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La critique du sport : un état de plus en plus critique
Précisions sur les véritables scissions au sein de la critique française du sport
(Fragmentation et décomposition)
CIRCULAIRE PUBLIQUE DU 22 MARS 2011
Marc Perelman

Origine : http://www.marcperelman.com/pdf/La-critique-du-sport.pdf

« Tout ce qui avait solidité et permanence s’en va en fumée 1. »

« Les avant-gardes n’ont qu’un temps ; et ce qui peut leur arriver de plus heureux, c’est, au plein sens du terme, d’avoir fait leur temps. […] On n’en a que trop vu, de ces troupes d’élite qui, après avoir accompli quelque vaillant exploit, sont encore là pour défiler avec leurs décorations, et puis se retournent contre la cause qu’elles avaient défendues. Il n’y a rien à craindre de semblable de celles dont l’attaque a été menée jusqu’au terme de la dissolution 2. »

1. — Si, au regard de la place centrale du sport, l’époque présente ne ressemble plus vraiment à celle des années 60 ou 70, une reprise critique des thèses de la défunte revue Quel Corps ? (1975-1997) développées au cours de ces années déjà lointaines – une époque de contestation et une époque de lutte – est d’autant plus nécessaire à notre époque actuelle d’absence de contestation et de luttes globales contre le système. Notre époque est certes nouvelle mais seulement comme toute époque qui revendique sa différence avec la précédente et qui crée une coupure nette et franche avec celle qui lui est antérieure. Depuis quand, d’ailleurs, est-elle « nouvelle » cette époque ? Les années 70 ? 80 ? 90 ? depuis l’année 2000 ? le nouveau siècle ? le nouveau millénaire ?

1 Karl Marx, Manifeste du parti communiste, Paris, UGE, « 10/18 », 1962, p. 24.

2 Guy Debord, Œuvres cinématographiques complètes, Paris, Éditions Champ libre, 1978, p. 262-263.

Cette interrogation, évidemment imprécise, sur la date de la mise en œuvre d’une puissante modification mieux d’une transformation radicale de la fonction sociopolitique du sport dans la société globalisée, n’est certes pas fondamentale en tant que point de départ de notre propre analyse. Par contre, c’est bien l’analyse concrète de la situation concrète du sport qui est aujourd’hui nécessaire, décisive sinon vitale sans quoi le grand refus de la compétition sportive spectaculaire sous ses différentes manifestations mondiales (Jeux olympiques, Coupes du monde) ou nationales, est de fait impossible, irréel, invraisemblable. De même qu’est nécessaire une analyse qui fasse aussi retour sur les récentes évolutions du sport en pleine mutation depuis près de cinquante ans, c’est-à-dire analyser la structure du dispositif « sport » au sein du capitalisme financier, ce qui est fondamental pour appréhender la réalité du sport de compétition, hic et nunc.

— La période actuelle a mis en évidence, et parfois exhibé, le profond recul d’une certaine critique devenue impuissante alors qu’elle reste pourtant sûre d’elle-même et en apparence dominante. Cette critique a de fait été atteinte de plein fouet parce que ne parvenant même plus à apprécier la réalité présente du sport, persuadée en outre de toujours détenir et maintenir, mais sous le régime émollient du ressassement ad nauseam, une théorie critique du sport à tout jamais figée dans le marbre extrait des carrières des années 60-70. C’est en effet, et pour une grande part, la réalité du sport, soit la puissance de ce dernier tel qu’il s’est développé depuis une cinquantaine d’années, qui a laminé la critique du sport qui se maintenait encore vaille que vaille depuis quelques années ; c’est sur la réalité brute et brutale du sport mondialisé et hyper-centralisé dans de mégastructures supranationales (CIO, FIFA, UEFA, etc.) qu’a fini de se briser cette critique en de nombreux morceaux, et l’a faite voler en éclats en autant de revues-tesselles issues du bloc principal aujourd’hui disparu, en l’occurrence la revue Quel Corps ? ; c’est par conséquent et d’abord la structure sociopolitique du sport de- venue la forme phénoménale par laquelle se manifeste la société qui a dissous la critique jus- qu’à la réduire à un presque-rien. Cependant, nombreux sont ceux qui n’ont pas réussi à mesurer cette réalité nouvelle et restent prisonniers d’anciens schémas désormais vermoulus et de représentations piquées.

La théorie critique du sport, comme toute théorie qui se veut critique, se doit d’être constamment révisée en fonction même de la réalité mouvante, changeante et en transformation permanente vis-à-vis de laquelle elle dépend, qu’elle analyse et combat. Et il va aussi de soi que sans théorie critique du sport, pas de mouvement critique du sport. Ceci peut expliquer, en tant qu’une des raisons principales, la quasi disparition aujourd’hui d’une critique théorique et d’une pratique militante, non pas d’ailleurs visible par le nombre de ses adhérents qui n’a jamais été élevé, mais par son incapacité structurelle de prise sur le réel et par son incapacité matérielle et intellectuelle à résister au réel du sport et ce sous des formes d’expression appropriées, en particulier par le truchement d’un support de contestation original qui cristallise, à un moment donné, propice, opportun la rigueur et l’autorité de la critique. Ce support fut à un moment, dans des années 70-80, la revue Quel Corps ? dont le premier numéro parut en avril 1975. Parler de support renvoie à un contenu avec lequel ils forment un tout ;
l’expression ou la projection matérielle du contenu fut une revue comme la revue fut le sup- port privilégié d’un contenu. La question de fond est celle-ci : la réalité du sport d’aujourd’hui est-elle comparable à celle des années 70 ? Ou bien s’est-elle transformée, a-t-elle été chamboulée, entre autres, par la rapide et puissante mondialisation de ces dernières années ? Pour aller droit au but, même un peu rapidement, ma conviction, qui est un savoir plutôt qu’une opinion, est que l’espace et le temps sont désormais indissolublement unis au sport et peut- être maintenant dépendants du sport par le biais de plusieurs phénomènes articulés entre eux : son expansion irrésistible sous la dominante du football, lui-même enveloppant la planète et s’instillant dans chaque foyer sinon dans chaque individu par la médiatisation télévisuelle des compétitions sportives ; son intégration de tous les mauvais côtés, de toutes les dérives, de tous les excès du sport qui sont le cœur du spectacle sportif, le ciment de ce spectacle voire le spectacle en tant que tel. Ce qui signifie que, outre l’argent bien sûr, ce sont la violence et le dopage qui sont devenus les éléments centraux et déterminants du sport-spectacle, et mieux encore qu’essentiels plus exactement constitutifs. Ils ne sont donc plus périphériques ou exté- rieurs au sport comme ils l’étaient encore dans les années 60-70 ; le nouveau triptyque, ar- gent-violence-dopage, en est le milieu et comme la matrice commune, finalement ce sur quoi le sport peut aujourd’hui se développer, en quelque sorte proliférer, et littéralement exister. Sans le dopage dans le cyclisme, pour prendre cet exemple, mais un exemple qui est généralisable à toutes les disciplines sportives, ce sport n’existerait pas et le sport-spectacle dans son ensemble aurait baissé le rideau et fermé la boutique.

