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Bentham et le management des fonctionnaires :
utilité, transparence et management de soi
par Malik Bozzo-Rey
lundi 11 juillet 2011

Origine : http://www.raison-publique.fr/article453.html

Introduction

Les discours managériaux évoquent souvent une entreprise qui se doit d’être optimale, dont l’efficacité n’a d’égale que le culte de la performance qu’elle véhicule, développe et tente de mettre en application à chaque instant [1]. Si ces discours entendaient dans un premier temps se limiter aux entreprises privées – érigées en modèles d’efficacité, d’autonomie et de performance – nous pouvons constater qu’ils souhaitent étendre leur dimension normative à l’ensemble des organisations [2], considérant alors que toute organisation non entrepreneuriale symbolise des dysfonctionnements inadmissibles dans nos sociétés modernes. Le Nouveau Management Public, dont la Lolf [3] reprend en France les principaux éléments, prétend donner naissance à une nouvelle organisation dite « post-bureaucratique » et invoque les techniques de management associées à la performance de l’Etat. Il entend donc étendre les normes managériales au-delà de la sphère de l’entreprise et leur permettre de pénétrer ainsi un lieu qui lui semblait à jamais interdit : les organisations publiques. Il semble aisé de relier ce nouveau management public à l’utilitarisme en raison de la convergence des champs lexicaux utilisés : efficacité, maximisation, bonheur et contrôle font office chez l’un de management et chez l’autre de doctrine philosophique. Or un tel rapprochement ne peut manquer de susciter plusieurs types d’interrogation. La première, et peut-être la plus évidente, consisterait à savoir s’il existe réellement une corrélation entre utilitarisme et nouveau management public ou, plus précisément, s’il existe un quelconque fondement utilitariste à un tel discours managérial. La deuxième tenterait de comprendre si l’utilitarisme en tant que tel et spécifiquement est en mesure de proposer une théorie du management public. La dernière, si l’on devait admettre qu’il existe un management public utilitariste, serait de définir quel principe guiderait une telle théorie : reposerait-elle entièrement et uniquement sur le principe d’utilité ?

Le propos de cet article est de tenter de répondre à ces questions dans le cadre de la pensée de Jeremy Bentham – considéré comme le fondateur de l’utilitarisme classique – qui est probablement la première à avoir systématisé, ou tenté de systématiser, l’application du principe d’utilité à l’ensemble des champs de la pensée et de l’action. La démarche philosophique qu’il développe se caractérise ainsi par une volonté et une tentative d’élaborer un utilitarisme qui pourrait s’appliquer au-delà de la sphère éthique ou morale en développant notamment une pensée juridique [4] et politique [5] extrêmement forte. Nous nous intéresserons plus particulièrement à ses écrits constitutionnels dont l’enjeu va alors se situer dans la capacité à organiser et structurer l’Etat.

Afin de bien comprendre la mécanique à l’œuvre dans cet espace en évolution, nous commencerons par cerner précisément ce que Bentham entend par fonctionnaire, de ses caractéristiques à son rôle, pour ensuite saisir sa place dans l’économie générale de sa pensée, notamment à travers la question du lien entre théorie de la motivation, maximisation des aptitudes et minimisation des dépenses. Nous serons alors en mesure de saisir la dynamique de contrôle qui régit, au moins en partie, les techniques managériales préconisées par Bentham et qui n’ont pour autre but que de garantir la transparence de l’appareil étatique et de ses mécanismes, seul moyen de défendre les intérêts de l’ensemble des citoyens. La question sous-jacente à notre réflexion sera celle de la dimension normative qu’il faut accorder à cette exigence de transparence. Nous constaterons en effet non seulement qu’elle s’applique à l’ensemble des éléments qui constituent ce que l’on pourrait appeler le management benthamien des fonctionnaires ; mais aussi qu’elle opère selon des modalités différentes lorsqu’elle s’adresse aux individus, à une classe ou à une organisation. Enfin, nous pourrons identifier sa force normative quand, associée au Tribunal de l’Opinion Publique, elle prend part au fonctionnement même de la démocratie benthamienne.

I. Etre fonctionnaire : entre utilité et sacrifice ?

1. Qu’est-ce qu’un fonctionnaire ?

Le terme même de fonctionnaire obéit aux impératifs de la méthode de classification benthamienne : la méthode dichotomique. Nous devons donc le comprendre comme appartenant au couple fonctionnaire/non-fonctionnaire. Cette distinction recoupe celles de dirigeants/sujets, majorité des gouvernants/minorité des sujets [6] ou encore gouvernants/gouvernés. L’opposition entre fonctionnaires et non-fonctionnaires s’associe donc à différentes divisions que Bentham élabore afin de classifier, de catégoriser la réalité et de découper la société en classes. La manière dont Bentham appréhende la société, et plus particulièrement la société politique, s’appuie toujours sur une division en deux groupes dont les intérêts sont opposés. Le rôle du législateur consistera donc à assurer la jonction de ces intérêts divergents ou en d’autres termes à réaliser de manière effective une harmonie artificielle des intérêts à l’aide des lois, notamment [7]. Ceci suppose que chaque classe, sur le modèle de l’individu, poursuit un intérêt. L’acception du terme « fonctionnaire » est extrêmement large dans les écrits de Bentham : il entend par là toute personne qui possède une responsabilité officielle ou qui doit accomplir un devoir lié à une charge officielle et ce, indépendamment du niveau hiérarchique qu’elle occupe. Ils appartiennent à l’ « Official Establishment » – « le vaste réceptacle fictif qui inclut tous les fonctionnaires » selon les propres mots de Bentham [8]. Le peuple, qui est alors considéré comme l’« autorité constitutive », crée la classe des fonctionnaires à l’aide de deux pouvoirs qui lui sont conférés : le pouvoir de nommer et celui de destituer [9] les fonctionnaires. En tant qu’individu appartenant à une classe spécifique et définie, un fonctionnaire se doit, selon Bentham, de posséder une « aptitude officielle » qui recouvre trois catégories : morale, intellectuelle et active [10].

L’aptitude morale consiste en la capacité à respecter le principe d’utilité ; l’aptitude intellectuelle regroupe savoir et jugement approprié, c’est-à-dire la capacité à maîtriser des compétences précises et enfin, l’aptitude active concerne le zèle et l’assiduité au travail [11]. Tout fonctionnaire, pour Bentham, doit posséder et développer ces trois aptitudes [12]. Il doit donc nécessairement adhérer et appliquer les préceptes du principe d’utilité, posséder les compétences et le savoir requis pour l’accomplissement des tâches qui lui sont confiées et être présent sur son lieu de travail. En d’autres termes, le fonctionnaire benthamien est un technicien, un expert qui ne cherche que l’intérêt du plus grand nombre. Bentham construit donc une figure idéale du fonctionnaire et la question est bel et bien de savoir dans quelle mesure il est possible de lui donner corps, de trouver ou de former de telles personnes et de s’assurer que la qualité de leur travail perdurera.

