Origine : http://blogbernardgensane.blogs.nouvelobs.com/tag/MauriceRajsfus
L'écrivain Maurice Rajsfus a été arrêté
par des policiers français le 16 juillet 1942, durant la
rafle du Vel d'Hiv'. Il nous envoie cette tribune en réaction
à l'idée de Nicolas Sarkozy de faire porter par chaque
élève de CM2 la mémoire d'un enfant de la Shoah.
Entre le 16 juillet 1942 et le 31 juillet 1944, 11 000 enfants
dont les parents étaient désignés comme juifs
devaient être raflés, puis déportés vers
les camps de la mort. Pour Nicolas Sarkozy, il faudrait que chaque
élève de CM2 prenne en charge la mémoire de
l’une de ces victimes de la haine raciale.
Une autre approche est possible, en se posant la question essentielle:
qui a arrêté ces jeunes? Ce sont nos policiers et gendarmes
français, lesquels n’ont jamais hésité
à les confier rapidement aux bons soins des bourreaux nazis!
Il serait donc cohérent que dans chaque commissariat soient
rappelé régulièrement les exploits des anciens
de nos forces de l’ordre.
De tels rappels à l’Histoire seraient tout à
fait salutaires, en un temps où policiers et gendarmes sont
constamment en mission pour traquer les sans papiers et, à
l’occasion, les séparer de leurs enfants -sans que
cela les traumatise particulièrement.
Bien sûr, il ne saurait être question de comparer les
périodes, car le temps de la barbarie nazie est heureusement
révolu. Pourtant, les mauvaises manières n’en
perdurent pas moins, et les fonctionnaires d’autorité
de la République ne se risquent jamais à transgresser
des ordres qui ne sont en rien compatibles avec les traditions humanitaires
du pays des droits de l’homme.
Une fois encore, on nous objectera: "Ce n’est pas pareil!"
Belle façon de faire l’impasse sur des dérives
insupportables. Tout serait donc permis, dès lors qu’un
régime se proclame démocratique et que ses dirigeants
procèdent du suffrage universel?
Une certitude: les policiers et les gendarmes de la République
pourraient tirer grand profit de l’étude des périodes
noires de notre histoire, et des missions dont les forces de l’ordre
étaient investies, de l’été 1940 à
l’été 1944.
Enfin, si au temps de l’occupation nazie ceux qui s’accommodaient
de leur fonction ne pouvaient refuser, paraît-il, les ordres
reçus, il en va tout autrement en 2008.
|