Pour en revenir à notre affaire « critique », ce fut l’une des conséquences d’une critique sans autocritique et d’une critique sans critique de ses fondements critiques que de laisser sur le bas-côté des militants pourtant chevronnés à l’instar de celui qui a su mettre le feu aux poudres, au mitan des années 60, en plein cœur de l’institution sportive, en l’occurrence Jean- Marie Brohm, alors Professeur d’éducation physique et sportive. Au-delà de la trajectoire d’un individu et des analyses qu’il a portées, incarnées et maintenues, il est de constater qu’en presque cinquante ans, le sport s’est transformé en profondeur et surtout qu’il a transformé l’espace et le temps dans lesquels il s’est déployé de façon imposante, souveraine et presque impérieuse. Phénomène encore marginal, il y a cinquante ans, le sport est devenu la principale manifestation de masse et d’adhésion populaire, le plus puissant phénomène social, politique et idéologique qui ait jamais existé sur l’ensemble de la planète. Le sport n’est plus un « phénomène » détaché d’un contexte général, mais il est la relation entre tous les phénomènes les plus détestables de la société, parmi lesquels la violence (pas vraiment maîtrisée), le dopage (parfaitement maîtrisé), la rapacité mercantile, le racisme, la xénophobie, l’homophobie, etc. Or, précisément, cette transformation radicale d’échelle, de proportions sinon de la totalité de l’espace-temps et qui a bouleversé jusque la structure du spectacle sportif dont sa portée de contamination sur tout le monde vivant, n’a pas été analysée dans toute sa profondeur actuelle. Et ce trou de plus en plus important dans l’analyse a porté un coup sans doute fatal à une critique par ailleurs bien trop tranquille et sereine, en tout cas bien trop persuadée de son bon droit critique, convaincue d’avoir une bonne fois pour toutes et à tout jamais fourbi les armes de la critique du sport, d’en avoir produit la Théorie définitive par des thèses, désormais figées, mais en oubliant aussi de produire la critique des armes. Les canons rouillés sont encore là mais ils ne tirent plus rien… La théorie est froide. On peut constater – caractère objectif – que dans le même temps, cette puissance du sport en tant que vecteur de propagation sociopolitique, idéologique, etc. de nos sociétés et, – caractère subjectif – l’incapacité devenue chronique d’analyse de la part de ses adversaires a priori les plus résolus, ont tous les deux à la fois percuté la critique dans son ensemble et ont fini par la corroder, puis la décomposer, enfin la dissoudre. Le territoire d’expression de la critique, avec ses airs radicaux et satisfaits d’elle-même, s’est finalement réduit à un lopin de terre privatisé et limité à quelques groupes isolés, autosuffisants, vivant en autarcie et se satisfaisant de cet isolement quand ils n’ont pas tout simplement disparu 1.

— La mise en retrait, sinon la retraite effective, pratique et théorique, de la critique du sport, – cette critique s’exprimant sous la forme de revues papier (appuyées par un site d’informations) –, le décrochement de sa praxis originelle, sont d’abord dus au poids écrasant et apparemment incontournable du sport de compétition sous la forme : d’une massification populaire, de la globalisation-mondialisation à travers le spectacle télévisuel et le tourisme, de la fureur émotionnelle de contamination des supporters se métamorphosant en aficionados puis en hooligans des stades, de l’intégration du sport dans la vie quotidienne et surtout en tant que vie quotidienne, enfin de l’acceptation voire du souhait par la population de faire sauter les tabous dont celui du dopage désormais perçu comme « inévitable » et aujourd’hui revendiqué comme nécessaire à la bonne qualité du spectacle du sport. L’égalité des dopés maintiendrait et même élèverait le niveau de la compétition et assurerait ainsi une bien meilleure qualité au spectacle en terme de performance, de prouesse, de records toujours dépassés.

— On doit pointer maintenant quelques dates importantes qui ont jalonné ce recul progressif et permanent de la critique du sport. En premier lieu, ce fut la victoire de l’équipe de Fran- ce de football lors du Mondial de 1998 ; sa victoire également à l’Euro 2004 ; et dans une moindre mesure sa participation à la finale, certes perdue, de 2006 face à l’équipe italienne, suite au coup de boule de Zidane absous par le Président de l’époque, Jacques Chirac. Toutes ces dates ont en effet marqué une série d’étapes décisives dans le puissant reflux sinon dans la quasi disparition de la critique du sport en particulier chez les universitaires et les intellectuels pour ne rien dire de la jeunesse lycéenne et étudiante pour qui cette critique n’existe tout simplement pas.

1. 1 Le cas le plus étonnant est la rapide dégénérescence militante et conceptuelle, et l’état devenu sectusculaire de la revue Quel Sport ?. Celle-ci est désormais réduite à l’extrême confidentialité de la quasi seule diffusion de son service de presse, sans abonnés, sans lecteurs, sans diffuseurs, sans lieux d’accueil en librairies, recroquevillée, ratatinée et même rabougrie sur un pseudo-Comité de rédaction et un pseudo-Comité Scientifique In- ternational constitués pour la plupart de membres fantoches et pour d’autres dissimulés sous de très nombreux pseudonymes, le tout chapeauté par une direction prise dans le vertige d’une forme de delirium tremens (agitation brownienne, fièvre paranoïaque…) qui exclut à tour de bras ou se « sépare », tout en les diffamant, de ceux qui ne conviennent pas ou ne conviennent plus. Cette façon de procéder tient non pas aux anciens rituels situationnistes mais à un revival stalinien…

Sous les coups de boutoir des victoires du football, qui ne sont pas que les victoires de l’équipe de France, le football précisément a été pendant plus de dix ans présenté comme un modèle de comportement, sinon de vie ; il a été élevé à la hauteur de la nouvelle voie républicaine, l’acmé de la voie « citoyenne ». Souvenons-nous du « Zidane président ! » hurlé par une immense foule se déversant sur les Champs-Élysées à Paris et, à la suite de cette manifestation de masse, du grand délire communautariste sous le label « black-blanc-beur » qui a contaminé les esprits même les plus éclairés pendant presque quatre années jusqu’au 21 avril 2002 avec la présence de Le Pen au 1er tour des élections présidentielles. Du fait du consensus non pas mou mais enthousiaste sinon de l’adhésion générale auquel le sport se prête dans les sphères politiques, universitaires, scolaires et intellectuels, la critique du sport, de son côté incapable de renouveler sa praxis, aurait pu à ce moment-là disparaître sans coup férir1. Faut-il encore préciser qu’au football, le sport médiatiquement dominant, sont venus s’adjoindre d’autres sports comme le rugby, l’athlétisme, la natation, le handball, soit des sports médiatiquement subalternes mais qui ont renforcé la force d’attraction du sport en général.

5. — Il est bien sûr facile de constater l’éclipse de la fraîcheur originelle de la critique radicale du sport plus de quarante ans après les événements de mai-juin 68 qui en avaient marqué une étape historique avec la publication d’un numéro de la revue Partisans 2 consacré au sport. La question est de savoir si ce qui avait été analysé, en ces années-là, a encore cours aujourd’hui, comme par exemple la mise en évidence – pourtant à l’époque si difficile à prouver et à soutenir comme l’un des principaux arguments – du lien pourtant si étroit entre le sport et la politique. Nié en tant que tel dans les années 60 et 70, ce lien consubstantiel entre le sport et la politique a été non seulement accepté mais il est désormais revendiqué en tant que tel. N’aura-t-on pas même assisté à une nouvelle union entre le sport et la politique, sinon à leur fusion organique : nombre d’anciens sportifs deviennent des éminences ou encore des édiles politiques, nombre de politiques ne jurent que par le sport ou ne font de la politique que comme un sport3. Le jeu politique traditionnel lui-même, les projets politiques, les thèmes politiques dominants sont investis par le sport au sens où il est devenu un mode de production et de reproduction sociales dominants.

1 À mon initiative, un ouvrage écrit en commun avec J.-M. Brohm avait comme on dit « sauvé l’honneur » au moment crépusculaire de la Coupe du monde de football en France : Le Football, une peste émotionnelle [1998], Paris, Gallimard, « Folio », 2006.

