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Origine : http://quefaitlapolice.samizdat.net/?p=63
Nous y sommes. Le ministre de la police est devenu président.
Tout au long de son proconsulat au ministère de l’Intérieur,
Nicolas Sarkozy a multiplié les lois scélérates
– sans négliger de nombreux fichiers liberticides.
Il sera désormais en mesure de modifier les institutions,
pour remettre en cause les acquis sociaux et les libertés
fondamentales.
La liste est longue des atteintes à la démocratie
qui ont commencé à remodeler cette société
qui n’aura bientôt plus de république que le
nom. Dans le prolongement de la Loi sécurité quotidienne
(LSQ) de Daniel Vaillant, votée en novembre 2001, nous connaîtrons
la Loi d’orientation et de programmation de sécurité
intérieure (LOPSI), dès juillet 2002, suivie de la
Loi sécurité intérieure de mars 2003, donnant
encore plus de pouvoirs à la police. Avec les lois Perben,
c’est toute la population de ce pays qui sera livrée
au bon pouvoir de la police. C’est ainsi que, de l’été
2002 au printemps 2007, la volonté répressive des
autorités policières et judiciaires a permis de faire
exploser le nombre de gardes à vue, tout comme la population
carcérale. Non content de mettre le pays sous influence policière,
Nicolas Sarkozy n’a pas manqué d’afficher son
intention de transformer les acteurs de la vie sociale en auxiliaires
de la police, avec son projet de loi sur la « prévention
de la délinquance.»
Comme les forces de police lui apparaissaient insuffisantes, le
ministre de l’Intérieur prévoyait , dans le
cadre de la loi LOPSI, une réserve de policiers à
la retraite pour « parer aux situations de crise. »
Ensuite, non content de faire surveiller le pays par plus de 250.000
policiers et gendarmes, Nicolas Sarkozy décidait d’instaurer,
dans des régions pilotes, une « service citoyen volontaire
», constitué de bénévoles décidés
à aider les forces de l’ordre pour assurer la sécurité
publique. Ces bons citoyens bénéficiant de l’immunité
policière. Il y aura ensuite une expérience, dans
quelques régions, de la filière « cadets de
la police », tentée dans quelques lycées. En
effet, l’enseignement répressif n’est jamais
trop précoce – il ne faut pas injurier l’avenir
…
Bien évidemment, l’aspect matériel n’a
pas été négligé. Après avoir
été doté de la matraque tonfa, nos policiers,
déjà surarmés, vont être gâtés.
Quelques jours après son arrivée au ministère
de l’Intérieur, Nicolas Sarkozy s’empressait
d’annoncer, le 22 mai 2002, que les unités de proximité
recevraient des pistolets Flash-ball. En 2003, c’est l’arrivée
des premiers pistolets électriques Täser, aux effets
incapacitants, qui auraient déjà fait plus de 200
victimes aux Etats-Unis. Il convient de noter que cette arme, dite
« non-létale » est interdite dans de nombreux
pays. Viendra ensuite le pistolet Sig-Sauer qui peut tirer quinze
balles. A quand les mitraillettes, comme de 1940 à 1944 ?
Bénéficiant de la protection de leur hiérarchie,
on appelle cela être « couvert », nos policiers
s’en sont donnés à cœur-joie. On n’a
jamais autant rudoyé, injurié, le citoyen ordinaire,
matraqué le suspect, poursuivi pour outrage et rébellion
quiconque n’acceptait pas de se plier aux injonctions des
fonctionnaires dépositaires de l’autorité publique.
Au-delà des coups physiques et des mauvais coups moraux,
la police de Nicolas Sarkozy s’est montrée à
la hauteur de nos inquiétudes, et nous l’avons régulièrement
exprimé dans notre bulletin. Dès le 5 mai 2002, il
était possible d’entendre des policiers proclamer :
« Nous avons tous les droits, maintenant ! », tandis
que le président du syndicat des commissaires de police expliquait,
sans rire : « Nous allons rétablir la République
! » Ce qui nous conduisait à écrire dans le
numéro de juin 2002 de Que fait la police ? : dans les semaines
qui viennent, nous saurons ce qu’il subsiste de cette police
républicaine, supposée assurer la protection des personnes
et des biens. »
Les défenseurs des droits de l’homme ont rapidement
compris la nature du nouveau ministre de l’Intérieur.
