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«Traité d’athéologie» Onfray l’antéchrist

Origine : http://www.nouvelobs.com/articles/p2100/a262252.html

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nouvelobs Semaine du jeudi 3 février 2005 - n°2100 - Livres

«Traité d’athéologie» Onfray l’antéchrist

Quiz. 1) Qui est l’auteur de la phrase: «La notion de "Dieu" a été inventée comme antithèse de la vie»? Serait-ce Michel Onfray, bien connu des autorités pour ses prises de position anticléricales et hédonistes? Raté, c’est un extrait d’«Ecce Homo» de Nietzsche, cité ici en épigraphe. 2) Qui a dit: «La religion procède de la pulsion de mort»? Serait-ce Freud? Encore raté! Cette fois, le responsable est Michel Onfray, dont le nouvel essai, malgré son titre, est moins une réflexion sur l’histoire de l’athéisme qu’un impitoyable pamphlet contre les monothéismes, qu’ils soient juif, chrétien ou musulman.

Haine du corps et de la sexualité; misogynie foncière; musellement de la raison scientifique; diabolisation des éléments hétérodoxes: telles sont les tares séculaires des théocraties, que résume une dévalorisation générale de l’ici-bas au profit d’un fantasmatique au-delà. Loin des tiédeurs ambiguës du clan des «athées chrétiens» (les Ricœur, Ferry et autre Comte-Sponville que mentionne l’auteur et auxquels il aurait pu ajouter les noms de Girard et de Steiner), Michel Onfray en appelle à la «laïcité postchrétienne». Son objectif? Une déchristianisation radicale de la société, à partir de laquelle l’idée kantienne d’une «majorité politique» du peuple ne serait plus un vain mot.

Les maîtres du philosophe dans cette entreprise? Voltaire, pour le plaisir de lire la sainte Bible à la loupe, comme au bâton de dynamite; mais avant tout Nietzsche, dont l’auteur s’enchante chaque jour d’être le disciple infidèle et non-droitier. Morceau d’anthologie qui justifierait à lui seul l’achat du livre (ou bien son vol? Soyons libertaires...): le portrait de Paul de Tarse, personnage de sinistre mémoire sur lequel l’auteur énonce des thèses assez divergentes de celles d’Alain Decaux dans son récent «Avorton de Dieu». Il serait ainsi revenu à «Paul le masochiste», ce «Juif hystérique et intégriste» aux «angoisses d’origine sexuelle refoulée», la douloureuse tâche de «névroser le monde»... Il fallait bien que cela tombe sur quelqu’un!

Parfois, l’essayiste s’étonne. Comment se fait-il que l’Eglise se soit intéressée autant à l’euthanasie, à l’avortement ou au suicide? Question qui ne fait pas mystère, cependant, pour l’anthropologie de Durkheim, prompte à invoquer le caractère antisocial de ces actes. Tout à sa démolition, Michel Onfray présuppose, sans l’interroger, la viabilité politique de l’athéisme: celle dont Sade, par exemple, fit l’hypothèse d’école dans «la Philosophie dans le boudoir». De même, l’idée d’une fonction politique du religieux qui ne se limiterait pas à l’oppression des libertés individuelles ne l’effleure pas. Une intuition qui avait traversé cependant un siècle avant une certaine définition de la religion comme «opium du peuple», l’esprit du Voltaire de Ferney, dans une formule destinée à faire date: «Si Dieu n’existait pas, il faudrait l’inventer.»

«Traité d’athéologie», par Michel Onfray, Grasset, 280 p., 18,50 euros.

Thomas Regnier