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Origine : http://isole.ecn.org/nopasaran/mars01/sommaire.html
Une fois de plus, nous allons peut-être aller voter, délivrer
un blanc-seing à des faiseurs de promesses. Chacun peut décider
de la qualité de sa participation, réfléchir
à la nature de ses illusions ou estimer qu'il n'a rien à
faire dans cette galère. C'est là un vieux débat
qui ne peut être réglé en quelques lignes, quelle
que soit la nature des arguments.
Bien entendu, il est indispensable de se garder du slogan hasardeux
: gauche et droite, même combat. Une telle analyse ouvre directement
la voie à la droite, puis à l'extrême droite
qui avance plus ou moins masquée. Cela dit, que l'on ai décidé
de faire un choix ou de s'abstenir, il convient - prioritairement,
de demander aux candidats de gauche en quoi - sur le plan municipal
- ils sont réellement différents des candidats de
droite. C'est là une démarche indispensable car, sur
bien des points, les programmes se ressemblent tellement qu'il peut
être possible de se tromper. Particulièrement dans
ce domaine sécuritaire devenu le cheval de bataille de la
plupart des candidats.
D'où cette apostrophe qui pourrait être lancée
par un candidat de n'importe quel bord à son concurrent le
plus dangereux pour la conquête d'une mairie : "Montre-moi
ta police municipale, je te ferai voir mon contrat local de sécurité
!"
Depuis quelques années, le taux de participation aux élections
ne dépasse guère les 50% du corps électoral.
Ce taux d'abstention n'a pas nécessairement de valeur politique,
et le désintérêt de la "chose publique",
Res publica, domine le plus souvent. Le pécheur à
la ligne permet ainsi la banalisation du débat et son rejet
des urnes ne peut en rien être comparé à celui
d'autres abstentionnistes, en principe plus réfléchis.
Si le mandat impératif était de rigueur, c'est-à-dire
des élus sous contrôle de leurs électeurs, cela
changerait sans doute le comportement des "représentants
du peuple". Encore faudrait-il définir le peuple et
le contenu des promesses.
A une époque révolue, l'accession au droit de vote
était un combat. Particulièrement lorsque le vote
censitaire ne permettait qu'aux seuls possédants de participer
à des scrutins sans grande signification pour les exploités.
Une fois acquis, le suffrage universel a relativement perdu de son
intérêt dans la mesure où le miel des promesses
avait surtout pour vertu de calmer les possibles barricades. On
tenait au bon peuple un langage convenu, d'où il ressortait
que le possible était préférable à l'utopie.
En face, les élections ont toujours eu pour fonction d'affermir
un pouvoir qu'il n'est pas question de partager, et cela se vérifie
lors des scrutins à plusieurs degrés comme les sénatoriales,
ou déséquilibrés comme les élections
cantonales. Dans l'un et l'autre cas, l'électeur est floué
d'avance. Est-ce à dire que lors des élections législatives
et municipales l'approche soit tellement différente ? Que
le citoyen - comme on dit à nouveau - à tout à
attendre d'un scrutin démocratique, qui pourrait "changer
la vie" ?
Cette double interrogation prendrait toute sa valeur si, au bout
du compte, la préoccupation première était
l'éradication du chômage et de la précarité,
plutôt que cette volonté sécuritaire qui, dans
tous les cas de figure, ouvre la voie à un pouvoir plus autoritaire
que réellement démocratique.
La volonté de peupler toujours plus les commissariats de
police prend le pas sur la traditionnelle opposition gauche/droite.
Même les Verts succombent à cette tentation de s'en
remettre à la magique intervention de la police sur un terrain
d'où la fameuse action sociale a disparu - si elle est jamais
apparue.
Cette idéologie sécuritaire triomphante s'appuie
sur la nécessité d'éradiquer la violence. Pourtant,
en négligeant les causes, pour ne connaître que les
effets, les bons apôtres qui se sont lancés à
la quête des voix s'exonèrent de toute responsabilité
sur le désordre des banlieues. Ceux qui, de la droite à
la gauche, prêchent la "tolérance zéro"
veulent ignorer la violence policière et la violence patronale
- sans oublier la violence induite d'un urbanisme à vocation
d'exclusion. En toile de fond, la volonté de rejeter toujours
plus la jeunesse issue d'une immigration tristement exploitée.
Faute de chercher une solution cohérente au rejet des jeunes
des banlieues, la gauche n'a fait que poursuivre la politique de
la droite dans ce domaine, et trouve la réponse dans cet
appel au tout sécuritaire qui a pour mérite d'unifier
une majorité de l'électorat.
Bien sûr, une certaine forme d'insécurité
ne peut être niée. Cela a toujours été
le cas, mais la présence de policiers, de plus en plus nombreux,
n'est en rien une garantie de sécurité. Dans le passé,
on disait d'un contestataire qu'il était "dangereux
pour la tranquillité dans les quartiers bourgeois".
On traumatisait l'ensemble de la société en montrant
du doigt ces réprouvés, ces partageux dont la volonté
de renverser l'équilibre social ne pouvait qu'inquiéter.
Nous n'en sommes plus là.
D'année en année, le pouvoir, quelle que soit sa
couleur, tente de nous persuader que la délinquance est en
constante augmentation. Cette affirmation a pour but de persuader
que la délinquance est en constante augmentation. Cette affirmation
a pour but de persuader l'électeur, de droite comme de gauche,
qu'avec tel candidat il serait possible de ne plus craindre pour
sa sécurité. D'où cette surenchère permettant
aux syndicats de policiers de tirer le signal d'alarme en expliquant
que les effectifs de la "Grande Maison" sont insuffisants,
et leurs moyens d'intervention dérisoires.
Entrer dans ce jeu, c'est participer au développement de
cette société policière, insupportable, où
chacun montre du doigt son voisin comme possible suspect. A la grande
satisfaction de la police qui voit justifié son pouvoir exorbitant.
Comment ne pas comprendre que lorsque l'on gonfle artificiellement
les chiffres de crimes et délits, la police s'empare de plus
en plus de cet Etat qu'elle s'efforce de contrôler - les mêmes
hommes servent tous les régimes. Ainsi la préfet de
police de Paris, Philippe Massoni, tellement utile à Pasqua,
Debré, Chevènement puis Vaillant...
Ces réflexions nous ont-elles éloignés de
notre sujet : les prochaines élections municipales ? Bien
au contraire. Que l'on vote où que l'on s'abstienne de participer
au scrutin, il convient de se pénétrer du fait que
nous n'avons nul besoin d'une société sécuritaire.
Ce qui est prioritaire, c'est surtout la lutte contre l'exclusion,
la précarité et le chômage rampant. Au premier
rang des préoccupations des partis qui se proclament de fauche
devraient se trouver le droit au logement, la fin de la ségrégation
et la remise au pas d'une police, de plus en plus envahissante dans
les cités, qui dicte une loi non-écrite pour durcir
plus encore les édits existants.
Il faut faire savoir à nos futurs maires et conseillers
municipaux que la démocratie locale ne passe pas par l'augmentation
constante des effectifs des forces de l'ordre. Chaque policier supplémentaire
représente une défaite pour nos liberté. Chaque
nouveau commissariat installé dans une cité participe
de la mise sous haute surveillance de l'ensemble des citoyens -
même de ceux qui s'estiment "innocents"...
Maurice Rajsfus
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