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Histoire du féminisme de Michèle Riot-Sarcey (La Découverte
2002)
Si l’idée d’égalité des sexes est
fort ancienne, le mot « féminisme » date du XIXème
siècle. Son sens moderne apparaît en 1882 ( utilisé
par Hubertine Auclerc). Ce livre étudie les grandes étapes
du féminisme de 1789 à nos jours. Il insiste particulièrement
sur la période des « Révolutions » (de 1789
à 1848) qui ont été paradoxalement des périodes
d’exclusion de la citoyenneté pour les femmes en même
temps que progressait l’aspiration de tous et toutes à
l’égalité.
Révolution de 1789 Les femmes sont très présentes
dans les diverses actions révolutionnaires (cahiers de doléances,
manifestations d’octobre 1789 pour demander du pain et des
armes…) De plus, elles investissent l’espace public
: clubs féminins, sociétés d’entraide
et de bienfaisance.Théroigne de Méricourt, Olympe
de Gouges sont des pionnières du féminisme. Certaines
se battent aux frontières. En 93, le club des citoyennes
révolutionnaires réunit 200 femmes qui investissent
les tribunes publiques (les « tricoteuses »). Elles
s’identifient au peuple souverain mais sont incomprises. Les
députés leur dénient finalement tout droit
politique fin 93 et elles sont ainsi exclues de l’universalité
des droits.
1800-1848 Les héritiers de 1789 s’interrogent sur
la place des femmes dans la société. Sylvain Maréchal,
qui rédigea avec Babeuf le Manifeste des Egaux (1801) rédige
un projet de loi « portant défense d’apprendre
à lire aux femmes » au nom de leur « nature »
et de la raison. Seul, Fourier affirme que « Les progrès
sociaux et changements de période s’opèrent
en raison du progrès des femmes vers la liberté ».
Après les journées révolutionnaires de juillet,
les saint-simoniens (disciples de Fourier) qui mettent la «
question femme » au centre de leurs débats représentent
un espoir pour beaucoup de femmes qui participent à ce mouvement
et y prennent des responsabilités. Mais cela ne dure pas
car, selon les dirigeants saint-simoniens, le temps de la «
femme libre » n’est pas encore venu et ce sont les hommes
qui tiennent à garder la parole. De 1830 à 1848, quelques
femmes comme Flora Tristan tentent de faire entendre leur droit
à l’égalité en même temps qu’elles
luttent aux côtés des ouvriers, mais, si le pouvoir
ne les entend pas, les républicains et socialistes ne les
entendent pas plus.
1848 La République proclamée en février, les
espoirs des femmes renaissent. Elles manifestent, pétitionnent,affirmant
par exemple « Il ne peut y avoir deux libertés, deux
égalités, deux fraternités ; la liberté,
l’égalité de l’homme sont bien évidemment
celles de la femme ». Mais elles sont toujours incomprises
et rejetées par les républicains et les socialistes.Les
journaux préfèrent se moquer d’elles grossièrement
(Daumier par exemple). Ces femmes de 48 prennent naturellement le
parti des ouvriers en juin 48 et s’adressent à Proudhon,
l’un de leurs penseurs respectés mais celui-ci proteste
« au nom de la morale publique et de la justice elle-même
» contre les prétentions des femmes à se présenter
aux élections et cache même le nom de Jeanne Deroin,
candidate à l’assemblée. Ainsi, le socialisme
au masculin s’impose et les femmes sont exclues de la République.
1860-1918 Des individualités féminines apparaissent
dansl’opposition au second empire. Ainsi Julie Daubié,
première femme bachelière, Marie Deraisme, Louise
Michel. Puis avec la République en 1870, de nouveaux droits
se conquièrent peu à peu. La lutte pour le suffrage
des femmes s’organise indépendemment des autres mouvements
de femmes(Union Française pour le Suffrage des Femmes 1909).
Toutefois féminisme et socialisme sont toujours irréconciliables.
En 1893, Clara Zetkin commence à argumenter contre les «
bourgeoises émancipatrices ». Le mouvement féministe
est divisé lors de la guerre de 1914. Les organisations suffragistes
soutiennent l’Union sacrée et s’engagent dans
la défense nationale. Mais à partir de 1915, beaucoup
s’opposent à la guerre (Hélène Brion)
L’entre-deux-guerres La majorité des féministes,
pour populariser leurs idées, acceptent de se conformer aux
règles sociales qui définissent la féminité.