2. Procédure de sélection des fonctionnaires

L’Etat doit faire face – comme tout manager en charge d’un recrutement – à un problème d’asymétrie d’information : il n’est pas possible de savoir a priori si une personne est réellement compétente, ce n’est que par une mise à l’épreuve de l’effectivité de ses compétences que l’on connaîtra sa valeur a posteriori, ce qui pourra amener le manager à revoir son jugement et revenir sur sa décision initiale. Il s’agit donc de gérer une incertitude qui sera partie intégrante du processus de recrutement et qui n’empêche pas, qui ne doit pas empêcher intrinsèquement la décision d’embauche. C’est légèrement différent dans le cas des fonctionnaires. Il ne faut pas en effet commettre d’erreur lorsque l’on embauche un juge, un douanier ou un Ministre des Finances car les conséquences sur l’ensemble de la société pourraient être désastreuses. La réduction – voire la suppression – de la marge d’erreur, la gestion de l’incertitude deviennent alors les objectifs que va se fixer Bentham. Il s’agit pour lui de résoudre la question de l’asymétrie d’information concernant les aptitudes morale, intellectuelle et active des candidats. Cette résolution engendre l’intervention d’une exigence de transparence : faire apparaître ce qui peut ou pourrait être caché par un individu lors du processus de recrutement ; elle vise à réduire l’incertitude et à rendre disponible l’ensemble des informations nécessaires à la prise de décision. Bentham sait cependant parfaitement qu’une telle exigence ne peut s’appuyer sur une décision de l’individu concerné ; il va donc s’agir de rendre l’individu lui-même transparent, d’où la réduction de ce dernier à trois dimensions identifiées par les aptitudes décrites par Bentham.

Nous pouvons noter une seconde série de problèmes inhérente au recrutement des fonctionnaires et directement liée à l’affirmation suivante : « Le plus grand bonheur pour le plus grand nombre requiert qu’aucun fonctionnaire ne soit nommé par hasard, encore moins en raison de sa naissance et en aucun cas par une procédure autre que la nomination ou l’élection » [13]. Est-il possible de s’assurer qu’aucune erreur ne sera commise dans le recrutement des fonctionnaires ? Comment créer un système de mécanismes et de procédures qui va s’attacher à repérer les aptitudes précitées chez les postulants et non à légitimer des candidatures de classe [14] ? Bentham va même plus loin : comment s’assurer que seuls les bons candidats souhaitent devenir fonctionnaires ? Ces questions doivent trouver une réponse avant, pendant et après le recrutement.

Dissuasion et auto-sélection

La première étape consiste à décourager les postulants qui ne possèdent pas les aptitudes morales et intellectuelles. Pour Bentham, cela est possible en rendant les fonctions publiques moins attractives. Il identifie deux méthodes : l’une directe, l’autre indirecte. Directement, il s’agit de minimiser les avantages liés à chaque poste. Indirectement, il s’agit de maximiser la responsabilité morale et juridique de chaque fonctionnaire [15]. Il faut donc « réduire le plus possible le pouvoir entre les mains d’un fonctionnaire. Ce que nous pouvons appeler minimisation du pouvoir » [16] et minimiser les sommes d’argent à sa disposition [17] car ce sont les deux principales causes d’une mauvaise administration. Les conséquences directes sont le « le principe de minimisation de la confiance » et le « principe de maximisation du contrôle » [18], c’est-à-dire que les actions des individus sont nécessairement connues et identifiées comme telles. Il pense en effet que seules les personnes candidatant à des postes publics seront à même de combiner leur intérêt et celui du plus grand nombre ; décourager les postulants inaptes aux fonctions publiques revient à garantir l’aptitude morale des fonctionnaires.

Apprentissage et examens publics

La deuxième étape concerne l’aptitude intellectuelle. Elle repose sur deux procédures : l’apprentissage et le concours où les candidats sont mis en compétition. Elles obéissent toutes deux au même principe : une évaluation stricte et précise du savoir des candidats à partir des compétences – ou talents selon les propres mots de Bentham – requises pour chaque poste [19]. Les différents postulants sont donc clairement compartimentés et individualisés : il s’agit de repérer les compétences nécessaires à l’exercice d’une fonction particulière et non de s’appuyer sur des compétences générales et une polyvalence des individus. Chaque test, entretien ou épreuve est pensé à l’aune d’une volonté délibérée de supprimer tout élément extérieur qui pourrait venir perturber les procédures de recrutement ; il s’agit en quelque sorte de créer une procédure idéale correspondant à la recherche de l’individu pouvant être le fonctionnaire idéal, procédure non soumise aux aléas des circonstances et du contexte, une sorte de procédure pure et parfaite en quelque sorte. Les individus ne sont ainsi jugés que sur leur aptitude intellectuelle, le niveau ou la classe sociale ne devant en aucun cas être pris en compte. Bentham ne s’économise pas en mots pour décrire de manière extrêmement détaillée la composition des jurys, l’organisation des épreuves, le classement. Il suggère également que l’ensemble de la procédure soit rendu public : le recrutement des fonctionnaires doit être absolument transparent. Procédures parfaites et transparence absolue sont les deux éléments qui doivent permettre que seuls les individus compétents seront recrutés ; elles sont également censées garantir l’efficacité de leurs actions futures. Nous voyons bien ici que Bentham tente à nouveau de réduire l’incertitude liée à la procédure de recrutement. Mais le passage à l’effectivité de l’embauche l’amène à chercher des garanties et à s’assurer de la possibilité de ne pas placer un pouvoir trop important et non contrôlé entre les mains des fonctionnaires.

3. Fonctionnaires et pouvoir

Le peuple possède un véritable pouvoir en ce qui concerne la constitution de la classe des fonctionnaires. Nous sommes ici en présence de la théorie benthamienne classique de l’habilitation [20]. Les fonctionnaires sont soumis à deux types d’obligation : l’une, morale, leur enjoint de suivre strictement le principe d’utilité alors que la seconde, qui relève autant de l’obligation morale que politique, leur demande de respecter les souhaits que peut exprimer le peuple. Ces obligations sont inhérentes à leurs fonctions.

