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« La vie : l'expérience et la science », Revue
de métaphysique et de morale, 90e année, no 1 : Canguilhem,
janvier-mars 1985, pp. 3-14.
Dits Ecrits tome IV texte n°361
M. Foucault souhaitait donner un texte nouveau à la Revue
de métaphysique et de morale qui consacrait un numéro
spécial à son maître, Georges Canguilhem. Épuisé,
il ne put que modifier la préface qu'il avait écrite
pour la traduction américaine du Normal et Pathologique (voir
infra no 219). Il remit ce texte fin avril 1984 ; ce fut donc le
dernier auquel il donna son imprimatur.
Tout le monde sait qu'en France il y a peu de logiciens, mais qu'il
y a eu un nombre non négligeable d'historiens des sciences.
On sait aussi qu'ils ont occupé dans l'institution philosophique
- enseignement ou recherche - une place considérable. Mais
on sait peut-être moins bien ce qu'a été au
juste, pendant ces vingt ou trente dernières années,
et jusque sur les frontières de l'institution, un travail
comme celui de G. Canguilhem. Il y a eu sans doute des théâtres
bien plus bruyants : psychanalyse, marxisme, linguistique, ethnologie.
Mais n'oublions pas ce fait qui relève, comme on voudra,
de la sociologie des milieux intellectuels français, du fonctionnement
de nos institutions universitaires ou de notre système de
valeurs culturelles : dans toutes les discussions politiques ou
scientifiques de ces étranges années soixante, le
rôle de la philosophie - je ne veux pas dire simplement de
ceux qui avaient reçu leur formation universitaire dans les
départements de philosophie - a été important.
Trop important, peut-être, au gré de certains. Or,
directement ou indirectement, tous ces philosophes ou presque ont
eu affaire à l'enseignement ou aux livres de G. Canguilhem.
De là un paradoxe : cet homme, dont l'oeuvre est austère,
volontairement bien délimitée, et soigneusement vouée
à un domaine particulier dans une histoire des sciences qui,
de toute façon, ne passe pas pour une discipline à
grand spectacle, s'est trouvé d'une certaine manière
présent dans les débats où lui-même a
bien pris garde de jamais figurer. Mais ôtez Canguilhem et
vous ne comprenez plus grand-chose à toute une série
de discussions qui ont eu lieu chez les marxistes français
; vous ne saisissez pas, non plus, ce qu'il y a de spécifique
chez des sociologues comme Bourdieu, Castel, Passeron, et qui les
marque si fortement dans le champ de la sociologie ; vous manquez
tout un aspect du travail théorique fait chez les psychanalystes
et en particulier chez les lacaniens. Plus : dans tout le débat
d'idées qui a précédé ou suivi le mouvement
de 1968, il est facile de retrouver la place de ceux qui, de près
ou de loin, avaient été formés par Canguilhem.
Sans méconnaître les clivages qui ont pu, pendant
ces dernières années et depuis la fin de la guerre,
opposer marxistes et non-marxistes, freudiens et non-freudiens,
spécialistes d'une discipline et philosophes, universitaires
et non-universitaires, théoriciens et politiques, il me semble
bien qu'on pourrait retrouver une autre ligne de partage qui traverse
toutes ces oppositions. C'est celle qui sépare une philosophie
de l'expérience, du sens, du sujet et une philosophie du
savoir, de la rationalité et du concept. D'un côté,
une filiation qui est celle de Sartre et de Merleau-Ponty ; et puis
une autre, qui est celle de Cavaillès, de Bachelard, de Koyré
et de Canguilhem. Sans doute, ce clivage vient de loin et on pourrait
en faire remonter la trace à travers le XIXe siècle
: Bergson et Poincaré, Lachelier et Couturat, Maine de Biran
et Comte. Et, en tout cas, il était à ce point constitué
au XXe siècle que c'est à travers lui que la phénoménologie
a été reçue en France. Prononcées en
1929, modifiées, traduites et publiées peu après,
les Méditations cartésiennes * ont été
très tôt l'enjeu de deux lectures possibles : l'une
qui, dans la direction d'une philosophie du sujet, cherchait à
radicaliser Husserl et ne devait pas tarder à rencontrer
les questions de Sein und Zeit ** : c'est l'article de Sartre sur
la « Transcendance de l'ego *** », en 1935 ; l'autre
qui remontera vers les problèmes fondateurs de la pensée
de Husserl, ceux du formalisme et de l'intuitionnisme ; et ce sera,
en 1938, les deux thèses de Cavaillès sur la Méthode
axiomatique et sur La Formation de la théorie des ensembles
****.
* Husserl (E.), Cartesianische Meditationen, Eine Einleitung in
die Phänomenologie, 1931, in Gesammelte Werke, t. I, La Haye,
Macrin Nijhoff, 1950 (Méditations cartésiennes. Introduction
à la phénoménologie, trad. G. Peiffer et E.
