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Origine :
http://infos.samizdat.net/article33.html?var_recherche=Rajsfus
Il y a toujours eu, en France, une tradition « Gros con ».
Ce français moyen que Cabu a caricaturé à sa
manière dans sa série « Les Beaufs ».
Jusqu’à ces dernières années, le gros
con était un ancien combattant d’Indochine, un partisan
de l’Algérie française, un baroudeur du SAC,
etc. Il faut pourtant vivre avec son temps. Aujourd’hui, celui
qui se pare des oripeaux du gros con de service, c’est le
chasseur et, en tout cas, l’image qu’en donne le parti
Chasse, pêche, nature et tradition (CNPT), lequel est représenté
au Parlement européen depuis juin 1999. Ce qui prouve tout
l’intérêt de cette structure inutile.
Tant que gros con se contente d’éructer des stupidités
en rotant sa bière, il n’est pas exagérément
dangereux. En revanche, lorsqu’il se mêle de politique,
le gros con devient redoutable. Il se souvient avoir été
para, dans sa jeunesse, et, avec ses fils, il endosse le même
uniforme et la petite casquette stupide lorsqu’il part en
guerre contre les lièvres et les perdrix. A-ton jamais vu
un cueilleur de champignons ou de myrtilles changer de défroque
?
Le gros con est souvent tenté d’investir le champ
politique après avoir échoué sur le champ de
tir. Ainsi, lors de la tentative de coup de force du 6 février
1934, l’essentiel des troupes était composé
d’anciens combattants nostalgiques de la Grande Boucherie,
qui rêvaient d’en découdre avec la démocratie.
Sous l’occupation allemande, nombre de gros cons se sont retrouvés
dans les rangs du PPF de Doriot, dans la milice de Darnand ou sous
les couleurs des SS français de la Légion des volontaires
contre le Bolchévisme. Plus tard, on les retrouvera en Indochine
ou en Algérie...
Il ne faudra pas attendre plus d’un dizaine d’années
après la défaite de l’Allemagne nazie pour qu’un
parti gros cons, composé de commerçants et d’artisans
soit constitué sous la houlette de Pierre Poujade. En 1955,
il était question de conduire la guerre fiscale contre le
gouvernement, mais l’objectif allait rapidement évoluer.
Comment s’étonner de trouver, parmi les 52 députés
« poujadistes », élus le 2 janvier 1956, un énergumène
nommé Jean-Marie Le Pen ? La guerre d’Algérie,
avec le ralliement de la plupart de ces braves gens à l’extrême-droite,
verra pourtant la disparition de ces politiciens sans pratique.
Depuis les gros cons s’étaient également répartis
dans l’ensemble des partis, et même des syndicats. Ils
n’étaient pas trop voyants, noyés dans la masse,
parmi leurs contemporains à la réflexion courte. Il
y avait donc un vide à combler. Depuis 1972, et plus encore
depuis le début des années quatre-vingt, les gros
cons étaient nombreux au Front national et l’erreur
était d’oublier que les têtes pensantes du néo-fascisme
ont toujours besoin d’une base ressemblant bien plus à
des bœufs qu’à des idéalistes. L’implosion
du Front national, en décembre 1998, crépuscule des
bœufs laissera des milliers d’orphelins.
C ’est alors qu’apparu, pour les élections européennes
de juin 1999, ce CPNT dont l’ambition est d’occuper
le terrain, sous couvert de défendre les vrais valeurs, mais
avec une base qui ne manifeste qu’une volonté de connerie
agissante. Les rangs de ces braves chasseurs sont certainement remplis
de ces audacieux agriculteurs qui, en 1998, avaient saccagé
les bureaux de Dominique Voynet, ou même les courageux syndicalistes
qui s’étaient attaqués à Daniel Cohn-Bendit,
à la Hague en juin 1999.
Il est bien connu - l’expérience aidant - que le con
qui entre en politique est nécessairement grossier et violent.
Sa culture ne peut que le cantonner dans ses domaines où
il excelle. Certes, on est toujours le con de quelqu’un mais,
pour le commun des mortels, il est possible de souffler un peu pour
réfléchir et s’interroger. Le gros con ne réfléchit
pas, il explose. Sans être particulièrement thuriféraire
de feu De Gaulle, je me souviens que, vers 1967, lors de l’un
de ses déplacement en province, un cri s’éleva
dans la foule : « Mort aux cons ! » Le général,
nullement décontenancé, réplique, paraît-il
: « Vaste programme ! » Comment ne pas adhérer
à une telle proclamation ?
