Origine : http://nlpf.samizdat.net/spip.php?article23
Prison de Bapaume, 13 septembre 2003, manifestation de soutien
à l’appel de Nlpf ! et du Secours rouge international
En quels temps vivons-nous ?
La justice a cédé le pas à la vengeance.
Qu’en est-il du respect des lois de la République
? Il paraît qu’il y a une loi Kouchner pour libérer
les prisonniers gravement malades. Qui pourrait affirmer cela ?
Seul Maurice Papon, peut-être, qui a pu quitter la prison
de la Santé, après trois ans d’emprisonnement,
en faisant un bras d’honneur aux 1680 Juifs de Bordeaux qu’il
a contribué à expédier dans les camps d’extermination.
Maurice Papon, malgré ses quatre-vingt treize ans, n’est
pas vraiment malade et jouit d’une liberté pleine et
entière. Joëlle Aubron n’a qu’un cancer
au cerveau. Peu de choses, en somme. Nathalie Ménigon est
également en grave danger mais les verrous de leur prison
ne semblent pas près de s’ouvrir. Peut-être a-t-on
perdu les clés...
En quels temps vivons-nous ? On a libéré Maurice
Papon, au nom d’un humanisme charitable, mais Joëlle
Aubron est parfois menottée sur son lit, dans un hôpital
sous haute surveillance. Des policiers rôdent dans les rues,
autour de la douillette résidence de Maurice Papon, mais
c’est pour le protéger de possibles intrus qui viendraient
lui rappeler les morts de Bordeaux, mais aussi ceux du pont Saint-Michel
et de Charonne. D’autres policiers montent la garde devant
la chambre de Joëlle Aubron mais leur mission est nettement
moins conviviale. On a récemment libéré Loïc
Le Floch-Prigent. Celui-là s’est largement goinfré
sur les deniers de l’État et donc des contribuables.
Le Floch est malade, mais sa vie n’est pas en danger. Il se
trouve seulement que cet escroc était un grand commis de
l’État. Tout comme l’avait été
Maurice Papon.
En quels temps vivons-nous ? On nous explique que libérer
Joëlle Aubron et Nathalie Ménigon - après dix-sept
ans de prison - pourrait provoquer un trouble à l’ordre
public. Billevesées : toutes deux ne quitteraient la prison
que pour un lit d’hôpital. Le véritable trouble
à l’ordre public a été créé
par la libération de Maurice Papon à qui, semble-t-il,
l’État chiraquien a finalement pardonné. En
fait, le trouble à l’ordre public est provoqué
par cet État, de plus en plus policier, qui espère
régler ses difficultés en maintenant en prison les
grands malades qu’il ne faut libérer sous aucun prétexte.
En quels temps vivons-nous ? Quelle est la logique de cet acharnement
judiciaire et policier ? Il est clair que, pour ce pouvoir, il ne
faut pas que les quatre d’Action directe puissent un jour
retrouver la liberté. Quel que soit leur état de santé
! La sollicitude ne profite qu’aux assassins d’État
et aux escrocs en col blanc qui ne représentent aucun danger
pour les institutions, dont ils sont l’émanation. Dans
notre démarche, il n’est pas question d’idéologie
mais de simple solidarité. En revanche, pour ceux qui détiennent
les clés des prisons, leur survie morale est peut-être
au prix de l’enfermement de quatre militants perdus, rendus
malades par le système carcéral.
Qui pourrait hésiter à exiger une remise en liberté
qui ne serait qu’une simple mesure humanitaire ? Encore une
fois, il ne s’agit pas de charité. Les deux prisonnières
de Bapaume ne demandent pas l’aumône mais la solidarité.
Nous la leur devons !
Nous sommes là pour dénoncer une attitude de vengeance
à perpétuité. Nous sommes là pour exiger
la libération de tous les prisonniers malades, y compris
ceux d’Action directe. Nous sommes réunis pour rejeter
cette justice haineuse qui sélectionne ses bons et mauvais
sujets. Il faut bien constater que ces choix ne sont jamais innocents.
Dénoncer cette situation doit faire de nous des coupables
potentiels...
Maurice Rajsfus, Observatoire des libertés publiques
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