Levinas, Paris, Vrin, 1953).
** Heidegger (M.), Sein und Zeit, Tübingen, Max Niemeyer,
1927 (L'Être et le Temps, trad. R. Boehm et A. de Waelhens,
Paris, Gallimard, 1964).
*** Sartre (J.-P.), « La transcendance de l'ego. Esquisse
d'une description phénoménologique, Recherches philosophiques,
no 6, 1935 ; rééd., Paris, Vrin, 1988.
**** Cavaillès (J .), Méthode axiomatique et formalisme,
Essai sur le problème du fondement des mathématiques,
Paris, Hermann, 1937 ; Remarques sur la formation de la théorie
abstraite des ensembles. Étude historique et critique, Paris,
Hermann, 1937,
Quels qu'aient pu être, par la suite, les ramifications,
les interférences, les rapprochements mêmes, ces deux
formes de pensée ont constitué en France deux trames
qui sont demeurées, pendant un temps au moins, assez profondément
hétérogènes.
En apparence, la seconde est restée à la fois la
plus théoricienne, la plus réglée sur des tâches
spéculatives, la plus éloignée aussi des interrogations
politiques immédiates. Et pourtant, c'est elle qui, pendant
la guerre, a pris part, et de façon très directe,
au combat, comme si la question du fondement de la rationalité
ne pouvait pas être dissociée de l'interrogation sur
les conditions actuelles de son existence. C'est elle aussi qui
a joué au cours des années soixante un rôle
décisif dans une crise qui n'était pas simplement
celle de l'Université, mais celle du statut et du rôle
du savoir. On peut se demander pourquoi un tel type de réflexion
a pu, en suivant sa logique propre, se trouver ainsi profondément
lié au présent.
*
L'une des raisons principales tient sans doute à ceci :
l'histoire des sciences doit sa dignité philosophique au
fait qu'elle met en oeuvre l'un des thèmes qui s'est introduit
de façon sans doute un peu subreptice et comme par accident
dans la philosophie du XVIIIe siècle. Pour la première
fois, à cette époque, on a posé à la
pensée rationnelle la question non seulement de sa nature,
de son fondement, de ses pouvoirs et de ses droits, mais celle de
son histoire et de sa géographie, celle de son passé
immédiat et de ses conditions d'exercice, celle de son moment,
de son lieu et de son actualité. De cette question par laquelle
la philosophie a fait, de sa forme présente et du lien à
son contexte, une interrogation essentielle, on peut prendre pour
symbole le débat qui s'est noué dans la Berlinische
Monatsschrift et qui avait pour thème : Was ist Aufklärung
? À cette question Mendelssohn puis Kant, chacun de son côté,
ont apporté une réponse *.
* Mendelssohn (M,), « Ueber die Frage : Was heisst Aufklären
? », Berlinische Monatsschrift, IV, no 3, septembre 1784,
pp. 193-200. Kant (1.), « Beantwortung der Frage : Was ist
Aufklärung ? », Berlinische Monatsschrift, IV, no 6,
décembre 1784, pp. 491-494 (Réponse à la question
: Qu'est-ce que les Lumières ?, trad. S. Piobetta, in Kant
[E.], La Philosophie de t'histoire [Opuscules], Paris, Aubier, 1947,
pp. 81-92).
Cette question fut sans doute entendue d'abord comme une interrogation
relativement accessoire : on y questionnait la philosophie sur la
forme qu'elle pouvait revêtir, sur sa figure du moment et
sur les effets qu'on devait en attendre. Mais il se révéla
vite que la réponse qu'on lui apportait risquait fort d'aller
bien au-delà.
On faisait de l'Aufklärung le moment où la philosophie
trouvait la possibilité de se constituer comme la figure
déterminante d'une époque, et où cette époque
devenait la forme d'accomplissement de cette philosophie. La philosophie
pouvait être lue aussi bien comme n'étant rien d'autre
que la composition des traits particuliers à la période
où elle apparaissait, elle en était la figure cohérente,
la systématisation et la forme réfléchie ;
mais, d'un autre côté, l'époque apparaissait
comme n'étant rien d'autre que l'émergence et la manifestation,
dans ses traits fondamentaux, de ce qu'était en son essence
la philosophie. La philosophie apparaît alors aussi bien comme
un élément plus ou moins révélateur
des significations d'une époque, ou au contraire comme la
loi générale qui fixait pour chaque époque
la figure qu'elle devait avoir. La lecture de la philosophie dans
le cadre d'une histoire générale et son interprétation
comme principe de déchiffrement de toute succession historique
sont devenues alors simultanément possibles. Et, du coup,
la question du « moment présent » devient pour
la philosophie une interrogation dont elle ne peut plus se séparer
: dans quelle mesure ce « moment » relève-t-il
d'un processus historique général et dans quelle mesure
la philosophie est-elle le point où l'histoire elle-même
doit se déchiffrer dans ses conditions ?
