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Origine : http://www.avoixautre.be/spip.php?article1302
Historien de la répression, acteur des luttes de son temps,
Maurice Rajsfus a traversé les dernières décennies
sans jamais songer à déposer les armes. Rencontre.
Chroniqueur dans « No Pasaran » et dans « Ras’l’front
», auteur de nombreux ouvrages sur la police française
ainsi que sur le régime de Vichy, Maurice Rajsfus est un
vieux compagnon de la gauche radicale. Toujours attentif, ouvert,
définitivement à contre courant d’une époque
en proie aux sirènes sécuritaires et à l’individualisme
forcené, sa rage et sa volonté de justice nous renforcent.
- Tu peux nous présenter le bulletin Que fait la police
?
- Que fait la police ? existe depuis 1994. On l’a créé
un an après l’assassinat de Makomé au commissariat
des Grandes Carrières, le 6 avril 1993. Il a duré
12 ans, d’avril 1994 à avril 2006.
- « On a créé », ça veut dire
que vous étiez plusieurs ?
- On était très peu. On était trois au départ,
puis deux à l’arrivée. Je me suis retrouvé
tout seul au mois de mai 2006, quand mon camarade Alexis Violet
est mort. Depuis le mois de juillet, le bulletin est sur internet,
à l’adresse http://quefaitlapolice.samizdat.net.
Il sort tous les mois avec une ponctualité d’horloge.
- Quelle est ton actualité ?
- Mon dernier livre s’appelle « La France Bleu Marine
», il a paru cet hiver, et présente les discours des
ministres de l’intérieur successifs de mai 68 avec
Marcellin, à Sarkozy en 2005, croisés avec ceux des
syndicats de police. Je sors bientôt une bande dessinée,
qui va s’appeler « Moussa et David ». Elle se
déroule de part et d’autre de la « clôture
de sécurité », comme ils disent, entre Israël
et ce qui reste de la Palestine.
- Israël, tu y es allé en 1984. Est-ce que tu y
es retourné depuis ?
- Ma dernière visite là-bas, c’était
en 1987, puis je suis allé de l’autre côté
de la frontière, sur la rive de la Mer Morte, en Jordanie.
Je n’y suis jamais retourné. Ma religion était
faite depuis longtemps, si l’on peut dire. Mais je n’ai
pas renoncé à m’intéresser au problème,
je participe à des débats sur la véritable
guerre qui se perpétue là-bas.
- Dans un vidéo-reportage réalisé par
No Pasaran en 1999, tu disais : « je ne sais pas de quoi sera
fait l’avenir de cette région du monde, mais la montée
des fondamentalismes réciproques va conduire à une
explosion ». Ton regard sur la situation présente ?
- Les affrontements nationalistes se sont peu à peu transformés,
du fait d’Israël, en affrontements interreligieux. Mon
regard, c’est que là-bas, tout le monde va dans le
mur, et qu’Israël n’hésiterait pas à
déclencher un conflit mondial uniquement pour avoir le droit
de se protéger. Il y a une histoire que j’aime bien
raconter, ça se passe en 1904 durant la guerre russo-japonaise,
à Port Arthur, pas loin de la Corée actuelle. Dans
la tranchée russe, l’officier ordonne d’ouvrir
le feu, tout le monde tire, sauf un petit juif qui est là,
et qui regarde. L’officier l’engueule, et lui demande
pourquoi il n’a pas tiré, et le petit juif lui répond
: « ce n’est pas possible, il y a des gens qui passent
là-bas ». Ce sont les arrières-petits-fils de
cet humaniste qui ont fait la guerre au Liban, et d’autres
guerres avant.
- Ça fait soixante ans que tu milites, au moins ?
- Oui, j’ai commencé militer en août 1944, date
de la Libération. J’ai été raflé
par la police française le 16 juillet 1942, avec ma famille,
d’où ma grande affection pour la maréchaussée.
Ayant eu la chance d’en réchapper, j’ai aussitôt
adhéré aux Jeunesses communistes. Parce que j’étais
persuadé qu’on allait faire la révolution. J’avais
16 ans, c’est l’âge des grands romantismes. Mais
j’avais déjà un passé assez lourd, puisqu’en
1937/1938, mes parents m’avaient mis, avec ma sœur, dans
une colonie de vacances du PC, où on faisait de nous, à
10 ans, des petits militants durs comme l’acier. Quand je
dis dur comme l’acier, je veux dire comme Staline, parce que
son nom signifie l’acier. Et ça laisse des traces d’apprendre
à chanter l’Internationale, la Jeune Garde, la Varsovienne.
