Origine : http://www.psychanalyse-in-situ.fr/boite_a/malaise.html
"L'édifice de la société repose sur le
renoncement aux instincts; Ce "renoncement culturel" régit
le vaste domaine des rapports sociaux entre humains; et nous savons
déjà qu'en lui réside la cause de l'hostilité
contre laquelle toutes les civilisations ont à lutter".
Sigmund Freud; (Malaise dans la civilisation)
Avec ce réseau des réseaux à l'échelle
planétaire que représente l'Internet, nous assistons
à une révolution des circuits classiques du savoir
qui nous dépasse dans son accélération, et
nous conduit vers une remise en question des organisations traditionnelles
du pouvoir.
Le pouvoir de dire à partir d'une position sociale établie
ne tient plus avec cette explosion du Net. Au-delà de cette
liberté d'expression vient l'idée -peut-être
encore utopique- de la fin des systèmes de pensée
unique et dogmatique et d'une époque où la transparence
s'évitait au profit d'un pouvoir toujours plus opaque …
C'est une question. Mais nous nous devons d'adopter une attitude
exploratoire. Même si tout progrès vers la liberté
s'alimente d'un certain risque de chaos et de désorganisation,
ce cyber-espace nous offre un formidable potentiel de développement
de la connaissance et de la créativité.
J'ai commencé à m'intéresser à l'Internet
en 1996 au moment où cet outil, utilisé au départ
à des fins militaire, prenait forme et sens pour la société
civile. S'imposait alors l'idée que nous étions au
seuil d'une nouvelle grande aventure humaine marquée par
l'ouverture d'un espace de créativité et de liberté
à échelle planétaire. En faisant un tour d'horizon
de ce qui se présentait sur le Net en psychanalyse, je découvrais
un paysage quasi désert et quelque peu conventionnel, en
tout cas pour la France, à l'image même de la frilosité
ambiante des années post-dissolution de l'Ecole freudienne
et de la mort de J.Lacan. Ces années ont favorisé,
en même temps qu'un éclatement des institutions de
psychanalyse, un certain cloisonnement virant vers une accentuation
de l'individualisme.
Dans l'ensemble, les principales "Ecoles" de psychanalystes
avaient établi leur présence sur la toile, mais selon
une modalité qui tendait à " répéter
" de façon assez peu inventive, un même mécanisme
: à chacun son site, cloisonné, à chacun son
fonctionnement pyramidal et hiérarchique, à chacun
sa volonté de contrôle de ce qui allait se dire sur
sa portion du territoire sur le Net. Position paradoxale vis à
vis ce qui conduit chacun vers la démarche d'une psychanalyse,
de ce qui reste à l'œuvre au sein même des institutions
analytiques et de ce qui se reproduit plus largement dans la société.
Ces constats et les ouvertures que cet outil hors-frontières
pouvait offrir m'ont amené à l'idée de créer
en 1997 le site Internet " Psychanalyse in situ ". Ce
site a été conçu dès le départ
comme destiné à être et à rester indépendant
de toute institution et il se veut en articulation avec les autres
champs du culturel, voire même du politique, de l'art, de
l'histoire, des sciences etc.
Plusieurs rubriques composent ce site. En premier une revu.e avec
des textes et des témoignages, des publications à
lire et à relire. Nous y présentons aussi quelques
associations choisies pour leurs orientations non dogmatique. Des
colloques, journées, soirées-débats, signatures
de livres sont annoncés, et aussi des manifestations comme
des expositions, conférences, films etc., en lien direct
ou non avec la psychanalyse.
Autour du site de Psychanalyse in situ s'est constitué un
groupe de travail et de lecture. Ce groupe a pour intention "de
soutenir la vitalité, l'efficacité de la psychanalyse,
hors des enjeux institutionnels et des forces refoulantes individuelles
et sociales de consensus et de soumission "… Vaste programme
en place depuis 1997!
Notre axe de travail vise à se maintenir à la frontière,
dans la pluralité des concepts théoriques et cliniques,
dans une interaction entre la, ou plutôt les psychanalyses
d'aujourd'hui et en extension vers les autres champs du savoir,
du thérapeutique et de la culture ... Notre position tend
à lutter contre tout enjeu de domination d'un groupe sur
un autre et à faire mieux circuler l'information des courants
psychanalytiques d'aujourd'hui, entre les psychanalystes mais aussi
vers un public plus large.