Il ressort de son discours prononcé le 25 octobre 2002, à
Strasbourg, qu’il ne prétend plus seulement rétablir
l’ordre : il fait la guerre ! C’est ainsi qu’au
fil des mois, en supplément des bavures policières
classiques, la pratique de la rafle va devenir habituelle ; aussi
bien contre des campements de Roms que contre des sans-papiers.
Dans le numéro de mai 2003 de Que fait la police ? nous ne
faisions que rappeler : « La sécurité est une
authentique valeur de droite, et pas seulement un argument de campagne
électorale. Le sentiment sécuritaire, poussé
à son paroxysme, permet de mettre en condition toute une
population. La sécurité, c’est le miroir aux
alouettes de la Majorité silencieuse. La sécurité,
nouveau dogme, concerne surtout les innocents aux mains pleines,
tout comme les Evangiles tentant de faire croire aux Pauvres en
Esprit que le royaume des cieux leur appartient. »
Le climat est devenu délétère depuis que Nicolas
Sarkozy a demandé aux policiers d’être plus productifs
et donc de travailler au rendement, avec prime à la clef
pour les plus méritants. Ainsi, livrés à leurs
plus bas instincts, les forces de l’ordre ne connaissent plus
de limites – peut-être même persuadées
qu’elles ne font que leur devoir de fonctionnaires de la République.
Ce qui nous conduisait à écrire, dans le numéro
de décembre 2003 de Que fait la police ?: « Les fourgons
de police sillonnent nos villes. Toutes sirènes hurlantes,
les rambos agressent nos tympans dans les rues calmes de nombreuses
cités, comme pour nous persuader que la République
est en danger. A voir les policiers partout, et en toutes circonstances,
le sentiment est fort que le pays est sous occupation – même
si ce terme peut déplaire à certains… »
Même tonalité dans notre éditorial de Que fait
la police ? de janvier 2004, sous le titre, « Bonne année
policière », avec ce constat : « …La police
veille, la police nous surveille…Aucun de nos gestes n’échappe
à la vigilance d’une police dopée par les lois
Sarkozy et Perben. Nous sommes de plus en plus fichés, politiquement
et même socialement…Bien loin de nous la tentation de
faire un quelconque amalgame avec une autre période, quand
la police de pays disposait d’un pouvoir discrétionnaire,
et quasiment droit de vie ou de mort sur tous les citoyens de ce
pays… Fort heureusement, ce sinistre passé est révolu…
(mais) la France est toujours occupée par des forces de l’ordre
trop nombreuses et disposant de bien trop de pouvoir. .. »
En cette 2004, les tribunaux sont engorgés de plaintes de
policiers pour outrages à leur endroit.. Il est devenu habituel,
en effet, qu’à chaque agression contre un paisible
citoyen ou un petit délinquant, le policier ordinaire prenne
la triste habitude de porter plainte contre sa victime. Ce qui nous
conduisait, dans le numéro de juin/juillet 2004 de Que fait
la police ? à interpeller les fonctionnaires d’autorité
: « Sans droit à l’outrage, il n’ y a pas
d’hommage possible. Sans possibilité de rébellion,
comment envisager une société différente –
et en tout cas meilleure ? Depuis quelques décennies, nos
gouvernants ont voulu nous convaincre – violemment- que la
police, protectrice d’une certaine vision de la démocratie,
était intouchable. Finalement, à force de trop flatter
ce corps répressif, ses tuteurs l’ont rendu arrogant
et persuadé de représenter le meilleur rempart des
institutions…Il faudrait donc marcher au fouet , mais quelle
peut être la nature d’une démocratie qui prétend
prospérer sous la protection des matraques ? »
Le rapide passage de Dominique de Villepin au ministère
de l’Intérieur (de mai 2004 à juin 20025) n’a
en rien modifié le comportement policier. Comme l’exprimait
si bien Akhenaton, du groupe IAM, en février 2004 sur France
2 : « Un peuple qui a peur se gouverne plus facilement ! »
C’est ce que nous tentions d’exprimer dans Que fait
la police ? de février 2005 : « …Le pays des
Droits de l’Homme devient peu à peu le pays des droits
du policier…Lorsque les policiers parlent de leurs droits,
il y a fort à craindre pour les Droits de l’homme.
