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Origine : Site Unsa Education
http://www.fen.fr/modules.php?name=News&file=article&sid=188
Initiée en 2002 par le philosophe
Michel Onfray, l’Université populaire de Caen est un beau projet…
qui marche. Idée collective, elle parvient à mêler ce qui est souvent
jugé impossible : l’exigence du savoir, la gratuité, l’interactivité,
le libre accès. Pour les acteurs de cette initiative appelée à essaimer,
« la culture y est vécue comme un auxiliaire de la construction
de soi, non comme une occasion de signature sociale. »
L’UNSA Education a voulu en savoir un peu plus.
Créateur de l'Université populaire de Caen, vous dites avoir pris
cette initiative car "l’offre oscille entre l’élitisme
de l’université et l’improvisation des cafés philo".
Quelle est alors la spécificité de l'université populaire?
L’université populaire s’adresse à tous sans demander
quoi que ce soit à l’entrée (âge, diplômes, niveau, argent,
motivations, etc.) et sans rien délivrer à la sortie... Ce qui importe
? Le désir de philosopher réellement à partir d’un contenu digne
de ce nom exposé pendant la première heure de la séance. Ce contenu
est commenté, critiqué, éclairé par un débat public et contradictoire
dans la deuxième heure. Par exemple, lors de trois récentes séances
sur Pierre Charon (un philosophe du XVII° siècle), nous avons
examiné pendant la deuxième heure les conditions d’une nouvelle
laïcité : post-chrétienne, déchristianisée et franchement athée. Avec
un ouvrage daté de 1601, nous avons réfléchi à ce que devait et pouvait
être une laïcité pour aujourd’hui et demain. L'Université
populaire n'est pas uniquement axée sur la philosophie, elle n'est
pas non plus une oeuvre personnelle. Que voulez-vous qu'elle devienne?
Qu’elle persiste à être ce qu’elle est: une communauté
philosophique. Car il y a communauté entre les neuf intervenants à
l’Université populaire, entre les participants aux cours et
chaque intervenant, entre les participants eux-mêmes avant, pendant
et après le cours. Il s’agit de fabriquer un jardin d’Epicure
en plein XXI° siècle consacré au savoir, à la construction de soi,
à l’amitié, à l’édification de sa propre existence, à
la réflexion critique susceptible de produire une paix avec soi-même
qui est la condition de possibilité d’une paix avec les autres
et le monde. Vous avez démissionné de l'Education nationale
après avoir enseigné la philosophie pendant 20 ans dans un lycée technique.
Aviez-vous le sentiment de ne plus y être utile?
Je me sens utile ailleurs et autrement. En vingt ans, on fait le tour
de ce qu’on peut réellement faire dans une institution où le
poids de la direction, de l’administration, de l’inspection,
de la bureaucratisation finissait par se faire trop insupportable.
J’aimais le rapport aux élèves, mais le prix à payer en terme
de copies, de programme, de conseils de classe, de journées pédagogiques,
de bulletins, de livrets, de collègues parfois... finissait par être
trop élevé. Je me sens utile pour un autre public, plus nombreux et
lui aussi – j’enseignais volontairement dans un lycée
technique- tenu en marge de la philosophie par les officiels
de la discipline soucieux de distiller leur savoir à une caste
soigneusement isolée du reste du monde. L’écrivain
Robert Musil disait que les philosophes sont des êtres violents qui,
faute d'avoir une armée à leur disposition, se soumettent le monde
en l'enfermant dans un système. Et Michel Onfray?
Musil parle pour lui... On peut ne pas être musilien, non ? Je crois
qu’il y a des philosophes qui ont effectivement le fantasme
de la domination, d’autres de l’obscurité allumée, certains
du gourou, pendant qu’on peut aussi participer un tant soit
peu à la conscience critique de son époque. On le sait le philosophe
est multiple : certains refusent le prix Nobel, d’autres acceptent
de servir Jean-Pierre Raffarin, entre ces deux extrêmes, il y a place
pour une grande gamme de choix ! Dont celle d’hédoniste libertaire,
de nietzschéen de gauche, de matérialiste athée, de philosophe critique,
de technophile utilitariste, si vous voyez ce que je veux dire !
Propos recueillis par Jérôme Crozat.
Pour en savoir plus
Michel Onfray a publié de nombreux ouvrages dont un "Anti-manuel de
philosophie" (Bréal, 2001). Il vient de publier "La communauté philosophique.
Manifeste pour l'Université populaire" (Galilée, 2004). Par ailleurs,
les éditions Frémeaux - en collaboration avec France Culture, Grasset
et l'Université populaire - viennent de publier un coffret de CD issus
des cours de Michel Onfray sur l'archipel pré-chrétien. Une série
de coffrets suivra. Au programme: Diogène, Lucrèce, Montaigne... Une
contre-histoire de la philosophie qui devrait représenter 15 coffrets!
http://www.fremeaux.fr
Retrouvez Michel Onfray sur son site
http://perso.wanadoo.fr/michel.onfray/
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