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Origine : http://mcpalestine.canalblog.com/archives/2009/11/05/15689923.html
Michèle Sibony et Michel Warschawski réagissent aux
propos d’Une autre voix juive pour la paix, qui, selon eux,
associent dangereusement antisionisme et antisémitisme.
La tribune d’Une autre voix juive (UAVJ) parue dans le n°
1070 de Politis (« Que faire après Gaza ? »)
appelle quelques remarques. Évacuant en préliminaire
l’attaque israélienne sur Gaza et ses conséquences
sur la population, UAVJ s’intéresse immédiatement
à son propos majeur : « certains cercles pro-palestiniens
» qui remettraient en cause les négociations israélo-palestiniennes.
Et, pire, voudraient abandonner la « perspective deux peuples
deux États ».
Près de vingt ans de négociations… comme s’il
n’était pas légitime de s’interroger sur
le sens de ces négociations et leur résultat : démantèlement
de l’intégrité territoriale de la Cisjordanie,
séparation de celle-ci et de la bande de Gaza, colonisation
massive, mur de séparation, annexion de Jérusalem-Est,
siège de Gaza, puis bombardements, invasion et crimes de
guerre, peut-être même crimes contre l’humanité,
dit le rapport Goldstone. Tout cela ne s’est-il pas passé
à l’ombre de négociations tronquées où
les droits des Palestiniens n’ont pas été pris
en compte mais progressivement réduits, et où les
faits du terrain imposés par Israël ont été
progressivement entérinés par la communauté
internationale ? Et comment ne pas s’interroger sur la perspective
de deux États, alors que la carte qu’Israël dessine
sous nos yeux depuis dix ans, sans que personne ne tente sérieusement
de l’arrêter, est celle d’un grand État
juif de la mer au Jourdain avec quelques enclaves palestiniennes
isolées, destinées à lui servir de bassin de
main-d’œuvre sans droits ? Mais ce n’est visiblement
pas ce qui préoccupe UAVJ, dont le problème majeur
transpire à chaque ligne : protéger inconditionnellement
la légitimité d’Israël, menacée
par des groupes palestiniens extrémistes et certains courants
ambigus dans le mouvement de solidarité. L’existence
d’une Palestine indépendante aux côtés
d’un État israélien n’a de sens pour UAVJ
que parce qu’elle garantirait la pérennité d’un
État israélien, en tant qu’État (démographiquement)
juif. Il faut pour cela interdire l’antisionisme, qui permettrait
de remettre en question la nature actuelle d’Israël.
Et l’antisionisme est renvoyé aux antisémites
qui l’utilisent,« ce qui suffit à le disqualifier
».
Ce discours-là ressemble à s’y méprendre
à celui de certains « penseurs » français
du choc des civilisations. Mais UAVJ va plus loin et n’hésite
pas à lier les mouvements antisémites qui pourraient
s’emparer du boycott avec les populations musulmanes : «
Une telle orientation [celle d’un boycott universitaire culturel
et sportif] serait un grave danger pour les forces progressistes
françaises et israéliennes qu’elle isolerait.
Elle pourrait aisément être endossée par des
mouvements antisémites, et ainsi contribuerait à creuser,
en France, le fossé entre les populations de culture juive
et de culture musulmane. » Insupportable raccourci qui disqualifie
pour le coup la suite de la tribune présentant le travail
d’UAVJ. L’action politique des mouvements anticolonialistes
en Israël et d’organisations juives progressistes en
Europe, comme l’UJFP en France, où nous avons, dans
nos pays respectifs, fait le choix de militer, est en effet l’inverse
de celui-là, et répond à une double démarche
: d’une part, défaire les liens insupportables qui
devraient nous rendre a priori solidaires de notre « communauté
», de ses porte-parole et d’un discours politique dont
l’alpha et l’omega sont le soutien inconditionnel à
Israël et la défense de son impunité ; d’autre
part, développer des liens de solidarité et un combat
commun avec tous ceux qui luttent contre le colonialisme et le racisme,
et pour l’application du droit. Un tel combat ne peut, évidemment,
être conduit sous le drapeau du sionisme. En Israël comme
en France, nous combattons le discours de propagande (du Crif en
particulier) qui identifie sionisme et judaïsme, et son corollaire
infâme qui lie antisionisme et antisémitisme. Lien
qui emprisonne les Juifs dans un soutien inconditionnel à
Israël et qui interdit toute critique d’Israël comme
antisémite, en désignant de plus les nouveaux antisémitismes
: « les populations de culture musulmane ».
À propos des citations de cette tribune, la première
(« le temps de la négociation est dépassé
») n’est attribuée à personne, ce qui
laisse évidemment l’imaginaire travailler en paix.
La citation de Stop the Wall, dont la source est, involontairement,
nous en sommes convaincus, tronquée, est tirée du
« Rapport de synthèse de la 1re conférence palestinienne
pour le Boycott d’Israël (BDS), 22 novembre 2007, Al-Bireh,
Ramallah, sur le site d’ISM, rapport d’atelier n°
3 pour la campagne mondiale : stratégie et message ».
Celle-ci remet effectivement en cause la légitimité
d’Israël en tant qu’État colonial et d’apartheid.
Petite différence, qu’élude peu élégamment
UAVJ, parce qu’elle fait le parallèle avec l’Afrique
du Sud : c’est en tant que régime d’apartheid
que la légitimité de cet État était
remise en question, et, une fois ce régime démantelé,
l’Afrique du Sud a trouvé sa place dans la communauté
des nations. Or, ce qu’il faudrait précisément
pouvoir examiner après Gaza, sans avoir à être
traité d’antisémite par UAVJ, c’est la
nature sioniste de l’État d’Israël, ses
institutions racistes, ses lois discriminatoires, en un mot ce qui
en fait un État colonial et un régime d’apartheid.
