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Esthétique du pôle Nord Michel Onfray éd. Grasset
Le pôle de mon père par François Busnel
Michel Onfray avait promis à son paternel
de l'emmener dans le Grand Nord. C'est fait. Il en a rapporté un superbe
récit
Michel Onfray l'a souvent répété, il l'a maintes
fois écrit: on ne peut imaginer de philosophie sans le roman autobiographique
qui la permet. Le genre de propos qui provoque quelque remous dans
le marigot un peu trop fangeux de la philo officielle! Car nos penseurs
n'aiment guère parler d'eux, sinon pour contempler leur nombril
ou les lauriers de plâtre qu'ils se sont tressés. Onfray, lui, assume
une philosophie subjective mais silencieuse. Claquemuré dans son
lycée de province, il ne court plus après les médias et passe beaucoup
de temps à écrire. Trop, peut-être. Mais c'est à cette condition
que l'on construit un édifice. Un édifice qui rend hommage aux maîtres,
surtout s'ils sont oubliés (c'est le cas de ces très curieux et
très passionnants Fragments cyrénaïques, qui rassemblent
les textes, inédits pour la plupart, de philosophes libertins du
Ve siècle av. J.-C.). Aujourd'hui, le chantre de la sculpture de
soi pousse plus loin encore l'art de vivre en publiant le récit
d'un étrange périple effectué sous des latitudes glacées.
L'histoire commence il y a une trentaine d'années.
A l'époque, un jeune homme demande à son père quelle destination
il choisirait s'il pouvait s'offrir un long voyage. La réponse fuse:
le pôle Nord. Le père est ouvrier agricole, la mère, femme de ménage;
autant dire qu'il y a peu de chances qu'une bonne fée favorise ce
rêve. Aujourd'hui, Onfray, transformé en auteur à succès, tient
la promesse qu'il s'était faite lorsqu'il avait 10 ans. Et le voilà
qui met le cap sur la terre de Baffin, en compagnie de son paternel.
Il en rapporte un livre formidable. Poétique et lyrique. Un livre
philosophique, puisqu'il est entendu qu'il existe non pas des objets
spécifiquement philosophiques, mais une manière philosophique de
parler des choses: une jolie femme, une symphonie de Mahler, une
toile de Caspar David Friedrich... un paysage du bout du monde.
Onfray évoque la nature, bien sûr, mais aussi les
hommes. Il raconte les pierres, les ours, les Inuits et l'ethnocide
organisé qui a ruiné cette civilisation épicurienne. Il signe là
une passionnante proposition d'ethnologie subjective, dans l'esprit
- si libre, si généreux - d'un Nicolas Bouvier. C'est culotté, c'est
beau, c'est sain. Ah, si seulement les philosophes osaient plus
souvent ce genre de livres!
Fragments cyrénaïques, présenté par Michel Onfray. Livre
de poche, 290 p., 6,50 euros.
http://mapage.noos.fr/sacados/lectures/lectures26.htm
Michel ONFRAY - Esthétique du Pôle Nord
Enfant, l’auteur demanda un jour à son père
dans quel pays il aimerait aller. Au Pôle Nord répondit
celui-ci. Trente cinq ans plus tard le jeu devient réalité,
et Michel ONFRAY emmène son père au-delà du
cercle polaire pour y fêter ses 80 ans. L’auteur est
plus connu comme philosophe que voyageur. J’ai même
quelques uns de ses livres dans ma bibliothèque car j’apprécie
sa réflexion et sa pensée «hédoniste.»
On lira dans cet ouvrage de nombreuses informations sur l’évolution
de la société dans ces régions où «jamais
le sol ne dégèle (et où) la terre se refuse
aux enterrements.» La température polaire est inhumaine
et pourtant on y vit. «Le spectacle de la nature immense et
vierge confine au sublime.» Une sorte d’état
des lieux actuels, des us et coutumes des Inuits, chez lesquels
comme dans bien d’autres endroits du monde la télé
a remplacé les veillées, et le supermarché
subvient aux famines d’une autre époque. L’auteur
étant un virtuose des mots, des concepts, de la pensée,
les phrases sont souvent aussi belles que les paysages. «Dans
les espaces au-delà du cercle polaire, le blanc et le silence,
le minéral et le froid fabriquent une esthétique de
la rareté, un temps dépouillé, sec et translucide.»
La comparaison des paysages arctiques avec la musique de Webern,
«magicien du ciselage, de la rareté, du minéral
concentré, du maximum exprimé par le minimum»
est réjouissante. Il s’agit bien d’un ouvrage
«philosophique et visionnaire» comme l’écrit
Jean MALAURIE dans Le Monde du 15/02/2002. Avec les risques ou inconvénients
inhérents : on peut, comme cela m’est arrivé,
avoir du mal à entrer dans ce livre, qualifié de «voyage
philosophique sous les auspices d’un genre d’ethnologie
hédoniste». Que ces termes ne vous effraient pas.
Les premières lignes : «Avant le temps, quand rien
ne permet le repère, alors que tout interdit l’archéologie
ou la généalogie, la pierre triomphe absolument. Sans
les hommes qui rendent possible le réel par la conscience
qu’ils en ont, la géologie impose une durée
inconcevable, une éternité incarnée, une immortalité
prisonnière de formes dures, redoutables et muettes.»
Éditions Grasset 2002. Photographies d’Alain SZCZUCZYNSKI.
Paru en Livre de poche en mars 2004.
Michel Onfray, né en 1959, a écrit une vingtaine
de livres dans lesquels il formule un projet hédoniste éthique
(La sculpture de soi, prix Médicis 1993), politique (Politique
du rebelle, 1997), érotique (Théorie du corps amoureux,
2000), pédagogique (Antimanuel de philosophie, 2001), épistémologique
(Féeries anatomiques,
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