L'histoire est devenue alors l'un des problèmes majeurs
de la philosophie. Il faudrait sans doute chercher pourquoi cette
question de l'Aufklärung a eu, sans disparaître jamais,
un destin si différent dans les traditions de l'Allemagne,
de la France et des pays anglo-saxons ; pourquoi ici et là
elle s'est investie dans des domaines si divers et selon des chronologies
si variées. Disons en tout cas que la philosophie allemande
lui a donné corps surtout dans une réflexion historique
et politique sur la société (avec un problème
central : l'expérience religieuse dans son rapport avec l'économie
et l'État) ; des posthégéliens à l'école
de Francfort et à Luckács, en passant par Feuerbach,
Marx, Nietzsche et Max Weber, tous en portent témoignage.
En France, c'est l'histoire des sciences qui a surtout servi de
support à la question philosophique de ce qu'a été
l' Aufklärung ; d'une certaine façon, les critiques
de Saint-Simon, le positivisme de Comte et de ses successeurs a
bien été une manière de reprendre l'interrogation
de Mendelssohn et celle de Kant à l'échelle d'une
histoire générale des sociétés. Savoir
et croyance, forme scientifique de la connaissance et contenus religieux
de la représentation, ou passage du préscientifique
au scientifique, constitution d'un pouvoir rationnel sur fond d'une
expérience traditionnelle, apparition, au milieu d'une histoire
des idées et des croyances, d'un type d'histoire propre à
la connaissance scientifique, origine et seuil de rationalité
: c'est sous cette forme qu'à travers le positivisme - et
ceux qui se sont opposés à lui -, à travers
les débats tapageurs sur le scientisme et les discussions
sur la science médiévale, la question de l' Aufklärung
s'est transmise en France. Et si la phénoménologie,
après une bien longue période où elle fut tenue
en lisière, a fini par pénétrer à son
tour, c'est sans doute du jour où Husserl, dans les Méditations
cartésiennes et dans la Krisis *, a posé la question
des rapports entre le projet occidental d'un déploiement
universel de la raison, la positivité des sciences et la
radicalité de la philosophie.
Depuis un siècle et demi, l'histoire des sciences porte
en soi des enjeux philosophiques qui sont facilement reconnus. Des
oeuvres comme celles de Koyré, Bachelard, Cavaillès
ou Canguilhem peuvent bien avoir pour centres de référence
des domaines précis, « régionaux », chronologiquement
bien déterminés de l'histoire des sciences, elles
ont fonctionné comme des foyers d'élaboration philosophique
importants, dans la mesure où elles faisaient jouer sous
différentes facettes cette question de l'Aufklärung
essentielle à la philosophie contemporaine.
* Husserl (E.), Die Krisis der europäischen Wissenschaften
und die transzendentale Phänomenologie. Einleitung in die Phänomenologie,
Belgrade, Philosophia, t. I, 1936, pp. 77-176 (La Crise des sciences
européennes et la phénoménologie transcendantale,
trad. G. Granel, Paris, Gallimard, 1976).
S'il fallait chercher hors de France quelque chose qui corresponde
au travail de Koyré, de Bachelard, de Cavaillès et
de Canguilhem, c'est sans doute du côté de l'école
de Francfort qu'on le trouverait. Et pourtant, les styles sont bien
différents comme les manières de faire et les domaines
traités. Mais les uns et les autres posent finalement le
même genre de questions, même s'ils sont hantés
ici par le souvenir de Descartes et, là, par l'ombre de Luther.
Ces interrogations, ce sont celles qu'il faut adresser à
une rationalité qui prétend à l'universel tout
en se développant dans la contingence, qui affirme son unité
et qui ne procède pourtant que par modifications partielles
; qui se valide elle-même par sa propre souveraineté
mais qui ne peut être dissociée, dans son histoire,
des inerties, des pesanteurs ou des coercitions qui l'assujettissent.
Dans l'histoire des sciences en France comme dans la théorie
critique allemande, ce qu'il s'agit d'examiner au fond, c'est bien
une raison dont l'autonomie de structure porte avec soi l'histoire
des dogmatismes et des despotismes - une raison, par conséquent,
qui n'a d'effet d'affranchissement qu'à la condition qu'elle
parvienne à se libérer d'elle-même.