Voulant répéter de manière mimétique l’appel au boycott de la Coupe du monde de football en 1978, l’appel au boycott de 1998 n’en aura été que la pâle et triste copie ; il prit rapidement la forme d’une farce. Comment en effet appeler au boycott de la Coupe du monde de football, c’est-à-dire s’organiser pour que l’équipe de France ne participe pas à la compétition lorsque c’est la France elle-même (son État) qui organise cette compétition…

2 Partisans, « Sport, culture et répression », Paris, François Maspero, juillet-août 1968.

3 Le 28 mai 2010, Nicolas Sarkozy, plaidant en faveur de la candidature française à l’organisation du Championnat d’Europe 2016 devant le comité de sélection de l’UEFA (Union of European Football Associations), déclarait : « Nous, nous pensons en France que le sport c’est une réponse à la crise. C’est justement parce qu’il y a une crise, qu’il y a des problèmes, qu’il faut mobiliser tout un pays vers l’organisation de grands événements. Et qu’est-ce qu’il y a de plus fort que le sport et, à l’intérieur du sport, qu’est-ce qu’il y a de plus fort que le football ? » En effet, qu’y a-t-il de plus fort que le football pour un inculte ?

Autrement dit, le sport n’est pas seulement « politisé » et il n’est déjà plus qu’une politique (d’État) avec son ministère ad hoc ; dans nos sociétés capitalistes le sport est la forme que prend la politique. On peut même avancer que le sport au sens d’une expression organique de la société, à travers son histoire, son développement et sa dynamique intrinsèque, ressemble à un gigantesque « parti » avec ses leaders, ses équipes, ses adhérents, ses sympathisants, ses masses… et qui transcende tous les autres partis traditionnels.

— L’autodissolution de la revue Quel Corps ? en 1997 mise en œuvre par son seul rescapé ou unique survivant, en l’occurrence Jean-Marie Brohm1, puis l’éparpillement des procritiques du sport, qui en avaient été les collaborateurs à divers degrés, à divers niveaux et à divers moments, soit en son centre, soit sur sa périphérie, soit dans sa continuité, soit encore coupés de tout lien avec son centre, s’est cristallisée – et on peut l’apprécier comme un paradoxe – dans l’émergence et parfois la stabilisation éditoriale de plusieurs revues qui, chacune à leur manière, ont tenté de prolonger leur modèle d’origine. Épigones, sophistes, pharisiens ou frêles aigrefins, bref tout un petit monde regroupé afin de produire un bel effort éditorial, ont su pour quelques-uns se développer avec un certain savoir-faire et de façon plus ou moins opportuniste, puis croître de manière concurrentielle sur le terreau de la crise non du sport mais de la critique du sport, accentuant d’autant cette crise.

La disparition effective de la critique du sport de compétition, dont le moment militant fut la création de la revue Quel Corps ? 2 (1975), a en effet entraîné l’émergence d’une quantité non négligeable de revues voulant toutes se situer dans son sillage mais avec leurs propres thèmes de recherche et de prédilection et leurs valeurs ajoutées. Telles des radicelles venues pousser sur le tronc commun de la Théorie critique du sport, la plupart de ces revues veulent ou voulaient tout en se tenant à bonne distance – les jeunes fols pousses croissent vite malgré leur extrême fragilité – revenir à ce qui leur faisait à toutes objectivement défaut : une théorie critique, précisément, préalable à toute praxis.

— Les revues dont nous allons analyser le fonds de commerce avaient lancé leur entreprise critique avec la parution d’un premier numéro sur le sport : « Nationalisme sportif » pour Quasimodo, « La tentation du bonheur sportif » pour X-Alta, « Jeux olympiques… » pour Illusio ; de son côté la revue Mortibus, par l’intermédiaire de son directeur de publication, produisait un texte sur « Le sport : atopies et idéologies » mais surtout elle tentait d’approfondir la signification politique du dernier numéro de Quel Corps ?, celui de son autodissolution de 1997. Là s’arrêtèrent cependant assez vite les différentes entreprises d’une reprise des thèses sur le sport. Les numéros suivants de ces différentes revues lancèrent finalement d’autres pistes d’analyses mais désormais éloignées de la critique du sport. De fait, la critique du sport s’effaçait au fur et à mesure des numéros de ces revues jusqu’à en disparaître définitivement.

1 Sur la demande de J.-M. Brohm, qui ne pouvait légalement le faire lui-même c’est moi, en tant que « secrétaire de rédaction », qui ai mis fin à l’existence administrative de Quel Corps ? en fermant son CCP, le 24 mai 2006…

2 J’en ai été l’un des cofondateurs en 1974 ; j’en suis parti en 1980 considérant, au seizième numéro (13 livraisons), qu’elle avait fait son temps. Quel Corps ? prit au mitan des années 80 un fort tournant universitaire perdant définitivement tout caractère militant.

— QUASIMODO (1996-2005, 6 livraisons). La revue Quasimodo, la première dans l’ordre chronologique à avoir paru avant même l’autodissolution de Quel Corps ? (1997) avait pour- tant orienté dès son premier numéro ses axes de recherche, entre autres, sur le sport par l’« analyse approfondie du spectacle sportif (notamment) de son pouvoir de séduction, de ses fascinations, de ses “beautés” […]. » (p. 3) Quasimodo avait même vite pris la mesure du retournement en leur contraire de concepts clés de la théorie critique. « Aujourd’hui ce sont, par exemple, les notions-clés de sport opium du peuple, d’aliénation sportive, qui sont en instance de devenir des lieux communs du discours pro-sportif ou pseudo-critique. Ces “missiles théoriques” (Marx) qui effarouchaient il y a peu les spécialistes es-bondieuseries sportives et faisaient sortir les crocs aux zélés gardiens du consensus sportif, sont banalisées par les chroniqueurs sportifs. » (p. 5) Pointant la faiblesse de certaines postures, en particulier celles de la fin de Quel Corps ? et de son directeur de publication, Quasimodo notait que « la critique à tout crin, la dénonciation perpétuelle, érigée en impératif méthodologique, est porteuse de la dangereuse illusion de se croire tout-puissant, d’appartenir à un groupuscule éclairé, s’autoproclamant à bon compte avant-gardiste (geignant d’être incompris ou ostracisé, alors que c’est la définition même d’une critique radicale que d’être rejetée, interdite de séjour) » (p. 6). Quasimodo poursuivra encore un peu son chemin mais abandonnera par la suite toute réflexion critique sur le sport. Toutefois, une première critique sévère de la posture critique, c’est-à-dire de la réification achevée de la critique, avait été posée. Le caractère vivant de cette critique avait été perçu comme disparaissant lorsque la critique devenait de plus en plus l’instrument de sa propre et seule exhibition.

— X-ALTA (1999-2006, 8 livraisons). La revue X-Alta avait fait sienne, depuis sa création, l’utilisation de forts concepts philosophiques empruntés pour la plupart à l’École de Francfort, parfois aux Situationnistes via quelques professeurs de philosophie américains ou plutôt amé- ricaine, ou si l’on préfère encore à des produits d’import-export de série B reproduits indéfiniment. « Rien n’est plus sot, plus sec, plus émasculé, plus châtré, constatait G. Steiner, que ce qui s’écrit aujourd’hui dans l’université américaine sur l’école de Francfort, l’œuvre de gens qui n’ont jamais entendu une foule dans la rue, qui n’ont jamais humé l’odeur d’une prison, qui n’ont jamais su ce qu’est un camp de concentration, qui ne savent rien du fait que ces hommes ont vécu leurs abstractions dans leurs os, dans leur chair et dans leur sang, dans leurs tripes, qu’ils ont vécu leur siècle comme jamais nos mandarins fats ne le feront. Ces discussions américaines sur les nuances du sens dans la sociologie du deuxième Adorno sont horripilantes. Adorno eût été partagé entre le sarcasme, l’étonnement et l’abattement1. »

Pour X-Alta, il s’agissait avant tout de récupérer et surtout de fixer les concepts « empruntés » à Quel Corps ? pour tenter de dépasser la théorie critique originelle du sport.