J’adhère donc aux Jeunesses communistes en 1944, et
je m’aperçois au bout de deux ans qu’on fait
n’importe quoi là-dedans, tout sauf préparer
la révolution. Je suis détecté comme un élément
incontrôlable, donc dangereux pour l’institution du
PC. Je suis méchamment exclu – je dis méchamment
parce qu’il y a eu des coups – comme provocateur policier
et agent hitléro-trotskyste. C’était le jargon
de l’époque.
- Je voudrais que tu reviennes sur les années 1942 et
1944. Comment as-tu réussi à survivre ?
- Eh bien, je me le demande encore. Je l’ai raconté
dans mes bouquins. J’ai été arrêté
avec mes parents le 16 juillet 1942 et par un hasard dont je ne
m’explique pas encore les raisons, j’ai été
relâché le soir avec ma sœur. La circulaire d’application
de la rafle spécifiait qu’on arrête ce jour-là
uniquement des juifs étrangers de 16 à 45 ans. Or
ils ont arrêté 4000 mômes, pratiquement tous
français par le droit du sol. Comment j’ai vécu
? Je suis rentré dans le petit appartement de mes parents
le soir, avec ma sœur, et on a survécu comme on a pu.
Ma mère avait vidé ses poches et avait donné
à ma sœur le peu d’argent qu’elle avait.
Moi je suis devenu apprenti, je gagnais 4 sous. J’étais
sertisseur joaillier, je n’étais pratiquement pas payé,
on a vécu très durement la période de la guerre,
parce qu’il n’y avait rien à bouffer avec les
tickets d’alimentation.
- Vous êtes restés dans l’appartement de
vos parents ?
- Oui, on nous a oubliés. Heureusement d’ailleurs.
On n’a jamais entendu parler ni de la Croix Rouge, ni des
services sociaux de la mairie, rien. Plus tard, quand j’ai
été exclu du PC, j’étais très
malheureux, j’ai rencontré les auberges de jeunesse,
qui étaient à l’époque un mouvement extraordinaire
qui rassemblait des milliers de jeunes. C’était à
la fois un mouvement de loisir et un mouvement revendicatif, on
y rencontrait des anars et des trotskistes. Moi, j’ai été
pêché par les trotskistes.
- Lesquels ? Le PCI ?
- À l’époque, il n’y avait que le PCI.
Le petit groupe qui allait devenir plus tard Lutte Ouvrière
était groupusculaire. Je ne suis pas resté longtemps
non plus au PCI, je suis arrivé à l’automne
46, et puis j’ai quitté la 4ème Internationale
avec le groupe Socialisme ou Barbarie, de Castoriadis, début
49. J’aurais pu faire des choix plus mauvais… Dans les
années qui suivent, je tourne un peu en rond, et je recommence
véritablement à militer lors de la guerre d’Algérie.
Avec deux amis, on a constitué un comité contre le
départ du contingent en Algérie, qui a vu s’agglomérer
à nous des dizaines de mouvements de jeunesse, et qui est
devenu un truc très important jusqu’au moment où
on a voulu faire un meeting à la Mutualité, qui a
été interdit parce que le PCF nous présentait
comme des provocateurs. Une partie de ceux qui soutenaient les réseaux
hostiles à la guerre d’Algérie se sont retrouvés
dans les mouvements qui ont abouti, en 1960, à la création
du PSU. J’ai fondé le PSU à Vincennes, j’en
ai été le secrétaire jusqu’en 1965. J’étais
même chargé par une direction parallèle et occulte,
de surveiller les officiers OAS qui arrivaient d’Algérie.
Je dirai pas qui était le général en chef,
parce que ça lui ferait du tort, mais c’est un monsieur
très convenable maintenant...
- Qui ?
- Je recevais mes directives d’Alain Geismar. J’ai même
gardé des petits mots doux de l’époque, «
il faut surveiller le colonel Untel, le lieutenant Machin ».
- A cette époque, tu vivais de quoi ?
