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Exemplaire de la pratique philosophique de Foucault, son dernier
cours contribue à transformer la compréhension de
son oeuvre : au plus loin de tout dandysme, la recherche d’une
esthétique de l’existence y noue des liens inattendus
avec l’idée de vie, l’exigence de vérité
et la transformation du monde.
Michel Foucault, Le Courage de la vérité. Le gouvernement
de soi et des autres II. Cours au Collège de France, 1984.
Paris, Éditions de l’École des Hautes Études
en Sciences Sociales, Gallimard, Éditions du Seuil, coll.
« Hautes Etudes », 2009, 368 p.
Une joyeuse dispersion préside, depuis 1997, à la
publication des cours de Michel Foucault au Collège de France,
puisque l’ordre de celle-ci suit, non la chronologie des cours
eux-mêmes, mais celle de leur établissement plus ou
moins aisé selon les sources – enregistrements, notes,
manuscrits – dont disposent les éditeurs. Aussi la
parution de chaque nouveau volume vient-elle moins compléter
sagement le profil de l’oeuvre qu’en déstabiliser
la réception : à la surprise de voir telle ou telle
année « sortir », s’allie la certitude
d’y rencontrer, au fil des pages et des séances, des
objets et des déplacements théoriques bouleversant
les lectures établies sur la base du corpus antérieur,
à la manière d’un puzzle dont chaque nouvelle
pièce modifierait un peu l’image qu’elle complète.
D’ores et déjà, le Foucault dont prennent connaissance
les chercheurs et usagers contemporains n’a plus guère
à voir avec celui dont les premières études
parues après la mort du philosophe (celles, désormais
classiques, de G. Deleuze, ou de H. Dreyfus et P. Rabinow) entendaient
récapituler le parcours sur la foi des ouvrages publiés
; ouvrages désormais débordés par une masse
de cours qui en excèdent le volume, introduisant nombre de
concepts (gouvernementalité, spiritualité, parresia...)
auxquels Foucault n’avait pas donné de son vivant de
prolongement éditorial.
Dans ce contexte, la parution du cours tenu entre février
et mars 1984, durant le bref répit accordé par le
SIDA dont Foucault mourra au mois de juin suivant, marque une étape
importante, tant elle pourrait faire attendre (ou redouter !) une
forme de totalisation restaurant, avec la mort de l’auteur,
la complétude de sa pensée. C’est donc avec
prudence qu’il faut entendre l’invitation de Frédéric
Gros (éditeur du texte, et auteur d’une « Situation
du cours » particulièrement remarquable et limpide)
à lire dans ces pages un « testament philosophique
». Cette portée testamentaire se marque, au fil des
séances, par quelques notes discrètes qui montrent
combien, au-delà de la question biographique de savoir jusqu’à
quel point Foucault était précisément informé
de son état par les médecins, celui-ci semblait alors
écrire et enseigner dans la perspective de sa disparition
possible, présentant ses recherches comme « une esquisse
très brève, point de départ pour moi, si je
les continue ; incitation, si c’est vous qui les reprenez
à votre tour » (p. 290), ajoutant « peut-être
cela viendra un jour, peut-être cela ne viendra jamais »
(p. 151), ou notant ironiquement, au terme d’une leçon
: « Il faut bien comme professeur de philosophie, avoir fait
au moins une fois dans sa vie un cours sur Socrate et la mort de
Socrate. C’est fait. Salvate animam meam. » (p. 143)
Un contre-testament
Difficile, justement, de ne pas conférer une dimension testamentaire
au choix fait par Foucault de consacrer une longue séance
à l’attitude de Socrate face à la mort, telle
qu’elle s’atteste dans l’Apologie ou le Phédon.
Sans doute n’est-ce pas la première fois qu’affleure,
dans ces années de cours consacrées aux multiples
inflexions du souci de soi antique, le motif du rapport à
la mort comme foyer d’une élaboration éthique
du sujet par lui-même – ce motif, Foucault l’avait
déjà croisé en 1981-82, à travers l’examen
des textes stoïciens consacrés à la préméditation
des maux et au « regard sagittal », soit à la
vue plongeante que le sage doit adopter sur sa propre existence
depuis la conscience de son trépas prochain [1]. Reste que,
de la méditation de la mort comme exercice chez Sénèque,
l’étude se déplace ici vers la proximité
de la mort comme occasion et événement de pensée,
chez Socrate : et on peut à bon droit supposer que si le
cours, prenant prétexte d’une étude récente
de Dumézil, se penche après bien d’autres sur
les énigmatiques derniers mots du Phédon («
nous devons un coq à Esculape »), c’est que cette
phrase expirante où se nouent la référence
à la philosophie, à la maladie et à la mort
est propre à cristalliser la tâche à laquelle,
en bon nietzschéen, Foucault se sent tenu : de ce qui lui
arrive, produire une interprétation.