Le gros con chasseur est de l’espèce perverse et,
à l’occasion tueuse, comme en témoigne une récente
déclaration du chef de meute Jean Saint Josse : « Ceux
qui n’iront pas dans notre sens seront morts politiquement
! » Evidemment, il ne s’agit que de bulletins de vote
mais l’imbécile de base comprend immédiatement
qu’il peut passer à l’action, bien au-delà
des urnes. D’où l’agression subie le 26 avril
par un député socialiste de la Somme, Vincent Peillon.
Lequel, quelques mois plus tôt, avait soutenu les «
justes revendications » des chasseurs, en compagnie d’un
stalinien tendance gros con : Maxime Gremetz.
Cet incident violent démontre, s’il en était
nécessaire, qu’un simple ralliement ne suffit pas.
Soutenir, à pas comptés, les cons devenus détenteurs
d’un certain pouvoir équivaut à une trahison,
ce que n’avait pas compris l’élu socialiste.
En revanche, les gros cons chasseurs estimaient qu’ils seraient
soutenus car le président de CPNT Somme comprenait «
la colère des chasseurs », lesquels hurlaient aux gendarmes
qui protégeaient l’élu du peuple : « Laissez-le
nous, on va lui exploser la tête ! »
Le 1er mai, des chasseurs du Médoc, décidé
à ouvrir la chasse à la tourterelle, malgré
les édits, se sont risqués à tabasser le président
de la ligue de défense des oiseaux, Alain Bougrain-Dubourg,
sous les yeux des gendarmes qui se sont bien gardés de réagir,
souhaitant au contraire bonne chasse à ces hors la loi. Dans
l’un et l’autre cas, il y a, à l’évidence,
non-assistance à personne en danger de la part des gendarmes
- plus proches des gros cons que des défenseurs de la loi.
Il n’y a pas eu mort d’homme mais les images vues à
la télévision, dans les jours qui ont suivi ces équipées
sauvages, donnaient froid dans le dos. En effet, quand la connerie
s’ajoute à la haine de la démocratie, il faut
commencer à être inquiet. Succomber à la tentation
de réduire à la simple connerie la volonté
destructrice des chasseurs, des hobereaux de l’agriculture
ou même de certains pêcheurs de haute mer, à
l’occasion, serait une grave erreur. Il est utile de réfléchir
aux nombreuses conjonctions intervenant entre ces faux défenseurs
de la nature et les groupes de l’extrême droite ouvertement
déclarés. D’ailleurs, à la veille du
dernier congrès du Front national, Jean-Marie Le Pen a naïvement
vendu la mèche en expliquant la désaffection des électeurs
pour le FN, en juin 1999, par l’émergence du CPNT et
du RPF de Charles Pasqua.
Ne soyons pas naïfs. Si les gros cons encombrent le paysage
politique, ils n’en sont pas moins actifs et ne s’inquiètent
pas à l’idée de renforcer l’extrême
droite. De tout temps, il en a été ainsi : les gros
cons défilent au pas cadencé dans le même temps
que les aspirants dictateurs préparent la répression
de masse qui sera mise en œuvre par ces débiles persuadés
de sauver la civilisation blanche.
Notre ami le Petit Robert, qui ne mêle pas la politique à
son érudition, nous met pourtant en garde contre ces tristes
contemporains dont il énumère les possibles synonymes
: idiots, crétins, bêtes, imbéciles, stupides,
débiles, ineptes, mais également, de façon
moins pédante : couillons, enflés, enflures, glands,
pauvres d’esprits, andouilles, balourds, etc.
Soyons plus vulgaires. Parmi ces chasseurs qui s’avancent
en rangs serrés pour participer à la création
d’un ordre nouveau où chaque citoyen serait armé
pour tuer tout ce qui bouge - y compris les opposants à leur
projet de société - il est possible de décliner
à l’infini ce mot en trois lettres. Il y a le con qui
s’ignore, celui qui persiste, le con triste et le joyeux con.
Nous trouvons également le con hébété,
le con effaré, le con militant, le con obstiné. SI
le con naïf se rencontre fréquemment, il côtoie
souvent le con vindicatif, le con distingué et le con vulgaire,
le vieux con et le jeune con (le plus dangereux car il a l’avenir
devant lui). Sans oublier le con divergent, le méchant con,
le mauvais con et le sale con, le grand con et le roi des cons.
Comme il convient, malgré tout, d’être charitable,
cette classification ne doit pas oublier en chemin : le con banal
et le con ordinaire, le con méritant et con halluciné.
Chacun d’entre nous peut compléter à loisir
cette liste interminable d’individus ayant droit à
ce qualificatif, tout en prenant bien garde de ne pas oublier que
ceux que nous combattons, en première ligne, sont loin d’être
aussi cons qu’ils ne peuvent en avoir l’air.
Publié dans le mensuel No Pasaran ! - Juin, juillet, août
2000
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