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origine
http://www.alternatives.ca/auteur/michel-warschawski
12 avril 2010
Pain azyme, hymnes, barbecues et bouclage de la Cisjordanie, voilà
le menu de la Pâque israélienne.
Les Juifs à travers le monde fêtent cette semaine
Pessah, la Pâque juive. Pour les pratiquants, il est interdit
pendant sept jours de manger du pain ainsi que tout ce qui est fermenté
par de la levure. Le premier soir de la fête est célébré
en famille autour d’un rituel qui remonte aux temps bibliques
où alternent cantiques et chants traditionnels. C’est
au cours de cette cérémonie, qu’on a appelée
plus tard la cène, que Jésus a été arrêté
par les Romains pour être jugé puis crucifié.
Pâque est la fête de la liberté, de la libération
de l’esclavage. Nul doute que les Palestiniens y trouveraient
leur place, non pas pour célébrer le passé,
mais pour fantasmer sur ce qu’ils n’ont pas encore eu
la chance de connaître.
En Israël, on a depuis de nombreuses années ajouté
un commandement supplémentaire qui ne faisait pas partie
du rite de nos ancêtres : « Pendant les sept jours de
la fête – et tant qu’on y est, deux ou trois jours
supplémentaires – les indigènes tu boucleras
dans leurs zones de résidence, afin que tu puisses fêter
ta Pâque dans la tranquillité. » C’est
ce que la radio nous a rappelé, la veille de la fête,
entre les diverses nouvelles sur les préparatifs de la soirée
pascale : « Le commandant militaire de la Cisjordanie a publié
un décret qui déclare le bouclage de la Cisjordanie
pendant les huit jours à venir. »
Il y a cependant quelque chose de trompeur dans la déclaration
de l’armée d’occupation : les Palestiniens sont
sous le régime du bouclage et des check-points depuis maintenant
plus de quinze ans, sans interruption. Quand on annonce la mise
en place du bouclage à l’occasion de la fête
de la liberté, on veut dire en fait que quelques milliers
de Palestiniens qui ont la chance d’avoir un permis d’entrée
en Israël – main-d’oeuvre indispensable à
la bonne marche de l’économie – voient leur permis
suspendu. Pour les autres, l’immense majorité, c’est
la même galère tout au long de l’année.
Autour de moi, dans le milieu qu’on appelle de gauche, on
fête une soirée de Pessah moderne, progressiste, universaliste.
Disent-ils. Pourtant, si l’on veut marquer sa différence,
on ne peu se contenter, comme ils le font, de rappeler les combats
pour la liberté à travers les siècles, de Spartacus
à la lutte victorieuse contre l’apartheid. L’enjeu
de la liberté se joue ici, à quinze minutes de nos
dîners festifs, et c’est à côté
du mur de l’apartheid et des dizaines de sites de colonisation
qu’il faut dénoncer l’asservissement des indigènes.
Et c’est ce qu’ont fait quelques centaines de jeunes
militantes et militants qui ont mis à profit ces jours fériés
pour manifester, à Bil’in, Maassara, Cheikh Jarrah
et ailleurs, contre une conception de la liberté qui se conjugue
différemment selon qu’on soit juif ou arabe.
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