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«Le philosophe masqué» (entretien avec C. Delacampagne,
février 1980), Le Monde, no 10945, 6 avril 1980, Le Monde-Dimanche,
pp. I et XVII.
Dits Ecrits tome IV texte n°285
C'est en janvier 1980 que Christian Delacampagne décida
de demander à M. Foucault un grand entretien pour Le Monde,
dont le supplément dominical était alors largement
consacré à des débats d'idées. M. Foucault
accepta immédiatement, mais posa une condition de principe
: cet entretien devrait rester anonyme, son nom à lui n'apparaîtrait
pas et touS les indices qui permettraient de le deviner seraient
effacés. M. Foucault justifia ainsi sa position : la scène
intellectuelle étant la proie des médias, les stars
prenant le pas sut les idées et la pensée comme telle
n'étant plus reconnue, ce qui est dit compte moins que la
personnalité de celui qui parle. Et même ce type de
critique envers la médiatisation risque d'être dévalué
- voire d'alimenter ce qu'il cherche à dénoncer -
s'il est proféré par quelqu'un qui, sans le vouloir,
occupe déjà une place dans le système médiatique
-le cas de M. Foucault. Il faut donc, pour rompre avec ces effets
pervers et pour tenter de faire entendre une parole qui ne puisse
être rabattue sur le nom dont elle procède, se résoudre
à entrer dans l'anonymat. L'idée plut à C.
Delacampagne. Il fut convenu que l'entretien se ferait avec un «philosophe
masqué» privé d'identité précise.
Il restait à convaincre Le Monde – qui voulait un entretien
avec M. Foucault – d'accepter un texte de «personne».
Ce fut difficile, mais M. Foucault se montra inflexible.
Le secret fut bien gardé jusqu'à la mort de M. Foucault.
Très rares furent, semble-t-il, ceux qui réussirent
à le percer. Par la suite, Le Monde et La découverte
entreprirent de republier en un volume cet entretien et d'autres
qui appartenaient à la même série. Comme il
arrive en pareil cas, Le Monde décida alors, unilatéralement,
de révéler le véritable nom du «philosophe
masqué». Le texte de cet entretien revient intégralement
à Michel Foucault, qui élabora aussi les questions
avec C. Delacampagne et qui réécrivit avec un soin
extrême chacune de ses réponses,
- Permettez-moi de vous demander d'abord pourquoi vous avez choisi
l'anonymat ?
- Vous connaissez l'histoire de ces psychologues qui étaient
venus présenter un petit film test dans un village du fin
fond de l'Afrique. Ils demandent ensuite aux spectateurs de raconter
l'histoire comme ils l'avaient comprise. Eh bien, dans cette anecdote
avec trois personnages, une seule chose les avait intéressés
: le passage des ombres et des lumières à travers
les arbres.
Chez nous, les personnages font la loi à la perception.
Les yeux se portent avec prédilection sur les figures qui
vont et viennent, surgissent et disparaissent.
Pourquoi vous ai-je suggéré que nous utilisions l'anonymat
? Par nostalgie du temps où, étant tout à fait
inconnu, ce que je disais avait quelques chances d'être entendu.
Avec le lecteur éventuel, la surface de contact était
sans ride. Les effets du livre rejaillissaient en des lieux imprévus
et dessinaient des formes auxquelles je n'avais pas pensé.
Le nom est une facilité.
Je proposerai un jeu : celui de l'«année sans nom».
Pendant un an, on éditerait des livres sans nom d'auteur.
Les critiques devraient se débrouiller avec une production
entièrement anonyme. Mais, j'y songe, peut-être n'auraient-ils
rien à dire : tous les auteurs attendraient l'année
suivante pour publier leurs livres...
- Pensez-vous que les intellectuels, aujourd'hui, parlent trop
? Qu'ils nous encombrent de leurs discours à tout propos
et plus souvent hors de propos ?
- Le mot d'intellectuel me paraît étrange. D'intellectuels,
je n'en ai jamais rencontré. J'ai rencontré des gens
qui écrivent des romans, et d'autres qui soignent des malades.