À l’inverse, ce qui n’est plus audible après
Gaza, c’est un certain « sionisme de gauche »
dont la préoccupation majeure demeure, même après
le massacre, la préservation de l’État juif
(et démocratique pour ses citoyens juifs) et non celle d’un
État moderne et laïque pour tous ses citoyens. [1]
Michèle Sibony : Membre de l’Union juive française
pour la paix (Paris).
Michel Warschawski : Membre du Centre d’information alternative
(Jérusalem).
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1] Texte d’UAVJ :APRÈS GAZA : SUR UNE INITIATIVE
« BOYCOTT DÉSINVESTISSEMENT SANCTIONS »
Neuf mois après la fin de l’attaque brutale sur Gaza
et après l’élection en Israël d’un
des gouvernements les plus à droite de l’histoire de
ce pays, les perspectives d’une paix juste et durable entre
Israéliens et Palestiniens semblent plus éloignées
que jamais. Du coup, dans certains cercles pro-palestiniens on entend
s’exprimer les thèses selon lesquelles « le temps
de la négociation (entre Israël et l’OLP) est
passé » ou bien que la perspective « deux États
pour deux peuples » devrait être abandonnée.
L’idée d’une société fraternelle
ou Juifs et Arabes jouiraient des mêmes droits est généreuse.
Elle ne correspond pas, aujourd’hui, à une réalité
politique. Chacun des deux peuples, israélien et palestinien,
exprime très majoritairement une aspiration à avoir
son État. L’État d’Israël existe
; la discussion sur ses origines a un sens mais ne saurait délégitimer
ce qui résulte d’un choix très majoritaire des
Nations Unies. La question est, conformément à toutes
les résolutions de l’ONU, d’imposer la création
d’un État palestinien viable, avec Jérusalem
Est comme capitale, après évacuation des colonies
de Cisjordanie, et solution négociée juste du problème
des réfugiés. De même, déplacer le terrain
de lutte pour une paix juste et durable sur celui de l’anti-sionisme
serait une autre erreur. L’ambiguïté de cette
terminologie, qui permet à des personnages médiatiques
antisémites et négationnistes de s’en prévaloir
en se déclarant pro-palestinien suffit à la disqualifier.
Alors, après Gaza, que faire ? Une proposition est de soutenir
toutes les formes d’opposition non violente à l’occupation,
comme, par exemple, les actions coordonnées menées
à Bil’in contre le mur par des Palestiniens et des
Israéliens. Une Autre Voix Juive soutient cette idée.
Une autre proposition utile est de faire campagne pour des formes
de sanctions qui seraient en vigueur tant qu’Israël ne
s’engagerait pas concrètement dans la voie de la reconnaissance
des droits nationaux palestiniens.
Ces actions sont de trois types : campagne pour la suspension des
accords d’association UE/Israël ; campagne contre les
investissements étrangers en Israël qui contribuent
à la colonisation comme, par exemple, la construction ou
l’exploitation du tramway reliant des colonies à Israël
; campagne contre la commercialisation en France de produits israéliens
provenant des territoires occupés. La question de leur traçabilité
est cruciale. L’Union européenne l’a exigée.
Israël doit l’assurer. Cette campagne, dite de BDS (Boycott,
Désinvestissement, Sanctions) pourrait avoir le soutien d’un
grand nombre de démocrates en France. Mais pour cela, elle
doit éviter les perversions de ses variantes au niveau international.
Ainsi, un document émis par « Stop The Wall »
qui coordonne la campagne BDS à l’échelle internationale
énonce que « la campagne de BDS ne cible pas seulement
l’économie israélienne, mais elle remet en cause
la légitimité d’Israël, en tant qu’État
colonial et d’apartheid, dans le cadre de la communauté
internationale. Par conséquent, des efforts sont nécessaires
non seulement pour promouvoir le boycott des consommateurs, mais
aussi les boycotts dans les domaines universitaires, culturels et
sportifs ».
Une telle orientation serait un grave danger pour les progressistes
israéliens qu’elle isolerait. Elle pourrait aisément
être endossée par des mouvements antisémites,
et ainsi contribuerait à creuser, en France, le fossé
entre populations de culture juive et de culture musulmane. Alimenter,
l’idée d’une punition collective du peuple israélien,
de surcroît trop souvent identifié à un hypothétique
« peuple juif », aurait des résonances et des
conséquences dont il est inutile de souligner la gravité.
Une Autre Voix Juive, avec les 1100 signatures de son manifeste
(voir http://uavj.free.fr ) réaffirmé obstinément
depuis 2003, a fait la démonstration de l’existence
en France, parmi les Français juifs, d’un fort courant
qui dénie au CRIF et à Israël le droit de parler
en leur nom, et qui proclame la légitimité des droits
nationaux palestiniens, adossés aux résolutions de
l’ONU.
Maintenir et renforcer ce courant parmi nos compatriotes juifs
est un objectif dont l’importance, pour toutes sortes de raisons
liées à l’histoire, dépasse largement
la faiblesse numérique de la population concernée.
UAVJ est prête à soutenir une campagne ciblée
explicitement contre l’occupation et les colonies, et appuyant
les efforts conjoints des forces de paix en Palestine et en Israël.
Elle aura l’approbation de l’opinion publique. Dans
la lutte difficile, que mènent les forces démocratiques
pour aboutir à une paix juste et durable au Proche Orient,
il faut savoir maintenir le cap, quelles que soient les embûches,
et déjouer les provocations, d’où qu’elles
viennent.
Une Autre Voix Juive, octobre 2009
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