Il faut toutefois immédiatement noter que, si on la lit
de près, l’interprétation par Foucault des dernières
volontés de Socrate est tout l’inverse d’un «
testament philosophique », si on entend par là une
ultime parole qui, tout à la fois, réconcilierait
la vie avec la pensée, et donnerait à celle-ci la
figure achevée d’une Œuvre définitive.
Car si, de la mort de Socrate, le cours tire deux leçons,
celles-ci vont à l’encontre de ce genre de message
: la première ramène du surplomb de la vie à
l’immanence du discours (Socrate remercie Esculape, selon
Foucault, de s’être guéri des faux discours et
des opinions communes par la philosophie), et la seconde détourne
de l’horizon de l’oeuvre, figée en sa forme dernière,
vers le travail, qu’il importe de poursuivre jusqu’au
bout : si Socrate s’est tenu à l’écart
de la politique, ce n’est pas par crainte de la mort, mais
par crainte que celle-ci interrompe sa mission, vienne entraver
sa tâche. En ce sens, ce dernier cycle de cours est bien un
testament, mais à contre-pente, puisqu’il affirme moins
l’éternité d’une pensée que l’impermanence
d’une pratique : il établit qu’il n’est
pas, chez Foucault, de vérité biographique surplombant
l’ordre des discours ; et qu’il n’est pas non
plus chez lui à espérer de synthèse finale,
la pensée ne visant nullement à établir un
système achevé, mais prenant la forme d’un exercice
critique continué.
Les avatars d’une méthode
De cet exercice, les modalités concordent avec celles qui
organisent l’ensemble des dernières recherches de Foucault,
depuis L’Herméneutique du sujet (1981) et Le Gouvernement
de soi et des autres (1982-83), série de cours dont Le Courage
de la vérité constitue un prolongement direct. Coïncident
tant la périodisation choisie (l’antiquité grecque
et romaine, jusqu’aux premiers siècles du christianisme)
que l’objet privilégié, la subjectivité.
Celle-ci est justiciable selon Foucault d’une histoire spécifique,
et envisagée comme effet d’une culture, en un double
sens : au sens où les différentes formes prises par
le sujet sont solidaires du contexte social, politique, épistémique
où elles interviennent ; et au sens où ces formes
sont autant de modèles invitant chacun à se former
lui-même, de protocoles organisant cette pratique particulière
qu’est la culture de soi. Le soi, en bref, n’est pas
seulement culturel, au sens où ses déterminations
seraient fixées du dehors par la société dans
laquelle il se produit ; il est encore cultivé, ou va se
cultivant lui-même à l’intérieur de cet
espace auquel, pour cette raison, il est à la fois lié
et irréductible. La lecture de ces ultimes séances
permet au passage de mesurer en quoi ces déplacements historiographiques
et conceptuels, un temps considérés par les exégètes
de Foucault comme une rupture massive, voire comme un reniement
vis-à-vis des recherches antérieures, font jouer des
méthodes héritées en droite ligne des travaux
dits « archéologiques » des années 1960,
puis « généalogiques » des années
1970.
Archéologique, la démarche l’est d’abord
dans son souci de régler l’examen des universaux philosophiques
sur la mise au jour de ce qui peut apparaître en eux comme
une dimension mineure, à la fois inessentielle et mouvante
: l’archéologie désigne, chez Foucault, ce mouvement
qui reconduit de l’archè des philosophes à l’archive
des historiens, et décèle dans la contingence de celle-ci
des éléments propres à mettre en question le
caractère intemporel et nécessaire de celle-là.
De même que L’Histoire de la folie entendait éclairer
par le sort des insensés le devenir de la raison, ou que
Les Mots et les choses déplaçaient le centre de gravité
de la modernité kantienne du plan transcendantal vers celui
de l’anthropologie, la réflexion ici proposée
sur le « dire-vrai » réactive cette méthode,
et l’applique à la catégorie même de vérité.
La question posée par Foucault pourrait se résumer
ainsi : étant donnée la vérité, quelles
furent et sont les différentes manières de la dire,
et de se poser soi-même comme la disant ? Que la vérité
soit une n’empêche pas la variété des
façons de la manifester et de s’en faire le sujet ;
question que Foucault avait croisée dès sa leçon
inaugurale de 1970 [2]. Forgeant ici, pour désigner l’ensemble
des procédés par lesquels le vrai est amené
au jour, l’étrange vocable d’aléthurgie,
il reprend ce même problème et propose de distinguer
entre « quatre modalités fondamentales du dire-vrai
» (p.16) qu’illustrent les figures du prophète,
du sage, du technicien, du « parrésiaste » enfin.