Des gens qui font des études économiques et d'autres
qui composent de la musique électronique. J'ai rencontré
des gens qui enseignent, des gens qui peignent et des gens dont
je n'ai pas bien compris s'ils faisaient quoi que ce soit. Mais
d'intellectuels, jamais.
En revanche, j'ai rencontré beaucoup de gens qui parlent
de l'intelleCtUel. Et, à force de les écouter, je
me suis fait une idée de ce que pouvait être cet animal.
Ce n'est pas difficile, c'est celui qui est coupable. Coupable d'un
peu tout : de parler, de se taire, de ne rien faire, de se mêler
de tout... Bref, l'intellectuel, c'est la matière première
à verdict, à sentence, à condamnation, à
exclusion...
Je ne trouve pas que les intellectuels parlent trop, puisqu'ils
n'existent pas pour moi. Mais je trouve qu'est bien envahissant
le discours sur les intellectuels, et pas très rassurant.
J'ai une fâcheuse manie. Quand les gens parlent, comme ça,
en l'air, j'essaie d'imaginer ce que ça donnerait transcrit
dans la réalité. Quand ils «critiquent»
quelqu'un, quand ils «dénoncent» ses idées,
quand ils «condamnent» ce qu'il écrit, je les
imagine dans la sitUation idéale où ils auraient tout
pouvoir sur lui. Je laisse retourner jusqu'à leur sens premier
les mots qu'ils emploient : «Démolir», «abattre»,
«réduire au silence», «enterrer».
Et je vois s'entrouvrir la radieuse cité où l'intellectuel
serait en prison et pendu, bien sûr, s'il était, en
outre, théoricien. C'est vrai, nous ne sommes pas dans un
régime où on envoie les intellectuels à la
rizière ; mais, au fait, dites-moi, vous avez entendu parler
d'un certain Toni Negri ? Est-ce que, lui, il n'est pas en prison
en tant qu'intellectuel * ?
* Philosophe italien, professeur à l'université de
Padoue, maître à penser du mouvement d'extrême
gauche Autonomie ouvrière. À fait quatre ans et trois
mois de détention préventive pour insurrection armée
contre l'État, association subversive et constitution de
bandes armées. À été libéré
le 8 juillet 1983, après avoir été élu
député radical pendant son incarcération. Son
immunité parlementaire ayant été levée
par la Chambre des députés, de nouveaux mandats d'arrêt
ont été lancés contre lui et il s'est réfugié
en France.
- Alors, qu'est-ce qui vous a conduit à vous retrancher
derrière 'anonymat ? Un certain usage publicitaire que des
philosophes, aujourd'hui, font ou laissent faire de leur nom ?
- Cela ne me choque pas du tout. J'ai vu dans les couloirs de mon
lycée des grands hommes en plâtre. Et maintenant je
vois au bas de la première page des journaux la photographie
du penseur. Je ne sais si l'esthétique s'est améliorée.
La rationalité économique, elle, sûrement...
Au fond me touche beaucoup une lettre que Kant avait écrite
quand il était déjà fort vieux : il se dépêchait,
raconte-t-il, contre l'âge et la vue qui baisse, et les idées
qui se brouillent, de terminer l'un de ses livres pour la foire
de Leipzig. Je raconte ça pour montrer que ça n'a
aucune importance. Publicité ou pas, foire ou pas, le livre
est autre chose. On ne me fera jamais croire qu'un livre est mauvais
parce qu'on a vu son auteur à la télévision.
Mais jamais non plus qu'il est bon pour cette seule raison.
Si j'ai choisi l'anonymat, ce n'est donc pas pour critiquer tel
ou tel, ce que je ne fais jamais. C'est une manière de m'adresser
plus directement à l'éventuel lecteur, le seul personnage
ici qui m'intéresse : «Puisque tu ne sais pas qui je
suis, tu n'auras pas la tentation de chercher les raisons pour lesquelles
je dis ce que tu lis ; laisse-toi aller à te dire tout simplement
: c'est vrai, c'est faux. Ça me plaît, ça ne
me plaît pas. Un point, c'est tout.»
