|
Origine : http://www.temoignagechretien.fr/journal/ar_article.php?num=3154&categ=Monde
Dans cette époque obscure où l’idéologie
sécuritaire nous conseille, avec une fausse sagesse, de nous
terrer chez nous en nous méfiant de l’autre, quelques
bases de résistance persistent et se développent.
Ce sont souvent des communautés de base. Les deux mots sont
importants : la base nous permet de garder les pieds sur terre et
la communauté nous rassemble autour d’un projet commun,
qui est le contraire du communautarisme. Témoignage chrétien
est l’une de ces communautés de base. Je me réjouis
de la rejoindre !
Déployer les possiblités de TC, avec encore plus
de puissance, en écho à la théologie de la
libération et à d’autres mouvements d’émancipation,
ce n’est, aujourd’hui, certainement pas un luxe. Nous
venons d’assister à l’élection d’un
nouveau pape. Annonce-t-elle une fête de toute la chrétienté
? Constatons plutôt que le christianisme se distingue une
nouvelle fois en donnant la prime à la ségrégation.
Avec l’élection de Ratzinger, nous savons de quel côté
se place le Vatican.
Mais nous savons aussi que le Christ continue à être
crucifié chaque jour : en Afrique, avec les grands laboratoires
qui bloquent la libre circulation des médicaments génériques
et avec l’interdiction morale d’utiliser le préservatif
; en Amérique latine, quand les gouvernements progressistes
se voient mis en échec par la dictature du Fonds monétaire
international et quand l’ultra-libéralisme pousse à
la fermeture d’hôpitaux ; partout où des interdits
moraux empêchent les femmes d’avorter. Le Christ est
crucifié en permanence aux quatre coins du monde. Mais regardons
plus près de nous : le Christ a été crucifié
au cœur de Paris, il y a deux semaines, dans un de ces hôtels
où l’on cache les invisibles, les sans-noms, les sans-papiers,
ceux dont « la vida va prohibida » (« la vie va
interdite »), comme le chante Manu Chao. Ce Christ crucifié,
faisons-le descendre de la croix et ne le regardons pas comme le
porteur sacrificiel de la croix. Ne nous installons pas dans une
compassion paternaliste mais engageons-nous dans une solidarité
active avec tous les laissés pour compte de la société.
Comme l’a écrit le poète José Marti,
dans le célèbre chant Guantanamera : « Con los
pobres de la tierra, quiero yo mi suerte echar » («
Avec les pauvres de la terre, je veux lier mon sort »).
C’est parce que la « communauté de base »
Témoignage chrétien est porteuse de ce message que
je suis heureux de rejoindre ceux qui la font vivre. Comme d’autres,
elle s’inscrit dans un courant minoritaire. Or, ce statut
n’est pas un handicap. Au contraire, c’est une richesse.
Comme l’a écrit Gilles Deleuze, « la minorité
c’est tout le monde, la majorité c’est personne
». Les minorités ne doivent pas chercher à devenir
majoritaires ou à prendre le pouvoir, mais avant tout à
développer des liens entre elles. C’est ainsi qu’elles
se renforcent. La vocation des minorités, c’est de
construire une alternative permanente qui puisse changer le monde
et faire avancer la pensée, la justice, la solidarité.
Et cela, sans avoir un objectif final, ni une solution globale.
Car le défi des minorités, c’est de penser en
terme de processus et non en terme de solution. La majorité
est toujours singulière ; les minorités sont multiples.
Et dans cette multiplicité, la construction de la vérité
devient, elle aussi, multiple.
Les mouvements alternatifs peuvent suivre deux logiques. La première,
celle que suit Témoignage chrétien, consiste à
accompagner une puissante activité à la base, qui
change la société. Sans faire de pari sur un avenir
possible, elle se situe dans le devenir. En somme : elle incite
à agir selon ses convictions, là où l’on
est. Une autre consiste à enrégimenter un mouvement,
une tendance pour lui donner un leader, voire un journal. Ces deux
logiques répondent à deux conceptions différentes
d’une notion fondamentale, l’espoir. L’espoir
peut être vécu comme une passion triste, selon l’expression
de Spinoza, quand il incite à attendre un avenir possible,
et paralyse ainsi le présent. Mais il peut être source
de passion joyeuse, quand il invente des possibles, ici et maintenant.
Avec TC, faisons vivre cette passion joyeuse !
Miguel Benasayag est écrivain
Témoignage chrétien 2005
|
|