On lira avec intérêt le détail de cette typologie,
qui témoigne de ce que le dernier Foucault n’avait
nullement perdu le goût des oppositions structurales : s’y
illustre la fécondité de ces sortes de « distinctions
de travail » qui scandent les cours au Collège de France,
distinctions données comme d’autant plus vastes et
transhistoriques qu’elles fonctionnent en même temps
comme de simples ébauches transitoires, permettant de cheminer
vers l’objet précis de la discussion, et vouées
à être abandonnées lorsque celui-ci aura été
rejoint. Ici, c’est en effet la quatrième des «
formes aléthurgiques », la parresia grecque ou «
franc-parler », qui va occuper le centre de l’analyse
: cette posture, celle d’un sujet qui au sens strict «
se risque » à dire le vrai, met par là à
l’épreuve son rapport aux autres et se met lui-même
en danger, acceptant de nouer son destin à la vérité
qu’il énonce, cette parresia est une forme en somme
doublement secrète, puisque la moins repérée
de cette dimension du « dire vrai », dimension ordinairement
occultée par l’analyse des critères et propriétés
du vrai lui-même ; forme dont, du coup, Foucault entend faire
un levier pour réinscrire dans l’histoire les rapports
entre vérité et subjectivité.
Ici s’engrène la dimension généalogique
de l’entreprise – et l’on pourrait dire que Foucault,
en un sens, est dans ce cours plus généalogiste que
jamais, bien qu’il ne convoque guère le lexique des
forces ordinairement associé à cette démarche.
Sur ce point, une clarification s’impose. Instauré
par un texte fameux [3] de 1971, l’emprunt à Nietzsche
de la notion de généalogie a trouvé une application
éclatante dans Surveiller et punir ; pour cette raison, l’usage
de cette méthode a longtemps été confondu par
les commentateurs avec la double référence aux corps
et au pouvoir, qui organise effectivement le propos de cet ouvrage.
Il devenait du coup assez difficile d’expliquer pourquoi Foucault
peut continuer, en 1984, à se revendiquer généalogiste
lorsque L’Usage des plaisirs et le Souci de soi ne convoquent
plus guère l’un ou l’autre de ces concepts :
de là, la critique parfois formulée selon laquelle
les derniers travaux auraient marqué une régression,
revenant de l’exploration des soubassements stratégiques
et matériels de la culture vers une forme d’exégèse
limitée à la surface des textes. Lire Le Courage de
la vérité permet de faire justice de ce reproche :
on s’aperçoit que, s’il n’y est certes
plus guère question de la mise en ordre des corps, et si
l’analyse ne cherche pas à déceler partout des
relations de pouvoir, l’essentiel de la méthode généalogique
demeure. Car plus que la mise au jour du substrat physique et politique
de toute expérience, la généalogie désigne
chez Foucault la recherche d’un élément différentiel,
d’un facteur de divergence sous-jacent qui, bousculant la
linéarité apparente des formes successivement déposées
dans l’archive, les révèle parcourues de décrochages
et de tiraillements. L’objet propre de la généalogie
se signale donc moins par sa nature que par ses effets critiques,
au sens où cet adjectif renvoie à la notion de crise.
Même lorsque cette quête emprunte des apparences matérialistes,
et paraît désigner les corps comme le socle sur lequel
s’élèvent théories et institutions, il
s’agit là d’un choix stratégique, plus
que d’une visée ontologique : le but demeure, non d’accéder
au fond réel de la culture ou d’exhiber sa raison suffisante,
mais de remonter jusqu’à ce qui lui donne ses instabilités
et ses lignes de fractures, d’introduire une distance entre
des expériences jusqu’alors confondues, distance qui
oblige à réorganiser entièrement la lecture
de l’histoire, à compliquer sa continuité supposée
d’un motif conflictuel, et à la décrire travaillée
par le jeu de divers modes d’évaluation [4]. De cette
tâche, la « microphysique du pouvoir » développée
dans les années 1971-1976 avait certes constitué une
traduction exemplaire, tant le lexique des affrontements de forces
permettait d’introduire dans l’épaisseur de l’histoire
un facteur d’écart et de distension, « un non-lieu,
une pure distance, le fait que ses adversaires n’appartiennent
pas au même espace » [5]. Mais cette traduction n’était
nullement exclusive, et la généalogie demeurait susceptible
d’autres avatars : dans Le Courage de la vérité,
c’est un tout autre type d’écart qui va jouer
le rôle d’élément généalogique,
et distribuer les formes du rapport au vrai dans un espace originairement
brisé et antagonique.
L’âme, ou la vie ?
Cet élément différentiel, Foucault le débusque
d’une manière que Nietzsche aurait nommée «
philologique » : en faisant apparaître, dans le corpus
des dialogues platoniciens, une bifurcation, une équivoque
formant « le point d’enracinement commun à deux
développements différents de la philosophie occidentale
» (p.147). Examinant comment se formule chez Socrate, dans
le Lachès et l’Alcibiade, le motif du courage de la
vérité (autrement dit, la déclinaison éthique
de cette parresia dont le cours de l’année précédente
avait étudié, chez Périclès par exemple,
la dimension politique) Foucault note qu’il débouche
bien dans les deux cas sur l’exigence de se soucier de soi-même,
exigence où l’horizon du vrai et le rapport à
soi trouvent à se nouer. Mais d’un dialogue l’autre,
cette exigence se développe de manière fort différente
: ici, dans l’Alcibiade, elle débouche sur la découverte
de l’âme, comme réalité ontologiquement
différente du corps et véritable siège du soi
; elle se prolonge alors sur l’obligation faite à l’âme
de connaître l’être véritable des choses
pour se connaître elle-même en vérité,
le discours vrai devenant ainsi élucidation théorique
du réel. Là, dans le Lachès, le courage de
la vérité ouvre plutôt sur l’exhortation
à rendre compte de la « manière dont on vit
» – il mène non à la psukhè, mais
« au bios, à la vie, à l’existence et
à la manière dont on mène cette existence »
(p.148). Et s’il faut porter ce mode d’existence au
langage, s’il faut le dire en vérité, c’est
là encore affaire de « bonnes manières ».
