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Origine : http://www.royet.org/nea1789-1794/archives/documents_divers/roux_manifeste_enrages.htm
Délégués du peuple français,
Cent fois cette enceinte sacrée a retenti des crimes des
égoïstes et des fripons ; toujours vous nous avez promis
de frapper les sangsues du peuple. L’acte constitutionnel
va être présenté à la sanction du souverain
; y avez-vous proscrit l’agiotage ? Non. Avez-vous prononcé
la peine de mort contre les accapareurs ? Non. Avez-vous déterminé
en quoi consiste la liberté du commerce ? Non. Avez-vous
défendu la vente de l’argent monnayé ? Non.
Eh bien ! Nous vous déclarons que vous n’avez pas tout
fait pour le bonheur du peuple.
La liberté n’est qu’un vain fantôme quand
une classe d’hommes peut affamer l’autre impunément.
L’égalité n’est qu’un vain fantôme
quand le riche, par le monopole, exerce le droit de vie et de mort
sur son semblable. La république n’est qu’un
vain fantôme quand la contre-révolution opère,
de jour en jour, par le prix des denrées, auquel les trois
quarts des citoyens ne peuvent atteindre sans verser des larmes.
Cependant, ce n’est qu’en arrêtant le brigandage
du négociant, qu’il faut bien distinguer du commerce
; ce n’est qu’en mettant les comestibles à la
portée des sans-culottes, que vous les attacherez à
la Révolution et que vous les rallierez autour des lois constitutionnelles.
Eh quoi ! Parce que des mandataires infidèles, les hommes
d’Etat, ont appelé sur notre malheureuse patrie les
fléaux de la guerre étrangère, faut-il que
le riche nous en déclare une plus terrible encore au-dedans
? Parce que trois cens mille français, traîtreusement
sacrifiés, ont péri par le fer homicide des esclaves
des rois, faut-il que ceux qui gardaient leurs foyers soient réduits
à dévorer des cailloux ? Faut-il que les veuves de
ceux qui sont morts pour la cause de la liberté paient au
prix de l’or, jusques au coton dont elles ont besoin pour
essuyer leurs larmes ? Faut-il qu’elles paient au prix de
l’or, le lait et le miel qui servent de nourriture à
leurs enfants ?
Mandataires du peuple, lorsque vous aviez dans votre sein les complices
de Dumouriez, les représentants de la Vendée, les
royalistes qui ont voulu sauver le tyran, ces hommes exécrables
qui ont organisé la guerre civile, ces sénateurs inquisitoriaux
qui décrétaient d’accusation le patriotisme
et la vertu, la section des Gravilliers suspendit son jugement...
Elle s’aperçut qu’il n’était pas
du pouvoir de la Montagne de faire le bien qui était dans
son coeur, elle se leva...
Mais aujourd’hui que le sanctuaire des lois n’est plus
souillé par la présence des Gorsas, des Brissot, des
Pétion, des Barbaroux et des autres chefs des appelants,
aujourd’hui que ces traîtres, pour échapper à
l’échafaud, sont allés cacher, dans les départements
qu’ils ont fanatisés, leur nullité et leur infamie
; aujourd’hui que la Convention nationale est rendue à
sa dignité et à sa vigueur, et n’a besoin pour
opérer le bien que de le vouloir, nous vous conjurons, au
nom du salut de la république, de frapper d’un anathème
constitutionnel l’agiotage et les accaparements, et de décréter
ce principe général que le commerce ne consiste pas
à ruiner, à désespérer, à affamer
les citoyens.
Les riches seuls, depuis quatre ans, ont profité des avantages
de la Révolution. L’aristocratie marchande, plus terrible
que l’aristocratie nobiliaire et sacerdotale, s’est
fait un jeu cruel d’envahir les fortunes individuelles et
les trésors de la république ; encore ignorons-nous
quel sera le terme de leurs exactions, car le prix des marchandises
augmente d’une manière effrayante, du matin au soir.
Citoyens représentants, il est temps que le combat à
mort que l’égoïste livre à la classe la
plus laborieuse de la société finisse. Prononcez contre
les agioteurs et les accapareurs. Ou ils obéiront à
vos décrets ou ils n’y obéiront pas. Dans la
première hypothèse, vous aurez sauvé la patrie
; dans le second cas, vous aurez encore sauvé la patrie,
car nous serons à portée de connaître et de
frapper les sangsues du peuple.