– Mais le public n'attend-il pas de la critique qu'elle lui
fournisse des appréciations précises sur la valeur
d'une oeuvre ?
- Je ne sais pas si le public attend ou non que le critique juge
les oeuvres ou les auteurs. Les juges étaient-là,
je crois, avant qu'il ait pu dire ce dont il avait envie.
Il paraît que Courbet avait un ami qui se réveillait
la nuit en hurlant : «Juger, je veux juger.» C'est fou
ce que les gens aiment juger. Ça juge partout, tout le temps.
Sans doute est-ce l'une des choses les plus simples qui soient données
à l'humanité de faire. Et vous savez bien que le dernier
homme, lorsque, enfin, l'ultime radiation aura réduit en
cendres son dernier adversaire, prendra une table bancale, s'installera
derrière et commencera le procès du responsable.
Je ne peux m'empêcher de penser à une critique qui
ne chercherait pas à juger, mais à faire exister une
oeuvre, un livre, une phrase, une idée ; elle allumerait
des feux, regarderait l'herbe pousser, écouterait le vent
et saisirait l'écume au vol pour l'éparpiller. Elle
multiplierait non les jugements, mais les signes d'existence ; elle
les appellerait, les tirerait de leur sommeil. Elle les inventerait
parfois ? Tant mieux, tant mieux. La critique par sentence m'endort
; j'aimerais une critique par scintillements imaginatifs. Elle ne
serait pas souveraine ni vêtue de rouge. Elle porterait l'éclair
des orages possibles.
- Alors, il y a tant de choses à faire connaître,
tant de travaux intéressants que les médias devraient
parler tout le temps de philosophie...
- Il est certain qu'il y a un malaise traditionnel entre la «critique»
et ceux qui écrivent des livres. Les uns se sentent mal compris
et les autres croient qu'on veut les tenir à la botte. Mais
cela, c'est le jeu.
Il me semble qu'aujourd'hui la situation est assez particulière.
Nous avons des institutions de pénurie, alors que nous sommes
dans une situation de surabondance.
Tout le monde a remarqué l'exaltation qui accompagne souvent
la publication (ou la réédition) d'ouvrages d'ailleurs
parfois intéressants. Ils ne sont jamais moins que la «subversion
de tous les codes», le «contre-pied de la culture contemporaine»,
la «mise en question radicale de toutes nos manières
de penser». Son auteur doit être un marginal méconnu.
Et, en contrepartie, il faut bien sûr que les autres soient
renvoyés à la nuit dont ils n'auraient jamais dû
sortir ; ils n'étaient que l'écume d' «une mode
dérisoire», un simple produit de l'institution, etc.
Phénomène parisien, dit-on, et superficiel. J'y perçois
plutôt les effets d'une inquiétude profonde. Le sentiment
du «pas de place», «lui ou moi», «chacun
son tour». On est en file indienne à cause de l'extrême
exiguïté des lieux où on peut écouter
et se faire entendre.
De là une sorte d'angoisse qui fuse dans mille symptômes,
plaisants ou moins drôles. De là, chez ceux qui écrivent,
le sentiment de leur impuissance devant les médias, auxquels
ils reprochent de régir le monde des livres et de faire exister
ou disparaître ceux qui leur plaisent ou leur déplaisent.
De là, aussi, le sentiment chez les critiques qu'ils ne se
feront pas entendre, à moins de hausser le ton et de sortir
de leur chapeau, chaque semaine, un lapin. De là encore une
pseudopolitisation, qui masque, sous la nécessité
de mener le «combat idéologique» ou de débusquer
les «pensées dangereuses», la profonde anxiété
de n'être ni lu ni entendu. De là encore la phobie
fantastique du pouvoir : toute personne qui écrit exerce
un inquiétant pouvoir auquel il faut tâcher de poser
sinon un terme, du moins des limites. De là également
l'affirmation un peu incantatoire que tout, actuellement, est vide,
désolé, sans intérêt ni importance :
affirmation qui vient évidemment de ceux qui, ne faisant
rien eux-mêmes, trouvent que les autres sont de trop.
