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"Foucault Responds" («Foucault répond» ;
trad. F. Durand-Bogaert), Diacritics, t. I, no 2, hiver 1971, p. 60.
(Réplique à la réponse de G. Steiner ; voir supra
no 97.)
Dits Ecrits Tome II texte n°100
M. Steiner a droit à notre commisération. Qu'il essaie
de comprendre ou de répondre, la malchance, inévitablement,
s'acharne sur lui : les erreurs ne cessent de le poursuivre. Pour
faire vite, j'aimerais ne relever ici que quatre de ces erreurs
dans sa «réponse».
1° Il affirme que la signification du mot «archéologie»,
dans l'usage qu'en fait Kant, ne lui est pas inconnue. Il va même
jusqu'à faire montre de son savoir. Manque de chance : il
se trompe de mot, de texte ou de sens. Qu'il lise Fortschritte der
Metaphysik, il y trouvera le mot, le texte et la signification auxquels
je fais référence ; il ne s'agit absolument pas, contrairement
à ce qu'il croit, d'un «conditionnement a priori de
la perception» *.
* Kant (1.), Fortschritte der Metaphysik (rédigé
en 1793, publié en 1804), in Gesammelte Schriften, Berlin,
Walter de Gruyter, t. XX, 1942, p. 341 (Les Progrès de la
métaphysique en Allemagne depuis le temps de Leibniz et de
Wolf ; trad. L. Guillermit, Paris, Vrin, 1973, pp. 107-108).
2° Il trouve que ma mémoire est mauvaise et mes manières
plus mauvaises encore, puisque je nie avoir écrit plusieurs
monographies sur le diagnostic et le traitement des maladies mentales
du XVIIe au XIXe siècle. Avec sa bonne mémoire et
ses bonnes manières, M. Steiner prend la liberté de
citer deux de ces monographies -Histoire de la folie et Naissance
de la clinique. Manque de chance, là encore : il n'y a absolument
rien, dans Naissance de la clinique, qui porte sur les maladies
mentales ou sur la psychiatrie.
3° M. Steiner croit que j'ai emprunté à Lévi-Strauss
la notion de liaisons entre la grammaire, les structures économiques
et les «relations de parenté». Décidément,
quel manque de chance! Je n'ai parlé ni des structures économiques
(mais de la théorie de la monnaie, ce qui est tout à
fait différent), ni des structures grammaticales (mais de
la théorie du langage, ce qui est tout à fait différent),
ni particulièrement des relations de parenté ou des
règles du mariage. Se pourrait-il que M. Steiner ait confondu
celles-ci avec la proximité taxinomique des espèces
végétales et animales ? Étrange...
4° M. Steiner croit que j'aurais dû citer Kuhn. C'est
vrai que je considère que le travail de Kuhn est admirable
et définitif. Mais, manque de chance de nouveau (pour moi
autant que pour M. Steiner) : lorsque j'ai lu le livre de Kuhn,
au cours de l'hiver 1963-1964 (une année, je crois, après
sa publication), je venais de finir d'écrire Les Mots et
les Choses. Je n'ai donc pas cité Kuhn *, mais l'historien
des sciences qui a façonné et inspiré sa pensée
: G. Canguilhem.
Mais, tout compte fait, j'ai moi aussi fait une erreur. Ne connaissant
absolument pas M. Steiner, j'ai pensé, en toute bonne foi,
qu'il était journaliste et que des exigences professionnelles
l'avaient contraint, contre sa volonté, à sortir de
son domaine de spécialisation pour écrire sur un sujet
qui ne lui était pas familier. J'ai donc lu son compte rendu
avec un sentiment spontané d'indulgence amusée. M.
Steiner me fait savoir, à présent, qu'il est professeur
d'université. Cela augmente de beaucoup mon amusement. Il
reste qu'il va me falloir maintenant augmenter mon indulgence dans
une proportion au moins égale.
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