Eh quoi ! Les propriétés des fripons seraient-elles
quelque chose de plus sacré que la vie de l’homme ?
La force armée est à la disposition des corps administratifs,
comment les subsistances ne seraient-elles pas à leur réquisition
? Le législateur a le droit de déclarer la guerre,
c’est-à-dire de faire massacrer les hommes, comment
n’aurait-il pas le droit d’empêcher qu’on
pressure et qu’on affame ceux qui gardent leurs foyers ?
La liberté du commerce est le droit d’user et de faire
user, et non le droit de tyranniser et d’empêcher d’user.
Les denrées nécessaires à tous doivent être
livrées au prix auquel tous puissent atteindre, prononcez
donc, encore une fois... les sans culottes avec leurs piques feront
exécuter vos décrets.
Vous n’avez pas hésité à frapper de
mort ceux qui oseraient proposer un roi, et vous avez bien fait
; vous venez de mettre hors la loi les contre-révolutionnaires
qui ont rougi, à Marseille, les échafauds du sang
des patriotes, et vous avez bien fait ; vous auriez encore bien
mérité de la patrie, si vous eussiez expulsé
de nos armées les nobles et ceux qui tenaient leurs places
de la cour ; si vous eussiez pris en otage les femmes, les enfants
des émigrés et des conspirateurs, su vous eussiez
retenu pour les frais de la guerre les pensions des ci-devant privilégiés,
si vous eussiez confisqué au profit des volontaires et des
veuves les trésors acquis depuis la révolution par
les banquiers et les accapareurs ; si vous eussiez chassé
de la Convention les députés qui ont voté l’appel
au peuple, si vous eussiez livré aux tribunaux révolutionnaires
les administrateurs qui ont provoqué le fédéralisme,
si vous eussiez frappé du glaive de la loi les ministres
et les membres du conseil exécutif qui ont laissé
former un noyau de contre-révolution à la Vendée,
si enfin vous eussiez mis en état d’arrestation ceux
qui ont signé les pétitions anti-civiques, etc., etc.
Or les accapareurs et les agioteurs ne sont-ils pas autant et plus
coupables encore ? Ne sont-ils pas, comme eux, de véritables
assassins nationaux ?
Ne craignez donc pas de faire éclater sur ces vampires la
foudre de votre justice ; ne craignez pas de rendre le peuple trop
heureux. Certes, il n’a jamais calculé lorsqu’il
a été question de tout faire pour vous. Il vous a
prouvé, notamment dans les journées du 31 mai et du
2 juin, qu’il voulait la liberté toute entière.
Donnez-lui en échange du pain, et un décret ; empêchez
qu’on ne mette le bon peuple à la question ordinaire
et extraordinaire par le prix excessif des comestibles.
Jusques à présent, les gros marchands qui sont par
principe les fauteurs du crime, et par habitude les complices des
rois, ont abusé de la liberté du commerce pour opprimer
le peuple ; ils ont faussement interprété cet article
de la déclaration des droits de l’homme qui établit
qu’il est permis de faire tout ce qui n’est pas défendu
par la loi. Eh bien ! décrétez constitutionnellement
que l’agiotage, la vente de l’argent-monnaie, et les
accaparements sont nuisibles à la société.
Le peuple qui connaît ses véritables amis, le peuple
qui souffre depuis si longtemps verra que vous vous apitoyez sur
son sort, et que vous voulez sérieusement guérir ses
maux ; quand on aura une loi claire et précise, dans l’acte
constitutionnel, contre l’agiotage et les accaparements, il
verra que la cause du pauvre vous tient plus à cœur
que celle du riche ; il verra qu’il ne siège point
parmi vous des banquiers, des armateurs, et des monopoleurs ; il
verra enfin que vous ne voulez pas la contre-révolution.