Plusieurs processus qui marquent la seconde moitié du XXe
siècle ont ramené au coeur des préoccupations
contemporaines la question des Lumières. Le premier, c'est
l'importance prise par la rationalité scientifique et technique
dans le développement des forces productives et dans le jeu
des décisions politiques. Le deuxième, c'est l'histoire
même d'une « révolution » dont l'espoir
avait été, depuis la fin du XVIIIe siècle,
porté par tout un rationalisme auquel on est en droit de
demander quelle part il a pu avoir dans les effets de despotisme
où cet espoir s'est égaré. Le troisième,
enfin, c'est le mouvement par lequel on s'est mis à demander,
en Occident et à l'Occident, quels titres sa culture, sa
science, son organisation sociale et finalement sa rationalité
elle-même pouvaient détenir pour réclamer une
validité universelle : est-elle autre chose qu'un mirage
lié à une domination et à une hégémonie
politique ? Deux siècles après son apparition, l'
Aufklärung fait retour : à la fois comme une manière
pour l'Occident de prendre conscience de ses possibilités
actuelles et des libertés auxquelles il peut avoir accès,
mais aussi comme une manière de s'interroger sur ses limites
et sur les pouvoirs dont il a usé. La raison à la
fois comme despotisme et comme lumière.
Ne nous étonnons pas que l'histoire des sciences, et surtout
dans la forme particulière que lui a donnée G. Canguilhem,
ait pu occuper en France, dans les débats contemporains,
une place si centrale.
*
Pour dire les choses très grossièrement, l'histoire
des sciences s'est occupée longtemps (par préférence,
sinon exclusivement) de quelques disciplines « nobles »
et qui tenaient leur dignité de l'ancienneté de leur
fondation, de leur haut degré de formalisation, de leur aptitude
à se mathématiser et de la place privilégiée
qu'elles occupaient dans la hiérarchie positiviste des sciences.
À rester ainsi tout près de ces connaissances, qui,
depuis les Grecs jusqu'à Leibniz, avaient en somme fait corps
avec la philosophie, l'histoire des sciences esquivait la question
qui était pour elle centrale et qui concernait son rapport
avec la philosophie. G. Canguilhem a retourné le problème
; il a centré l'essentiel de son travail sur l'histoire de
la biologie et sur celle de la médecine, sachant bien que
l'importance théorique des problèmes soulevés
par le développement d'une science n'est pas forcément
en proportion directe du degré de formalisation atteint par
elle. Il a donc fait descendre l'histoire des sciences des points
sommets (mathématiques, astronomie, mécanique galiléenne,
physique de Newton, théorie de la relativité) vers
des régions où les connaissances sont beaucoup moins
déductives, où elles sont restées liées,
pendant beaucoup plus longtemps, aux prestiges de l'imagination,
et où elles ont posé une série de questions
beaucoup plus étrangères aux habitudes philosophiques.
Mais en opérant ce déplacement, G. Canguilhem a fait
bien plus que d'assurer la revalorisation d'un domaine relativement
négligé. Il n'a pas simplement élargi le champ
de l'histoire des sciences ; il a remanié la discipline elle-même
sur un certain nombre de points essentiels.
1) Il a repris d'abord le thème de la « discontinuité
». Vieux thème qui s'est dessiné très
tôt, au point d'être contemporain, ou presque, de la
naissance d'une histoire des sciences. Ce qui marque une telle histoire,
disait déjà Fontenelle, c'est la soudaine formation
de certaines sciences « à partir du néant »,
l'extrême rapidité de certains progrès qu'on
n'attendait guère, la distance aussi qui sépare les
connaissances scientifiques de l' « usage commun » et
des motifs qui ont pu inciter les savants ; c'est encore la forme
polémique de cette histoire qui ne cesse de raconter les
combats contre les « préjugés », les «
résistances » et les « obstacles » 1. Reprenant
ce même thème, élaboré par Koyré
et par Bachelard, Georges Canguilhem insiste sur le fait que le
repérage des discontinuités n'est pour lui ni un postulat
ni un résultat ; c'est plutôt une » manière
de faire », une procédure qui fait corps avec l'histoire
des sciences parce qu'elle est appelée par l'objet même
dont celle-ci doit traiter. L'histoire des sciences n'est pas l'histoire
du vrai, de sa lente épiphanie ; elle ne saurait prétendre
raconter la découverte progressive d'une vérité
inscrite de toujours dans les choses ou dans l'intellect, sauf à
s'imaginer que le savoir d'aujourd'hui la possède enfin de
façon si complète et définitive qu'il peut
prendre à partir d'elle la mesure du passé. Et pourtant,
l'histoire des sciences n'est pas une pure et simple histoire des
idées et des conditions dans lesquelles elles sont apparues
avant de s'effacer. On ne peut pas, dans l'histoire des sciences,
se donner la vérité comme acquise, mais on ne peut
pas non plus faire l'économie d'un rapport au vrai et à
l'opposition du vrai et du faux. C'est cette référence
à l'ordre du vrai et du faux qui donne à cette histoire
sa spécificité et son importance. Sous quelle forme
? En concevant qu'on a à faire l'histoire des « discours
véridiques », c'est-à-dire de discours qui se
rectifient, se corrigent, et qui opèrent sur eux-mêmes
tout un travail d'élaboration finalisée par la tâche
de « dire vrai ».