Nous effectuons des choix éditoriaux, mais ces choix ne
répondent pas à une volonté d'établir
le règne du désir à l'état sauvage et
à une aspiration à perpétrer de façon
masquée une censure. Les textes composant la "revu.e"
ainsi que les informations en ligne sur le site vont dans le sens
de nos axes de réflexion. Il s'agit davantage de créer
un style en mouvement -ou à harmoniser avec l'ensemble de
ce site- que de s'inscrire dans une logique relevant du type de
cette censure opérationnelle au sein des associations de
psychanalystes en ce qui concerne leurs revues internes, sans parler
du monde de l'édition en général.
L'outil Internet serait-il notre "à-venir d'une illusion",
celle de la liberté d'expression?
L'internet est le lieu de tous les possibles. On trouve TOUT sur
Internet, un peu comme à la Samaritaine … Une information
plus large et peut-être une meilleure image de la psychanalyse
,vis-à-vis du grand public, aussi bien que celle traitée
par les médias depuis quelques années.
Le Net peut aussi faciliter le choix pour ceux qui souhaitent se
former à la psychanalyse ou même rechercher un(e) psychanalyste
suivant certains critères d'orientations et sans obligatoirement
passer par les circuits fermés, ou le plus souvent dans la
méconnaissance.
Nous y découvrons quelques fois le meilleur mais aussi le
pire. Le meilleur avec cette nouvelle donne qui permet une diffusion
plus large de la pensée, des informations, des productions
analytiques et offre au grand public la possibilité d'accéder
facilement à des informations de qualité jusque-là
réservées aux élites et distillées au
compte-goutte. Il n'est pas impossible non plus d'espérer
que les enjeux de pouvoir entre les Institutions, dans les Institutions,
entre collègues et ceux qui sont parfois à l'œuvre
dans certaines pratiques de l'analyse puissent se fluidifier sous
l'effet d'une plus grande transparence.
Cela dit la suppression de la censure est aussi l'occasion de voir
apparaître sur le Net des dérives susceptibles de discréditer
la psychanalyse comme (par exemple) des propositions de psychanalyse
en ligne ou la prolifération de sites peu scrupuleux, éthiquement
parlant. Mais ce sont là les risques afférant à
ce qui se nomme la liberté d'expression et de tous ses possibles.
Le potentiel de cette technologie conjointe à l'inventivité,
virtuelle ou non, nous ouvre vers de nouveaux continents encore
inexplorés et ce nouveau contexte soulève des questions
comme:
- Est-ce qu'un outil comme l'Internet peut mieux servir de passerelle
entre la situation analytique (avec sa "règle fondamentale",
consistant à dire ce qui vient à l'esprit, même
si cela paraît désagréable ou hors de propos)-
et notre inconscient plus collectif? Ou pour le dire autrement,
pouvons-nous tenter de tisser sur cette toile quelques liens - hypertextes
ou non - allant de l'intime au public?
- Est-ce que l'angle subversif de la psychanalyse, tel que dégagé
par Freud, peut se maintenir, sinon se développer davantage
aujourd'hui, avec ce que cet outil, objet ou media, peut générer?
- Saurons-nous utiliser le potentiel que nous offre ce média
pour arriver à dénouer les enjeux de pouvoir institutionnels
et relationnels et ce, vers une plus grande transparence?
- Peut-on définir cet outil -sans trop rêver- comme
moyen plus large de questionnement, d'information et pourquoi pas
de transmission ?
- Peut-il devenir un lieu autre de mémoire, de recherche,
et de liberté?
- Peut-on imaginer que cette toile à l'échelle planétaire
nous aide à rester toujours à la frontière
et dans une pluralité des concepts théoriques et d'inventivité
dans les pratiques ?
- Arriverons-nous à utiliser l'Internet et son langage comme
une nouvelle grille de lecture possible sur ce qui constitue le
fonctionnement de l'humain et ses inter-relations ou inter-connexions?
Rêve ? Réalité ? Ces productions, ces informations,
ces communications, ces images, viendront-elles démultiplier
nos champs d'investigations et de création et aider à
ce que l'Histoire et la pensée psychanalytique soient véritablement
en mouvement ?
Le pari reste ouvert…
* Texte revu après communication faite lors de la journée
d'études Axes et Cibles Analytiques, le 24 mai 2003 : "Transferts
et hiérarchies, réseaux et privilèges, psychanalyse
et dominances »
Catherine Podguszer
catherine.podguszer
(at) sfr.fr
http://www.psychanalyse-in-situ.fr
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