1. 1 George Steiner, Les Logocrates, Paris, UGE, « 10/18 », 2005, p. 172-173.

Son idéal, en quelque sorte, depuis sa création, avait été de soigneusement « gratter » la Théo- rie critique du sport pour tenter de recueillir les concepts qui pouvaient s’en détacher. Cette « critique » du sport s’est révélée au fur et à mesure des numéros parus tout à fait improbable. On a même plutôt assisté, avec cette revue, à un abandon progressif de la Théorie critique du sport pour une tentative de course de fond échevelée dans le seul couloir d’un « théoricisme » mal dégrossi et fortement teinté d’althussérisme. Le fonds de commerce d’X-Alta fut d’espérer atteindre le noyau fondateur de la critique en tant que cela rendrait possible la fon- dation d’un nouveau noyau : X-Alta elle-même.

Les différentes livraisons d’X-Alta ont toujours surfé sur les eaux troubles du pseudo- radicalisme tout feu tout flamme, souvent tout fou, et parfois tout proche de la prose antisémite lorsque, comme par hasard, il s’agit de combattre le sionisme à la façon ultra-gauche. Le numéro 8 de X-Alta (novembre 2004) en fut l’un des exemples les plus remarquables avec l’article intitulé : « Vers un Fascistan ? L’ordre légal et idéologique du Grand Israël » signé par Fabien Ollier1 . Rien que le titre disait la violence et la bêtise du propos. L’auteur, avec une phraséologie de circonstance – une variante de la rhétorique ultra-gauche mâtinée d’altermondialisme et truffée de quelques références théoriques abstraitement détachés des écrits de l’École de Francfort – osait ainsi avec l’aplomb des ignorants et fiers de l’être comparer l’incomparable : l’Allemagne nazie et Israël… le tout appuyé par des citations évidemment extraites de leur contexte de Max Horkheimer et Frantz Neumann… même les juifs s’y mettaient ! Exercice de style typique de ces pseudo-rhétoriciens adeptes des analogies perverses et de la fausse symétrie. L’État d’Israël était ainsi qualifié de « national-sionisme » (p. 127) ; F. Ollier constatait : les « mêmes volontés d’expansion et de persécution, de colonisation et d’épuration ethnique par tous les moyens qui ont enflammé un jour ou l’autre les idéologies […] » ; une « certaine forme d’électivité » ; qu’avec « un État israélien semi- démocratique semi-autoritaire, contre l’ordre international se déploie l’ordre légal du national- sionisme au service d’un nettoyage ethnique » (p. 128) ; que la « shoah pour les Arabes est aussi un slogan qui fleurit sur les murs de Jérusalem » (p. 131)… Quelles subtiles analyses tout en nuances délicates soutenues par une représentation d’Israël dont la carte légèrement remaniée est reproduite ci-dessous ! Où est donc ici Israël ? Et quelle est donc cette « Menace » ?

Jamais F. Ollier n’a souhaité, explicitement, c’est-à-dire par écrit, faire le moindre mea culpa suite à ce texte désastreux.

1. 1 Ce texte, accompagné d’une très remarquable illustration « géopolitique » signée par Fabien Ollier et Thierry Riffis, est censé représenter l’État d’Israël (cf. ci-dessous). Le lecteur saura apprécier le trait délicat de nos deux artistes dans une représentation bien personnelle – limites, surface et frontières – du territoire d’Israël…
Fabien Ollier et Thierry Riffis, La Menace, 2004.

Dans la plupart des numéros suivants X-Alta, submergée par son propre délire, envisageait à longueur de pages, et dans une autre rhétorique, plus « optimiste » celle-ci : la fin toute prochaine du capitalisme et la crise définitive de la société (elle avait imaginé tout aussi rapide la fin du sport sous le poids de ses contradictions internes). De fait, c’était surtout l’absence d’une analyse concrète de la période historique actuelle et des contradictions qu’elle traverse, et que le sport traverse, qui tenait lieu si l’on peut dire d’analyse. Remarquable était surtout l’absence d’analyse du sport hic et nunc et de ses contradictions (internes et externes) dans le cadre du développement du capitalisme du troisième âge… X-Alta n’avait pas compris que le sport est le mouvement permanent sur lequel roulent les contradictions qui à la fois le développent et le minent… Après son premier numéro, X-Alta n’analysera plus jamais le sport…

— ILLUSIO (2004-, 5 livraisons). L’émergence de la revue Illusio se situe avec l’ambition louable de tenter un retour à une prise de position politique face au sport. Cette revue toujours trop fascinée par Quel Corps ? tente de lui ressembler en recopiant la maquette, le contenu, voire l’ours (Directeur de publication, Comité scientifique…). Illusio veut se situer, avec cependant quelque difficulté, à la fois dans la veine militante et dans l’approche universitaire. L’opportunité réelle de la parution d’une revue comme Illusio qui souhaitait rassembler dans son premier numéro ce qui rassemblerait les anti-sportifs (une entité jamais bien définie) – grossir les rangs avec un « ce qui nous rassemble » n’est que peu convaincant –, et à batailler ferme contre l’institution sportive, pourrait se prolonger par la métamorphose d’un groupe en attente d’histoire militante et universitaire, un groupe par trop volontariste. Il faudra attendre les prochaines livraisons pour savoir si le fer a été suffisamment bien trempé et s’il est engagé comme il faut… Il reste que les analyses produites à ce jour par cette revue sont pertinentes sur nombre d’aspects du sport actuel et en particulier dans ses liens avec la mafia. Le plus difficile reste à venir : maintenir le cap d’une critique anti-sportive et ne pas trop s’illusionner sur la puissance d’Illusio. Une interrogation relative, cependant, au titre de cette revue : « Jamais la conscience historique, notait Guy Debord, n’a eu tant besoin de dominer de toute urgence son monde, car l’ennemi qui est à sa porte n’est plus l’illusion, mais sa mort1. » Notons qu’Illusio a su maintenir un certain intérêt quant à la critique du sport dans ses différentes livraisons…

— MORTIBUS (2006-2009, 7 livraisons). Nettement plus orientée que ses consœurs vers l’analité de préférence excrémentielle et les régressions sodomiques, plus généreuse en tout cas en pulsions débordantes et tous azimuts (désir et jouissance), la revue Mortibus fut la dernière-née des revues post-Quel Corps ? avec pour ambition éditoriale affichée les « critiques du capitalisme incarné » comme l’indiquait son sous-titre.

Dès son premier numéro, Mortibus se désolait que l’héritage de la critique du sport, en l’occurrence celui de la revue Quel Corps ? ne soit pas repris par quelque héritier : Mortibus ne pensait-il pas à ce moment-là à Mortibus ? Et son directeur déjà à son directeur ? Pour ce dernier (F. Ollier), à ce moment-là totalement isolé du courant critique, la question se posait avec une certaine acuité : comment en effet débuter dans le labeur théorique ? Comment (re)démarrer une entreprise critique ? Et pour le Professeur d’éducation physique et sportive Ollier, par ailleurs, à ce que l’on apprend écrivain et peintre : comment sauter loin sans tremplin ? Telles (sont) étaient les interrogations de Mortibus. Mortibus trouvera une première réponse dans le refus d’une part, et à juste titre, de l’utopie rance des altermondialistes (du bio et du sport pour tous), et d’autre part, de l’utopie confite de la droite (libéralisme et sport pour tous).