1, Fontenelle (B. Le Bovier de), Préface à l'histoire
de t'Académie, in Oeuvres, éd. de 1790, t. VI, pp.
73-74. Georges Canguilhem ôte ce texte dans l'Introduction
à t'histoire des sciences, Paris, 1970, t. I. Éléments
et Instruments, pp. 7-8.
Les liens historiques que les différents moments d'une science
peuvent avoir les uns avec les autres ont, nécessairement,
cette forme de discontinuité que constituent les remaniements,
les refontes, la mise au jour de nouveaux fondements, les changements
d'échelle, le passage à un nouveau type d'objets -
» la révision perpétuelle des contenus par approfondissement
et rature », comme disait Cavaillès. L'erreur n'est
pas éliminée par la force sourde d'une vérité
qui peu à peu sortirait de l'ombre, mais par la formation
d'une nouvelle façon de « dire vrai » 1. L'une
des conditions de possibilité pour que se forme, au début
du XVIIIe siècle, une histoire des sciences, ce fut bien,
note Georges Canguilhem, la conscience qu'on a eue des récentes
« révolutions scientifiques » - celle de la géométrie
algébrique et du calcul infinitésimal, celle de la
cosmologie copernicienne et newtonienne 2.
2) Qui dit « histoire du discours véridique »
dit aussi méthode récurrente. Non pas au sens où
l'histoire des sciences dirait : soit la vérité, enfin
reconnue aujourd'hui, depuis quel moment l'a-t-on pressentie, quels
chemins a-t-il fallu emprunter, quels groupes conjurer pour la découvrir
et la démontrer ? Mais au sens où les transformations
successives de ce discours véridique produisent sans cesse
les refontes dans leur propre histoire ; ce qui était longtemps
resté impasse devient un jour issue ; un essai latéral
devient un problème central autour duquel tous les autres
se mettent à graviter ; une démarche légèrement
divergente devient une rupture fondamentale : la découverte
de la fermentation non cellulaire -phénomène d'à-côté
dans le règne de la micro-biologie pasteurienne - n'a marqué
une rupture essentielle que du jour où s'est développée
la physiologie des enzymes 3. En somme, l'histoire des discontinuités
n'est pas acquise une fois pour toutes ; elle est « impermanente
» par elle-même, elle est discontinue ; elle doit sans
cesse être reprise à nouveaux frais.
Faut-il en conclure que la science fait et refait à chaque
instant, d'une façon spontanée, sa propre histoire,
au point que le seul historien autorisé d'une science ne
pourrait être que le savant lui-même reconstituant le
passé de ce qu'il est en train de faire ? Le problème
pour Georges Canguilhem n'est pas de profession : il est de point
de vue.
1. Sur ce thème, voir Idéologie et Rationalité
dans l'histoire des sciences de la vie, Paris, Vrin, 1977, p. 21.
2. Cf. Études d'histoire et de philosophie des sciences,
Paris, Vrin, 1968, p. 17.
3. G. Canguilhem reprend l'exemple traité par M. Florkin
in A History of Biochemistry, Amsterdam, Elsevier, part. I et Il,
1972, part. III, 1975 ; cf. Idéologie et Rationalité,
op. cit. p. 15.
L'histoire des sciences ne peut se contenter de réunir ce
que les savants du passé ont pu croire ou démontrer
; on n'écrit pas une histoire de la physiologie végétale
en ressassant « tout ce que des gens nommés botanistes,
médecins, chimistes, horticulteurs, agronomes, économistes
ont pu écrire, touchant leurs conjectures, observations ou
expériences quant aux rapports entre structure et fonction
sur des objets nommés tantôt herbes, tantôt plantes
et tantôt végétaux » 1. Mais on ne fait
pas non plus de l'histoire des sciences en refiltrant le passé
à travers l'ensemble des énoncés ou des théories
actuellement validés, décelant ainsi dans ce qui était
« faux » le vrai à venir et dans ce qui était
vrai l'erreur ultérieurement manifeste. C'est là l'un
des points fondamentaux de la méthode de G. Canguilhem.
L'histoire des sciences ne peut se constituer dans ce qu'elle a
de spécifique qu'en prenant en compte, entre le pur historien
et le savant lui-même, le point de vue de l'épistémologue.