Vous avez, il est vrai, décrété un emprunt
forcé d’un milliard sur le riche ; mais si vous n’arrachez
pas l’arbre de l’agiotage, si vous ne mettez un frein
national à l’avidité des accapareurs, le capitaliste,
le marchand, dès le lendemain, lèveront cette somme
sur les sans-culottes, par le monopole et les concussions ; ce n’est
donc plus l’égoïste, mais le sans-culotte que
vous avez frappé ; avant votre décret, l’épicier
et le banquier n’ont cessé de pressurer les citoyens
; quelle vengeance n’exerceront-ils pas aujourd’hui
que vous les mettez à contribution ? quel nouveau tribut
ne vont-ils pas lever sur le sang et les larmes du malheureux ?
En vain objecterait-on que l’ouvrier reçoit un salaire
en raison de l’augmentation du prix des denrées, la
vérité il en est quelques-uns dont l’industrie
est payée plus cher ; mais il en est aussi beaucoup dont
la main d’œuvre est moins salariée depuis la Révolution.
D’ailleurs tous les citoyens ne sont pas ouvriers ; tous les
ouvriers ne sont pas occupés, et parmi ceux qui le sont,
il en est qui ont huit à dix enfants incapables de gagner
leur vie, et les femmes en général ne gagnent pas
au-delà de vingt sous par jour.
Députés de la Montagne, que n’êtes vous
montés depuis le troisième jusqu’au neuvième
étage des maisons de cette ville révolutionnaire,
vous auriez été attendris par les larmes et les gémissements
d’un peuple immense sans pain et sans vêtements, réduit
à cet état de détresse et de malheur par l’agiotage
et les accaparements, parce que les lois ont été cruelles
à l’égard du pauvre, parce qu’elles n’ont
été faites que par les riches et pour les riches.
O rage, ô honte du XVIIIème siècle ! Qui pourra
croire que les représentants du peuple français qui
ont déclaré la guerre aux tyrans du dehors ont été
assez lâches pour ne pas écraser ceux du dedans ? Sous
le règne des Sartines et des Flesselles, le gouvernement
n’aurait pas toléré qu’on fît payer
les denrées de première nécessité trois
fois au-dessus de leur valeur ; que dis-je ? Ils fixaient le prix
des armes et de la viande pour le soldat ; et la Convention nationale,
investie de la force de vingt-cinq millions d’hommes, souffrira
que le marchand et le riche égoïste leur portent habituellement
le coup de la mort, en taxant arbitrairement les choses les plus
utiles à la vie. Louis Capet n’avait pas besoin, pour
opérer la contre-révolution, de provoquer la foudre
des puissances étrangères. Les ennemis de la patrie
n’avaient pas besoin d’incendier d’une pluie de
feu les départements de l’Ouest, l’agiotage et
les accaparements suffisent pour renverser l’édifice
des lois républicaines.
Mais c’est la guerre, dira-t-on, qui est la cause de la cherté
des vivres. Pourquoi donc, représentants du peuple, l’avez-vous
provoquée en dernier lieu ? Pourquoi, sous le cruel Louis
XIV, le Français eut-il à repousser la ligue des tyrans,
et l’agiotage n’étendit pas sur cet empire l’étendard
de la révolte, de la famine et de la dévastation ?
Et, sous ce prétexte il serait donc permis au marchand de
vendre la chandelle six francs la livre, le savon six francs la
livre, l’huile six francs la livre.
Sous le prétexte de la guerre, le sans-culotte paierait
donc les souliers cinquante livres la paire, une chemise cinquante
livres, un mauvais chapeau cinquante livres. C’est pour le
coup qu’on pourrait dire que les prédictions de Cazalès
et de Maury sont accomplies ; dans ce cas, vous auriez conspiré,
avec eux, contre la liberté de la patrie, que dis-je, vous
les auriez surpassés en trahison. C’est pour le coup
que les Prussiens et les Espagnols pourraient dire : nous sommes
les maîtres d’enchaîner les Français car
ils n’ont pas le courage d’enchaîner les monstres
qui les dévorent, c’est pour le coup qu’on pourrait
dire : qu’en répandant à propos des millions,
qu’en associant les bourgeois et les gros marchands au parti
des contre-révolutionnaires, la république se détruirait
par elle-même.