Dès le premier numéro de Mortibus, et dans un article écrit en grande partie contre J.-M. Brohm, l’un de ses ennemis d’alors, F. Ollier constatait que les « traits les plus saillants [chez J.-M. Brohm] sont un ton autoritaire-vengeur-triomphaliste qui fait contraste avec celui scientifique-militant-provocateur des textes de fondation » (p. 195). F. Ollier voulait reprendre la critique là où l’avait laissée Quel Corps ? en 1997, c’est-à-dire prendre appui sur du solide pour être presque certain de pouvoir poursuivre son chemin sans trop de difficultés. « Quand Brohm, poursuit F. Ollier, dit avec une certaine suffisance que “Quel Corps ? a donné l’exemple d’une valeur d’usage critique refusant la valeur d’échange” ou qu’elle “a accompli sa mission” alors que le despotisme sportif est plus efficace que dans les années 60 grâce à la récupération des critiques à son encontre, il donne donc raison aux observations de son ami Lourau [on renonce à l’essentiel alors que l’on prétend dépasser une situation].

1 Guy Debord, « La planète malade », in Œuvres, Paris, Gallimard, « Quarto », 2006, p. 1066.

Mais il va aussi bien plus loin, finit par affirmer F. Ollier : son Autodissolution regroupe en quelques pages toutes les conséquences de la dialectique hégélienne sur la liquidation d’autrui [sic], de l’autre, de l’altérité et de l’altération, comme si l’histoire réelle de son extermination n’existait pas. Il est l’analyseur d’un désir de purge [sic] dont on peut aujourd’hui mesurer exactement l’efficacité désinfectante, mais qui par contre en dit long sur l’esprit d’intégrité [sic] de son auteur » (p. 196). Que de gentillesse ! Outre le caractère calomnieux d’un tel propos, la vraie question, qui a toujours taraudé l’esprit de F. Ollier et que l’on retrouve dans différents textes écrits de sa main, est, on l’aura compris, celle de l’héritage1. Après l’autodissolution de Quel Corps ?, la question serait alors celle-ci : à qui allait revenir le supposé trésor de la critique du sport ? Quelle serait la revue qui allait se situer dans la continuité de Quel Corps ? ? Et F. Ollier d’avancer les interrogations essentielles, essentielles pour lui, et ce toujours dès le premier numéro de Mortibus : « Pourquoi la question de l’héritage est-elle si lancinante, comme une douleur, dans la théorie critique du sport au point que Brohm se sente obligé de dire qu’“il n’y aura pas d’héritage responsable, seulement des héritiers coupables”… […] Pourquoi également, poursuivait F Ollier, cette peur infantile d’être “copiée”, d’être “mimé” voire “singé” prend-elle tant d’importance au fur et à mesure que le centre de la lutte contre le sport se fissure ? » (p. 198).

Se substituant déjà à J.-M. Brohm, F. Ollier poursuivait son interrogation : « voilà un objet dont j’ai passé trente ans à le lustrer tous les matins ; mes enfants, les voisins, mon ami, etc., continueront-ils de le lustrer à ma mort [sic] – les fidèles –, ou le laisseront-ils se couvrir de poussière – les traîtres ? Un raisonnement de ce type est tristement fréquent dans les périodes “post-partum” des chefs d’avant-gardes auto-dissoutes […]. » (p. 199). La question essentiel- le, quasi vitale, restait pour F. Ollier, et encore une fois, celle de l’héritage. En pleine décrépitude militante, suffoquant sous la pression de la déferlante sportive, il n’eut pas alors un grand effort à fournir pour se saisir au bon moment de l’« objet » et le réintroduire dans un nouveau cadre à la mesure de ses propres ambitions démesurées. Et ce fut là une affaire rondement menée d’héritage et de captation d’héritage, d’appropriation privée, l’air de rien, insidieuse.

Est-il besoin de préciser que viser à recueillir l’héritage de la théorie critique du sport est un non-sens absolu puisqu’il s’agit pour la théorie critique de la liquidation de son objet – le sport –, et donc aussi de sa propre disparition. Donc aucun héritage et héritier de rien… Alors pourquoi cette crainte de rater l’héritage de la théorie critique du sport ? Pourquoi cette angoisse est-elle si récurrente et si lancinante chez J.-M. Brohm et a t-elle été résolue à sa façon par F. Ollier ?

1. 1 Cf. par exemple de Fabien Ollier et Henri Vaugrand, L’Intégrisme du football, Paris, L’Harmattan, 2002.
Les deux compères d’alors s’en prenaient très violemment à J.-M. Brohm. « Quel Corps ? et son directeur de publication Jean-Marie Brohm ne vit que sur sa propre mort proclamée en 1997 [sic] – celle-ci se révélant être, plus que sa vie auparavant, son véritable fonds de commerce [sic] – pénétrée qu’elle le fut par l’extraordinaire membre thanatique du monstre [sic] qu’elle avait voulu défier sans mesurer totalement, et dès le début, les risques de ses outrages » (p. 10). F. Ollier qualifiait l’autodissolution de Quel Corps ? de « sale dissolution » (p. 12).

On saura qu’elle est si « lancinante » et résolue à son façon par F. Ollier parce qu’il voulait à tout prix devenir en toute légitimité le seul héritier et, on l’a su plus tard, qu’il a tout fait pour cela ; mieux encore qu’il a réussi cela mais pour la fin de la critique du sport.

12. — QUEL SPORT ? (2008-, 8 livraisons)1. La naissance de la revue Quel Sport ? s’est effectuée sur une base pour le moins ambiguë. Non sur un élan militant mais sur la volonté farouche de celui qui l’a effectivement initiée de poser les bases de la récupération d’un possible héritage, au creux d’une période politique. Le titre même de la revue était déjà une reprise – l’air de rien – de ce qu’il convoitait : Quel Corps ? / Quel Sport ? Affaire de continuité dans la rupture ou de rupture dans la continuité. En tout cas, affaire d’héritage. Propulsé, par lui- même, directeur de publication de la revue Quel Sport ?, F. Ollier s’est donc employé à travailler la soudure entre l’ancien et le nouveau et n’en continuait pas moins à s’interroger sur l’héritage…

Si toutes les revues qui ont succédé à Quel Corps ?, malgré leurs efforts parfois considérables et même désespérés pour lui ressembler, ont échoué dans leur désir de reprendre à nouveaux frais la critique du sport là où elle avait échoué, mieux que les autres, la revue Quel Sport ?, tout en multipliant les livraisons à une cadence infernale malgré des ventes dérisoires, a surtout réussi à faire la démonstration de sa propre incapacité à analyser le sport tel qu’il est et, en fin de compte, à faire partager son analyse. Cette revue – quand elle ne reproduit pas directement de l’ancien (le stade de la « pensée » photomécanique ?) – ressasse, remâche et rumine les thèmes qui avaient certes fait les beaux jours de la critique du sport dans les années 70 : argent, violence, dopage, racisme…, mais ne produit plus rien de nouveau, d’original.

