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Allez vous faire voir !
A propos du référendum sur le quinquennat
par Maurice Rajsfus
vendredi 1er septembre 2000

Origine : http://infos.samizdat.net/article52.html?var_recherche=Rajsfus

Depuis le mois de septembre 1958, le référendum est devenu un moyen utile, pour le pouvoir en place, de se faire plébisciter, ou de tenter de convaincre les citoyens que les prises de décision importantes leur appartiennent. Cette apparence de suffrage universel n’est rien d’autre qu’une demande de délégation de pouvoir pour un seul homme ou un petit groupe censé être infaillible.

Quoique l’on puisse penser de la nécessité ou non de participer à une consultation électorale, il est certain que le référendum a toujours constitué le piège à con absolu. C’est, à coup sûr, l’inverse de la démocratie dans la mesure où les fameux « élus du peuple » n’ont plus la parole.

Le référendum est la meilleure approche pour faire se mêler les voix du petit peuple avec celles de la bourgeoisie. Toujours au nom d’une grande cause nationale. C’est soi-disant au nom du peuple français que serait décidée la grande réforme voulue, tout à la fois, par Giscard et Jospin, en compagnie d’un Chirac qui, quelques mois plus tôt, jurait que le quinquennat ne pouvait qu’être contraire aux intérêts de « notre » constitution. Aujourd’hui, ce serait la volonté du peuple.

De quel peuple s’agit-il ? Celui des sondages ? On ne parle plus guère de la lie du peuple. Autrefois, on disait « la canaille ». La « chienlit », comme éructait De Gaulle et Pompidou, en mai 1968. S’il ouvrait un peu les yeux, ce peuple, tellement manipulé, pourrait dire clairement : « Quinquennat ou septennat, on s’en fout ! On ne veut pas de président du tout ! »

Les socialistes, tout comme les gaullistes, incitent ce bon peuple à faire un choix qui ne le concerne pas. Cet appel au peuple, ce plébiscite en fait, relève surtout de la plus basse démagogie, d’un populisme dégradant pour ceux qui aimeraient voir les électeurs voter à l’unisson une délégation de pouvoir infecte. Cette union nationale autour d’un piège à électeurs consentants donne surtout envie de vomir.

La démocratie n’a rien à voir avec ces gesticulations. En la circonstance, le suffrage universel est utilisé pour nier son intérêt. Il et vrai que tous les régimes ont été tentés par le plébiscite. Ce simulacre de consultation populaire, où la voix du peuple ne trouve jamais son compte ne fait que renforcer les idéologies dominantes. Le résultat est pire encore lorsque des courants politiques contraires se retrouvent pour tenter de réaliser un consensus où la morale ne trouve jamais son compte.

Les gaullistes sont dans leur rôle de faux démocrates, lorsqu’ils appellent au référendum. Ils ont toujours usé de ce stratagème pour tenter de faire taire les oppositions... De leur côté, les socialistes qui, à l’unisson avec les chiraquiens, nous appellent à ce vote d’unanimité, n’en sont pas à leur premier compromis avec leurs supposés adversaires politiques. Il est vrai que la formule « ennemi de classe » ne fait plus partie de leur lexique depuis bien longtemps.

Rappelons quelques-uns de leurs hauts faits. Au début du XXe siècle, il y avait déjà les « possibilistes », qui, de par leur appellation même, fixaient les limites de leurs réformismes. Ces pionniers du reniement ouvraient la voie, large comme un boulevard, pour leurs successeurs. Dès le 31 juillet 1914, nos socialistes se proclamaient champions de l’union sacrée avec les pires militaristes. En 1936, les socialistes au pouvoir - Léon Blum étant président du Conseil - mettent en place la politique de non-intervention ouvrant la voie à l’assassinat de la révolution espagnole. Ensuite, pour avoir voté les pleins pouvoirs à Pétain, le 10 juillet 1940, à Vichy, la grande majorité des parlementaires socialistes se déshonorent. En 1944, après s’être refait une virginité dans la résistance, nos sociaux-démocrates n’hésitent pas à gouverner avec les démocrates-chrétiens du MRP, durant une dizaine d’années. Leur leader d’alors, Guy Mollet, conduisait la guerre d’Algérie, alors qu’il venait d’être élu pour faire la paix. C’était en 1956 mais, deux ans plus tard, après le coup d’Etat de fait du général de Gaulle, le même Guy Mollet plaçait le Parti socialiste « à l’avant-garde de la Ve République ».

Oublions François Mitterrand, ses promesses, ses reniements, sa « fidélité en amitié » avec Bousquet, etc. Aujourd’hui, nous sommes gouvernés par Lionel Jospin, lequel n’est guère différent de ses devanciers en socialisme bidon. Son programme n’est pas évident mais il veut nous faire partager cette certitude que sa seule ambition réside dans l’élection présidentielle, en 2002.

Quelle différence peut-il y avoir entre ces soi-disant socialistes, qui ne sont plus avides que de pouvoir, et ces gaullistes mouillés jusqu’aux oreilles dans des scandales financiers et des affaires de fraude électorale ? C’est sans doute pour le peu de distance qui les sépare que ces braves gens nous appellent, ensemble, à adopter leur modification constitutionnelle sur la durée du mandat présidentiel. Bien entendu, il n’est pas question d’entrer dans ce jeu malsain. Il n’y a qu’une façon de rester cohérent : refuser de participer à cette mascarade, et le faire savoir, appeler activement au boycott de cette fausse approche du vote populaire.

Nous pourrions dire, très simplement, aux promoteurs de cette mascarade : non merci, cela ne nous concerne pas. Ou encore, très poliment : nous préférons nous abstenir car nous ne nous sentons pas concernés. Ou même : si vous précisiez dans le détail l’intérêt de ce référendum pour l’avenir de la démocratie, le bénéfice que peuvent en tirer les précaires, les sans-logis, les chômeurs, les sans-papiers, peut-être pourrions réfléchir à votre proposition...

Impossible d’attendre de telles réponses. Face au viol des foules, qui se prépare, une fois de plus, il n’y a pas de dialogue à attendre. Alors, aux uns comme aux autres, nous n’avons qu’une réponse à formuler : allez vous faire voir !


Publié dans le mensuel No Pasaran ! - Septembre 2000.