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EPO et OPE, même combat
MICHEL CAILLAT
Charlie Hebdo - 13 juillet 1999

Origine : http://perso.wanadoo.fr/elf-resistance/presse/charliehebdo990713-2.htm

L 'INFORMATION est ainsi faite qu'on parle davantage aujourd'hui de l'EPO (l'érythropoïétine) dans le Tour de France que de l'OPE «offre publique d'échange» de Total-Fina sur Elf. Pour une bonne raison : le sport est simple et fait réver, l'économie est compliquée et ennuyeuse. Laissez-nous faire, laissez-nous passer, hurlent experts et financiers pendant que les dirigeants de tout poil jettent sur le marché les mille et un produits destinés à fournir au bon peuple un exutoire aux frustations et aux angoisses. Comme le clamait déjà Paul Ramadier, président du Conseil en 1947 : «Faites des restrictions d'essence sur tout ce que vous voudrez sauf sur le Tour de France. C'est le moyen d'être tranquille une fois dans l'année ». Eh oui, à quoi bon comprendre le monde dans lequel on vit si c'est pour se rendre compte, inertes, qu'il court à sa perte? Le philosophe avait bien vu : qui accroît sa science acccoît sa douleur. Au risque de souffrir davantage, soyons pédagogiques.

Qu'est-ce que l'EPO? Une hormone qui permet d'augmenter la production (de globules rouges), de faire des économies (de fatigue), d'accélérer les cadences et d'adapter la composition du sang aux besoins de l'organisme. Rien de plus clair.

Qu'est-ce que l'OPE? Une opération qui permet d'augmenter Ia production (de biens et de services), de faire des économies (d'échelle), d'accroître le rendement et d'adapter l'appareil de production aux « réalités d'une économie mondialisée ». Rien de plus net.

Dans un cas comme dans l'autre, un contrôle tente d'assurer l'éga!ité des participants (coureurs ou actionnaires), le tout devant se dérouler dans une atmosphère au mieux amicale, au pire non hostile. Question d'éthique! Enfin presque. Car les seuls oubliés dans l'histoire, ce sont les salariés. Sportifs d'un coté, employés de l'industrie de l'autre, avancent en terrain miné. EPO ou OPE, c'est la chronique d'une mort annoncée. Disparition physique à moyen terme pour les premiers, disparition sociale à court terme pour les seconds.

L'EPO et l'OPE donnent en vérité une belle image du capitalisme dit « moderne». Compétition, concurrence généralisée, record, productivité, efficacité, rentabilité, bref le coureur-machine, comme l'ouvrier licencié, n'est rien. L'argent et le pouvoir sont tout. Le sport n'échappe pas à la loi dominante, la loi du profit. Le point de départ est là. L'ignorance, c'est alimenter les discours mystificateurs et préférer les fausses euphories aux vraies libérations.

MICHEL CAILLAT