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Origine http://malgretout.collectifs.net/article.php3?id_article=80
Le meurtre de Semira Adamu par deux gendarmes, mardi soir, en Belgique,
n'a rien d'un dérapage. Ni bavure, ni accident, il est l'aboutissement
ultime d'une logique meurtrière légalisée,
la concrétisation extrême du sort et de l'accueil que
la Belgique réserve à ses demandeurs d'asile.
C'est, en quelque sorte, la " solution " que l'État
belge a trouvé à ce qu'il - de même que tous
les autres gouvernements européens - considère comme
un " problème ", à savoir l'immigration
et l'accueil des étrangers. En effet, traités comme
des criminels, les demandeurs d'asile se battant pour leurs droits
en Belgique se voient enfermer dans de véritables prisons
que sont les " centres fermés ", pour une durée
qui pouvait aller jusqu'à huit mois renouvelables, cinq mois
renouvelables avec les nouvelles lois " humanistes ".
On tente par là de les faire disparaître par tous les
moyens, de les rendre invisibles et muets, derrière des murs
et des barbelés d'abord, par l'étouffement, au sens
le plus cru, ensuite
Mais le cynisme et l'impudence des autorités belges ne s'arrête
pas là allant jusqu'à laisser entendre que Semira
est responsable de sa propre mort, puisque c'est en refusant et
en luttant contre son expulsion forcée et le monstrueux traitement
qu'on lui infligeait qu'elle aurait contraint les gendarmes, en
quelque sorte, à la tuer. En somme, se rebeller contre le
mépris du droit à la dignité le plus élémentaire
est, en Belgique, passible de la peine de mort. Mais, plus généralement,
venir se réfugier dans un " pays de droits " pour
avoir enfin accès au respect fondamental dû à
tout être humain est considéré comme un crime
: coupables de vivre, en somme, de revendiquer le droit à
une vie digne. Il suffit pour s'en convaincre d'évoquer l'imagination
perverse dont font preuve les autorités des différents
pays européens pour neutraliser les étrangers "
récalcitrants " en instance d'expulsion, " neutralisation
" sans limite, puisqu'en France aussi elle a mené à
la mort, en 1991, à Roissy, d'un demandeur d'asile sri-lankais.
Comme toujours, cette répression criminelle se voit légitimée,
dans un mécanisme d'inversion pervers, par la rébellion
des intéressés, comme si celle-ci n'avait pas sa source
dans une violence première, celle de la misère, du
mépris des droits élémentaires et de l'exclusion.
Car en effet, les seuls criminels sont les gouvernements qui excluent,
enferment, expulsent et tuent... et la seule légitimité
est du côté de ceux qui se battent pour plus de justice,
de ceux qui se révoltent face à la logique de haine
et d'enfermement que construit chaque jour un peu plus notre Europe
barbelée. Dans ces conditions, la révolte et la désobéissance
face aux lois iniques et meurtrières n'est plus une option
ou une possibilité, elle exprime une ligne de partage claire,
car il est des moments où l'invocation de la complexité
n'est pas de mise, où les choses se présentent de
manière si nette que personne ne peut échapper à
l'alternative : le silence et la complicité criminelle ou
la résistance et la révolte.
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