Partie prenante d’une façon de vivre, cet impératif
exige d’imprimer à l’usage du langage un style
adéquat à celui que l’on impose à toute
sa conduite : dans ce cas, la valeur du discours vrai tient moins
à ce qu’il représenterait adéquatement
son objet, qu’à sa façon de prolonger dans l’élément
de la parole le mode de vie dont il se fait l’écho,
et qu’il informe en retour. En d’autres termes, le gnôthi
seauton donnerait lieu, selon les dialogues, à deux flexions
différentes – tantôt, à un face-à-face
entre l’être de l’âme et l’être
du monde, tantôt à la relation circulaire entre une
manière de vivre et une manière de dire. La véridiction
socratique serait ainsi à l’origine de deux lignes,
l’une pointant vers la métaphysique, l’autre
vers l’esthétique de l’existence ; lignes dont
la superposition ultérieure est indéniable et les
figures souvent mélangées, mais qui ne cessent pourtant
de différer en nature.
On reconnaîtra, dans cette analyse, un écho de ce
qui fut la préoccupation constante de Foucault à partir
de 1980 : face à une modernité où les rapports
de pouvoir s’adossent au double projet d’une connaissance
objective des individus (Surveiller et punir) et d’une reconnaissance
subjective par chacun de son identité profonde (La Volonté
de savoir), chercher dans l’histoire les moyens de comprendre
autrement la manière dont on peut élaborer sa propre
conduite. Plus précisément, il s’agit de penser
une élaboration de la conduite qui ne présuppose ni
vérité inscrite dans l’être du sujet,
ni conformité à une norme extérieure –
d’une façon de vivre, en bref, régie par un
travail sur soi dont la rationalité ne soit ni de l’ordre
du dévoilement, ni de l’ordre du décalque, toutes
logiques dont Foucault considère qu’elles sont, dans
leur opposition apparente, les vecteurs croisés d’une
même normalisation moderne, laquelle conjugue introspection
et réification. Sur ce fond, l’analyse du Lachès
que Foucault propose en 1984 apporte deux précisions importantes.
D’abord, cette analyse place au premier plan la catégorie
de « vie » (bios), notion dont Foucault fait ici une
alternative à l’appréhension ontologique du
sujet par lui-même. Si, chez Platon, la psukhè est
cet élément qui oriente le souci de soi vers la reconnaissance
de ce qui en nous est véritablement, et de là vers
la contemplation de l’être intelligible, réciproquement
le bios est ici ce qui ne se laisse pas ressaisir au-delà
des péripéties de l’existence, mais qui exige
en même temps une attention et une « véridicité
» spécifiques, irréductibles au discours de
connaissance. « La vie » désignerait ainsi à
la fois un point de butée interdisant de remonter, de l’immanence
de mes actions, vers le principe subsistant de mon identité
personnelle, et un ordre justiciable d’une mise en forme éthique
originale, d’un « mode de vie » dont la saisie
rationnelle des essences ne suffit pas à délivrer
la clef. Un concept original de vie s’ébauche ici,
irréductible tant à l’explication biologique
du vivant qu’à l’exploration psychologique du
vécu [6]. Le choix de mettre en relief ce terme dans l’archive
platonicienne est d’autant plus important, si l’on se
souvient que Foucault définissait, à la fin des années
1970, la gouvernementalité moderne par l’appréhension
des individus et des peuples comme autant d’êtres vivants.
Dans Le Courage de la vérité, tout se passe comme
si à la « biopolitique » (si souvent commentée,
de T. Negri à G. Agamben) venait faire pendant une «
bio-éthique », en un sens évidemment bien différent
de celui que le terme a pris dans le domaine des sciences biomédicales
: une éthique prenant appui sur ce qui, de la vie, résiste
au savoir sans cesser pour autant de s’offrir à un
type d’intervention et d’information de la part du sujet.