Ce point de vue, c'est celui qui fait apparaître à
travers les divers épisodes d'un savoir scientifique «
un cheminement ordonné latent » : ce qui veut dire
que les processus d'élimination et de sélection des
énoncés, des théories, des objets se font à
chaque instant en fonction d'une certaine norme ; et celle-ci ne
peut pas être identifiée à une structure théorique
ou à un paradigme actuel, car la vérité scientifique
d'aujourd'hui n'en est elle-même qu'un épisode ; disons
tout au plus : le terme provisoire. Ce n'est pas en prenant appui
sur une « science normale » qu'on peut retourner vers
le passé et en tracer valablement l'histoire ; c'est en retrouvant
le processus « normé », dont le savoir actuel
n'est qu'un moment sans qu'on puisse, sauf prophétisme, prédire
l'avenir. L'histoire des sciences, dit Canguilhem qui cite Suzanne
Bachelard, ne saurait construire son objet ailleurs que dans «
un espace-temps idéal » *. Et cet espace-temps, il
ne lui est donné ni par le temps « réaliste
» accumulé par l'érudition historienne ni par
l'espace d'idéalité qui découpe autoritairement
la science d'aujourd'hui, mais par le point de vue de l'épistémologie.
Celle-ci n'est pas la théorie générale de toute
science et de tout énoncé scientifique possible ;
elle est la recherche de la normativité interne aux différentes
activités scientifiques, telles qu'elles ont été
effectivement mises en oeuvre.
1. Idéologie et Rationalité dans l'histoire des sciences
de la vie, op. cit., p. 14.
* Bachelard (S.), « Épistémologie et Histoire
des sciences » (XIIe Congrès international d'histoire
des sciences, Paris, 1968), Revue de synthèse, IIIe série,
nos 49-52, janvier-décembre 1968, p. 51.
Il s'agit donc d'une réflexion théorique indispensable
qui permet à l'histoire des sciences de se constituer sur
un autre mode que l'histoire en général ; et, inversement,
l'histoire des sciences ouvre le domaine d'analyse indispensable
pour que l'épistémologie soit autre chose que la simple
reproduction des schémas internes d'une science à
un moment donné 1. Dans la méthode mise en oeuvre
par Georges Canguilhem, l'élaboration des analyses «
discontinuistes » et l'élucidation du rapport historique
entre les sciences et l'épistémologie vont de pair.
3) Or, en replaçant dans cette perspective historico-épistémologique
les sciences de la vie, Georges Canguilhem fait apparaître
un certain nombre de traits essentiels qui en singularisent le développement
par rapport à celui des autres sciences et qui posent à
leurs historiens des problèmes spécifiques. On avait
pu croire, en effet, qu'à la fin du XVIIIe siècle,
entre une physiologie étudiant les phénomènes
de la vie et une pathologie vouée à l'analyse des
maladies, on pourrait trouver l'élément commun qui
permettrait de penser comme une unité les processus normaux
et ceux qui marquent les modifications morbides. De Bichat à
Claude Bernard, de l'analyse des fièvres à la pathologie
du foie et de ses fonctions, un immense domaine s'était ouvert
qui semblait promettre l'unité d'une physiopathologie et
un accès à la compréhension des phénomènes
morbides à partir de l'analyse des processus normaux. De
l'organisme sain on attendait qu'il donne le cadre général
où les phénomènes pathologiques s'enracinaient
et prenaient, pour un temps, leur forme propre. Cette pathologie
sur fond de normalité a, semble-t-il, caractérisé
pendant longtemps toute la pensée médicale.
Mais il y a dans la connaissance de la vie des phénomènes
qui la tiennent à distance de toute la connaissance qui peut
se référer aux domaines physico-chimiques ; c'est
qu'elle n'a pu trouver le principe de son développement que
dans l'interrogation sur les phénomènes pathologiques.
Il a été impossible de constituer une science du vivant
sans que soit prise en compte, comme essentielle à son objet,
la possibilité de la maladie, de la mort, de la monstruosité,
de l'anomalie et de l'erreur. On peut bien connaître, avec
de plus en plus de finesse, les mécanismes physico-chimiques
qui les assurent ; ils n'en trouvent pas moins leur place dans une
spécificité que les sciences de la vie ont à
prendre en compte, sauf à effacer elles-mêmes ce qui
constitue justement leur objet et leur domaine propre.
1. Sur le rapport encre épistémologie et histoire,
voir en particulier l'Introduction à Idéologie et
Rationalité..., op. cit. pp. 11-29.
De là, dans les sciences de la vie, un fait paradoxal. C'est
que si le procès de leur constitution s'est bien fait par
la mise en lumière des mécanismes physiques et chimiques,
par la constitution de domaines comme la chimie des cellules et
des molécules, par l'utilisation de modèles mathématiques,
etc., en revanche, il n'a pu se dérouler que dans la mesure
où était sans cesse relancé comme un défi
le problème de la spécificité de la maladie
et du seuil qu'elle marque parmi tous les êtres naturels 1.
Cela ne veut pas dire que le vitalisme soit vrai, lui qui a fait
circuler tant d'images et perpétué tant de mythes.