1. J’ai personnellement participé aux quatre premières livraisons de la revue Quel Sport ? en rédigeant plusieurs contributions et avec la fonction officielle de trésorier. C’est au moment de la lecture et des corrections enga- gées pour le numéro 8-9 d’octobre 2008 que j’ai décidé de quitter cette revue. L’unique et seule raison de mon départ fut motivée parce que j’avais subi un coup tordu initié par F. Ollier. Pour ce numéro 8-9 de Quel Sport ?, Fabien Ollier avait en effet osé présenter le mot d’ordre de boycott des JO chinois comme venant – et dans cet ordre – d’abord de lui et, en second, de Jean-Marie Brohm : « Fondé durant les mois de septembre- octobre 2006 sous l’impulsion de Fabien Ollier et Jean-Marie Brohm […] » (Quel Sport ?, n° 8-9, page 45). Avant que ce numéro ne soit imprimé, j’avais demandé à F. Ollier de retirer de son article cette formulation qui non seulement ne correspondait pas à la vérité des dates mais surtout était une façon d’appropriation individuelle tout à fait étrangère à l’histoire du courant politique de la critique du sport auquel je suis attaché de- puis 1975. Dans ce même article, F. Ollier distribuait par ailleurs les bons points et les images ainsi que les places sur le podium mais, encore une fois, selon une conception très personnelle : à lui les honneurs de la plus haute marche, aux autres, dont moi, les places dans le public pour l’applaudir. F. Ollier a refusé de prendre en compte ma demande et a maintenu sa formulation pour m’obliger soit à avaliser son mensonge, soit à partir… J’ai, bien sûr, opté pour la seconde solution.

Contrairement au fieffé mensonge d’Ollier, le mot d’ordre de boycott des JO chinois venait de bien plus loin dans le temps et d’autres horizons que le sien. Le mot d’ordre de boycott venait dans le prolongement politique de la longue bataille menée – sans Fabien Ollier – contre la candidature de Paris aux JO de 2012, soit dès 2004. À cette époque-là, Fabien Ollier n’avait jamais montré le bout de son nez dans quelque organisation militante. Ce n’est qu’un beau jour, très exactement le 2 juillet 2005, dans une ultime manifestation devant le siège du CNOSF (Comité national olympique et sportif français) à Paris, organisée par le CAJO (Collectif anti-jeux olympiques) mais auquel il n’avait jamais non plus participé, que l’on a vu arriver ce néo-militant tout frétillant et débarquant de nulle part, toujours l’air de rien ! À partir de cette date, il réussit à se réintroduire avec un grand savoir-faire dans la praxis critique.

F. Ollier n’a pas été non plus à l’origine du texte d’appel au boycott des JO de Pékin qu’il s’est indûment approprié. Bref, F. Ollier s’est de bout en bout conduit comme un parfait faquin, et il a parfaitement su manœuvrer sa présence dans les structures militantes.

Tout au long de cette triste affaire, J.-M. Brohm s’est contenté d’envenimer les choses.

Cherchant à éliminer tous ses adversaires putatifs, Quel Sport ? appelle à la lutte, seule, en rappelant dans le registre de la compulsion de répétition des antécédents glorieux comme par exemple les tentatives de boycott de la Coupe du monde de football en 1978 ou des JO de Moscou en 1980. « L’histoire ne se répète pas, elle bégaie » disait Karl Marx en son temps. Et dans le cas de Quel Sport ?, cela a pris la forme d’une affection : plus cette revue jacasse et moins elle en dit, plus elle s’appauvrit et moins elle pense. Quel Sport ? est ainsi dans l’incapacité d’orienter la critique sur la réalité sportive qu’elle a sous ses yeux. Pour Quel Sport ?, l’argent, le dopage, la violence, le racisme, parce qu’à ce point étalés dans la presse, exhibés à la télévision seraient désormais comme la preuve irréfutable de la qualité et de la véracité de ses propres analyses. « On l’a toujours dit… » Auparavant, il est vrai, minorées, voire cachées, ces réalités massives du sport que sont également la xénophobie, l’homophobie, la violence dans et hors les stades, le racisme, etc., bref ces réalités suffiraient aujourd’hui, selon Brohm et Ollier, à démontrer le caractère néfaste du sport de compétition. Pour Quel Sport ?, rien, depuis les années 60-70, n’aurait bougé dans le sport ; tout serait tel qu’il est encore aujourd’hui. La critique n’aurait qu’à répéter ce qu’elle disait en ces lointaines années. « Il n’y a rien à ajouter à la théorie critique du sport… » ne cesse de répéter J.-M. Brohm sans doute pour se rassurer. Ce type de raisonnement indique surtout la faiblesse des analyses qui se sont étiolées au fil des années et apparaissent désormais comme anémiées alors qu’elles recouvraient des concepts autrefois vivants1.

Par exemple, les centaines de pages imprimées dans les différents numéros de Quel Sport ? avec l’appui généreux de Mondenard, toujours très précis et méticuleux dans ses analyses, et ce pour montrer qu’il y a du dopage dans tous les sports, ne servent aujourd’hui plus à grand chose en tant qu’élément déterminant de la critique du sport. Pourquoi ? Tout simplement parce que tout le monde en est parfaitement convaincu, y compris les idéologues patentés du sport comme ceux du journal l’Équipe. Le dopage comme les violences de toutes sortes (dans les stades ou à l’extérieur), y compris le racisme, font maintenant partie du spectacle sportif. Il n’y a plus que J.-M. Brohm et F. Ollier pour ne pas comprendre que le dopage – précisément ce sur quoi ils insistent tant – n’est plus cet élément extérieur au monde du sport mais que le dopage est inséparable du sport, il lui est consubstantiel ; il en est son outil le plus proche, au même titre que le vélo pour le cycliste, le ballon pour le footballeur, la raquette pour le tennisman… La critique du sport perd toute son efficacité dès lors qu’elle s’enferre à révéler, comme s’il s’agissait d’une chose nouvelle ou encore extraordinaire, la présence du dopage dans le sport ou de la violence ou bien encore du racisme qui se sont partout développés dans les stades comme à l’extérieur.

1. Cf. les remarques de Mathieu Gaulène sur le site Nonfiction : « […] la richesse théorique qui avait fait la marque de cette revue [Quel Corps ?] a pour le moins disparu. Condamnés à répéter les mêmes thèmes depuis plus de trente ans, les articles de Quel Sport ? se singularisent par le fait que ce sont bien souvent des extraits de dépêches de presse mis bout à bout, plutôt qu’une véritable réflexion théorique. La revue Quel Corps ? avançait ainsi en son temps des thèses plus audacieuses. » (Publication le 1er mai 2010)

Une vraie critique devrait plutôt approfondir la question du dopage et de la violence qui ressortissent au sport lui-même et qui l’associent désormais au sport-spectacle et en tant que sport-spectacle. La ligne de la critique du sport doit plutôt envisager que le sport, c’est le dopage et que le sport, c’est la violence qui lui donne toute sa vitalité.