Avec cette lecture du Lachès, l’ « esthétique
de l’existence » se voit donc dotée de son propre
plan de consistance et de rationalité : en donnant à
l’alternative entre « souci de l’âme »
et « souci de la vie » le statut d’une disjonction
originaire, ce cours répond d’avance à l’objection
(formulée plus tard, notamment, par Pierre Hadot) selon laquelle
le travail sur soi serait toujours inséparable d’un
horizon cosmologique et métaphysique que Foucault aurait
négligé de prendre en compte. Dans le même mouvement
pourtant, on ne saurait confondre l’autonomie conférée
à cette manière, pour le sujet, de se rapporter à
lui-même, avec une mise à l’écart de tout
horizon normatif, comme si l’esthétique de l’existence
se résumait à une préoccupation narcissique
pour les aléas de ma biographie singulière, à
un abandon à la contingence des événements
(c’est la vie...), voire à une anticipation de la vogue
actuelle du « développement personnel » ! Car
– et c’est la seconde leçon de cette lecture
–, l’analyse de Foucault ne se borne pas à souligner
que le souci de la vie est irréductible à la quête
métaphysique de la vérité de l’âme
et du monde ; elle insiste tout autant sur la façon dont,
dans l’ordre qui est le sien, le type de souci de soi à
l’œuvre dans le Lachès enveloppe une référence
originale à la vérité. À la vérité,
et non simplement à la perfection, ou au caractère
mémorable de l’existence : à ces valeurs, déjà
présentes chez Homère et Pindare, Socrate ajoute une
préoccupation pour le dire-vrai, établissant «
la relation entre l’existence belle et la vraie vie, la vie
dans la vérité, la vie pour la vérité
» (p.150).
La nuance peut sembler mince, au regard des textes déjà
connus de Foucault ; elle est en réalité décisive.
Dans L’Usage des plaisirs, Le Souci de soi, ou les articles
de la même période repris dans les Dits et écrits,
le registre éthique des manières de se conduire est
décrit comme se déployant en deçà de
la sphère des règles morales et des grandes élaborations
doctrinales justifiant celles-ci. D’autre part, Foucault y
souligne que la réflexion antique sur les conduites mobilise
des catégories distinctes de celles auxquelles on a coutume
d’identifier la rationalité pratique : la beauté
et l’éclat, plutôt que l’universalité
ou la conformité à l’ordre du monde. En bref,
l’esthétique de l’existence est située
dans ces textes sous le vrai, et hors le vrai. La leçon du
cours de 1984 est un peu différente : si Foucault y insiste
encore sur l’indépendance relative des cadres métaphysiques
et des divers styles d’existence qui y prennent place (p.
152), il affirme que ces styles sont à partir de Socrate
traversés par un souci spécifique du vrai. Rarement
cet auteur, souvent considéré comme sceptique, aura
été aussi proche de penser, de l’intérieur
des pratiques, la norme susceptible d’orienter et de polariser
celles-ci.
Diogène, ou la vraie vie
Tout le problème est alors de savoir quel sens donner à
la vérité, considérée comme forme d’existence
plutôt que comme critère d’adéquation
: que signifie « dire-vrai », dès lors que cette
exigence gouverne la manière de dire plutôt que la
conformité de ce qui est dit ? Que signifie, au juste, «
la vraie vie » – et en quel sens l’horizon d’une
vie selon la vérité peut-il être autre chose
que mortel et mortifère, comme il le fut par exemple pour
Herculine Barbin, hermaphrodite dont Foucault avait montré
comment elle fut poussée au suicide par l’insistance
des médecins et psychiatres à déterminer son
« vrai sexe », entendu par les uns comme conformité
biologique, par les autres comme identité psychique [7] ?
C’est ce faisceau de questions qui va conduire Foucault à
se tourner vers les cyniques, dossier d’archives dont l’examen
occupe la seconde moitié du cours, séquence animée
d’une forme de fébrilité où l’on
perçoit à la fois l’enthousiasme d’une
découverte et l’inquiétude de ne pouvoir la
mener à bien jusqu’au bout. C’est qu’en
faisant l’hypothèse selon laquelle le cynisme antique
aurait en quelque sorte relayé et approfondi l’héritage
du Lachès, donnant à la parresia socratique un prolongement
anti-métaphysique, Foucault se donne un objet où s’entrecroisent
plusieurs des préoccupations, anciennes et récentes,
qui traversent sa propre philosophie. Trois recoupements sont à
souligner.Premièrement, les cyniques constituent vis-à-vis
de la pensée ancienne une sorte de part mineure, dont l’étude
(au moins au moment où Foucault écrit) demeure marginale,
l’exégèse moderne reconduisant par son relatif
silence la disqualification teintée de fascination dont les
cyniques faisaient l’objet auprès de leurs contemporains
philosophes [8]. À cet égard, les silhouettes vagabondes
et vociférantes de Diogène, Démétrius
ou Démonax ne sont pas sans parenté avec celles de
Thorin l’insensé, du Neveu de Rameau, de Nerval ou
d’Artaud, qui traversaient en 1961 l’Histoire de la
folie ; et les supputations sur les postérités du
cynisme dans la vie révolutionnaire ou l’art moderne
semblent réactiver le schéma, ancien chez Foucault,
d’une histoire de la culture secrètement animée
par la résurgence, erratique et destabilisante, de figures
qui tout à la fois miment et destituent les formes les plus
hautaines de la souveraineté. Que, dans « l’idée
de la souveraineté cynique comme monarchie dérisoire
» s’origine « le couple constitué par le
roi et son fou » (p. 262), voire le thème du roi fou,
caché et misérable comme le Lear de Shakespeare –
une telle suggestion paraît prendre en écharpe les
premières et dernières recherches de Foucault.
