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Les silences de la police
16 juillet 1942 – 17 octobre 1961
Jean-Luc Einaudi et Maurice Rajsfus, Les silences de la police, Editions l’Esprit frappeur,
96 pages, 3 euros.


Origine : http://pagesperso-orange.fr/revuesocialisme/s5police.html

« En l’an 2000, la préfecture de police de Paris a célébré son bicentenaire. A cette occasion a été écrit et publié un petit ouvrage relatant l’histoire de la préfecture de police vue par elle-même. Réalisé sous la direction (scientifique, paraît-il) de monsieur Claude Charlot, chef du service des archives et du musée de la préfecture de police, il s’intitule La préfecture de police au service des Parisiens et est sous-titré Fidèle à ses traditions pour préparer l’avenir. Tout un programme. »
Ainsi débute le fascicule pamphlétaire de 86 pages de Jean-Luc Einaudi et Maurice Rajsfus.

Quand le passé de la préfecture de police sous l’occupation nazie et pendant la guerre d’Algérie, est escamoté ou se réduit à une ligne ou deux de cet ouvrage préfectoral, on comprendra la colère légitime de nos deux auteurs.

On apprend que l’avant-propos de ce livre est rédigé par Philippe Massoni, formé aux affaires policières quand Maurice Papon dirigeait la préfecture de police de Paris.

Mais l’on apprend aussi que cet ouvrage est préfacé par le ministre de l’Intérieur de l’époque, Jean-Pierre Chevènement, lequel engage gravement la responsabilité du gouvernement de Lionel Jospin. Et dans cette préface, bien sûr, rien sur le passé criminel de la préfecture de police, « cette grande maison ».

Après les non-dits et la non-reconnaissance de ces erreurs, « le négationnisme est vite franchi » écrit Maurice Rajsfus qui étend sa réflexion sur tous les abus commis au nom de l’État français : rafles des juifs sous l’Occupation, massacre des algériens le 17 octobre 1961 et les tortures en Algérie et en France, non-dits sur les horreurs de la guerre d’Indochine et sur la sanglante répression à Madagascar en 1947.

Au nom de quelle idéologie, qu’elle soit étatique, religieuse ou se revendiquant d’un groupe politique (négation des goulags en URSS par le PCF au nom de la révolution prolétarienne) ne doit-on pas se pencher sur les erreurs passées ?

On falsifie l’histoire, ainsi peut-on recommencer et continuer au détriment des Droits de l’homme! Maurice Rajsfus ne fait aucune concession à cette police de Vichy qui s’est empressée d’exécuter les ordres de la Gestapo, laquelle aurait été bien incapable sans cette aide providentielle de répertorier, traquer, surveiller, rafler, emprisonner les juifs, les communistes, les francs-maçons, les gaullistes, et les résistants.

Et la question essentielle qui se pose n’est-elle pas : Doit-on obéir à tous les ordres, mêmes illégaux, et à tous les hommes ?

A la Libération, la police de Vichy est devenue la police de la IVe République (Papon est nommé préfet de police pendant la guerre d’Algérie) : « les résistants de Londres qui arrivaient en France se refusaient à accorder leur confiance à ceux qui sortaient des maquis ou avaient participé à la guérilla urbaine ».

Nous ne nous étonnerons pas que cette police ait continué sur sa lancée de 1958 à 1962 à contrôler au faciès. Ce fut une période sanglante pour les Algériens en France. Papon, encore lui, sévissait déjà à Constantine en tant que fonctionnaire en mission extraordinaire. Entendez par là : supervision des tortures, emprisonnements, et exécutions sommaires. Ses méthodes éprouvées pendant la seconde guerre mondiale, perfectionnées en Algérie, ont été transposées à Paris. Plusieurs centres de tortures ont été ouverts dans la capitale : « plus de 5000 Algériens sont internés dans l’ancien hôpital Beaujon, au gymnase Japy et au Vel d’Hiv… ». La Seine charriera ces cadavres d’hommes sans armes, torturés, ligotés, massacrés à coups de crosse et de manche de pioche, tout ceci pour assurer la « paix publique » pour reprendre l’expression de Monsieur Massoni. Une police qui poursuivra ses actes de répression contre les lycéens et les étudiants en mai 1968 et à présent les jeunes de banlieues, les étrangers et tous les sans-papiers qui menaceraient une société qui n’aime pas le désordre.

Maurice Rajsfus et Jean-Luc Einaudi dénoncent et démontent clairement et implacablement cette machine infernale qu’est cette grande maison policière composée de mercenaires à la solde de l’État.

A offrir à toute personne qui vous dira :
« Mais des policiers, il en faut ! Oui, mais de quelle sorte, pour quelle mission, et ne pourrait-on attendre d’eux qu’ils réfléchissent à leurs actes comme tout citoyen lambda ? »

Tahar Aoualli