Mais une telle conception de la délégation de pouvoir, qu’implique la conception benthamienne des fonctionnaires, ne va pas sans poser quelques difficultés. Bentham considère en effet que les individus poursuivent leur propre intérêt, et ce quelles que soient les circonstances, plutôt que l’intérêt d’autrui ou du plus grand nombre. Il y a donc un conflit latent entre plusieurs intérêts au sein de la société. Mais lorsque l’on considère un groupe d’individus comme un tout se pose la question de la transformation des intérêts individuels en raison même de leur agrégation. Pour Bentham apparaît alors un nouvel intérêt : celui de la classe constituée par les individus. Il est le résultat de la somme des intérêts individuels qui la composent et diffère de l’intérêt du plus grand nombre. Le conflit entre les intérêts individuels et les intérêts de classe s’offre alors au grand jour et constitue l’un des grands problèmes que doit affronter l’utilitarisme. Ce problème, déjà identifié dans le cadre de l’éthique utilitariste, prend une autre dimension lorsqu’il devient un problème social et politique, et plus particulièrement pour ce qui nous concerne, quand nous l’appliquons aux fonctionnaires et à leurs devoirs. Les fonctionnaires constituent, en tant que tels, une classe qui poursuit son propre intérêt et qui peut donc entrer en conflit avec les intérêts du peuple. En d’autres termes, ils ont constamment la tentation de sacrifier l’intérêt du peuple qu’ils sont censé servir afin de satisfaire leur propre intérêt. Bentham parle ici d’intérêts sinistres (« sinister interests ») – qui s’opposent à l’intérêt du plus grand nombre – qui donnent lieu à un sacrifice sinistre [21]. Le pouvoir de destituer et de punir les fonctionnaires revient naturellement au peuple, au plus grand nombre – en tout cas dans la logique de Bentham – dans la mesure où il s’agit de maximiser cet intérêt, l’utilité collective plutôt que les intérêts individuels d’un petit nombre de personnes. Chaque fonctionnaire est donc constamment soumis au vote de confiance ou de défiance du plus grand nombre et son poste dépend du choix effectué par le peuple.

4. Problèmes liés aux actions des fonctionnaires

La question du management des fonctionnaires revêt deux aspects : tout d’abord, comment garantir que les fonctionnaires agiront dans tous les cas et de manière certaine selon l’intérêt du peuple et ne poursuivront pas leur intérêt personnel ? Ensuite, comme faire coïncider de manière certaine et véritable l’intérêt des fonctionnaires et l’intérêt du plus grand nombre afin d’éviter le sacrifice du premier pour le second ? La seule réponse possible à ces deux questions que permet la pensée de Bentham est de structurer et organiser l’appareil étatique afin qu’il soit dans l’intérêt du fonctionnaire d’augmenter le bonheur du plus grand nombre. L’intérêt individuel ou l’intérêt de classe s’harmonise alors avec l’intérêt public. La théorie de la motivation benthamienne doit précisément être interprétée de cette manière dans un tel contexte : elle est le fondement de la tâche principale du législateur qui va être de créer une harmonie artificielle des intérêts dans la société afin d’augmenter la somme totale de plaisir.

II. La théorie de la motivation ou du bon usage des punitions et des récompenses

1. Plaisir et douleur : les deux sources de motivation

Selon Bentham, un principe unique permet de rendre compte de la motivation : les gens recherchent le plaisir et évitent la douleur.

La nature a placé l’humanité sous le gouvernement de deux maîtres souverains, la douleur et le plaisir. C’est à eux seuls d’indiquer ce que nous devons faire aussi bien que de déterminer ce que nous ferons. A leur trône, sont fixés, d’une part, la norme du bien et du mal, de l’autre, l’enchaînement des causes et des effets. Ils nous gouvernent dans tout ce que nous faisons, dans tout ce que nous disons, dans tout ce que nous pensons : tout effort que nous pouvons faire pour secouer le joug ne servira jamais qu’à le démontrer et à le confirmer. Quelqu’un peut bien prétendre en paroles renier leur empire mais il leur restera en réalité constamment soumis. Le principe d’utilité reconnaît cette sujétion et la tient pour le fondement du système dont l’objet est d’ériger l’édifice de la félicité au moyen de la raison et du droit. Les systèmes qui tentent de le remettre en question font commerce de son plutôt que de sens, de caprice plutôt que de raison, d’obscurité plutôt que de lumière. [22]

La théorie benthamienne de la motivation s’appuie sur la descriptivité des axiomes de pathologie mentale et sur la normativité du principe d’utilité, les uns rendant compte des ressorts de l’action humaine et l’autre prescrivant des actions [23]. Il n’est possible d’influencer la conduite des gens qu’en agissant sur les plaisirs et les douleurs, supposés ou réels [24]. La conception benthamienne de l’action humaine repose sur une transparence de l’individu, non pas à lui-même mais aux autres — ici, les autres étant constitués par le législateur. En d’autres termes, si ce dernier souhaite agir sur le comportement de ses sujets, il doit nécessairement distribuer plaisirs et douleurs, attribuer des récompenses ou infliger des punitions. C’est par leur intermédiaire qu’il sera possible de faire coïncider les intérêts potentiellement opposés des différentes classes qui composent la société. Concernant les fonctionnaires, il s’agit d’associer plaisir et satisfaction de l’intérêt pour le poste en question, ses actions et devoirs spécifiques. Si l’Etat veut œuvrer à la maximisation du plus grand bonheur du plus grand nombre, il lui faudra atteindre deux objectifs qui ne peuvent être pensés séparément : maximiser les aptitudes des fonctionnaires et minimiser les dépenses.

2. Diminuer les dépenses publiques

L’organisation de l’Etat s’appuie sur la satisfaction de l’intérêt des fonctionnaires en tant qu’elle doit permettre de maximiser leur efficacité. Ce principe managérial s’accompagne de son homologue : la diminution des dépenses publiques dont la réduction contribue à augmenter le plus grand bonheur du plus grand nombre. Une gestion attentive et stricte du budget public implique moins d’impôts et mène à une augmentation du niveau de vie et donc du bonheur des contribuables. Selon Bentham – et sa théorie de la motivation –, il n’est pas nécessaire que les postes bureaucratiques proposent des salaires importants pour recruter les meilleures personnes : le prestige qui leur est associé est plus important que la grille de salaires proposée. Bentham est cependant très clair sur un point : il est nécessaire et important de s’intéresser au bonheur des fonctionnaires [25]. A supposer que les charges publiques soient attractives, Bentham est néanmoins tout à fait conscient que le plaisir procuré par l’honneur d’être fonctionnaire peut ne pas être suffisant lorsqu’un agent public est confronté à certaines tentations, comme cela peut être le cas avec la corruption. Il faut donc trouver un équilibre, peut-être précaire, entre le montant du salaire qui doit être suffisamment élevé pour éviter la corruption tout en étant suffisamment raisonnable pour ne pas entraîner des dépenses trop importantes. Cet équilibre est nécessaire pour assurer le bon fonctionnement de l’Etat.

Le salaire des fonctionnaires doit donc être défini de manière à assurer une adéquation la plus parfaite possible entre leurs devoirs et leurs intérêts [26]. La possibilité de lier devoir et intérêt s’opère donc par le salaire en créant « un intérêt qui associe la force que seule la punition peut posséder et le degré de certitude que seule la récompense est en mesure d’apporter » [27]. Le salaire est pensé comme une récompense accordée aux fonctionnaires accomplissant leur devoir, c’est-à-dire maximisant l’intérêt général. L’équilibre entre salaire et dépenses de l’Etat faire partie d’une tentative de trouver un équilibre plus général et a donné lieu à un livre complet : Official Aptitude Maximized, Expense Minimized [28].