De façon générale, l’analyse critique de Quel Sport ? est réduite aux acquêts de la revue Quel Corps ?, une critique du sport encore assez vivace pour être sans doute maintenue en vie quelque temps encore. On constate qu’elle est toutefois incapable de faire face au monstre de l’institution sportive actuelle qui a intégré jusqu’à sa critique devenue obsolète. Pire, elle interdit à toute critique nouvelle de se développer en son sein ce qui est la caractéristique de la secte. Mettre en exergue et ressasser – bien entendu pour les dénoncer – le racisme dans le football, la violence et le dopage dans tous les sports, l’argent fou qui coule à flot, etc., c’est encore une fois révéler un secret de polichinelle ; c’est mettre au jour ce que tout le monde voit et sait ; c’est dénoncer ce que tout le monde connaît parce que le racisme, la violence ou encore le dopage tout comme l’argent-fou font, encore une fois, partie intégrante du spectacle sportif. Il est presque poignant de voir s’agiter quelques individus acharnés, semble-t-il, à en découdre avec le sport mais dont la puissance de feu de leurs armes, une soi-disant « machine de guerre » qu’ils croient conduire de main de maître sur un terrain conquis, tient plutôt de la danse de quelques agités déguisés en indiens dans un décor de western lançant des fléchettes en plastique en tournant autour d’un Fort apparemment imprenable. La seule et vraie crainte que l’on pourrait par contre avoir pour Quel Sport ? concerne l’état mental de son « collectif » qui a lentement mais sûrement dérivé vers une forme « pré-délirante », car aujourd’hui « incapable de la rencontre ; [puisqu’elle] ne rencontre que son propre délire, [elle] se rencontre soi-même1 ». Délire d’ostracisme, de persécution, mensonge délirant…

Les défaites successives, l’isolement, l’incapacité à se renouveler ont conduit à l’apparition d’une forme de démence paranoïde qui a elle-même contribué à la dérive diffamatoire que Quel Sport ? connaît depuis quelques numéros. Dans le numéro 12/13 (mai 2010), c’est à un déluge de propos calomnieux à mon égard auquel se livrèrent J.-M. Brohm et F. Ollier mas- qués de la façon courageuse qui souvent les caractérise sous de ridicules pseudonymes. Ce qu’on peut lire : « Marc Perelman a lâchement démissionné de Quel Sport ? juste après les JO de Pékin 2008 [j’ai démissionné en octobre 2008 et je m’en suis expliqué ; le terme « lâchement » est diffamatoire ]. […] Perelman […] s’est prestement défilé [terme diffama- toire], comme il s’était déjà défilé auparavant – signe annonciateur ? – au moment de l’ouverture des Jeux de Pékin. » (p. 17) « Marc Perelman préféra porter selon ses dires la “bonne parole sur l’architecture au ‘Banquet’ des Éditions Verdier” du 4 au 7 août 2008, dans le sud de la France [j’avais été en effet invité depuis un an] tandis que Quel Sport ? publiait des articles dans les quotidiens nationaux [en tout et pour tout un article !] et préparait la manifestation du 8 août [c’est quoi « préparer » une manifestation quand on est exactement deux à la préparer] devant l’ambassade chinoise.

1. 1 Joseph Gabel, Mensonge et maladie mentale, Paris, Allia, 1998, p. 16.

En politique, il faut faire des choix. Celui de Perelman était de privilégier son confort estival [il a fait très chaud toute la semaine] et ses intérêts d’édition [aucun intérêt financier s’il s’agit de cela]. Il est sans doute plus agréa- ble de disserter sur les stades que d’affronter les CRS et les nervis chinois [dès qu’il voit un képi ou une aubergine, J.-M. Brohm hurle au fascisme ; il n’y eut aucun incident selon les journaux qui ont relaté la manifestation du 8 août 2008]. Perelman avait appelé au boycott des Jeux, mais il a préféré s’absenter au moment crucial [ce ne fut certainement pas le « moment crucial », les jeux, si je peux dire, étaient faits]. On appelle cela une défection ou une désertion [nouvelle diffamation]. […] » Puis, s’en prenant comme par hasard à l’ouvrage que je venais de publier en avril 2010, intitulé l’Ère des stades, ils trouvaient « ce livre d’une rare prétention hautaine [qui] illustre très exactement ce que la critique radicale du sport n’a jamais été et ne sera jamais1 » (p. 20). Plus loin, et dans ce même numéro, J.-M. Brohm pour- suivait le radotage de ses vieilles antiennes sur « la construction d’une machine de guerre organisationnelle » quand il s’agit concernant Quel Sport ? plus simplement d’une revue ultra-confidentielle (vendue à deux ou trois dizaines d’exemplaires), auto-distribuée entre copains pour s’auto-persuader de la justesse de la ligne. Il s’en prenait une nouvelle fois à moi en ces termes : « toutes les défections individuelles qui ont accompagné l’histoire de la Théorie critique du sport jusqu’à nos jours, y compris celle de Marc Perelman, n’ont fait que renforcer l’idéologie sportive déclarée de ce fait invincible par ceux-là mêmes qui ont refusé, souvent au nom d’ambitions intellectuelles ou d’ego hypertrophiés, de participer à la mise en œuvre d’un programme de lutte au sein d’un centre de réflexion et d’action qu’est une revue militante » (p. 48). Au-delà d’une accusation délirante – ma démission de Quel Sport ? renforcerait l’idéologie sportive – il faut déjà reconnaître que J.-M. Brohm n’a jamais eu beau- coup de chance, car il a toujours été entouré de traîtres… Le tube de la trahison fera-t-il d’ailleurs encore longtemps recette ? À moins, hypothèse plus vraisemblable, que ce ne soit J.-M. Brohm lui-même qui trahisse sa propre histoire lorsque, par exemple, il accepte de répondre et de figurer dans un supplément distribué gratuitement par le journal l’Équipe du 23 octobre 2010 et intitulé 101 propositions pour le football français. Il est alors entouré de nombreux contributeurs et parmi les plus remarquables de notre époque : Daniel Bilalian, Pascal Boniface, Marie-George Buffet, Daniel Cohn-Bendit, Guy Drut, Jean-Claude Gaudin, Alain Minc, etc. Que du beau monde ! À aucun moment de son texte, J.-M. Brohm – très modéré dans son propos – ne remet en cause le football (il s’agit, il est vrai, de « propositions pour le football français »). Comme il le précise en conclusion de son papier, « il s’agirait enfin de ne plus instrumentaliser le football comme diversion sociale ou opium du peuple.

1. 1 Cf. l’analyse de Martov sur le site Sofoot (publié le 20 septembre 2010). « Le premier ennemi est toujours le plus proche, comme Marc Perelman (auteur d’un livre récent sur les stades, largement recensé dans la presse et lui aussi auteur de tribunes régulières), accusé d’avoir “lâchement démissionné”. »

Pour comprendre la rage et l’acharnement de Quel Sport ?, il n’est que de constater, dans le numéro 8/9 (octobre 2008, p. 51) la reproduction de photographies de quelques militants du COBOP, parfaitement reconnais- sables, et qui sont ainsi légendées : « L’anti-praxis mortifère : petit sabotage entre amis… ». À faire froid dans le dos…
Mais cela est une autre histoire… » (p. 121) Ce n’est plus à l’évidence la sienne.

Quel Sport ? tombeau de la critique… ? Ou épitaphe sur le tombeau de la critique… ?