»
Tout Etat policier en devenir se préoccupe d’assurer
son pouvoir, bien plus que de protéger les libertés
individuelles. De retour au ministère de l’Intérieur,
Nicolas Sarkozy recommence à vitupérer. Le 3 juin
2005, il prêche la « tolérance zéro »
à Perpignan et, quelques jours plus tard, sa volonté
de débarrasser la France des voyous. A Torcy (77), le 6 juin,
il explique aux voyageurs du RER que : « Les étrangers
mettent la France en danger. » Le 20 juin suivant, de passage
à La Courneuve (93), il lance cet avertissement : «
Nous allons nettoyer au Karcher la Cité des 4000. »
Le 22 juillet, il se dit déterminé à «
assainir la Corse ! ». Le 25 octobre, sur la dalle d’Argenteuil,
ce sont les « racailles » qui sont désignées
d’un doigt vengeur, avec cette affirmation : « Nous
allons vous en débarrasser ! » Beau programme.
Commentant la révolte des banlieues, d’octobre et novembre
2005, qui suivait les provocations verbales du ministre de l’Intérieur,
l’éditorial de Que fait la police ?, de décembre
2005, se voulait sans équivoque : « …Si durant
trois semaines le feu a fait ses ravages, il est possible de désigné
le pyromane : un fils d’immigré hongrois connu sous
le nom de Nicolas Sarkozy. Lorsque les policiers, repris en mains,
cesseront de poursuivre la guerre d’Algérie contre
de jeunes Français prénommés Farid ou Nordine,
la société française sera peut-être en
voie d’apaisement… »
De plus en plus, la volonté est forte de faire savoir au
bon peuple qu’il n’ y a pas de véritables innocents
dans ce pays, et que toute personne interpellée est «
bien connue des services de police. » Comment ne pas se sentir
visé par cette brutalité langagière. Je ne
pouvais que réagir de façon volontairement excessive
dans le numéro de janvier 2006 de Que fait la police ?: «
Personnellement, je suis bien connu des services de police depuis
le 16 juillet 1942, alors que je portais l’étoile jaune,
et que des policiers bien Français sont venus me rafler avec
ma sœur et mes parents, à Vincennes ! » Peu décidé
à baisser le ton, je rappelais de nouveau, dans le numéro
de mars 2006 de Que fait la police ?: « …Dans un pays
libre, ce n’est pas à la police d’être
le meilleur garant de la démocratie. Ce qui est certain c’est
que, de l’été 1940 à l’été
1944, la police française était garante du respect
de l’ordre nazi ! »
Au fil des mois, au fur et à mesure que s’approche
l’échéance électorale, Nicolas Sarkozy
n’a rien caché de sa volonté de marginaliser
les plus faibles, au profit des nostalgiques d’un pouvoir
fort. Même les plus jeunes sont dans l’œil du cyclone
car il est envisagé une forme de fichage des enfants., dès
l’école maternelle, pour débusquer les futurs
criminels sexuels. Le ministre de l’Intérieur expliquant
tranquillement que, génétiquement, les jeunes étaient
programmés pour devenir délinquants ou bon citoyens.
D’où notre réaction ironique, dans le numéro
de juillet 2006 de Que fait la police ?: « Celui qui s’est
risqué à traiter les jeunes des cités de racailles,
tout en évoquant ces quartiers qu’il fallait passer
au Karcher, regurgite sans doute ses rages d’enfant gâté…Si
l’on s’était intéressé plus tôt
à la nature des colères froides du petit Sarko –
vers 1957 – peut-être ne serait-il pas devenu le vibrion
incontournable que l’on connaît en 2006. »
Avec un tel ministre de tutelle, les forces de l’ordre vivent
désormais dans un autre monde que le nôtre. C’est
ce que nous exprimions dans le numéro de septembre 2006 de
Que fait la police ?, en ligne : « Lorsque l’on rappelle
le policier à son devoir, il répond par l’affirmation
de ses droits. Se considérant comme au-dessus des lois qu’il
est censé faire appliquer, le policier se persuade qu’il
est un citoyen à part, qu’on lui doit le respect et,
comme l’avait affirmé Nicolas Sarkozy, en 2004, qu’on
doit l’aimer. Faute d’être au service de la société,
le policier est surtout au service de l’ordre. En effet, de
plus en plus, la police contrôle la société,
mais qui contrôle vraiment la police ? »
Après les tristes exploits des CRS et des gendarmes mobiles,
à Cachan, en août et en septembre 2006, il devient
évident que les porteurs d’uniformes bleu marine ont
de moins en moins d’état d’âme. La cible
importe peu, même s’il s’agit de femmes et d’enfants
– comme au temps de l’occupation nazie. Il faut avoir
assisté aux véritables agressions subies par des femmes,
portant leur enfant sur le dos, pour bien comprendre la disponibilité
des forces de l’ordre. Comment décrire des CRS ricanant,
jouant de la matraque sous le nez de femmes enceintes. D’où
ce constat dans le numéro d’octobre 2006 de Que fait
la police ?: « Le policier n’a aucune difficulté
à pratiquer la violence verbale, tout autant que la violence
physique. Il lui est possible de matraquer hommes, femmes, enfants
ou vieillards. Lorsque la trique autoritaire s’abat sur un
crâne, le policier ne ressent aucune émotion particulière,
n’imaginant même pas que sa propre mère, son
épouse ou son fils puisant subir le même traitement.