- Ne croyez-vous pas, pourtant, que notre époque manque
réellement d'esprits qui soient à la mesure de ses
problèmes, et de grands écrivains ?
- Non, je ne crois pas à la ritournelle de la décadence,
de l'absence d'écrivains, de la stérilité de
la pensée, de l'horizon bouché et morne.
Je crois au contraire qu'il y a pléthore. Et que nous ne
souffrons pas du vide, mais du trop peu de moyens pour penser tout
ce qui se passe. Alors qu'il y a une abondance de choses à
savoir : essentielles ou terribles, ou merveilleuses, ou drôles,
ou minuscules et capitales à la fois. Et puis il y a une
immense curiosité, un besoin, ou un désir de savoir.
On se plaint toujours que les médias bourrent la tête
des gens. Il y a de la misanthropie dans cette idée. Je crois
au contraire que les gens réagissent ; plus on veut les convaincre,
plus ils s'interrogent. L'esprit n'est pas une cire molle. C'est
une substance réactive. Et le désir de savoir plus,
et mieux, et autre chose croît à mesure qu'on veut
bourrer les crânes.
Si vous admettez cela, et si vous ajoutez qu'il se forme à
l'université et ailleurs une foule de gens qui peuvent servir
d'échangeurs entre cette masse de choses et cette avidité
à savoir, vous en déduirez vite que le chômage
des étudiants est la chose la plus absurde qui soit. Le problème
est de multiplier les canaux, les passerelles, les moyens d'information,
les réseaux de télévision et de radio, les
journaux.
La curiosité est un vice qui a été stigmatisé
tour à tour par le christianisme, par la philosophie et même
par une certaine conception de la science. Curiosité, futilité.
Le mot, pourtant, me plaît ; il me suggère tout autre
chose : il évoque le «souci» ; il évoque
le soin qu'on prend de ce qui existe et pourrait exister ; un sens
aiguisé du réel mais qui ne s'immobilise jamais devant
lui ; une promptitude à trouver étrange et singulier
ce qui nous entoure ; un certain acharnement à nous défaire
de nos familiarités et à regarder autrement les mêmes
choses ; une ardeur à saisir ce qui se passe et ce qui passe
; une désinvolture à l'égard des hiérarchies
traditionnelles entre l'important et l'essentiel.
Je rêve d'un âge nouveau de la curiosité. On
en a les moyens techniques ; le désir est là ; les
choses à savoir sont infinies ; les gens qui peuvent s'employer
à ce travail existent. De quoi souffre-t-on ? Du trop peu
: de canaux étroits, étriqués, quasi monopolistiques,
insuffisants. Il n'y a pas à adopter une attitude protectionniste,
pour empêcher la «mauvaise» information d'envahir
et d'étouffer la «bonne». Il faut plutôt
multiplier les chemins et les possibilités d'allées
et venues. Pas de colbertisme en ce domaine ! Ce qui ne veut pas
dire, comme on le craint souvent, uniformisation et nivellement
par le bas. Mais au contraire différenciation et simultanéité
des réseaux différents.
- J'imagine qu'à ce niveau les médias et l'Université,
au lieu de continuer à s'opposer, pourraient se mettre à
jouer des rôles complémentaires.
- Vous vous souvenez du mot admirable de Sylvain Lévi :
l'enseignement, c'est lorsqu'on a un auditeur ; dès qu'on
en a deux, c'est de la vulgarisation. Les livres, l'Université,
les revues savantes, ce sont aussi des médias. Il faudrait
se garder d'appeler média tout canal d'information auquel
on ne peut ou ne veut avoir accès. Le problème, c'est
de savoir comment faire jouer les différences ; c'est de
savoir s'il faut instaurer une zone réservée, un «parc
culturel» pour les espèces fragiles des savants menacés
par les grands rapaces de l'information, tandis que tout le reste
de l'espace serait un vaste marché pour les produits de pacotille.
Un tel partage ne me paraît pas correspondre à la réalité.
