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Origine : http://infos.samizdat.net/article113.html
C’est l’histoire croisée de deux hommes politiques
qui prétendent représenter l’avenir de ce pays.
L’un se dit de gauche, tandis que l’autre se proclame
de droite. Le premier est un gros menteur, mais son adversaire n’est
qu’un vulgaire truqueur. L’un se réclame de cette
vieille tradition sociale-démocrate, qui a toujours trahi ses
électeurs, l’autre ne trompe que les possibles transfuges
de la gauche qui changent de camp en espérant trouver ailleurs
cette société du bien-être qui leur avait été
promise par ceux qui se revendiquent d’un socialisme frelaté.
Jojo, tout comme Mitterrand, a cherché à nous persuader
qu’il était socialiste, mais si l’ancien président
de la République venait de Vichy, l’actuel premier
ministre est issu du Faubourg Saint-Denis [1]. Tous deux ont conduit
"la France de gauche" dans l’impasse, après
avoir tenté de convaincre les bons citoyens que leur bonheur
était au bout du bulletin de vote. En fait, François
Machiavel et Jojo Lamberto ont surtout voulu démontrer à
la droite qu’ils étaient tout aussi capables qu’elle
de faire respecter l’ordre public, tout en mettant à
mal les lois sociales.
Chichi, lui, n’a pas eu à forcer son talent. La trahison
étant dans sa nature profonde. Jeune loup aux dents longues,
en 1967, il torpillait Jacques Chaban-Delmas, en 1974, au profit
de Giscard, avec pour récompense le poste de Premier ministre.
Ce qui ne l’empêchait pas quelques années plus
tard, de qualifier de porte parole de l’étranger celui
qui l’avait fait roi. Il ne lui restait plus, pour asseoir
sa légitimité, que de prendre, à la hussarde,
la direction du parti gaulliste, en 1976, avant de conquérir
la mairie de Paris l’année suivante, au prix d’une
autre trahison. Il ne lui restait plus qu’à emplir
son escarcelle, tranquillement, et faire connaître son ardent
obligation de combattre la "fracture sociale", en 1995.
C’est ainsi que Chichi est devenu l’empereur des cons
: ceux qui votent pour le truand, de peur de se faire déposséder
par les faux "partageux".
Au jeu classique du trompe-couillon, la gauche convenable n’a
pourtant pas sa pareille. Sur les différents terrains labourés
par la droite, elle a toujours tenté de faire entendre sa
fausse différence. Rien n’y fait, pourtant, sauf le
temps d’une campagne électorale aux promesses sans
lendemain. Il va de soi que cette gauche n’a de chance d’être
crédible que lorsqu’elle se décide de rassembler
à l’image qu’elle prétend véhiculer,
mais elle ne peut décidément pas s’y résoudre.
Depuis juin 1997, Jojo était au plus haut dans les sondages,
jouant les équilibristes, ménageant les uns, se gardant
bien de trop mécontenter les autres. Au bout de quatre années
passées à Matignon, il est avéré que
cette image du libéralisme avancé qu’il désirait
donner à son clan - la gauche dite plurielle - a une fois
de plus perturbé son électorat traditionnel. Cela
s’est vérifié par une forte abstention, à
gauche, lors des élections municipales de mars 2001.
Bilan. Si le chômage a effectivement reculé, c’est
au profit d’une semi-précarité organisée.
Parallèlement, face aux revendications, la gauche au pouvoir
a montré qu’elle avait la nuque aussi raide que la
droite qui, elle, ne sort jamais de son rôle. Si les 35 heures
n’ont surtout été mises en œuvre que dans
la mesure où leur adaptation aux besoins du patronat permettait
un consensus social acceptable pour le Medef et les syndicats "collabos".
Tristement, la gauche aura beau avoir créés plus d’emploi
que la droite, dans la police particulièrement, sa crédibilité
sera de moins en moins évidente. Surtout lorsque Jojo et
ses alliés s’évertueront à proclamer
que "la sécurité est une valeur de gauche".