Après une guerre particulièrement meurtrière,
elles affirment que le premier devoir des femmes est d’avoir
des enfants. Elles approuvent une loi qui réprime les pratiques
abortives. L’accès au droit de vote reste une revendication
essentielle. Beaucoup de pays viennent de voter ce droit ( Angleterre,
Etats-Unis, Allemagne, Suède, Belgique…). En France,
l’assemblée nationale le vote en 1919 mais le Sénat
bloque la loi. La plupart des féministes défendent
l’idée de la complémentarité des sexes,
luttent pour la paix, la défense de la famille, pour de meilleures
conditions de vie des ouvrières. Féminisme et catholicisme
peuvent dans cet esprit se réconcilier. Certaines féministes
se tournent vers le jeune parti communisme en 1920. Celui-ci défend
une politique maternaliste mais cependant s’oppose à
la double oppression des femmes, par le capitalisme dans le travail
et par les hommes dans la famille. En 1933, il défend un
projet de loi pour la dépénalisation de l’avortement
. Après 1936, il se rallie à l’opinion majoritaire
anti-avortement et hostile à la contraception. La victoire
du Front populaire permet à trois femmes d’être
secrétaires d’état. Mais le Sénat empêche
toujours de débattre du vote des femmes bien que la chambre
des députés l’ait voté pour la troisième
fois.
L’après-guerre L’ègalité politique
est enfin reconnue en1944, comblant un retard français. En
1946, 33 femmes sont élues à l’assemblée,
dont 23 communistes : c’est peu après le rôle
des femmes durant la guerre et la Résistance. Après
la guerre, tous les mouvements de femmes sont « maternalistes
», en particulier l’U.F.F. créée après
la guerre dans la mouvance du parti communiste. Dans une situation
d’exception, le féminisme au sens d’avant-guerre
n’est plus tellement d’actualité. La défense
de la paix, la méthode dite d’accouchement sans-douleur,
sont mises en avant plus que la contraception ou l’avortement.
Le combat pour l’égalité des sexes est comme
effacé et les femmes cantonnées dans un espace conforme
à leur « nature ». En 1949, paraît Le Deuxième
sexe de Simone de Beauvoir. Le retentissement est immense. C’est
un tournant dans la lutte féministe. La sexualité
apparaît dans sa dimension libératrice. La prétendue
« nature » féminine est en fait une construction
sociale : « on ne naît pas femme, on le devient »
selon la formule célèbre de S. de Beauvoir. L’influence
de ce livre qui fait scandale est énorme et le mouvement
en faveur d’unelibération individuelle semble désormais
irréversible. De nouveaux mouvements apparaissent malgré
le silence des partis politiques : en1960, le mouvement français
pour le planning familial, des mouvements féministes autour
du P.S. et du P.S.U.(M.D.F. par exemple).
L’après-1968 Le mouvement de 68 se décline
encore au masculin. Mais le bouleversement culturel lié aux
« évènements » permet au mouvement féministe
de se constituer de manière autonome. Plusieurs manifestations
fondent le M.L.F. : en mai 70, à Vincennes autour d’Anne
Zélenski, Antoinette Fouque, Christine Delphy en particulier.
Ce mouvement de femmes refuse la mixité, affirme que l’oppression
des femmes n’a rien à voir avec un système économique
et a ses racines dans la société patriarcale. Elles
réclament l’avortement libre et gratuit (pétition
des 343) et créent le M.L.A.C.(Mouvement pour la liberté
de l’avortement et de la contraception). 1974 : la loi Veil
libère l’avortement La contestation féminine
n’épargne pas les partis politiques, P.S. et P.C.F.où
le groupe « Elles voient rouge » dresse un réquisitoire
contre la direction du parti. Des revues, des éditions («
Des Femmes »), des associations se créent contre la
domination masculine et toutes les dominations de sexe, de race,
de genre. 1993 : création du mouvement pour la parité
par le collectif féministe « Ruptures ». Ce mouvement
aboutit au vote d’une loi en juillet 99 sur la parité
politique. Cette loi n’est que très partiellement appliquée.
Elle est critiquée au niveau des principes : les législateurs
se sont cru obligés d’intégrer la différence
sexuelle dans l’article 1 de la constitution, excluant ainsi
les femmes de l’universalité.
Ainsi les femmes ont obtenu des droits sociaux et politiques sous
l’impulsion des féministes. Reste aujourd’hui
à conquérir le pouvoir de les exercer.
mercredi 5 novembre 2003
Origine : site Pcf
http://www.77.pcf.fr/reseaux/reseaufemmes/note153.html
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