Deuxièmement, que le cynisme occupe la lisière des
études antiques n’est pas seulement dû, selon
Foucault, à sa part de scandale, mais d’abord au caractère
lacunaire, voire rudimentaire, du corpus doctrinal qu’il a
légué à la tradition. Si, comme le répète
souvent Deleuze, « une anecdote suffit à la vie d’un
penseur », il semble que l’héritage cynique soit
essentiellement constitué d’apologues, de gestes fracassants
et de répliques cinglantes offertes à la méditation
ou à l’indignation de leurs destinataires. «
Les cyniques se servent, pour transmettre ces schémas de
vie, non pas tellement d’un enseignement théorique,
dogmatique, mais surtout de modèles, de récits, d’anecdotes,
d’exemples » (p. 193). On voit en quoi une telle singularité
peut croiser la préoccupation de ce cours : s’il s’agit
de déployer l’esthétique de l’existence,
non plus seulement comme dimension inaperçue du rapport théorétique
au vrai, mais comme susceptible d’une élaboration autonome,
le cynisme pose le problème de l’articulation et de
la transmission discursives de ces ’manières’,
en quoi il consiste essentiellement. Comment une façon de
vivre, et une façon de parler, peuvent-elles trouver assez
de consistance et de force pour se laisser déceler à
travers les textes qui en témoignent, et parvenir jusqu’à
nous ? Se réactive par là même une interrogation
ancienne chez Foucault, à propos du rapport entre le discours
et l’action. L’Archéologie du savoir, déjà,
était traversée d’une double inquiétude
: d’une part, faire en sorte que le discours ne soit pas saisi
pour sa valeur représentative, mais pour sa dimension pratique
; d’autre part, prendre garde que la restitution discursive
des pratiques en préserve la spécificité, la
part d’irruption et d’étrangeté. Dire,
c’est faire – mais faire, ce n’est pas seulement
dire : à s’efforcer de tenir ensemble ces deux affirmations,
L’Archéologie du savoir entrait dans des considérations
un peu embarrassées sur la différence entre «
pratiques discursives » et « pratiques non-discursives
». L’étude des cyniques vient se loger, en quelque
sorte, dans ce même écart ; mais celui-ci trouve une
signification neuve, devenant maintenant la question même
de « la vie philosophique » – cette question,
« je ne dirais pas oubliée, mais négligée
» par la philosophie moderne (p. 218), d’une vie où
chaque parole soit un geste, et où il s’agisse en même
temps de n’être pas philosophe qu’en paroles,
de préférer « la voie brève, sans discours,
de l’exercice et de l’apprentissage » à
la voie longue du bavardage doctrinal (p.192). Bizarrerie des cyniques,
qui à la fois abolissent et radicalisent la distance de l’action
au discours, usent du langage comme d’une arme, et combattent
par des pratiques muettes (par leur manière de manger, de
dormir ou de ne pas se laver) toute réduction de la pensée
à sa seule expression verbale [9].
À cela, justement, tient la troisième proximité
entre le corpus cynique et les préoccupations du dernier
Foucault. On sait que L’usage des plaisirs installe, au centre
de l’analyse de l’éthique, le concept de subjectivation,
qu’il définit comme « la manière dont
on doit se constituer soi-même comme sujet moral agissant
en référence aux éléments prescriptifs
qui constituent le code » [10] : si le propre d’une
règle générale est de sous-déterminer
les modalités de son application singulière, la subjectivité
trouve son volume et sa latitude entre le code qu’elle applique
et le comportement qu’elle adopte – comme l’écrit
Foucault à propos de la musique de Boulez, il s’agit
de « rompre les règles dans l’acte qui les fait
jouer » [11]. Une telle définition de la constitution
de soi a souvent été accusée de n’accorder
au sujet qu’une marge de jeu bien étroite, celui-ci
se trouvant réduit à aménager l’actualisation
de normes qui le surplombent. À cela, le cynisme apparaît
au contraire comme un démenti radical : forme de subjectivation
exemplaire, il fait reposer la violence d’une contestation
en acte sur l’adoption et le respect des règles les
plus placidement accordées de l’existence philosophique
: indépendance, constance, non-dissimulation... « Eclectisme
à effet inversé », le cynique emprunte les traits
les plus communs aux philosophes de son temps, pour les retourner
au profit « d’une étrangeté dans la pratique
philosophique, une extériorité, et même une
hostilité et une guerre » (p. 214). L’intensité
de la révolte cynique est directement proportionnelle à
la banalité des exigences dont elle s’inspire.