- J’étais journaliste. Après la guerre, j’ai
traîné la galère pendant des années parce
que je n’avais pas envie de travailler, j’avais juste
envie de faire la révolution, c’est original ! Seulement,
je n’avais pas encore compris que quand on veut préparer
la révolution, on ne peut pas être en marge, il faut
travailler, être au côté des autres. Alors pendant
presque dix ans, j’ai fait de tout, j’ai été
docker à Bercy, j’ai travaillé dans une usine
d’outillage où je sabotais le matériel, j’ai
été enquêteur à l’IFOP, je faisais
aussi des patronages et des colonies de vacance, des petits boulots,
quoi ! Et puis j’ai fait du théâtre, j’ai
été comédien.
- A partir de quel moment t’es-tu mis à faire
de la recherche sur l’anticolonialisme, sur la police de Vichy,
sur le camp de Drancy ?
- J’ai commencé mes recherches à la fin des
années 70. Elles concernaient la police française
sous l’Occupation. Au CDJC, le Centre de Documentation Juive
Contemporaine, je suis tombé sur la pire des choses : les
archives de l’Union Israélite de France, qui était
un petit organisme de notables, qui a collaboré avec Vichy.
J’ai sorti un gros bouquin, qui s’appelle « les
Juifs dans la Collaboration », qui m’a valu beaucoup
d’ennuis à l’époque. Puis je me suis intéressé
au problème palestinien. Et ensuite, j’ai beaucoup
écrit, je suis devenu peu à peu, une sorte d’historien
de la répression.
- Oui, mais un historien contesté par le système…
- Bien sûr, parce que je ne suis pas issu de l’institution
des historiens. Et pour leur faire un pied de nez, moi qui n’avais
que le certificat d’études - j’ai quitté
le collège à 14 ans - en 1992, j’ai passé
un doctorat d’État de sociologie.
- Tu as été parmi les premiers travailler sur
la police de Vichy.
- J’ai été le premier. Si tu prends tous les
livres qui ont été écrits ces dernières
années sur la collaboration, tu ne trouves jamais un chapitre
sur le sujet, même chez Henri Rousso ou Azema. Mon premier
papier sur ce thème a été publié dans
Le Monde, le 9 juillet 1982. Il était intitulé : «
40 ans après, je n’ai pas oublié ». C’était
la première fois que la presse française publiait
un papier sur le rôle de la police sous l’Occupation.
Avant, c’était tabou. Ne pas oublier que dans Nuit
et Brouillard en 1957, le réalisateur Alain Resnais n’a
eu l’autorisation de projeter que parce qu’il avait
effacé le képi d’un gendarme présent
au camp de Pithiviers.
- Est-ce que tu peux nous parler de la collaboration de la
Police française, notamment sa participation aux rafles ?
Et peut-on établir un lien avec ce qui se passe aujourd’hui
? Une constante de l’attitude policière, en quelque
sorte ?
- On peut faire le lien, sans faire d’amalgame. Quoi qu’on
puisse penser de la police actuelle, et quel que soit son rôle
abominable, ça ne conduit plus à Auschwitz. C’est
encore une chance. Dès l’automne 40, Pétain
a déclaré : « J’entre dans la voie de
la collaboration ». Ça n’a pas irrité
les 100 000 policiers de l’époque. Ils n’ont
pas réagi. Et quand les nazis qui occupaient les deux tiers
de la France ont demandé à la police de ficher les
juifs de la zone occupée, ils l’ont fait. Donc ordre
a été donné à tous les juifs de se déclarer
dans les commissariats de police. Et sur la base des déclarations,
ils ont fait des fichier, puis des rafles. La question fondamentale
est : « Pourquoi est-ce que les gens ont été
se déclarer ? ». Et bien, pour une raison extrêmement
simple. En 1940, on avait le sentiment qu’on en prenait pour
50 ans d’occupation, et pour l’immigré, il ne
faut jamais être en rupture avec la légalité
du moment. Alors que les juifs immigrés y sont allés
la tête basse et par contrainte, il y a des connards de bons
israélites français qui y sont allés par gloriole.
- Et tes parents ?
- Ils y sont allés. Ils étaient originaires de Pologne.
Mon père était arrivé en 1923 et ma mère
en 1924. Même les communistes juifs s’y sont rendus,
parce qu’on était encore sous le pacte germano-soviétique.
