaires.
Ex : les Jéhovistes connaissant le mieux la version jéhoviste
de la Bible et l'appliquant au plus près des ordres de la
Tour de Garde, seront jugés dignes d'être proches du
sommet, ou dignes d'être 'sauvés'. Les scientologues
seront jugés selon leur élévation dans la hiérachie,
qui s'obtient grâce à leur production augmentée
et conforme. [notons ironiquement que ceci va à l'encontre
de ce que disait le Christ : 'les premiers seront les derniers et
les derniers seront les premiers']
Aucune secte coercitive ne laisse volontiers ses clients se renseigner
sur les résultats, l'expérience, le passé de
leur gourou ou ses activités contraires aux buts qu'elles
déclarent.
Lorsqu'elles laissent découvrir certains aspects de leurs
magouilles ou de leurs intentions véritables (ex : 'nous voulons
conquérir le monde, car nous avons la vérité'
etc...), elles se retranchent derrière deux mécanismes
principaux :
- le premier, c'est la justification par la 'croyance'
de la détention de vérité absolue ou quasi
absolue : Moon vaut dix fois le Christ, Hubbard a découvert
la seule voie pour sortir du piège, Raël-Vorilhon est
le seul à avoir contacté des Elohims, les Jéhovistes
seront seuls à être sauvés - les chrétiens
disaient de même par le passé, etc. Aucune preuve n'en
est jamais fournie. Les clients ou croyants doivent croire, et la
discussion n'est pas admise : il y a coercition, parfois par la force
(massacres des infidèles, peine de mort envers les apostats,
et d'autres méthodes contraires aux droits de l'homme).
- le second, c'est l'escalade des mensonges. Le
client ou le 'croyant' à qui l'on a promis monts et merveilles
doit attendre l'étape suivante pour parvenir au résultat
escompté. Pour cela, dans les sectes coercitives, il doit
payer de sa personne et de sa poche, tandis que les religions se
contentent de lui demander de se plier à certains rites -payer
de sa personne-, sans exiger nécessairement d'oboles; seuls
ceux qui sont décidés peuvent participer, bien qu'on
le leur demande parfois avec insistance.
Ce second mécanisme de contrôle mental est en permanence
complété au fur et à mesure de la progression
du mouvement sectaire. La secte fait de nouvelles 'découvertes',
elle trouve davantage d'explications et de justifications, elle
exige que l'adepte se plie à de nouveaux rites, qu'il participe
à d'autres activités, qu'il soit meilleur prosélyte,
etc. (Plus la secte obtient de l'adepte, plus il est coincé
ici par un sous-mécanisme connu, qu'on peut ainsi résumer :
on aime davantage ceux que l'on aide que ceux qu'on n'aide pas,
ou encore : on préfère généralement
plaire à autrui et le satisfaire que lui faire la guerre).
De nouveaux ouvrages du gourous sont publiés, de nouvelles
conférences, etc.
Résumé :
- Le véritable contrôle mental ne peut s'exercer sans mensonge
connu. Les auteurs de ces mensonges mentent par action ou par omission
(on prétendra ne pas tout dire sous prétexte que 'ce
ne serait pas compris ni acceptable au non-initié').
- Les preuves de résultats promis ne peuvent être fournies
sur la durée, ou le mensonge continue à être
perpétré alors qu'on sait, en haut de la hiérachie,
qu'il y a tricherie : c'est ici qu'on trouve l'escroquerie. (on taira
soigneusement les vices cachés du gourou, par exemple, ou
on les justifiera par des pouvoirs inexistants, allant jusqu'à
vendre dans certains cas à prix d'or des fioles de son sang
ou de son sperme doté de 'pouvoirs').
- Une large majorité d'adeptes participe très vite
au mensonge; toutefois, les débutants le font généralement
de bonne foi : quelque chose a changé en mieux dans leurs
existences, ils veulent en faire profiter leurs amis. Ce n'est qu'ensuite
qu'ils commenceront à douter, sans pouvoir nécéssairement
s'échapper : c'est peut-être ici que le contrôle
mental véritable s'observerait le plus aisément -
l'adepte n'est plus conscient de l'ensemble des réalités :
il les transforme via sa 'grille' de décodage sectaire.
Proposition de conclusion, par rapport à
la définition de manipulation mentale de la seconde partie
du projet de loi
Selon moi, on ne peut laisser passer cette partie du projet en
l'état.
J'avais d'ailleurs proposé immédiatement à
sa sortie d'étudier la possibilité d'une juridiction
spécialisée pour ces délits - qui pourrait
avantageusement être étendue aux délits des
sectes, vu la complexité des affaires qui y sont traîtées.
La première partie me paraît par contre des plus sensées,
et proche du souci de défense des droits de l'homme sur la
durée, car elle empêche ces mouvements de recommencer
trop facilement.
Une solution possible à la seconde partie pourrait consister
à réviser en partie la législation propre aux
escroqueries, afin d'y inclure les nuances englobant ce délit
de manipulation mentale - notons au passage que la secte la plus
acharnée à faire croire que cela n'existe pas est
justement celle dont le fondateur a le plus écrit pour décrire
cette manipulation et ses méthodes de mise en oeuvre : c'est
bien entendu la scientologie.
Il serait toutefois utile d'étudier plus à fond les
implications futures de cette partie du projet, aussi bien légales
que psychologiques, car la frontière entre accord réel
et désaccord d'une personne à subir une méthodologie,
une croyance, ou un traitement, n'est pas large : ce no-man's land
entre manipulation/pas de manipulation pourrait nécessiter
une approche plus complète sur le plan scientifique.
Il suffit de constater la virulence apportée de la défense
d'un système criminel de la part de certaines personnes qui,
comme moi, ont subi son contrôle mental, alors qu'elles en
sortent ensuite et prennent le contre-pied, pour observer d'une
part :
- que cette 'manipulation mentale' existe [peu importe la terminologie
qu'on lui applique en pareil cas, les faits demeurent] - qu'elle
n'est pas sans recours ou remède - qu'il faut la définir
clairement et entièrement - que la recherche de similitudes
précises avec l'escroquerie serait probablement justifiée
et pourrait aboutir à un résultat reproductible.
- que parallèlement à l'escroquerie, ce phénomène
peut tirer en direction des lois sur la publicité mensongère
[par exemple, la totalité des ouvrages scientologiques contient
une forme de publicité mensongère : le fait d'affirmer
ces promesses mensongères dans des publications pourrait
être assimilé à de la publicité mensongère,
privant ainsi une grande partie de ces mouvements de leurs moyens
d'expression délictueux.
Roger Gonnet Le Secticide
* Il s'agit de ce que la psychanalyse nomme le "transfert".
Il peut être utilisé à des fin de manipulation,
de domination. C'est pour cette raison que la formation et la pratique
des psys est l'objet de tant débats et de critiques. [note
du gestionnaire du site]
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