3. Maximiser les aptitudes

La position de Bentham sur la question de la gestion des aptitudes au sein de la fonction publique opère en trois temps : il s’agit tout d’abord de s’assurer que les candidats qui vont postuler possèdent bien ces trois aptitudes, ils sont ensuite choisis en fonction de ces aptitudes et enfin, une fois à leur poste, Bentham cherche à garantir la maximisation des trois aptitudes qu’il a identifiées : morale, active et intellectuelle. Il faut bien comprendre que l’utilisation et l’effectivité d’une aptitude ne dépend pas uniquement d’une compétence naturelle et individuelle. Elle ne prend en fait un sens concret et utile que dans la relation qui s’établit entre aptitude individuelle et structure générale des institutions. Par exemple, l’aptitude morale d’un fonctionnaire n’est effective qu’à partir du moment où son intérêt particulier se trouve confronté à celui du plus grand nombre et que l’utilisation de la punition et l’exercice d’un certain contrôle les font converger. L’aptitude active est directement liée à la motivation inhérente au poste occupé et à sa place dans l’organisation générale de l’Etat : l’expérience et la motivation à accomplir certaines tâches le rendent de plus en plus valorisant. L’aptitude intellectuelle, quant à elle, dépend certes et dans une certaine mesure de talents naturels mais elle se développe grâce au système éducatif et à l’intérêt pour la chose publique. Dans une société utilitariste, l’aptitude intellectuelle des membres du Tribunal de l’Opinion Publique est maximisée car ils sont en mesure d’élaborer des jugements politiques informés et rationnels [29].

Bentham veut maximiser l’aptitude morale des fonctionnaires en utilisant les récompenses si telle ou telle action est effectivement réalisée, impliquant que leur non-réalisation ou la réalisation d’une autre action entraîne une sanction ; c’est-à-dire qu’il pense qu’en appliquant strictement ce que préconise le principe d’utilité, qu’en agissant sur les plaisirs et les douleurs, il sera possible d’influencer positivement l’aptitude morale et de la maximiser. L’Etat devient un espace éthique placé sous le règne du principe d’utilité et où les intérêts individuels des fonctionnaires, a fortiori si on les considère en tant que classe, doivent coïncider avec le plus grand bonheur du plus grand nombre.

Jusqu’à présent, nous avons vu à quel point Bentham se concentrait sur les aptitudes des individus potentiellement ou effectivement fonctionnaires et dans quelle mesure le principe d’utilité devait guider leurs actions ; nous avons ainsi pu saisir la place de sa théorie de la motivation dans l’organisation de l’Etat. Cependant, avec la découverte des « sinister interests », Bentham va devoir se concentrer sur la création de garanties contre les abus de pouvoir. C’est à ce niveau que nous pourrons saisir l’importance normative de la transparence, aussi bien au niveau structurel qu’au niveau individuel. Ce sera également le moyen de remettre le peuple au cœur du processus de nomination et destitution des fonctionnaires, ce qui s’intègre à la théorie benthamienne de la démocratie.

III. Le panoptique constitutionnel : la transparence comme technologie disciplinaire ou l’internalisation des normes morales

Nous avons jusqu’à présent tenté principalement de comprendre comment le management des fonctionnaires s’appuie sur une source d’influence externe grâce à l’utilisation des récompenses et des punitions, mais Bentham considère que cela peut s’avérer insuffisant. En effet, si la réalisation d’une action est le fruit d’un calcul utilitariste qui compare et mesure les plaisirs et les douleurs, un individu est toujours susceptible d’effectuer un mauvais calcul, d’avoir un mauvais jugement ou tout simplement de se tromper. Or, une telle incertitude ne peut avoir sa place dans le système benthamien, c’est pourquoi nous pouvons également considérer le système managérial mis en place par Bentham comme un système de gestion de l’incertitude ou plus précisément comme une tentative d’annihiler toute incertitude. Bentham va donc chercher à imposer une contrainte non pas uniquement externe mais aussi interne : il souhaite que les fonctionnaires intègrent, internalisent les normes morales pour qu’ils agissent de manière spécifique, qu’ils réalisent certaines actions précises dans des circonstances particulières et qu’ils mettent en œuvre le principe d’utilité.

La normativité éthique devient une normalisation éthique des comportements : les contraintes font partie intégrante de la conduite des fonctionnaires. Pour arriver à ses fins, Bentham s’appuie sur les technologies disciplinaires identifiées par Michel Foucault dans Surveiller et punir et que l’on peut identifier dans les écrits panoptiques tout en en proposant ici une déclinaison spécifique que l’on peut appeler le panoptique constitutionnel [30]. L’œil du pouvoir dont parle Foucault n’est plus unique mais multiple : il n’y a pas un gardien du panoptique constitutionnel mais des gardiens. Chaque citoyen, à travers le Tribunal de l’opinion publique, devient un gardien potentiel, ce sont les yeux du peuple qui gardent ce panoptique. Nous allons donc identifier les différents mécanismes disciplinaires à l’œuvre dans le panoptique pour étudier l’influence qu’ils exercent sur les conduites à travers l’internalisation des normes.

1. La spatialisation des corps

La discipline est un art qui consiste à distribuer les corps dans l’espace, qui s’appuie sur une chronologie précise des actes et un contrôle de la disposition spatiale des corps — l’articulation des corps dans un agencement spécifique augmentant à la fois l’utilité collective et la docilité individuelle.

La première caractéristique de la technologie disciplinaire est sa capacité à arranger les corps dans l’espace. Dans la plupart des cas, un espace clos est nécessaire car il permet la concentration de forces hétérogènes. Elle va alors chercher à maximiser leur utilité, d’autant plus que la fermeture de l’espace dans lequel les corps évoluent va permettre une surveillance plus efficace des corps et des individus. Un espace confiné a un double avantage : chaque individu est placé dans la position la plus utile et il est séparé a priori de ce qui pourrait potentiellement constituer un groupe, doté d’une force et d’une dynamique propre et être ainsi susceptible de produire des valeurs sociales et des normes collectives.