Peut-on dire que Jojo et ses minsitres ont changé de camp
? Certainement pas ! Ils sont dans leur rôle. Il y a les grands
principes et la pratique. La gestion par la gauche du problème
des sans papiers s’est avérée tout aussi catastrophique,
pour les parias, que celle de la droite, et la chasse aux immigrés
n’a jamais cessé depuis 1997. Sur des problèmes
aussi simples que le droit de vote aux élections locales
pour les étrangers non-communautaires, la frilosité
de Jojo est telle que certains élus de droite peuvent lui
en remontrer sur ce point.
Depuis le conflit de Renault-Vilvoorde, en 1997, jusqu’aux
licenciements boursiers annoncés par Danone, en 2001, en
passant par le désintérêt porté au dégraissage
effectué chez Michelin, en 1998, il y a cette volonté
affichée de Jojo de ne pas intervenir dans des conflits où
l’entrepreneur doit être considéré comme
maître chez lui. C’est ainsi que des sociétés
réalisant de somptueux bénéfices peuvent se
permettre de "jeter" leurs salariés sans que cela
trouble excessivement l’ancien militant révolutionnaire,
depuis longtemps assagi.
Certes, les partenaires de Jojo protestent parfois, pour la forme,
s’insurgent même mais n’en restent pas moins au
sein de cette gauche plurielle sans laquelle ils ne seraient plus
grand chose. Quelques miettes s’avérant suffisantes
pour calmer leur souffrance sociale.
Dans ces conditions, lorsque l’action politique de nos gouvernants
est basée sur la seule conquête de l’Elysée,
comment s’étonner qu’un électorat déboussolé
se réfugie dans l’abstention ? Alors, comme en mars
1986, comme en mars 1993, c’est une véritable autoroute
qui s’ouvre à cette droite dite "républicaine"
qui, à l’occasion, chausse les bottes du Front national
avec d’autant plus d’application que l’extrême
droite paraît affaiblie depuis bientôt trois ans. Sans
jouer les mauvais prophètes, nous pourrons constater, dans
les mois à venir, que Le Pen et Mégret ont d’ores
et déjà leurs clones au RPR, à l’UDF
et Démocratie Libérale.
Jojo et ses conseillers ont tellement peur de se couper des électeurs
du centre et de la droite "républicaine" qu’ils
leur servent la soupe. Ils ne peuvent pourtant qu’afficher
leur chagrin lorsque la copie leur est retournée, avec l’inévitable
réflexion : "Peut mieux faire !" Il en va ainsi
avec les chasseurs, qui représentent le groupe de pression
le plus caricatural, mais aussi, plus généralement,
avec tous ceux qui, dans ce pays, ont hâte de voir revenir
la droite dure au pouvoir.
Lorsque Jojo s’indigne de voir Chichi s’emparer de
pans entiers de son programme, il ferait bien de s’interroger
sur son contenu. En effet, rien n’est plus facile que de faire
du Jojo sans Jojo : mise à mal des acquis sociaux et du Code
du travail, alignement sur une mondialisation nécessairement
contraire à la survivance d’une apparence de démocratie,
banalisation de l’idéologie sécuritaire, chasse
aux sans-papiers, traque aux sans-logis, criminalisation des jeunes
des banlieues, etc.
Quelles que soient ses gesticulations, la gauche, drivée
par Jojo, ne pourra jamais convaincre un électorat habituellement
conservateur de lui faire confiance. Dans le même temps, elle
éloigne défintivement ceux qui croyaient casser la
droite en votant à gauche par simple réflexe. Même
si depuis 1981, la gauche sera restée au pouvoir durant quinze
ans contre seulement six à la droite, chaque épisode
législatif a permis de démontrer que si la manière
changeait, quelques fois, la finalité restait toujours la
même.
Restons au ras des pâquerettes : est-ce que les matraques
des policiers sont moins dures sous la gauche que sous la droite
? Est-ce que les patrons ont été contraints à
devenir moins arrogants ? La véritable précarité
aurait-elle tendance à diminuer ? Dernière interrogation
: à quoi servent Jojo et ses amis ?
Publié dans le mensuel No Pasaran ! novembre 2001
Notes
[1] Lieu où se trouve le siège du courant trotskiste,
dit "lambertiste"
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