Souci de soi, souci du monde
Insistance et résurgence d’effets historiques déstabilisateurs
; transformation du rapport philosophique entre paroles et actes,
réinsérant celles-ci dans l’horizon de ceux-là,
mais affirmant aussi l’irréductibilité des pratiques
à la parole seule ; reprise transgressive des normes communes,
où le sujet scandalise de faire siennes les exigences mêmes
que chacun reconnaît. Ces trois aspects de l’interprétation
que Foucault propose du cynisme n’expliquent pas seulement
l’intense intérêt qu’il leur porte, compte
tenu de son questionnement propre ; ils concourent aussi à
éclairer en quel sens la notion de vérité est
susceptible, selon lui, de caractériser la vie à même
ses « manières ». Reparcourons, en sens inverse,
les remarques qui précèdent :
1/ Quelles sont au juste ces règles accordées, que
le cynique retourne en autant de provocations ? Selon Foucault,
elles se ramènent à quatre significations, dont la
conjonction recouvre précisément le spectre sémantique
de l’aletheia grecque : la non-dissimulation, que le cynique
porte à l’impudeur ; la pureté, qu’il
exacerbe dans une pauvreté choisie et humiliante, démontrant
par l’exemple que l’attachement grec à l’indépendance
et à l’honneur sont en toute rigueur incompatibles
; la conformité à la nature, qu’il subvertit
en animalité ; l’identité à soi enfin,
qu’il incarne sous la forme d’une souveraineté
misérable, dénonçant agressivement l’usurpation
de tous les Alexandre de la terre.
2/ Pour autant, le constat, tout extérieur, d’une
conformité entre les prescriptions de l’aletheia et
les caractères de sa conduite, ne suffirait pas à
qualifier de ’vraie’ la vie du cynique, si celle-ci
n’était le lieu d’une opération spécifique
; cette opération consiste à abolir la répartition
qui, cantonnant ordinairement la valeur de vérité
à la seule dimension du discours, ménage une prudente
distance entre ce que l’on dit et ce que l’on fait.
Même Socrate, blâme Diogène, porte chez lui d’élégantes
pantoufles ! Le cynique, au contraire, fera ce qu’il dit,
et fera de ses dires autant d’actions, d’interpellations
ou d’aboiements – mais par là même, il
ne fera plus ce que l’on fait, ce que tout le monde fait.
En d’autres termes, l’opération cynique vise,
via l’identification réciproque des normes du dire
et de celles de l’action, l’altération de la
vie elle-même, conformément à la devise de Diogène
(« change la valeur de la monnaie » – on s’amusera
au passage de noter que cette devise donne une profondeur inattendue
au soupçon, parfois formulé, selon lequel Foucault
n’aurait été en philosophie qu’un faussaire...).
3/ Dès lors, l’hypothèse d’une postérité
historique du cynisme se précise. En liant la traduction
des normes du vrai dans l’élément de la conduite,
à la nécessaire altération de celle-ci par
celles-là, les cyniques auraient les premiers posé
cette question : « la vie, pour être vraiment la vie
de vérité, ne doit-elle pas être une vie autre,
une vie radicalement et paradoxalement autre ? » (p. 226)
Question dont il faut reconnaître non seulement l’insistance
historique, de luttes sociales en mouvements religieux et en manifestes
artistiques, mais aussi la symétrie logique avec celle que
pose, de son côté, la métaphysique, lorsqu’elle
fait de la position d’un autre monde la condition d’établissement
du vrai dans le discours et la théorie. Comme le mentionnent
les ultimes lignes du manuscrit du cours : « il n’y
a pas d’instauration de la vérité sans une position
essentielle de l’altérité ; la vérité,
ce n’est jamais le même ; il ne peut y avoir de vérité
que dans la forme de l’autre monde et de la vie autre »
(p. 311). Aussi l’hypothèse d’une bifurcation
initiale dans le « souci de soi », chez Platon, s’élargit-elle
au terme de ce cycle de cours jusqu’à caractériser
le double horizon dans lequel s’écrirait la pensée
occidentale : « expérience métaphysique du monde,
expérience historico-critique de la vie » (p.289).
La dualité ainsi affirmée renvoie à un schéma
assez récurrent chez Foucault : on songe évidemment
à la distinction établie, à partir de la lecture
de Qu’est-ce que les Lumières ? de Kant, entre démarche
transcendantale et attitude de modernité, entendue comme
« ontologie critique de nous-mêmes » ; mais aussi,
beaucoup plus tôt dans l’oeuvre, à l’étrange
distinction entre une vérité-foudre et une vérité-ciel
: la première, déstabilisante plutôt que pacificatrice,
doit être produite plutôt que découverte et se
laisserait reconnaître non à sa pérennité
mais à son surgissement, « par opposition à
la vérité-ciel qui, elle, est universellement présente
sous l’apparence des nuages » [12]. L’essentiel
est toutefois de noter que l’alternative ainsi mise au jour
ne revient nullement à opposer la transformation de soi et
la transformation du monde. Au contraire, à travers la description
de la pratique cynique comme une « militance en milieu ouvert
» (p.262), un point d’accrochage se trouve explicitement
ménagé pour poser autrement le problème de
l’intervention politique. De deux manières, sans doute.
