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Origine : http://infos.samizdat.net/article58.html?var_recherche=Rajsfus
Une nouvelle forme de violence tend à se développer
dans ce pays depuis quelques mois. Ce sont nos sociaux-démocrates,
tellement soucieux de « tolérance zéro «
, qui en sont les victimes. Bombardé avec des œufs au
Salon de l’agriculture, Lionel Jospin s’est vu pratiquement
interdit de parole dans certaines villes comme Dôle ou Saint-Etienne,
lors de la campagne pour les élections municipales. A chaque
fois, ce sont les gros bataillons de la FNSEA qui se sont ainsi
montrés sous la défroque d’émeutiers
dès lors qu’ils craignaient de perdre la manne des
subventions. Au Palais des expositions de la Porte de Versailles,
la police de proximité, enfant chérie du régime,
n’était guère présente pour protéger
le premier ministre de la France. Tout comme les forces de l’ordre
s’étaient désintéressées des vandales
qui, en 1998, avaient pillé les bureaux de Dominique Voynet,
au ministère de l’environnement.
Il faut croire que nos socialistes préfèrent fermer
les yeux sur les exactions de ces groupes de pression qui se proclament
volontiers apolitiques. Lorsque les gros producteurs de blé,
les éleveurs qui estiment que tout leur est dû, alors
que les uns et les autres se désintéressent du chômage
et de la précarité des autres citoyens, il faudrait
considérer comme un drame national le manque à gagner
de ces nouveaux seigneurs. C’est ainsi que la police, pleine
de compassion, ne réagit guère face aux commandos
de la FNSEA ou des gros cons de chasseurs.
Il faut en être persuadé : la droite « républicaine
», actuellement en très mauvaise santé, ne manquera
pas d’avoir recours aux méthodes violentes de l’extrême
droite pour ne pas perdre ce qui lui reste de pouvoir, en 2002.
Ce qui permet d’envisager une campagne présidentielle
des plus agitées. D’autant plus que bien des recyclages
se préparent, avec les transferts de voyous vers des structures
plus convenables. N’oublions pas qu’en 1974, les Madelin,
Longuet, Devedjian, Abitbol, Robert, etc. s’étaient
ralliés qui à Giscard, qui à Chirac, faisant
une croix (celtique) sur leur passé à Occident, pour
bâtir un ordre nouveau moins voyant, laissant Le Pen sur le
bord de la route.
Il ne serait pas étonnant, dans quelques mois, de voir des
alliances douteuses se nouer, tout comme lors des élections
aux présidences de conseils régionaux, en mars 1998,
quand Charles Million, Jean-Pierre Soisson et d’autres éminences
de la droite « républicaine » trouvaient naturel
de se faire élire grâce aux voix de l’extrême
droite. Des rabibochages se préparent, des passerelles se
mettent en place, pour permettre à Chirac de conserver le
château. Nous avons noté la capacité de son
locataire à surfer sur la crise de la vache folle ou de la
possible tremblante du mouton pour se faire plébisciter par
les nantis de l’agriculture et les gros éleveurs. Pourtant,
c’est d’un commun accord que la gauche et la droite
flattent ces véritables factieux ou les chasseurs, alors
que les jeunes de moins de vingt-cinq ans n’ont pas droit
au RMI !
Si l’on gratte un peu, on s’aperçoit que les
points de convergence de la droite dure et de la gauche convenable
sont plus nombreux – même s’ils ne sont pas toujours
visibles – que les points de divergence. Même rejet
des étrangers non-européens, même mépris
pour les précaires et les exclus, même religion de
l’ordre musclé. A la volonté de la droite de
mettre à bas ce qu’il subsiste des lois sociales répond
le manque de volonté de la gauche de les faire respecter.
Certes, la gauche n’est pas la droite, mais cette affirmation,
qui aurait été considérée comme une
lapalissade, en d’autres temps, mérite qu’on
s’y arrête. Mises à part les étiquettes,
les jeunes des banlieues et les exclus ne voient guère de
différences entre la gauche au pouvoir et la droite qui voudrait
y revenir – il en va de même pour les sans papiers.
Comment se résoudre, pourtant, à mettre sur le même
plan, les uns et les autres ? Ils le savent bien nos socialistes
qui, à chaque échéance, nous font ce chantage
moral de devoir voter utile parce que l’autre trottoir est
bien plus dangereux.
Rappelons-nous, au cours des premiers mois de 1986, après
que la gauche a trahi ses engagements de 1981, et craint de perdre
les élections (elle va les perdre) cette campagne d’affichage
sur le thème : « Au secours, la droite revient ! «
Ce scénario n’est pas exclu pour 2002 mais, au lieu
de « gauchir « le discours, nous verrons sans doute
nos bons apôtres de la gauche plurielle mettre de l’eau
dans leur rosé – jusqu’à le rendre encore
plus pâle. Tout en appelant à la rescousse tous ceux
qui, à juste titre, ont tout à craindre d’un
mauvais retour de bâton. Soyons-en sûrs, les appels
à l’union seront nombreux, et nous savons que les amis
de Jospin, toujours prêts à piétiner ce qui
leur reste d’idéaux, n’éprouverons aucune
honte à appeler au secours - y compris au secours physique
- des forces de l’extrême gauche qui n’ont jamais
varié dans leur comportement anti-autoritaire.
Encore une fois, le passé proche nous renvoie aux gesticulations
qui sont devenues une habitude de la tribu de la rue de Solférino.
Le 8 mai 1981, alors que la victoire de François Mitterrand
devenait certaine, une immense tribune avait été dressée
place de la Bastille. Jouant les maîtres de cérémonie,
Michel Rocard s’était écrié, dans un
grand élan : « Merci à tous ceux qui ont permis
cette victoire. Merci aux socialistes, aux communistes, radicaux,
démocrates... « Et il ajoutait, pourquoi mégoter
: « Merci à nos camarades trotskistes et anarchistes
! « Il y avait certes de la joie à assister au licenciement
de la droite, au pouvoir sans partage depuis vingt-cinq ans. Il
y eu quelques résultats immédiats : l’abolition
de la peine de mort, la retraite à soixante ans, la régularisation
sans trop barguigner de nombreux sans papiers, l’augmentation
significative du SMIC, etc.
Que peut nous offrir la gauche plurielle, en 2002 ? Rien de plus
que la droite, semble-t-il ! Sous couvert d’un faux humanisme,
notre gauche plurielle est redoutable. En effet, ses ministres se
sont acharnés – comme la droite – à détruire
la législation sociale, à précariser le travail,
perpétuer le drame des sans logis, accentuer la chasse aux
sans papiers, tout en renforçant une police prête à
supprimer les derniers oripeaux de la démocratie sociale.
Nous avons eu la confirmation depuis quatre ans que la répression
n’a pas de couleur politique. Depuis que la gauche est revenue,
les exemples ne manquent pas de ces manifestations contre l’extrême
droite, avec l’intervention violente des CRS pour protéger
Le Pen ou Mégret. A chaque fois, des militants antifascistes
terminaient leur soirée à l’hôpital, en
s’estimant heureux de n’être pas poursuivis pour
trouble à l’ordre public...
En, serait-il de même, en 2002, si nous devions protéger
les porte parole de cette gauche plurielle contre les excités
de la FNSEA, agissant pour le compte du RPR ou les nervis de Chasse-Pêche-Nature
et Tradition prenant le relais d’une extrême droite
actuellement souffreteuse ?
Publié dans le mensuel No Pasaran ! - Avril 2001.
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