Le contrôle de l’organisation de l’espace poursuit un but unique : contrôler l’ensemble des relations qui peuvent se dérouler à l’intérieur de ce dernier. L’exemple de l’organisation architecturale des bureaux des ministres est à ce titre particulièrement parlant. Les bureaux forment un demi-cercle ce qui permet au premier ministre d’avoir potentiellement une vision de l’ensemble de ses collaborateurs. L’architecture et l’organisation de l’espace des différents bureaux et des différents étages où travaillent les fonctionnaires est extrêmement précis : division en bureaux et corridors à simple ou double entrée, mécanismes des portes assignés à des fonctions spécifiques et à des portiers chargés de surveiller les allées et venues ; tout cela n’a d’autre fonction que de s’assurer que les individus sont au bon endroit pour réaliser la tâche qui leur est assignée ou pour transmettre l’information adéquate [31]. L’espace ainsi créé et agencé propose un enchevêtrement de lieux permettant la localisation précise de chaque individu. Le contrôle sur les corps ne vise pas seulement un contrôle individuel des actions mais bel et bien la surveillance constante d’une institution politique mettant en jeu une dialectique entre l’un et le multiple, l’individu et la communauté. Un tel contrôle n’est possible que parce que chaque individu est identifié et identifiable : des bureaux ouverts – que l’on appellerait aujourd’hui open-space – assurent ainsi une visibilité maximale [32]. L’espace dans lequel évoluent les fonctionnaires est strictement défini, délimité, dessiné. Il déconstruit et reconstruit les corps [33] en prescrivant les actes devant être réalisés dans une visée programmatique.

2. Une chronologie programmatique

La gestion du temps constitue la seconde caractéristique, tout aussi importante que la première. Les institutions disciplinaires sont comme des nœuds de réseaux : les temps, comme les espaces ne cessent de s’entrecroiser. Contrôler le temps signifie imposer un certain rythme et obliger les gens à le suivre. Tous les moments doivent être utiles et utilisés. Foucault explique très clairement dans Surveiller et punir que l’optimisation du temps est imposée par une source externe qui va le diviser et l’organiser. Mais il insiste également sur le fait que la discipline prend possession de la durée interne à chaque individu, c’est-à-dire du temps nécessaire à accomplir telle ou telle action, tel ou tel geste et que se fixe l’individu. Le pouvoir disciplinaire va ainsi chercher à pénétrer la temporalité des corps individuels : une mesure externe des mouvements devant être accomplis successivement est intériorisée par les sujets et le rythme imposé pour tel ou tel geste doit devenir le rythme spontané, en quelque sorte naturel, qu’adoptera chaque accomplissant, répétant ce même acte. Il y a donc substitution d’un ordre temporel par un autre, cette substitution étant d’autant plus efficace qu’elle est intériorisée.

L’enjeu réside dans la capacité d’extraire d’un temps donné le plus d’instants disponibles [34] de façon à contrôler des séquences d’action réalisées par des corps durant un certain temps mais aussi à gérer le rythme des actions de manière disciplinaire. La gestion du temps s’appuie sur une internalisation ou une intériorisation d’un rythme imposé de l’extérieur et qui aboutit à la création d’un groupe temporellement homogène. Décomposer, segmenter, individualiser le temps et l’espace revient à recomposer « un mouvement d’ensemble et un déroulement commun qui n’est ni effectué par un véritable ensemble ni vécu dans un véritable commun » [35].

Il faut interpréter l’organisation des bâtiments exactement de cette manière. Ils sont conçus afin d’optimiser la transmission d’informations, c’est-à-dire de supprimer tout délai : l’idéal benthamien est celui de l’immédiateté. Efficacité rime avec suppression de tout vide temporel, cela revient à rechercher constamment l’instantanéité. [36]

Après avoir été répartis dans l’espace, assujettis à un rythme spécifique à travers un temps et une durée interne imposés par une mesure externe, les corps doivent être rassemblés le plus rationnellement possible afin de constituer un groupe, une classe plus puissante et plus efficace que la somme des individus qui le composent. Il est ainsi nécessaire de « construire une machine ». Chaque individu devient un individu avec sa propre durée et ces multiples « corps-durée » doivent s’intégrer dans cette machine corporelle et disciplinaire. Elle a pour but de maximiser la force utile de ces groupes tout en minimisant leur force politique. Appliqué à l’Etat, cela veut dire que le contrôle des fonctionnaires implique de maximiser leur efficacité tout en minimisant leur rôle, leur pouvoir politique ce qui revient à renforcer le pouvoir politique du peuple.

L’organisation architecturale transparente permet de contrôler les activités des fonctionnaires : la machine étatique doit être contrôlée ou, plus précisément, sa force productrice et son efficacité doivent être visibles pour être contrôlées.

3. La discipline comme dressage

La fonction principale du pouvoir disciplinaire est de dresser [37]. Il repose sur trois opérations : la surveillance hiérarchique, la sanction normalisatrice et l’examen. La surveillance hiérarchique transforme l’architecture en un outil du pouvoir sur les individus grâce à une visibilité totale et constante : chaque individu est soumis au pouvoir en raison de sa visibilité mais cette visibilité n’est possible que par l’exercice du pouvoir. La surveillance hiérarchique articule actes de regard et états de visibilité. Chacun surveille chacun tout en se sentant constamment surveillé par un groupe d’individus, rendant ainsi inutile toute obligation de surveillance : l’emboîtement spatial des surveillances hiérarchisées aboutit donc à l’auto-surveillance, le groupe est sous contrôle et docile [38].

Il ne suffit pas d’établir un état constant de surveillance, encore faut-il savoir ce qui doit être surveillé. Nous pourrions alors penser que les autres sont l’objet de cette surveillance mais il n’en est rien : il s’agit en fait de surveiller l’adéquation des actions des gens à ce que le pouvoir leur demande d’effectuer, en d’autres termes, il faut surveiller l’adéquation à la norme. Toute inadéquation doit pouvoir être punie, d’où l’apparition d’un mécanisme punitif [39] qui aboutit à « rendre pénalisables les fractions les plus ténues de la conduite et [à] donner une fonction punitive aux éléments en apparence indifférents de l’appareil disciplinaire » [40]. Ceci suppose que toute action individuelle est susceptible d’être visible. Les délits prennent désormais la forme d’une inadéquation à la norme érigée en modèle et la punition a pour but de corriger, rectifier cette dernière : il faut rendre les comportements conformes à la norme. La punition d’un système disciplinaire a donc pour but de corriger ; « en un mot, elle normalise » [41]. C’est pourquoi Bentham insiste sur la présence des fonctionnaires à leurs postes : leur soustraction à l’exigence normative de la transparence, c’est-à-dire à leur possible invisibilité au sein du système étatique, doit nécessairement entraîner des sanctions.