Mais c’est le papier ; dit-on encore, qui est la cause de
la cherté des vivres : ah ! le sans-culotte ne s’aperçoit
guère qu’il y en a beaucoup en circulation... Au reste
sa prodigieuse émission est une preuve du cours qu’il
a et du prix qu’on y attache. Si l’assignat a une hypothèque
réelle, s’il repose sur la loyauté de la nation
française, la quantité des effets nationaux ne leur
ôte donc rien de leur valeur. Parce qu’il y a beaucoup
de monnaie en circulation, est-ce une raison pour oublier qu’on
est homme, pour commettre dans les tavernes du commerce des brigandages,
pour se rendre maître de la fortune et de la vie des citoyens,
pour employer tous les moyens d’oppression que suggèrent
l’avarice et l’esprit de parti, pour exciter le peuple
à la révolte et le forcer par la disette et le supplice
des besoins à dévorer ses propres entrailles ?
Mais les assignats perdent beaucoup dans le commerce... Pourquoi
donc les banquiers, les négociants et les contre-révolutionnaires
du dedans et du dehors en remplissent-ils leurs coffres ? Pourquoi
ont-ils la cruauté de diminuer le salaire de certains ouvriers,
et n’accordent-ils pas une indemnité aux autres ? Pourquoi
n’offrent-ils pas l’escompte, lorsqu’ils acquièrent
les domaines nationaux ? L’Angleterre, dont la dette excède
peut-être vingt fois la valeur de son territoire et qui n’est
florissante que par le papier de sa banque, paie-telle à
proportion les denrées aussi cher que nous les payons ? Ah
! le ministre Pitt est trop adroit pour laisser accabler ainsi les
sujets de Georges ! Et vous, citoyens représentants, vous,
les députés de la Montagne, vous qui vous faites gloire
d’être du nombre des sans-culottes, du haut de votre
immortel rocher, vous n’anéantirez pas l’hydre
sans cesse renaissante de l’agiotage !
Mais ajoute-ton, on tire de l’étranger bien des articles,
et il ne veut en paiement que de l’argent. Cela est faux ;
le commerce s’est presque toujours fait par l’échange
de marchandise contre marchandise, et du papier contre papier ;
souvent même on a préféré des effets
au numéraire. Les espèces métalliques qui circulent
en Europe ne suffiraient pas, pour acquitter la cent-millième
partie des billets qui sont en émission. Ainsi, il est clair
comme le jour, que les agioteurs et les banquiers ne discréditent
les assignats que pour vendre plus cher leur argent, pour trouver
occasion de faire impunément le monopole et de trafiquer
dan le comptoir du sang des patriotes, qu’ils brûlent
de verser.
Mais l’on ne sait pas comment les choses tourneront. –Il
est très certain que les amis de l’égalité
ne souffriront pas toujours qu’on les fasse égorger
au dehors et qu’au-dedans on les assiège par la famine.
Il est très certains que toujours ils ne seront pas les dupes
de cette peste publique, des charlatans qui nous rongent comme des
vers, des accapareurs dont les magasins ne sont plus qu’un
repaire de filous.
Mais, lorsque la peine de mort est prononcée contre quiconque
tenterait de rétablir la royauté, lorsque des légions
innombrables de citoyens soldats forment avec leurs armes une voûte
d’acier, lorsqu’elles vomissent de toutes parts le salpêtre
et le feu sur une horde de barbares, le banquier et l’accapareur
peuvent-ils dire qu’ils ne savent pas comment les choses tourneront
? Au reste, s’ils l’ignorent, nous venons le leur apprendre.
Le peuple veut la liberté et l’égalité,
la république ou la mort ; et voilà précisément
ce qui vous désespère, agioteurs, vils suppôts
de la tyrannie.
N’ayant pu réussir à corrompre le cœur
du peuple, à le subjuguer par la terreur et la calomnie,
vous employez les dernières ressources des esclaves pour
étouffer l’amour de la liberté. Vous vous emparez
des manufactures, des ports de mer, de toutes les branches du commerce,
de toutes les productions de la terre pour faire mourir de faim,
de soif et de nudité, les amis de la patrie, et les déterminer
à se jeter entre les bras du despotisme.
Mais les fripons ne réduiront pas à l’esclavage
un peuple qui ne vit que de fer et de liberté, de privations
et de sacrifices. Il est réservé aux partisans de
la monarchie de préférer des chaînes antiques
et des trésors à la République et à
l’immortalité.
