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Origine : http://infos.samizdat.net/article123.html?var_recherche=Rajsfus
Les policiers et les gendarmes ont reçu leurs étrennes,
bien avant l’échéance. Les citoyens de ce pays
également. Pour les forces de l’ordre, cela a consisté
en une augmentation de leurs salaires de l’ordre de plus de
10%. Quant aux français (et aux immigrés), le cadeau
est surtout législatif, sous la forme de la loi sur la Sécurité
quotidienne (LSQ) qui place chacun d’entre nous sous la surveillance
encore plus active des képis et des sociétés
privées de sécurité.
Comment nos policiers et nos gendarmes pourraient-ils être
satisfaits en étouffant sous les gilets pare-balle dont ils
vont être dotés individuellement ? Les premiers exigent
de bénéficier d’une réduction de 75%
des tarifs sur les lignes de la SNCF - pour ne pas être en
reste avec les cheminots, sans doute. Les seconds, qui vivent en
cantonnement, et ne payent pas de loyer, s’étonnent
de devoir, malgré tout, s’acquitter des charges locatives
et de la taxe d’habitation. On croît rêver, mais,
comme chacun sait, les revendications n’ont pas de limite
faute de quoi les luttes sociales ne seraient que vains combats
réformistes... De leur côté, les fonctionnaires
lambda devront se contenter d’une amélioration de leur
traitement d’environ 1,5% pour 2002. Et pas de rouspétance
dans les rangs car l’Etat n’a pas les moyens d’instaurer
le tout sécuritaire tout en rétribuant correctement
la grande majorité de ses salariés. Si les fonctionnaires
ne sont pas satisfaits, ils n’ont qu’à postuler
un emploi dans la police et la gendarmerie. On embauche ! Depuis
le 11 septembre, avec l’effondrement des tours jumelles de
Manhattan, la préoccupation première réside
dans le tout sécuritaire. Et peu importe que la démocratie
ne trouve pas son compte dans la sinistre loi LSQ, votée
par l’Assemblée nationale le 30 octobre et proclamée
le 15 novembre 2001. Déjà largement contrôlés,
nous sommes désormais sous très haute surveillance.
Comme toutes les démocraties occidentales d’ailleurs
mais, comme disent avec philosophie nombre de commentateurs : "Comment
assurer la sécurité sans limiter les libertés
?" Choisir entre la liberté et la sécurité.
C’est l’alternative à laquelle nous condamne
Lionel Jospin. La gauche plurielle - qui se refuse à abandonner
à la droite le terrain du tout sécuritaire, laquelle
adhère sans état d’âme aux exigences de
l’extrême droite - a perdu la raison. Bien entendu,
il n’est pas question de crier en chœur, Jospin-Chirac-Le
Pen même combat ! Pourtant, les repères sont à
ce point perdus que l’électeur à qui s’adresse
le discours sécuritaire risque de ne plus différencier
un malfrat endurci d’un jeune des banlieues au teint plus
mat que ne peut le supporter le bon citoyen de la France profonde.
Nos gouvernants et les partis de la gauche plurielle vont sans
doute perdre les élections du printemps 2002. Ils n’en
tiennent pas moins à léguer à leurs successeurs
des textes répressifs que la droite aurait eu bien des difficultés
à faire adopter sans résistance. Bien sûr, ces
braves politiciens, qui se revendiquent du "peuple de gauche",
souffrent du même cauchemar qu’en mars 1986 et en mars
1993. Ils vont bientôt nous inciter à crier avec eux
: "Au secours, la droite revient !" Il n’en reste
pas moins, en attendant, que comme l’exprimait si bien Laurent
Fabius, en 1986, peu avant la lourde défaite électorale
de la gauche : "C’est toujours nous qui faisons le sale
boulot !" La loi LSQ, texte liberticide, livre la France pieds
et poings liés à la police. Ce que Jean-Louis Debré
n’a pas réussi en 1995, Daniel Vaillant l’a fait
en 2001. Mise à part l’étiquette quelle différence
fondamentale peut-il y avoir entre ces socialistes, adeptes du tout
sécuritaire et une droite qui s’apprête à
revenir au pouvoir, plus haineuse, plus revancharde que jamais ?