Cela ne veut pas dire non plus qu'il doit constituer l'invincible
philosophie des biologistes, lui qui s'est si souvent enraciné
dans les philosophies les moins rigoureuses. Mais cela veut dire
qu'il a eu et qu'il a encore sans doute dans l'histoire de la biologie
un rôle essentiel comme « indicateur ». Et cela
de deux façons : indicateur théorique de problèmes
à résoudre (à savoir de façon générale,
ce qui constitue l'originalité de la vie sans qu'elle constitue
en aucune manière un empire indépendant dans la nature)
; indicateur critique des, réductions à éviter
(à savoir toutes celles qui tendent à faire méconnaître
que les sciences de la vie ne peuvent se passer d'une certaine position
de valeur qui marque la conservation, la régulation, l'adaptation,
la reproduction, etc.) ; « une exigence plutôt qu'une
méthode, une morale plus qu'une théorie » 2.
4) Les sciences de la vie appellent une certaine manière
de faire leur histoire. Elles posent aussi, d'une façon singulière,
la question philosophique de la connaissance.
La vie et la mort ne sont jamais en elles-mêmes des problèmes
de physique, quand bien même le physicien, dans son travail,
risque sa propre vie, ou celle des autres ; il s'agit pour lui d'une
question de morale, ou de politique, non d'une question scientifique.
Comme le dit A. Lwoff, létale ou non, une mutation génétique
n'est pour le physicien ni plus ni moins que la substitution d'une
base nucléique à une autre. Mais, dans cette différence,
le biologiste, lui, reconnaît la marque de son propre objet.
Et d'un type d'objet auquel il appartient lui-même, puisqu'il
vit et que cette nature du vivant, il la manifeste, il l'exerce,
il la développe dans une activité de connaissance
qu'il faut comprendre comme « méthode générale
pour la résolution directe ou indirecte des tensions entre
l'homme et le milieu ». Le biologiste a à saisir ce
qui fait de la vie un objet spécifique de connaissance et
par là même ce qui fait qu'il y a, au sein des vivants,
et parce qu'ils sont vivants, des êtres susceptibles de connaître,
et de connaître en fin de compte la vie elle-même.
La phénoménologie a demandé au « vécu
» le sens originaire de tout acte de connaissance. Mais ne
peut-on pas ou ne faut-il pas le chercher du côté du
« vivant » lui-même ?
1. Études d'histoire et de philosophie des sciences, op.
cit. , p. 239.
2. La Connaissance de la vie, 1952, 2e éd., Paris, Vrin,
1965, p, 88.
G. Canguilhem veut retrouver, par l'élucidation du savoir
sur la vie et des concepts qui articulent ce savoir, ce qu'il en
est du concept dans la vie. C'est-à-dire du concept en tant
qu'il est l'un des modes de cette information que tout vivant prélève
sur son milieu et par laquelle inversement il structure son milieu.
Que l'homme vive dans un milieu conceptuellement architecturé
ne prouve pas qu'il s'est détourné de la vie par quelque
oubli ou qu'un drame historique l'en a séparé ; mais
seulement qu'il vit d'une certaine manière, qu'il a, avec
son milieu, un rapport tel qu'il n'a pas sur lui un point de vue
fixe, qu'il est mobile sur un territoire indéfini ou assez
largement défini, qu'il a à se déplacer pour
recueillir des informations, qu'il a à mouvoir les choses
les unes par rapport aux autres pour les rendre utiles. Former des
concepts, c'est une manière de vivre et non de tuer la vie
; c'est une façon de vivre dans une relative mobilité
et non pas une tentative pour immobiliser la vie ; c'est manifester,
parmi ces milliards de vivants qui informent leur milieu et s'informent
à partir de lui, une innovation qu'on jugera comme on voudra,
infime ou considérable : un type bien particulier d'information.
De là, l'importance que G. Canguilhem accorde à la
rencontre, dans les sciences de la vie, de la vieille question du
normal et du pathologique avec l'ensemble des notions que la biologie,
au cours des dernières décennies, a empruntées
à la théorie de l'information : codes, messages, messagers,
etc. De ce point de vue, Le Normal et le Pathologique, écrit
pour une part en 1943 et pour une autre dans la période 1963-1966,
constitue sans aucun doute l'oeuvre la plus significative de G.
Canguilhem. On y voit comment le problème de la spécificité
de la vie s'est trouvé récemment infléchi dans
une direction où on rencontre quelques-uns des problèmes
qu'on croyait appartenir en propre aux formes les plus développées
de l'évolution.