Pis : n'être pas du tout souhaitable. Pour que jouent les
différenciations utiles, il ne faut pas qu'il y ait de partage.
- Risquons-nous à faire quelques propositions concrètes.
Si tout va mal, par où commencer ?
- Mais non, tout ne va pas mal. En tout cas, je crois qu'il ne
faut pas confondre la critique utile contre les choses avec les
jérémiades répétitives contre les gens.
Quant aux propositions concrètes, elles ne peuvent apparaître
que comme des gadgets, si ne sont pas admis d'abord quelques principes
généraux. Et avant tout celui-ci : que le droit au
savoir ne doit pas être réservé à un
âge de la vie et à certaines catégories d'individus
; mais qu'on doit pouvoir l'exercer sans arrêt et sous des
formes multiples.
- Est-ce qu'elle n'est pas ambiguë, cette envie de savoir
? Au fond, qu'est-ce que les gens vont faire de tout ce savoir qu'ils
vont acquérir ? À quoi cela pourra-t-il leur servir
?
- L'une des fonctions principales de l'enseignement était
que la formation de l'individu s'accompagne de la détermination
de sa place dans la société. Il faudrait le concevoir
aujourd'hui de telle façon qu'il permette à l'individu
de se modifier à son gré, ce qui n'est possible qu'à
la condition que l'enseignement soit une possibilité offerte
«en permanence».
- En somme vous êtes pour une société savante
?
- Je dis que le branchement des gens sur la culture doit être
incessant et aussi polymorphe que possible. Il ne devrait pas y
avoir, d'une part, cette formation qu'on subit et, de l'autre, cette
information à laquelle on est soumis.
- Que devient dans cette société savante la philosophie
éternelle ?.. A-t-on encore besoin d'elle, de ses questions
sans réponse et de ses silences devant l'inconnaissable ?
- La philosophie, qu'est-ce que c'est sinon une façon de
réfléchir, non pas tellement sur ce qui est vrai et
sur ce qui est faux, mais sur notre rapport à la vérité
? On se plaint parfois qu'il n'y ait pas de philosophie dominante
en France. Tant mieux. Pas de philosophie souveraine, c'est vrai,
mais une philosophie ou plutôt de la philosophie en activité.
C'est de la philosophie que le mouvement par lequel, non sans efforts
et tâtonnements et rêves et illusions, on se détache
de ce qui est acquis pour vrai et qu'on cherche d'autres règles
de jeu. C'est de la philosophie que le déplacement et la
transformation des cadres de pensée, la modification des
valeurs reçues et tout le travail qui se fait pour penser
autrement, pour faire autre chose, pour devenir autre que ce qu'on
est. De ce point de vue, c'est une période d'activité
philosophique intense que celle des trente dernières années.
L'interférence entre l'analyse, la recherche, la critique
«savante» ou «théorique» et les changements
dans le comportement, la conduite réelle des gens, leur manière
d'être, leur rapport à eux-mêmes et aux autres
a été constante et considérable.
Je disais à l'instant que la philosophie était une
manière de réfléchir sur notre relation à
la vérité. Il faut compléter ; elle est une
manière de se demander : si tel est le rapport que nous avons
à la vérité, comment devons-nous nous conduire
? Je crois qu'il s'est fait et qu'il se fait toujours actuellement
un travail considérable et multiple, qui modifie à
la fois notre lien à la vérité et notre manière
de nous conduire. Et cela dans une conjonction complexe entre toute
une série de recherches et tout un ensemble de mouvements
sociaux. C'est la vie même de la philosophie.
On comprend que certains pleurent sur le vide actuel et souhaitent,
dans l'ordre des idées, un peu de monarchie. Mais ceux qui,
une fois dans leur vie, ont trouvé un ton nouveau, une nouvelle
manière de regarder, une autre façon de faire, ceux-là,
je crois, n'éprouveront jamais le besoin de se lamenter que
le monde est erreur, l'histoire, encombrée d'inexistences,
et il est temps que les autres se taisent pour qu'enfin on n'entende
plus le grelot de leur réprobation...
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