L’examen permet d’associer surveillance hiérarchique et sanction normalisatrice. Il est défini comme suit par Foucault : « un regard normalisateur, une surveillance qui permet de qualifier, de classer et de punir » [42]. Stéphane Legrand a une formule particulièrement juste quand il affirme qu’« il est le schème qui lie la vérification des aptitudes et la sanction des sujets » [43]. A travers cette analyse de l’examen, Foucault renverse l’économie générale des relations de pouvoir. Celui qui détient le pouvoir n’est plus celui qui doit être visible : ce sont les sujets de ce pouvoir qui doivent être vus, observés, constamment surveillés grâce à un « mécanisme d’objectivation ». Les individus font désormais partie d’un champ documentaire, d’un réseau d’écritures, qui enregistre toutes leurs actions dans un ensemble potentiellement infini de documents qui classent les personnes et les comparent afin de créer des codes disciplinaires. Ils vont formaliser un savoir sur les individus en accumulant des connaissances. Une telle masse de connaissances sur les individus rejoint le projet benthamien de réduction maximale de l’asymétrie d’information : la transparence requise par un tel fonctionnement est une norme politique qui non seulement sert de socle à la théorie démocratique de Bentham mais doit également en assurer le bon fonctionnement. Le « tout visible » s’accompagne d’un « tout connu », le management des fonctionnaires n’est pas tant régi par une optimisation de l’efficacité que par une optimisation d’une transparence épistémologique. La réduction de l’invisible et de l’inconnu n’est en fait que la tentative, presque désespérée, de rendre invisible le non-visible ; de supprimer tout inconnu.

Avec la surveillance hiérarchique, « tout regard est un élément du pouvoir à l’œuvre » : la visibilité des sujets assure la mainmise du pouvoir sur les actions et leurs comportements. L’espace est désormais organisé autour d’un « emboîtement de surveillances hiérarchisées » qui engendre une auto-surveillance systématique et intériorisée du groupe. Le groupe recouvre ici deux réalités : les fonctionnaires et les fonctionnaires plus le peuple, le public. Le réseau de surveillance et de visibilité ainsi créé peut fonctionner de manière autonome : « La discipline fait marcher un pouvoir relationnel qui se soutient lui-même par ses propres mécanismes » [44]. L’organisation des bureaux des bâtiments publics obéit précisément à cette logique : ce sont des espaces dont l’emboîtement est rendu possible par des tubes de transmission d’informations qui autorisent une surveillance hiérarchique [45]. Le panoptique constitutionnel impose un certain type d’actions et de conduites aux fonctionnaires tout en pénétrant chaque sujet. L’intériorisation aboutit à l’établissement d’un mode de comportement spécifique. Le management des fonctionnaires – la maximisation de leur efficacité – repose sur le management de soi, c’est-à-dire sur le pouvoir normalisateur des technologies disciplinaires. L’exigence de transparence intègre ce dispositif selon deux modalités : elle rend transparente l’organisation étatique aux yeux du peuple et elle oblige les fonctionnaires à être transparents vis-à-vis de tous ceux avec qui ils sont susceptibles d’entretenir une relation hiérarchique ou de pouvoir.

4. Le contrôle de l’information

Le management des fonctionnaires est un terrain privilégié pour Bentham puisque leur comportement peut affecter leur efficacité et mener à des coûts supplémentaires. Un tel comportement est lié au remplacement de l’intérêt général par un intérêt individuel comme guide de l’action. Étant donné que chaque individu, et a fortiori chaque fonctionnaire, en tant qu’agent rationnel, va chercher à maximiser son plaisir et minimiser sa douleur, nous pouvons supposer – dans la perspective benthamienne – qu’il va tenter de trouver des moyens d’augmenter son pouvoir, son influence et son salaire en minimisant ses efforts. Il va en conséquence utiliser toute l’information à sa disposition pour créer l’illusion que chacune de ses actions est vertueuse et qu’il cherche à atteindre la maximisation de l’intérêt général. C’est typiquement le type de situation qui se produit dans le cas d’une asymétrie d’information entre le fonctionnaire et la personne en charge de contrôler son travail. Comme nous l’avons précédemment évoqué, il existe un lien très fort chez Bentham entre transparence et information : la transparence est ce qui peut permettre de résoudre une asymétrie d’information. Le contrôle des fonctionnaires passe alors nécessairement par la suppression de tout monopole de l’information par les fonctionnaires. Leurs activités, leur travail doivent être rendus complètement transparents afin de supprimer la possibilité de dissimuler leur véritable nature.

L’analyse foucaldienne a bien montré que les rapports entre l’organisation des corps, des espaces et des temps individuels et collectifs devaient œuvrer à rendre les actions visibles, et il faudrait ajouter publiques. Ceci permettrait de résoudre le problème d’asymétrie d’information entre les fonctionnaires et le public, les citoyens. Nous devons cependant ajouter deux points allant dans ce sens : tout d’abord, les fonctionnaires doivent porter des vêtements permettant à toute personne présente de les identifier en tant que tels ; ensuite, il faut assurer une meilleure communication avec les citoyens, en particulier en ce qui concerne les règles des institutions publiques. Le secret doit être complètement aboli [46], tout doit être transparent car le peuple constitue les premières personnes que le travail des fonctionnaires concerne [47]. La transparence est constitutive de la théorie démocratique benthamienne et devient une norme managériale qui en assure le bon fonctionnement.

IV. Transparence et démocratie : rendre compte de ses actions auprès du Tribunal de l’Opinion Publique

La transparence comprise seulement comme norme managériale ne peut suffire à rendre compte de la volonté démocratique de Bentham. L’enjeu réside ici dans l’articulation entre contrôle et pouvoir : dans quelle mesure le contrôle instauré au sein de l’Etat permettrait-il de donner un certain pouvoir au peuple ? Dans quelle mesure l’instauration de la transparence comme norme managériale impliquerait-elle ou serait-elle l’expression d’un pouvoir démocratique ? Si nous avons certes identifié que le peuple possédait le pouvoir de nommer ou destituer les fonctionnaires, il nous faut désormais nous attacher à saisir les modalités de ce qui constitue la structure que Bentham a pensée pour exprimer le pouvoir aux mains du peuple : le Tribunal de l’Opinion Publique. Celui-ci est une pierre angulaire de la conception démocratique de Bentham. Ce qui nous semble alors fondamental chez Bentham est la construction de l’architecture discursive d’un espace démocratique qui chercherait à penser et à rendre compte des relations entre fonctionnaires et non-fonctionnaires.

1. La force du Tribunal de l’Opinion Publique [48]

Les sujets peuvent être potentiellement des membres du Tribunal de l’opinion publique (ci-après TOP). Ce dernier possède des pouvoirs judiciaires [49] et est justement le moyen que peut utiliser l’autorité constitutive pour exercer ses pouvoirs constitutifs suprêmes et nommer ou révoquer des fonctionnaires. Il est une instance distincte qui entend inclure « toutes les classes qui sont exclues de toute participation à l’exercice de ce pouvoir suprême » [50] ; il est composé de « tous les individus dont se compose le corps Constitutif » [51]. « Tous les membres de toutes les autres communautés politiques lorsqu’ils prennent connaissance de la question, quelle qu’elle soit » [52] peuvent y prendre part, ce qui lui assure potentiellement une constitution extrêmement large.