Au centre de ces problèmes, il y a celui de l'erreur. Car,
au niveau le plus fondamental de la vie, les jeux du code et du
décodage laissent place à un aléa qui, avant
d'être maladie, déficit ou monstruosité, est
quelque chose comme une perturbation dans le système informatif,
quelque chose comme une « méprise ». À
la limite, la vie -de là son caractère radical -c'est
ce qui est capable d'erreur. Et c'est peut-être à cette
donnée ou plutôt à cette éventualité
fondamentale qu'il faut demander compte du fait que la question
de l'anomalie traverse de part en part toute la biologie. À
elle aussi qu'il faut demander compte des mutations et des processus
évolutifs qu'elles induisent. Elle également qu'il
faut interroger sur cette erreur singulière, mais héréditaire,
qui fait que la vie a abouti avec l'homme à un vivant qui
ne se trouve jamais tout à fait à sa place, à
un vivant qui est voué à « errer » et
à « se tromper ». Et si on admet que le concept,
c'est la réponse que la vie elle même a donnée
à cet aléa, il faut convenir que l'erreur est la racine
de ce qui fait la pensée humaine et son histoire. L'opposition
du vrai et du faux, les valeurs qu'on prête à l'un
et à l'autre, les effets de pouvoir que les différentes
sociétés et les différentes institutions lient
à ce partage, tout cela n'est peut-être que la réponse
la plus tardive à cette possibilité d'erreur intrinsèque
à la vie. Si l'histoire des sciences est discontinue, c'est-à-dire
si on ne peut l'analyser que comme une série de « corrections
», comme une distribution nouvelle qui ne libère jamais
enfin et pour toujours le moment terminal de la vérité,
c'est que là encore l'« erreur » constitue non
pas l'oubli ou le retard de l'accomplissement promis, mais la dimension
propre à la vie des hommes et indispensable au temps de l'espèce.
Nietzsche disait de la vérité que c'était
le plus profond mensonge. Canguilhem dirait peut-être, lui
qui est loin et proche à la fois de Nietzsche, qu'elle est,
sur l'énorme calendrier de la vie, la plus récente
erreur ; ou, plus exactement, il dirait que le partage vrai-faux
ainsi que la valeur accordée à la vérité
constituent la plus singulière manière de vivre qu'ait
pu inventer une vie qui, du fond de son origine, portait en soi
l'éventualité de l'erreur. L'erreur est pour Canguilhem
l'aléa permanent autour duquel s'enroule l'histoire de la
vie et le devenir des hommes. C'est cette notion d'erreur qui lui
permet de lier ce qu'il sait de la biologie et la manière
dont il en fait l'histoire, sans qu'il ait jamais voulu, comme on
le faisait au temps de l'évolutionnisme, déduire celle-ci
de celle-là. C'est elle qui lui permet de marquer le rapport
entre vie et connaissance de la vie et d'y suivre, comme un fil
rouge, la présence de la valeur et de la norme.
Cet historien des rationalités, lui-même si «
rationaliste », est un philosophe de l'erreur ; je veux dire
que c'est à partir de l'erreur qu'il pose les problèmes
philosophiques, disons plus exactement le problème de la
vérité et de la vie. On touche là sans doute
à l'un des événements fondamentaux dans l'histoire
de la philosophie moderne : si la grande rupture cartésienne
a posé la question des rapports entre vérité
et sujet, le XVIIIe siècle a introduit, quant aux rapports
de la vérité et de la vie, une série de questions
dont la Critique du jugement * et la Phénoménologie
de l'esprit ** ont été les premières grandes
formulations.
* Kant (1.), Kritik der Urteitskraft, 1790, Gesammelte Schriften,
t. V, Berlin, Königlich Preussichen Akademie der Wissenschaften,
1902, pp. 165-486 (Critique de la faculté de juger, trad.
Alexis Philonenko, Paris, Vrin, 1965).
** Hegel (G. W. F.), Phänomenologie des Geistes, Wurtzbourg,
Anton Goebhardr, 1807 (La Phénoménologie de l'esprit,
trad. Jean Hyppolite, Paris, Aubier-Montaigne, coll. « Philosophie
de l'esprit », t. I, 1939, t. II, 1941).
Et, depuis ce moment, ce fut l'un des enjeux de la discussion philosophique
: est-ce que la connaissance de la vie doit être considérée
comme rien de plus que l'une des régions qui relèvent
de la question générale de la vérité,
du sujet et de la connaissance ? Ou est-ce qu'elle oblige à
poser autrement cette question ? Est-ce que toute la théorie
du sujet, ne doit pas être reformulée, dès lors
que la connaissance, plutôt que de s'ouvrir à la vérité
du monde, s'enracine dans les « erreurs » de la vie
?
On comprend pourquoi la pensée de G. Canguilhem, son travail
d'historien et de philosophe, a pu avoir une importance si décisive
en France pour tous ceux qui, à partir de points de vue si
différents, ont essayé de repenser la question du
sujet. La phénoménologie pouvait bien introduire,
dans le champ de l'analyse, le corps, la sexualité, la mort,
le monde perçu ; le Cogito y demeurait central ; ni la rationalité
de la science, ni la spécificité des sciences de la
vie ne pouvaient en compromettre le rôle fondateur. C'est
à cette philosophie du sens, du sujet et du vécu que
G. Canguilhem a opposé une philosophie de l'erreur, du concept
du vivant, comme une autre manière d'approcher la notion
de vie.
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