Ainsi, mandataires du peuple, l’insouciance que vous montreriez
plus longtemps serait un acte de lâcheté, un crime
de lèse-nation. Il ne faut pas craindre d’encourir
la haine des riches, c’est-à-dire des méchants.
Il ne faut pas craindre de sacrifier les principes politiques au
salut du peuple, qui est la suprême loi.
Convenez donc avec nous que par pusillanimité vous autorisez
le discrédit du papier, vous réparez la banqueroute,
en tolérant des abus, des forfaits dont le despotisme eût
rougi, dans les derniers jours de sa barbare puissance.
Nous savons sans doute qu’il est des maux inséparables
d’une grande révolution, qu’il n’est pas
de sacrifices qu’on ne doive faire, pour le triomphe de la
liberté, et qu’on ne saurait trop payer cher le plaisir
d’être républicain ; mais aussi nous savons que
le peuple a été trahi par deux législatures
; que les vices de la Constitution de 1791 ont été
la source des calamités publiques, et qu’il est temps
que le sans-culotte qui a brisé le sceptre des rois, voie
le terme des insurrections et de toute espèce de tyrannie.
Si vous n’y portez un prompt remède, comment ceux
qui n’ont aucun état, ceux qui n’ont que 2, 3,
4, 4 ou 6 cents livres de rentes, encore mal payées, soit
en pension viagère, soit sur des caisses particulières
subsisteront-ils, si vous n’arrêtez le cours de l’agiotage
et des accapareurs, et cela par un décret constitutionnel
qui n’est pas sujet aux variations des législateurs.
Il est possible que nous n’ayons la paix que dans vingt ans
; les frais de la guerre occasionneraient une émission nouvelle
de papier ; voudriez-vous donc perpétuer nos maux pendant
tout ce temps-là, déjà trop long, par l’autorisation
tacite de l’agiotage et des accaparements ? Ce serait là
le moyen d’expulser tous les étrangers patriotes, et
d’empêcher les peuples esclaves de venir respirer en
France l’air pur de la liberté.
N’est-ce donc pas assez que vos prédécesseurs,
pour la plupart d’infâme mémoire, nous aient
légué la monarchie, l’agiotage et la guerre,
sans que vous nous léguiez la nudité, la famine et
le désespoir ? Faut-il que les royalistes et les modérés,
sous prétexte de la liberté du commerce, dévorent
encore les manufactures, les propriétés ? qu’ils
s’emparent du blé des champs, des forêts et des
vignes, de la peau même des animaux et qu’ils boivent
encore dans des coupes dorées le sans et les larmes de citoyens,
sous la protection de la loi ?
Députés de la Montagne, non, non, vous ne laisserez
pas votre ouvrage imparfait ; vous fonderez les bases de la prospérité
publique ; vous consacrerez les principes généraux
et répressifs de l’agiotage et des accapareurs ; vous
ne donnerez pas à vos successeurs l’exemple terrible
de la barbarie des hommes puissants sur le faible, du riche sur
le pauvre ; vous ne terminerez pas enfin votre carrière avec
ignominie.
Dans cette pleine confiance, recevez ici le nouveau serment que
nous faisons de défendre jusques au tombeau la liberté,
l’égalité, l’unité et l’indivisibilité
de la République et les sans-culottes opprimés des
départements.
Qu’ils viennent, qu’ils viennent bien vite à
Paris, cimenter les liens de la fraternité ! c’est
alors que nous leur montrerons ces piques immortelles qui ont renversé
la Bastille ; ces piques qui fait tomber en putréfaction
la commission des douze et la faction des hommes d’Etat, ces
piques qui feront justice des intrigants et des traîtres,
de quelque masque qu’ils se couvrent et quelque pays qu’ils
habitent. C’est alors que nous les conduirons au pied de ce
jeune chêne où les Marseillais et les sans-culottes
des départements abjurèrent leur erreur, et firent
serment de renverser le trône. C’est alors enfin que
nous les accompagnerons dans le sanctuaire des lois, où d’une
main républicaine nous leur montrerons le côté
qui voulut sauver le tyran et la Montagne qui prononça sa
mort.
Vive la vérité, vive la Convention nationale, vive
la république française !
(D'après Dommanget, Les Enragés contre la vie chère,
1948, p. 83-89)
http://www.royet.org/nea1789-1794/
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