En mars 1941, le Commissariat aux Questions Juives a été
créé. Le 14 mai 1941, la première rafle dans
Paris a correspondu à une vague d’arrestation sur convocation.
5000 hommes ont été convoqués dans leur commissariat
d’arrondissement, par un document type « veuillez vous
présenter pour affaire vous concernant ». Ceux qui
sont venus, environ 3800, ont été immédiatement
embarqués par les gendarmes et envoyés au camp de
Pithiviers et de Beaune-la-Rolande, dans le Loiret. La deuxième
rafle a eu lieu dans le 11ème arrondissement de Paris, les
20 et 21 août 1941, et là, sans distinction entre Français
et étrangers. Lors de la première rafle, il ne s’agissait
que d’étrangers. Le 14 mai 41, j’ai deux oncles
qui ont été embarqués. Je me souviens qu’ils
étaient venus la veille à la maison, à Vincennes,
pour en parler avec mon père.
- Donc en août 1941… Les 20 et 21 août 1941,
3000 policiers encerclent le 11ème arrondissement, il n’y
pas un seul Allemand sur le chemin. Ils arrêtent 4000 personnes,
et ouvrent le camp de Drancy. Le 12 décembre 1941, la Gestapo
rafle 800 « notables », avocats, magistrats, médecins.
C’était une sorte de coup de semonce donné aux
institutions juives pour qu’elles versent une amende d’un
milliard à l’armée allemande, et qu’elle
constitue cette organisation collaboratrice qui s’appelait
« Union Générale des Institutions Juives de
France ». C’est la seule rafle organisée par
les nazis sous l’occupation.
Ensuite se sont succédé les épisodes : interdiction
d’avoir un poste de radio à la maison. Pour nous c’était
pas grave, parce qu’on n’en avait pas. À l’époque,
un poste de radio, ça coûtait plus cher qu’une
télé maintenant. Ensuite, interdiction d’avoir
le téléphone, ce qui ne touchait qu’une minorité
de personnes. Et puis est arrivée le 29 mai 1942 l’obligation
de porter l’étoile jaune, qui est entrée en
application le 7 juin 42. Puis la rafle du Vel d’hiv, le 16
juillet 42, où il y a eu 13150 personnes arrêtées
dans Paris, dont 4000 mômes. Le 9 juillet, une semaine avant
la rafle, une fois qu’on était marqués par l’étoile,
il y a eu l’interdiction d’apparaître dans les
lieux publics. Nous, on habitait à Vincennes, on avait le
droit de traverser le bois, mais pas de s’arrêter. On
ne pouvait pas entrer dans un magasin, ni un stade. Dans le métro,
on devait utiliser le wagon de queue.
Après le 16 juillet 1942, il a fallu que le gouvernement
de Vichy insiste auprès de la Gestapo pour que les enfants
soient déportés, parce qu’ils ne l’avaient
pas demandé. C’était signé Bousquet,
un brave homme, futur ami de Mitterrand… N’avaient pas
été concernés par la grande rafle du Vel d’Hiv
les ressortissants des pays alliés de l’Allemagne.
Donc n’avaient pas été arrêtés
les Hongrois, les Roumains, les Turcs, et les Grecs. A l’automne
1942, en septembre et en Novembre, il va y avoir la nuit des Grecs,
des Roumains et des Hongrois. À chaque fois, 2000 personnes
sont arrêtées.
- Tout ça à la demande de Vichy ?
- Non, à la demande de la Gestapo. Mais c’est la police
française qui exécute. Les rafles ont continué
ponctuellement dans Paris, parmi les étrangers, en février
43 et à l’été 43, mais également
en zone sud, en août 1942. Au final, il y a eu 76000 déportés,
dont ne reviendront que 2500 personnes. Quand je pense que Serge
Klarsfeld a osé dire que grâce à la population
de ce pays, grâce aux Églises, seulement un quart des
juifs français ont été déportés
! Il oublie de dire que sur les 76000 déportés, les
trois quarts sont des étrangers ! Ça veut dire que
les juifs étrangers de France ont été déportés
à plus de 50%.
- Quant à la police actuelle ?
- On n’a pas tiré les leçons de l’histoire.
