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Origine : http://nantes.indymedia.org/article.php3?id_article=5190
LA feuille du collectif Malgré Tout autour de Miguel Benasayag
Tout va très bien, la feuille du Collectif Malgré
Tout
mercredi 9 mars 2005
Tout va très bien
Une phrase, célèbre, pourrait officier à elle
toute seule d'une sorte de rapport sur l'état général
de notre petite planète : " le désert avance"-
Voilà, quoi dire d'autre, ou comment mieux dire ?
Or on pourrait sans doute croire, que si " le désert
avance ", si tout va vraiment très mal, c'est parce
que dans nos sociétés, les choses vont mal.
Ce n'est pas après tout une idée si bizarre, si farfelue.
C'est un peu comme si l'on pense à une voiture, elle n'avance
pas, elle fume, elle fait des bruits bizarres, tout cloche, donc
on se dit, -ça va mal, vraiment mal…-
Voilà donc exactement ce que l'on ne peut pas dire de nos
sociétés, de nos vies. Car, dans nos sociétés,
" TOUT VA BIEN ", rien de ce qui nous arrive, le désastre
humain, écologique, démographique, la destruction
des cultures, la destruction des paysages et des espèces,
la montée des intolérances, les gens qui meurent sur
les plages des pays du nord, en essayant d'arriver aux terres où
encore, croient-ils, il est possible de survivre.
Et, sans nommer les gens qui entourés de confort, meurent
de froid aux portes des immeubles bien chauffes…etc.
Tout ça, et tout ce que l'on connaît de l'avancée
de la barbarie qui nous menace ; et bien tout ça, ne correspond
dans nos sociétés à aucun disfonctionnement,
à aucune faille, personne ne " décone ".
Et non, tout va très bien, les plus jeunes ne connaissent
certainement pas la ritournelle de référence, "
tout va très bien…tout va très bien…Mme
la marquise… "-
Et oui, le néolibéralisme, ou, si on veut, le capitalisme
dans son époque " néolibérale ",
fonctionne exactement comme ça. Disons le tout de suite :
C'EST PARCE QUE TOUT VA BIEN, DANS CE SYSTEME-CI, QUE NOUS SOMMES
EN DANGER, QUE LA VIE, LA CULTURE, TOUT EST EN DANGER…
C'est parce que le système fonctionne bien, parce que rien
ne paraît pouvoir y résister, l'enrayer, parce qu'il
suit son chemin, que nous sommes dans cette situation-là.
C'est pourquoi, il n'est pas suffisant, loin s'en faut, de dénoncer
sans cesse l'horreur qui avance, comme s'il s'agissait là
d'excès, de dérapages.
Il n'y a dans ce système ni dérapages ni excès.
C'est parce que justement tout est " en ordre ", tout
suit le cours normal, que nous sommes au cœur de l'horreur,
au cœur d'une époque obscure, ce que du point de vue
de la vie est l'horreur, la barbarie, est du point de vue du système,
tout à fait " normal ".
Ainsi, notre problème, n'est pas de trouver comment "
dénoncer ", comment montrer qu'il y a une véritable
entreprise de destruction de la vie, car, tout simplement, il ne
peut pas en être autrement.
Le système n'est pas extensible, il est impossible d'imaginer
que nous arriverons à des situations de justice, à
des situations ou la menace recule. On n'a pas à attendre,
que par extension, on puisse résoudre le problème
du développement.
Structurellement, il est impossible que tous les pays du tiers-monde
arrivent au même niveaux de développement que les pays
du " nord ". C'est dans ce sens que le système
n'est pas extensible.
Si nous ne pouvons pas construire, développer d'autres réalités,
d'autres pratiques, si nous ne pouvons pas désirer autre
chose qu'-une meilleure place- dans ce système-ci, tout continuera
à " marcher bien ", beaucoup trop bien ; voilà
un peu de quoi il s'agit.
Or, nous sommes dans une situation où il est impossible
de dire simplement, -comment en finir avec l'horreur, comment changer
d'époque- ?.
Bien au contraire, être dans l'espoir d'un autre monde à
venir, ou dans des positions velléitaires, ou pire encore,
en train de chercher toujours les raccourcis qui nous aideront à
changer tout, ne ferait pas autre chose que faire perdurer encore
plus l'obscurité, la tristesse.
Notre défi est, comment pouvons-nous vivre, construire et
résister dans une époque obscure, sans se laisser
enthousiasmer par des considérations quantitatives, nous
sommes dans une époque où il faut pouvoir construire
dans " l'intensif " (qualitatif), le fondamental, sans
tomber dans le piège du quantitatif.
Que les choses soient " urgentes ", nous pousse justement
à avoir le courage de la construction patiente et permanente
du nouveau.
Comme nous l'avons développé avec Florence Aubenas,
résister c'est créer, avoir le courage de créer,
de construire des liens. De construire ici et maintenant ce qui,
à l'épreuve de la pratique, se montre comme supérieur
à ce que le système nous offre, voilà ce qui
est compliqué voilà ce qu'il faut pouvoir faire.
Il n'y a pas dans cette construction, de petite ou grande expérience,
il n'y a pas, surtout, de voie royale vers le changement, car c'est
justement cette pensée de l'impatience, cette façon
d'évaluer les choses en termes utilitaristes qu'il faut changer.
Construire des projets concrets, tout en mettant entre parenthèse
la question de " la solution ", est peut-être la
façon de résister au cœur d'une époque
obscure.
Au-delà de l'idéal imaginaire des individus qui se
croient " libres ", qui croient choisir leurs vies et
leurs situations, le seul vrai défi est, comme toujours,
non pas de choisir imaginairement les situations que l'on veut vivre,
mais d'être à la hauteur des situations que l'on vit.
Ou comment l'écrivait Sartre, - " nous sommes responsables,
de ce que nous n'avons pas choisi… ".
Imaginons seulement pour un instant que les hommes et les femmes
soient responsables, uniquement des choses qu'ils ont choisies,
et bien… on serait responsable de rien, où, allons,
presque rien.
C'est pour continuer dans cette construction, dans cette résistance,
qu'avec quelques amis de " NO VOX " et du " Collectif
Malgré Tout ", nous vous proposons cette feuille pour
développer la réflexion, et favoriser l'échange,
non pas pour être d'accord, mais pour continuer.
Miguel Benasayag
Jean Baptiste Eyraud
Collectif Malgré Tout
Réseau No Vox.
Auteur: anonymous ( Collectif Malgré Tout )
mercredi 9 mars 2005
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