1/ D’abord, à travers l’affirmation de ce que
l’altération de la vie suppose, chez le cynique, une
vigilance constante envers ce qui, dans la conduite des autres,
concerne le genre humain. À cet égard, il y a dans
ces analyses comme un mouvement de retour au monde ; il faut ici
se souvenir que le cours de l’année précédente
(Le Gouvernement de soi et des autres) avait montré comment,
de Périclès à Platon, la parresia s’était
peu à peu comme intériorisée, désertant
le domaine des vertus strictement politiques à mesure que
la démocratie s’amenuisait pour venir caractériser
le travail du philosophe, et son attitude face au prince. C’est
cet enveloppement, dans la subjectivité philosophante, d’une
exigence initialement inscrite dans l’horizon de la cité
que le cynique exacerbe jusqu’à en inverser le sens,
les exigences du rapport à soi impliquant chez lui l’obligation
de travailler à la réforme « d’un monde
tout entier » (p.288). 2/ Non que ce monde soit à situer
dans un ailleurs, promis aux âmes après la délivrance
du corps : l’altération propre au cynisme n’est
pas l’altérité d’une promesse de salut
– cela viendra plus tard. À plusieurs reprises, au
long des séances, Foucault avance l’idée selon
laquelle cette inflexion serait l’opération même
du christianisme : penser le « souci de la vie » dans
l’horizon de la métaphysique, c’est-à-dire
l’ordonner au double horizon d’une autre vie et d’un
autre monde, tous deux au-delà de l’existence actuelle
(p.228). Il ne faut donc pas confondre l’autre vie, l’autre
monde chrétiens avec la « vie autre » et le «
monde autre » impliqués par la militance cynique. De
ceux-ci, il faudrait dire avec Eluard (et sans omettre, comme souvent,
la fin de la phrase !) : un autre monde est possible, mais il est
en celui-ci.
par Mathieu Potte-Bonneville [07-09-2009]
NOTES
[1] Foucault, L’Herméneutique du sujet, Cours au Collège
de France (1981-82), Paris, Gallimard / Le Seuil, « Hautes
études », 2001. Cours du 24 mars 1982.
[2] Foucault, L’Ordre du discours, Paris, Gallimard, 1971,
p.15 sq.
[3] Foucault, « Nietzsche, la généalogie, l’histoire
», Dits et écrits, T. II, p. 136-156.
[4] Cette définition « différenciante »
de la généalogie est, en toute rigueur, plus conforme
à l’héritage nietzschéen de Foucault
: chez l’un comme chez l’autre, la référence
au corps et aux forces vaut pour ses effets démystificateurs,
mais ne vise nullement à exhiber un socle substantiel de
la culture – sauf à reconstituer une métaphysique
incompatible avec l’affirmation de ce que l’interprétation
est, en droit, interminable.
[5] art. cit., p.144.
[6] On ne peut ici s’empêcher de songer à ce
qui fut aussi le dernier texte de G.Deleuze : « on dira de
l’immanence qu’elle est UNE VIE et rien d’autre
» (cf. Deleuze, « L’immanence : une vie... »,
in Deux régimes de fous, textes et entretiens 1975-1995,
Paris, Minuit, 2003).
[7] « Le vrai sexe », Dits et écrits, T. IV,
pp.115 sq. La problématique de la « vraie vie »
développée dans ce cours nous semble pouvoir être
utilement mise en regard, comme son contrepoint, de la critique
du « vrai sexe » menée par Foucault lors de l’édition
du mémoire d’Herculine Barbin.
[8] F. Gros signale toutefois (p. 323) un renouveau des études
cyniques, à partir de la fin des années 1980, et la
parution, contemporaine du cours de Foucault, de plusieurs études,
dues notamment à P. Sloterdijk et A. Glucksmann.
[9] Que ce que Foucault nomme « la vie » ait partie
liée avec cette conjonction paradoxale, entre l’identification
du langage à la pratique, et l’irréductibilité
de la pratique au langage, on en trouverait un indice dans le texte
« La vie des hommes infâmes », publié en
1977 : la force des textes retrouvés aux archives de l’internement
tient alors, selon Foucault, au fait qu’ils ont été
les instruments de la relégation des individus, et à
ce qu’ils témoignent en même temps de vies ’difficiles
à discerner’, irréductibles à leurs traces
discursives. Cf. Collectif Maurice Florence, Archives de l’infamie,
Paris, Les Prairies ordinaires, 2009.
[10] Foucault, L’Usage des plaisirs, Paris, Gallimard, 1984.
p.33.
[11] Foucault, « Pierre Boulez, l’écran traversé
», Dits et écrits, T. IV, p. 222.
[12] Foucault, Le Pouvoir psychiatrique, Cours au Collège
de France (1973-74), Paris, Gallimard / Le Seuil, « Hautes
études », 2003. p. 237.
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