Bentham identifie quatre fonctions de ce Tribunal : toute personne doit pouvoir rechercher des informations et des preuves sur un sujet public particulier ; le Tribunal rend des jugements, il punit et récompense les personnes impliquées dans les actions politiques en forgeant leur réputation – ou en la détruisant – et il entend effectuer des propositions concernant des questions publiques. On ne peut donc résumer ses fonctions à la surveillance des gouvernants : son rôle dans l’élaboration des politiques gouvernementales ne saurait être minimisé. Les informations sont « entrantes » et « sortantes » : elles doivent intégrer le processus du Tribunal mais il en produit également sans lesquelles les législateurs ne sauraient faire de choix conformes au plus grand bonheur du plus grand nombre [53].

En fait, le TOP ressemble par bien des aspects à un tribunal officiel. Il réunit des preuves qui vont lui permettre d’élaborer une opinion et d’établir un jugement [54] et l’une de ses plus importantes sources d’information est la presse [55]. Il doit alors établir si le gouvernement a porté atteinte à l’intérêt de la communauté, s’il est coupable d’abus de pouvoir. Son activité peut donc être pensée dans une certaine mesure sur le mode de l’« enquête » mais il s’agit également d’un organe auprès duquel les fonctionnaires doivent rendre des comptes, expliciter et justifier leurs actions de manière directe (le peuple peut observer le travail des fonctionnaires) ou indirecte (par la consultation de diverses informations quant aux activités des fonctionnaires). La transparence ainsi induite doit permettre d’améliorer l’exercice du pouvoir, notamment en prévenant toute conduite qui pourrait aller à l’encontre des intérêts du peuple.

Il diffère cependant d’un tribunal classique car il peut constituer toute question publique en objet d’étude et il peut avoir recours à toutes les sources d’informations qu’il estimera nécessaire [56]. Cette flexibilité le distingue de toutes les autres instances officielles. Son jugement est indépendant et fondé sur la communication entre ses membres, celle-ci a lieu avant que le fruit de ses délibérations ne soit communiqué aux institutions étatiques.

Bentham le considère également comme un corps législatif susceptible de créer des obligations morales [57]. Mais celui-ci aura à nouveau un avantage flagrant sur les instances législatives officielles : la réaction quasi immédiate aux discussions, notamment en rendant visibles les contradictions éventuelles, permet d’assurer une continuité du débat. Plus important encore : la simultanéité des délibérations publiques et de la formation de l’opinion publique soustrait cette dernière aux luttes de pouvoir qui pourraient l’influencer et biaiser l’évaluation du problème.

Le TOP tire sa force de la conception que Bentham adopte du public et de la possibilité de construire une opinion homogène. Un pré-requis est cependant nécessaire si l’on veut assurer son efficacité : toute restriction concernant le secret lié à l’activité des fonctionnaires doit être levée. Le Tribunal doit avoir à sa disposition le maximum d’informations disponibles afin de constituer son jugement.

Chez Bentham, l’opinion publique est nécessairement indéterminée et dynamique car elle est composée de l’agrégat des conceptions individuelles et changeantes de ce qui constitue leur intérêt. L’opinion publique et l’idée même de ce tribunal sont donc fondées sur l’idée que « l’agrégat des différents intérêts personnels est lui-même l’intérêt universel » [58].

2. Réintroduire le droit dans la sphère politique : verticalité et horizontalité du pouvoir démocratique

Afin de comprendre les liens entre le TOP et la conception démocratique de la société politique que défend Bentham, il nous semble intéressant d’intégrer la dimension juridique de la pensée benthamienne et plus précisément le droit comme système de contrôle social. Nous pourrons alors rendre compte de la place qu’occupe le TOP dans l’économie générale de la pensée benthamienne.

Le premier élément à prendre en compte est que lorsque Bentham définit le TOP, le champ lexical qu’il utilise renvoie plus au juridique qu’au politique.

On peut considérer l’opinion publique comme un système juridique qui émane du peuple. [59]

L’idée d’opinion publique est liée dans sa première formulation à celle de sanction. Bentham parle ainsi de « sanction populaire » comme synonyme de « sanction morale » :

(Sanction morale). Il vaut mieux l’appeler populaire, puisqu’on indique plus directement par là la cause qui la constitue ; de même qu’on indique sa relation à l’expression plus commune « public opinion », opinion Publique en français, nom donné à ce pouvoir tutélaire dont on a tant parlé dernièrement, et par lequel on a tant fait. Toutefois la dernière expression est malheureuse et peu significative ; puisque si l’opinion est substantielle, c’est seulement en vertu de l’influence qu’elle exerce sur l’action, par l’intermédiaire des affections et de la volonté. [60]

Le Tribunal intègre donc deux dimensions : la première est juridique puisqu’il peut dispenser des sanctions ou en d’autres termes agir sur l’action et la seconde est politique dans son exercice même en intégrant les relations d’influence de la société.

Or l’un des enjeux fondamentaux de la théorie du droit benthamienne est de comprendre comment le législateur peut s’assurer que sa volonté sera obéie. Ce tribunal va lui fournir un outil indispensable : d’une part, il lui apporte un ensemble d’informations nécessaires à l’élaboration des lois les plus en adéquation avec les demandes de ses sujets. L’enjeu est ici épistémologique : il s’agit de penser la connaissance dont doit disposer le législateur pour élaborer les meilleures lois possibles. Avec le TOP, les relations entre législateur et sujets ne sont plus uniquement verticales : il lui offre les informations lui permettant de se constituer la connaissance la plus précise possible des intérêts en jeu. Il pourra ainsi œuvrer à la maximisation des intérêts de la société grâce à une harmonisation artificielle ; celle-ci utilisera les lois dont l’efficacité est augmentée. D’autre part, le peuple en raison de la transparence de l’ensemble des activités des fonctionnaires disposera des éléments nécessaires pour évaluer les politiques et accepter ou non de se soumettre aux lois ; une possible confiance pourra ainsi être restaurée et surtout, cela montre bien la place qu’occupe le peuple dans le processus de fonctionnement de l’Etat. Enfin, l’opinion critique et raisonnée intègre les raisonnements à l’œuvre au sein de la sphère publique. Autrement dit, le TOP joue un rôle crucial dans la détermination et la mise en place des limites constitutionnelles.

Pour Bentham, tous les pouvoirs du gouvernement – établir les lois et les faire exécuter – sont en dernière instance limités par le jugement populaire : l’argumentation et la persuasion structurent les relations entre le TOP et le gouvernement. Les membres du TOP agissent comme des juges entre deux parties, dans la mesure où cela concerne les limites constitutionnelles : ils seront les juges entre deux types d’intérêt relevant de la société politique.

Autrement dit, la société politique n’a de sens que si l’on comprend et que l’on intègre la relation juridique qui existe non seulement entre le législateur et ses sujets mais également entre chaque individu. Autrement dit la conjonction des sphères politique et juridique permet la constitution d’un espace pacifié et dont les relations de pouvoir sont réciproques, ce qui constitue le fondement de la théorie démocratique de Bentham.