Poursuivant ses attaques ad hominem, J.-M. Brohm, dissimulé cette fois derrière pas moins de cinq pseudonymes de faux étudiants canadiens (pourquoi le Canada ?), se lâchait dans un article fielleux et venimeux, amer et plein d’aigreur (attention aux ulcères !) : « Mr. Perelman bouleverse l’architecture. Ère des stades ou air de déjà vu ? » (Quel Sport ?, n° 14/15, janvier 2011). Incapable de produire la moindre critique sur le thème et le contenu mêmes de ce livre, J.-M. Brohm ne délivrait que des « notes de lecture [qui] ont pour seul objectif de rappeler quelques faits concernant l’évolution de la critique du sport en France » (p. 115) Autrement dit rien à voir avec le livre en question ni avec le titre de l’article !1. J.-M. Brohm n’en reprenait pas moins sa rengaine, son nouveau tube sur « la contestation dissociée d’une pratique militante effective » dont je serais le mauvais exemple. On peut, à notre tour et à cet endroit, se poser la question du militantisme chez J.-M. Brohm dont il nous rebat les oreilles. Car à part éditer une revue que personne ne lit et s’agiter comme un beau diable dans des lieux souvent vides, quelle est sa propre « pratique militante effective » ? Si J.-M. Brohm et F. Ollier comme quelques autres et moi-même avons participé à la campagne du boycott des JO de Pékin – le premier jouant les conspirateurs comme un adolescent attardé et le second s’agitant dans tous les sens pour passer avec succès son initiation militante (sa propédeutique) tout en sabordant délibérément la structure collective du COBOP –, le vrai centre de la lutte contre les JO de Pékin ne fut pas Quel Sport ?. Loin s’en faut. Plus récemment, Quel Sport ? et ses preux « militants » n’ont pas non plus bougé contre le Mondial de football d’Afrique du sud de 2010 d’emblée écrasés devant la tache ; et cette revue n’a pas pris la mesure de la candidature d’Annecy au JO de 2018 ; elle est inexistante dans la bataille contre le projet d’extension de Roland-Garros voulu par B. Delanoë et la Fédération Française de Tennis aux dépens des serres d’Auteuil… « pratique militante effective », disaient-ils…

Quant à ma supposée « carrière universitaire »2, rappelons d’abord que la propre carrière de J.-M. Brohm n’a été pour lui possible – avec certes de très grandes difficultés – que grâce à la reconnaissance par l’Université de sa thèse intitulée Sociologie politique du sport (thèse soutenue en 1977). S’il est tout à fait normal qu’il ait obtenu un poste à l’Université, il doit aussi se rappeler qu’il le doit à la critique du sport dont il fut en effet et sans doute trop long- temps le principal protagoniste. Reste que pour ma part, je n’ai jamais mis en avant la critique du sport pour trouver une place dans l’Université française…

1 R. Redeker a écrit un article élogieux sur ce livre ; R. Maggiori, de même, sur deux pleines pages dans Libération en juin 2010
(http://marcperelman.com/ouvrages/ouvrage.php?id_ouvrage=10). Ce qui fut d’ailleurs pour moi un honneur que d’avoir suscité l’intérêt d’un vrai proche de Vladimir Jankélévitch – il fut l’un de ses étudiants à la Sorbonne – et dont la pensée de ce dernier est présente dans mon ouvrage ; Christian Ruby a, sur le site Nonfiction rédigé un article favorable à mon ouvrage
(http://www.nonfiction.fr/article-4178- la_formation_des_masses_durant_lere_des_stades.htm) ;
tout comme Jean-Pierre Garnier dans la revue Espaces et sociétés (mai 2011).

2 J.-M. Brohm fut membre de deux jurys de soutenance ; en 1979, lors de mon diplôme d’architecture, puis en 1992 lors de ma thèse universitaire de 3e cycle.

À ma connaissance, J.-M. Brohm comme F. Ollier ne sont militants d’aucune organisation politique, syndicale ou encore associative, et pour celui-là depuis belle lurette. J.-M. Brohm a quitté la Ligue communiste en 1972, après avoir été écarté du groupe de Lambert (OCI) quelques années auparavant ; il s’est retiré de toute responsabilité au sein de l’École Émancipée depuis également de nombreuses années. Il a par contre bien saisi le sens d’une « pratique militante effective » en votant Sarkozy aux deux tours des élections présidentielles de 2007… Quant à F. Ollier, il multiplie la charge écrasante de directeurs de publication de revues fantômes qui n’ont pour elles que le poids du papier utilisé. Bref, au lieu de se gargariser à tout moment du terme de militant, nos deux fiers canonniers feraient beaucoup mieux de prendre un peu de recul et tenter de comprendre pourquoi ils ne parviennent même plus à militer dans quelque structure que ce soit. Mais de quoi et de qui nous parlent-ils en fin de compte sinon de militantisme et de militants purement imaginaires ? Prisonniers, et en particulier J.-M. Brohm, de ce que sont les souvenirs restés sans doute vifs d’un passé désormais révolu, ils ne peuvent s’en échapper que par la fuite dans cette hargne et cette détestation à mon égard et à l’égard de tant d’autres qui ressemblent à une détestation de leur propre échec militant. Et pour le coup, ces termes leur vont à ravir. Encore une preuve d’une dérive : la liste de noms développée par ordre alphabétique, en 2e de couverture du dernier numéro de Quel Sport ?
(http://www.marcperelman.com/pdf/couverture-2.pdf) qui s’inscrit dans une certaine tradition politique, et où je fais partie de « l’équipe réserve de l’Entente sportive », indique le degré de la déliquescence éthique avancée et de la sclérose ou de la sénescence intellectuelle de nos deux munitionnaires qui ne s’appuient sur une revue que pour exhiber leur haine fétide.

Le plus inquiétant est l’acharnement vengeur de J.-M. Brohm à mon égard. Pourquoi cette montée subite d’animosité voire d’une franche hostilité et en des termes si violents alors qu’il n’était pas directement mêlé à mon différend avec F. Ollier ? Pourquoi une telle volte-face dans l’injure qui indique un profond ressentiment en si peu de temps ? Comment, aujourd’hui, a posteriori, peut-il exprimer une telle détestation à mon égard alors que nous avions travaillé de nombreuses années ensemble ? Pourquoi ces rappels à ma propre histoire, à mon propre parcours – calamiteux selon lui – et son insistance présente à expliquer et démontrer que, depuis les années 70, je n’aurai été en fin de compte qu’un traître, un imposteur, un plagiaire. La question que l’on peut se poser est la suivante. Comment J.-M. Brohm a-t-il pu, lui, endurer – et cela a du être très pénible – une telle schizophrénie : partager des projets et des actions militantes pendant tant d’années, depuis 1972 puisque nous avons été membres de la même cellule de la Ligue communiste, jusqu’en 1980, puis de 1986 à 2009, soit pendant presque 30 ans, en sachant que je n’étais, selon ses dires, qu’un renégat, un charlatan et un tricheur, précisément depuis 30 ans ? Je peux rappeler enfin qu’à partir de 1986, j’ai accueilli nombre de ses articles, préfaces et livres aux Éditions de la Passion dont j’avais été le gérant jusqu’en 20041. Lui-même m’avait associé à certains de ses projets, par exemple, dans le cadre de la revue Prétentaine par le biais de la publication d’articles ; une revue dont je suis, à sa demande, membre du comité de lecture depuis 2009, ou plus lointainement, à la codirection de la série « Quel Corps ? » chez Christian Bourgois en 1979, sans parler de l’ouvrage Quel Corps ? paru chez François Maspero en 1977… Enfin, nous avions publié ensemble une nouvelle version d’une brochure intitulée Le Football, une peste émotionnelle chez « Folio » en 2006…

Hypocrisie ? Escobarderie ? Aigreur ? Malfaisance ? Sans doute tout cela à la fois. À suivre…

1. 1 Dans l’ordre chronologique, j’ai publié plusieurs textes et/ou livres de J.-M. Brohm soit comme préfacier, soit comme auteur :
Quel Corps ?, Collectif (1986) ;
La Dialectique du concret, Karel Kosik (1988) ;
Critique de la modernité sportive, Collectif (1995) ;
Le Football, une peste émotionnelle (1998) ;
Contre Althusser, Collectif (1999) ;
Le Jeune Marx, G. Lukács (2002) ;
Les Principes de la dialectique (2003).
Sans parler des très nombreux articles écrits ensemble dans la presse (Le Monde, Libération et pour le dernier au Figaro en septembre 2009)…