Il n’y a jamais eu de procès de l’institution
policière pour son rôle sous l’Occupation. Ce
qui a permis De Gaulle, six semaines après la libération
de Paris, de décorer la police de la fourragère rouge,
pour avoir pris la Préfecture de Paris le 19 août 1944,
à la 25ème heure. Très peu de flics ont été
réprimés. 4500 ont été jugés
par leurs pairs, dans des comités d’épuration.
Les plus pourris d’entre eux ont été écartés
de l’institution, puis réintégrés pour
vice de forme, au fil des années, par le préfet socialiste
Beylot. On en retrouvera une partie dans l’état-major
de la Police Parisienne, le 17 octobre 61. Un flic qui avait 25
ans en 1942, en a 44 en 1961. Beaucoup ont pu faire les deux opérations,
les rafles et le massacre des Algériens. A partir de 1960
vont entrer dans la police des éléments issus des
troupes d’Indochine, puis des troupes d’Algérie.
Ce qui va conforter la moralité moyenne de la police de ce
pays. Il y aura les épisodes qu’on connaît :
mai 68, et un certain nombre de provocations abominables, comme
la manifestation des sidérurgistes le 23 mars 1979 à
Paris, où on voit des policiers en civil lancer des pavés
dans les vitrines des banques afin de mettre un peu d’agitation
dans la rue.
- Et aujourd’hui ?
- Le policier de 2006, il n’en a rien à faire de savoir
ce que devient la personne qu’il arrête, pas plus qu’en
1942/43 pendant les rafles. Il y a une différence notable
quand même, qui est très importante à mon avis
: c’est qu’à l’époque le policier
était un pauvre type qui n’avait que le certificat
d’études, et qui ne voyait pas plus loin que le bout
de son nez. Et qui réprimait l’étranger parce
que dans la police, on n’aime pas les étrangers. Il
faisait quinze jours d’école de police. Maintenant,
on rentre dans la police avec un niveau bac, on fait un an d’école
de Police, et on est sensé, en sortant, n’être
ni raciste, ni brutal, ni sexiste… Quand les flics nous ont
raflé en 1942, ils ont été violents, ils ont
été ignobles, mais ils ne nous ont pas traités
de sales juifs. Quand ils traquent les mômes dans les banlieues
maintenant, ils les traitent de sales bougnoules. Ça veut
dire que qualitativement parlant, ça ne s’est pas arrangé.
- Que dire de tous les flics noirs et arabes ?
- Le problème des flics blacks ou beurs, c’est le même
problème que celui des femmes flics. Ils ont besoin de prouver
qu’ils sont aussi capables que les autres. Du coup, ils en
font souvent un peu plus. Par ailleurs, les policiers originaires
de la Réunion ou des Antilles n’aiment pas particulièrement
les noirs africains. Je crois que la couleur n’a rien à
voir avec tout ça. Quand on va à New York, dans Chinatown,
tous les flics sont chinois. Dans les quartiers noirs, tous les
flics sont noirs. C’était le programme de Chevènement.
Il voulait une police qui ressemble à son quartier. C’est
pour ça qu’il avait créé les adjoints
de sécurité, les fameux emplois jeunes en 1997. L’autre
jour, il y en a qui venait geindre à la télévision,
et qui disait : « quand je viens dans mon quartier, on me
traite de collabo. » Eh bien oui.
- Quel regard tu portes sur la société quand
tu observes les trente dernières années ?
- J’essaie de mettre des lunettes grossissantes pour voir
comment ça se passe. Ce n’est pas rassurant, il y a
de moins en moins de projets collectifs. Chacun se replie sur son
petit pré carré. Avant de songer à faire la
révolution, il faudrait réveiller les vieilles solidarités,
ça serait déjà un premier pas très important.
- Par lequel de tes bouquins doit-on commencer ?
- Il y en a beaucoup qui sont épuisés. « Les
Français de la débâcle » raconte les premiers
mois de l’Occupation. « De la victoire à la débâcle
» relate le cheminement des démocraties dans les années
trente, et l’arrivée d’Hitler au pouvoir. «
Opération Étoile Jaune » est assez intéressant
sur le comportement policier.
[Entretien réalisé par Fred et Pâtre], «
Barricata », fanzine libertaire, antifasciste et anticapitaliste
du RASH Paris-Banlieue. Mars 2007
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