Avec pour objectif d’aggraver sans doute cette loi LSQ que
la gauche lui a offerte sur un plateau. Ce nouvel arsenal répressif
ne peut que multiplier les bavures contre ces "sauvageons"
montrés du doigt par Chevènement, en 1999 ! Désormais,
finalement, nous sommes tous des sauvageons en puissance et les
"délits" constatés seront de plus en plus
nombreux, nécessairement. Particulièrement lorsque
deviendront intolérables les fouilles de véhicules
et les fouilles au corps que pourront opérer n’importe
quel policier ou gendarme - sans raison valable - de même
que les nervis des sociétés de sécurité
qui se pavanent avec leurs chiens. Que l’on ne nous demande
pas, dans quelques mois, par réalisme politique, d’appeler
à voter pour cette gauche institutionnelle dont les délires
sécuritaires ne peuvent que combler les vœux d’une
société de plus en plus policière. Il y a beau
temps, hélas ! que l’on a oublié le superbe
slogan de mai 1968 : "Chassez le flic de votre tête !"
A coups de milliards supplémentaires, Jospin et Vaillant
ont tenté de calmer la rébellion bien orchestrée
des forces de l’ordre. Grave erreur stratégique. En
effet, comme les policiers ont de plus en plus le sentiment que
l’Etat leur appartient, il apparaît qu’au-delà
des revendications salariales satisfaites, la volonté réside
surtout de transformer le pays en un Etat policier. Chaque "individu",
comme ils disent, devenant un suspect potentiel, il faudrait filer
doux et faire révérence aux forces de l’ordre.
Et l’on parle encore de police républicaine... Sous
couvert de lutte antiterroriste, la France se voit dotée
d’un arsenal législatif qui va la faire ressembler
à l’une de ces dictatures que les démocraties
sont censées combattre. Ensuite, il ne sera nul besoin d’évoquer
quelque risque terroriste que ce soit, puisque la loi LSQ, dont
la durée est limitée à 2003, sera sans doute
régulièrement prorogée. Tout comme ce plan
vigipirate qui, depuis le 11 septembre 2001, sert essentiellement
à enfermer les sans papiers dans des centres de rétention
dont la capacité explose. Certes, la gauche n’est pas
la droite mais elle est toujours en mesure de faire passer ces textes
scélérats qui montrent les limites de son discours
social. En 1997, le "peuple de gauche" a donné
sa confiance à Lionel Jospin pour rétablir une démocratie
en panne, mais ce bel esprit n’a fait que se situer à
la remorque de la droite. Sans doute pour conserver le pouvoir.
Ils sont faits de cette pâte molle, nos socialistes, qui permet
tous les abandons. Ce serait en pure perte qu’il faudrait
tenter de les rappeler à leur pseudo-idéal. Quel idéal
? Songent-ils seulement à soulager la détresse de
ceux que l’on appelait, jadis, les "Partageux" ?
En 2002, le sécuritaire a allègrement pris la place
du social, car nos socialistes n’ont pas changé. Leur
politique consiste surtout à malmener les jeunes des banlieues,
tout comme les SDF ou les précaires, à traquer les
sans papiers. Comment peuvent-ils justifier cette appellation de
"socialiste" qui leur sert de drapeau ? Comment leurs
alliés de la gauche plurielle ont-ils pu s’acoquiner
avec ces frères de la Côte qui n’ont jamais su
ce que pouvait représenter le mouvement social ? Bonne année.
Bonne sécurité !
P.-S.
Publié dans le mensuel No Pasaran ! janvier 2002
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