»
Déjà dressé pour mater une société
qui ne marcherait pas au pas cadencé, le policier n’a
pas amélioré sa pratique tout au long des années
Sarkozy. Il n’est pas – ou plus – ce fonctionnaire
au service du public. En fait, il est bien à l’image
de ce ministre de l’Intérieur qui s’est donné
le rôle du Père Fouettard, avant de s’imposer
comme père de la nation. Dans l’éditorial de
Que fait la police ? de novembre 2006, est posée la question
essentielle : « L’histoire du siècle passé
nous enseigne que la police de ce pays n’ pas hésité
à se ranger dans le camp d’un pouvoir répressif
lié au régime hitlérien. Comme cela a pu être
le cas en Espagne, sous Franco, en Grèce, du temps des colonels
ou au Chili, sous Pinochet. Bien sur, ce rappel n’est rien
qu’une hypothèse, mais qui n‘a rien d’hasardeuse…
»
En février 2007, nous sommes déjà en pleine
campagne électorale. Une fois de plus, le ministre de l’Intérieur
nous explique que l’ordre doit s’imposer face à
une insécurité qui ne cesse de se développer,
alors que les forces de l’ordre n’ont jamais été
aussi nombreuses. Un constat s’impose dans Que fait la police
?: « Le policier prétend dicter sa loi, et se veut
la lou. L’institution policière nous tient sous haute
surveillance. La volonté de faire peur est évidente.
Le pouvoir doit être craint et le policier est son bras armé
! »
A quelques semaines de l’élection présidentielle,
la volonté est évidente d’instaurer une société
policière. Cela ne soulève que peu d’inquiétude,
tant les électeurs s’intéressent surtout au
profil des candidats : peu importe le programme. C’est ainsi
que l’essentiel est oublié, ouvrant les portes à
une République gorille. Nous vivons déjà dans
une démocratie sous haute surveillance policière,
mais le pire n’est pas encore envisagé. Dans le numéro
de mars 2007 de Que fait la police ?, nous ne pouvons que noter
: « Nous vivons dans u pays où la répression
est devenue la règle…Nous vivons dans un pays où
la sanction remplace le dialogue. Nous vivons dans un pays d’ordre
où la punition doit servir de modèle pédagogique…Nous
vivons dans une société déviante, policière
jusqu’au tréfonds de son administration… »
Les urnes vont rendre leur verdict mais notre société
ne paraît pas autrement inquiète. La présence
policière, à tous les instants de notre vie ne bouleverse
pas exagérément les bons Français de France.
Quant aux autres… Dans le numéro d’avril 2007
de Que fait la police ?, il paraît important de lancer un
cri d’alarme, dans la perspective d’une victoire du
ministre de l’Intérieur aux élections présidentielles
: « Cet homme est dangereux. Il ne cherche même pas
à masquer son rejet des libertés fondamentales. Cet
homme est dangereux mais ses sbires, et les laquais ralliés,
le sont encore plus…Cet homme est dangereux. Sous son sourire
carnassier, quand il ne présente pas un regard mauvais, se
profile la promesse d’un châtiment collectif pour ceux
qui se hasarderont à ne pas marcher droit. Déjà
les policiers commencent à sssurer, comme une menace : «
Tu verras quand il sera président ! »
Nous y sommes…
Maurice Rajsfus
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