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Telefonica Dakar dimanche 28 décembre 2003
Dire non à l’obscène rallye "Telefonica Dakar" Le capitalisme en actes sur un continent affamé
par Michel Caillat [1]


Origine : http://www.millebabords.org/article.php3?id_article=595

ou    http://hns-info.net/article.php3?id_article=3596


Vingt-six ans que ça dure, vingt-six ans qu’à la même période, le silence se fait pesant, la colère diffuse mais toujours assourdie. En cette fin d’année 2003, nous risquons une fois encore de crier. dans le désert. Hurler contre « la horde sauvage » ne changera sans doute rien pour les populations des pays traversés mais se taire serait une faute.

Pour dénoncer l’utilisation, comme terre de compétition sportive, d’un continent meurtri par le SIDA, la disette et le surendettement, il y a chaque année depuis un quart de siècle quelques coups de gueule, mais toutes les voix de la révolte sont vite étouffées ou censurées pour des raisons simples : d’une part, l’unique quotidien sportif et la télévision dite de service public sont les principaux metteurs en scène de la course ; d’autre part, l’indifférence au mal semble malheureusement gagner toujours davantage du terrain.

En 1988 René Dumont déclarait : "Ce rallye est indécent. Je compare cela à une bande de fêtards qui organisent un banquet mais pas chez eux, et qui entrent chez un pauvre pour ripailler sans l’inviter à partager (...). La vraie aventure c’est la lutte contre la faim". Le cri du célèbre agronome se perdit dans les sables. Les gouvernements de la vraie droite et de la fausse gauche, et beaucoup de militants pro-sportifs (y compris ceux des droits de l’homme) n’ont jamais jugé bon de dénoncer clairement et sans détour cette escapade de négriers.

On a tout dit et tout entendu sur le (Paris)-Dakar rebaptisé un temps Total-Dakar (au moment de l’Erika et de l’explosion de l’usine AZF !) puis Telefonica Dakar depuis 2003 afin de saluer l’arrivée du sponsor principal, la grande entreprise de téléphonie espagnole à la recherche permanente et boulimique de nouveaux marchés.

Tout dit sur cette course à la rentabilité, marquée par des exploits macabres (combien de morts au total ?), sur cet indécent étalage de luxe au pays de la pauvreté absolue. L’aventure programmée et sponsorisée du Dakar illustre parfaitement l’insolence du "capitalisme en actes".

Tout entendu aussi sur l’alibi humanitaire, comme si le passage d’une caravane bruyante et l’exposition d’un capital rutilant était un moyen sérieux et digne de lutte contre la misère et le sous-développement. L’oubli de la dimension symbolique de l’épreuve ajoute au cynisme de la pseudo-aventure.

Chaque année, les déclarations navrantes des responsables ("Nous ne faisons pas de politique"), les réactions triviales des pilotes (« Nous on est au volant en ne pensant qu’au sport et à la compétition ») et les enthousiasmes déplacés d’un Gérard Holtz tout droit sorti du Téléthon, occultent la réalité des terres que le Dakar va, une fois encore, traverser à pleine vitesse. Après un départ à Clermont Ferrand le 1er janvier 2004, la caravane passera en Espagne, parrainage oblige, puis débarquera au Maroc avant de parcourir les pistes de la Mauritanie, du Mali, du Burkina-Faso et du Sénégal. A 200 km/h, les pilotes auront des choses bien plus dignes et plus importantes à faire (réparer leur moteur, sortir la moto des sables, etc.) que de s’occuper de la situation politique, économique et sociale des « pays conquis ».

L’invraisemblable déploiement de moyens matériels, financiers et humains, bref toute cette énergie gaspillée pour continuer à "faire joujou" alors qu’elle pourrait être mise au service d’une noble cause, ajoute à l’obscénité d’une épreuve dont il faut exiger la suppression. S’il y a encore des forces capables de s’indigner dans la France d’aujourd’hui, si les militants progressistes jugent déshonorant de cautionner en silence ce rodéo publicitaire sur le continent de la pauvreté, qu’ils ne tardent plus à faire signe et à se dresser.


Mouvement Critique du Sport

E-Mail : critique.sport (at) libertysurf.fr

téléphone : 02.38.42.00.08

adresse : 58, rue de la Bretonnerie, 45 000 Orléans.

[1] Michel Caillat est l’auteur de Le Sport (Collection Idées reçues, Editions Cavalier Bleu, 2002), membre du Mouvement Critique du Sport (toute réaction est à envoyer à critique.sport@libertysurf.fr).