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Miguel Benasayag : "Pourquoi je rejoins TC" Collectif Malgré Tout

Origine : http://www.temoignagechretien.fr/journal/ar_article.php?num=3154&categ=Monde

Dans cette époque obscure où l’idéologie sécuritaire nous conseille, avec une fausse sagesse, de nous terrer chez nous en nous méfiant de l’autre, quelques bases de résistance persistent et se développent. Ce sont souvent des communautés de base. Les deux mots sont importants : la base nous permet de garder les pieds sur terre et la communauté nous rassemble autour d’un projet commun, qui est le contraire du communautarisme. Témoignage chrétien est l’une de ces communautés de base. Je me réjouis de la rejoindre !

Déployer les possiblités de TC, avec encore plus de puissance, en écho à la théologie de la libération et à d’autres mouvements d’émancipation, ce n’est, aujourd’hui, certainement pas un luxe. Nous venons d’assister à l’élection d’un nouveau pape. Annonce-t-elle une fête de toute la chrétienté ? Constatons plutôt que le christianisme se distingue une nouvelle fois en donnant la prime à la ségrégation. Avec l’élection de Ratzinger, nous savons de quel côté se place le Vatican.

Mais nous savons aussi que le Christ continue à être crucifié chaque jour : en Afrique, avec les grands laboratoires qui bloquent la libre circulation des médicaments génériques et avec l’interdiction morale d’utiliser le préservatif ; en Amérique latine, quand les gouvernements progressistes se voient mis en échec par la dictature du Fonds monétaire international et quand l’ultra-libéralisme pousse à la fermeture d’hôpitaux ; partout où des interdits moraux empêchent les femmes d’avorter. Le Christ est crucifié en permanence aux quatre coins du monde. Mais regardons plus près de nous : le Christ a été crucifié au cœur de Paris, il y a deux semaines, dans un de ces hôtels où l’on cache les invisibles, les sans-noms, les sans-papiers, ceux dont « la vida va prohibida » (« la vie va interdite »), comme le chante Manu Chao. Ce Christ crucifié, faisons-le descendre de la croix et ne le regardons pas comme le porteur sacrificiel de la croix. Ne nous installons pas dans une compassion paternaliste mais engageons-nous dans une solidarité active avec tous les laissés pour compte de la société. Comme l’a écrit le poète José Marti, dans le célèbre chant Guantanamera : « Con los pobres de la tierra, quiero yo mi suerte echar » (« Avec les pauvres de la terre, je veux lier mon sort »).

C’est parce que la « communauté de base » Témoignage chrétien est porteuse de ce message que je suis heureux de rejoindre ceux qui la font vivre. Comme d’autres, elle s’inscrit dans un courant minoritaire. Or, ce statut n’est pas un handicap. Au contraire, c’est une richesse. Comme l’a écrit Gilles Deleuze, « la minorité c’est tout le monde, la majorité c’est personne ». Les minorités ne doivent pas chercher à devenir majoritaires ou à prendre le pouvoir, mais avant tout à développer des liens entre elles. C’est ainsi qu’elles se renforcent. La vocation des minorités, c’est de construire une alternative permanente qui puisse changer le monde et faire avancer la pensée, la justice, la solidarité. Et cela, sans avoir un objectif final, ni une solution globale. Car le défi des minorités, c’est de penser en terme de processus et non en terme de solution. La majorité est toujours singulière ; les minorités sont multiples. Et dans cette multiplicité, la construction de la vérité devient, elle aussi, multiple.

Les mouvements alternatifs peuvent suivre deux logiques. La première, celle que suit Témoignage chrétien, consiste à accompagner une puissante activité à la base, qui change la société. Sans faire de pari sur un avenir possible, elle se situe dans le devenir. En somme : elle incite à agir selon ses convictions, là où l’on est. Une autre consiste à enrégimenter un mouvement, une tendance pour lui donner un leader, voire un journal. Ces deux logiques répondent à deux conceptions différentes d’une notion fondamentale, l’espoir. L’espoir peut être vécu comme une passion triste, selon l’expression de Spinoza, quand il incite à attendre un avenir possible, et paralyse ainsi le présent. Mais il peut être source de passion joyeuse, quand il invente des possibles, ici et maintenant. Avec TC, faisons vivre cette passion joyeuse !

Miguel Benasayag est écrivain

Témoignage chrétien 2005