À travers le Tribunal de l’Opinion Publique, que l’on considère souvent comme une instance exclusivement politique, se dessine donc la conception démocratique de la pensée benthamienne. Cette instance devient le point nodal du management des fonctionnaires et de la garantie du bon fonctionnement de l’Etat : la transparence requise à la fois dans le processus de recrutement des fonctionnaires et dans l’ensemble de leurs actions consiste en fait à rendre compte d’un certain type de fonctionnement. Elle doit assurer au TOP, c’est-à-dire au peuple, la possibilité d’intervenir concrètement dans l’exercice du pouvoir et dans l’élaboration des différentes décisions politiques de manière à éviter les abus de pouvoir et à garantir le bon exercice des fonctionnaires.

Conclusion

Le management des fonctionnaires chez Bentham ne peut être compris que si nous le replaçons dans le cadre plus général de l’utilitarisme et plus spécifiquement dans le champ éthique, politique mais également juridique qui cherche à influencer le comportement individuel. Nous avons bien vu que le principe d’utilité occupait une place importante dans cette dynamique, particulièrement dans l’élaboration des fondements d’une théorie de la motivation considérant le plaisir et la douleur comme les principaux ressorts de l’action. Influencer les comportements se réduit alors à agir sur le plaisir et la douleur, c’est-à-dire distribuer des récompenses et infliger des punitions. Cela constitue effectivement une manière possible de manager les fonctionnaires et Bentham ne manque pas d’insister sur la place qu’occupe le salaire en tant que récompense et sur l’influence supérieure que peut exercer la récompense par rapport à la punition [61]. Pourtant, la démarche benthamienne peut également être caractérisée par une recherche des moyens qui vont permettre à l’Etat d’un côté et à la société d’un autre côté de s’assurer du comportement des fonctionnaires en tant que celui-ci doit s’accorder avec le principe d’utilité. Mais l’application du mécanisme panoptique à l’œuvre dans les prisons et analysé par Michel Foucault laisse entrevoir un nouveau type de management des fonctionnaires. Le pouvoir disciplinaire pénètre le corps des gens et c’est bien l’intériorisation des processus disciplinaires qui change les conduites : les normes deviennent une procédure de normalisation des conduites. Les normes éthiques définies par le principe d’utilité sont donc internalisées, la force n’est plus nécessaire pour contraindre l’action : personne ne manage les fonctionnaires, ils sont capables de s’auto-manager. Il s’agit d’élaborer les modalités d’une normalisation du comportement des fonctionnaires qui va les amener à adopter un comportement spécifique en accord avec des prescriptions éthiques relevant de la théorie utilitariste. Or, une telle normalisation des comportements ne peut être effective que si l’on applique à l’appareil étatique des techniques d’organisation ou de management que Foucault a identifiées comme des technologies disciplinaires, lorsqu’il s’est penché sur la question du panoptique. Le management des fonctionnaires, tel qu’il est décrit et préconisé dans les écrits de Bentham, est une manière ou une tentative de normaliser les conduites d’un groupe d’individus spécifiques et déterminés afin d’obtenir une internalisation des normes éthiques prescrites par le principe d’utilité. L’espace bureaucratique devient alors un espace éthique du management de soi [62] à la fois possible et effectif par le contrôle constant ainsi qu’une transparence intrinsèque et nécessaire des individus et des dispositifs organisationnels.

Mais ceci entraîne une question supplémentaire : aux yeux de qui ces derniers doivent-ils être transparents ? Concernant l’organisation, nous l’avons suffisamment répété : ce sont les yeux du peuple constitué en Tribunal de l’Opinion Publique qui assurent le contrôle de l’activité des fonctionnaires afin d’œuvrer à la réalisation du principe d’utilité et d’actualiser constamment la démocratie. Concernant les individus, nous pouvons observer deux niveaux d’application. Tout d’abord, nous nous sommes intéressés à des individus particuliers : les fonctionnaires, et nous avons bien vu que la transparence était requise au niveau de la sélection des candidats aux fonctions publiques, du recrutement et de leurs activités. Ensuite, ce sont les individus en tant que tels que la théorie benthamienne suppose initialement, intrinsèquement et nécessairement transparents : il ne peut y avoir de motivations cachées, de ressorts de l’action ou même d’actions invisibles. Tout ce qui est caché est soustrait à la connaissance et augmente l’incertitude, qui engendre l’augmentation de l’alarme dans la société et qui fait baisser la quantité de bonheur en son sein [63]. La transparence des individus alimente la connaissance du Législateur, connaissance sans laquelle il ne peut réaliser l’harmonie artificielle des intérêts au sein de la société.

L’ensemble de notre analyse invite à revenir à la question exposée dans l’introduction des rapports réels ou supposés entre le nouveau management public et l’utilitarisme, benthamien en ce qui nous concerne. Nous retrouvons effectivement des éléments identifiés par Hood comme caractéristiques du nouveau management public [64] : une utilisation des ressources plus disciplinée et parcimonieuse et une recherche active de moyens alternatifs de production à moindre coût ainsi qu’un mouvement vers l’adoption de standards de performance plus explicites et mesurables (ou plus contrôlables) ainsi que la mise en avant de la mesure du résultat (notamment en terme de rémunération des performances). Il ne faudrait cependant pas réduire la position benthamienne à ces préceptes, ce serait faire fi de l’esprit et de la finalité de la réforme de l’Etat qu’il revendiquait. La bureaucratie dont nous avons esquissé ici quelques principes et caractéristiques était un moyen de lutter contre le népotisme, la corruption et la confiscation du pouvoir et des charges publiques par une minorité représentant une seule classe sociale. La transparence à l’œuvre dans les procédures, notamment, de sélection des candidats et de recrutement, doit être comprise selon ce point de vue. Or ces « vertus » de la bureaucratie sont précisément identifiées comme des inconvénients dans une société post-industrielle [65]. De plus, les nouvelles formes managériales préconisent que les qualités de l’individu et ses compétences prendraient le pas sur la règle et la procédure [66]. Or c’est précisément l’inverse chez Bentham : ce sont les règles et les procédures qui garantissent que les qualités des individus seront repérées au moment du recrutement et que qu’ils utiliseront bien leurs compétences.

Enfin, apparaît avec Bentham l’idée, reprise par les théories managériales, d’accountability, d’obligation de rendre compte de ses actions. Elle repose dans ses développements contemporains sur la création d’espaces « comptables », donc plus gérables, puisque offrant plus de calculabilité et de comparabilité [67]. Si ces deux dernières idées sont bien présentes chez Bentham dans l’expression même du calcul d’utilité – dont il ne faudrait cependant pas maximiser l’importance – il n’en va pas de même concernant ce qu’il entend par accountability. Il ne s’agit pas de créer des espaces comptables mais bel et bien de constituer un espace public démocratique dont la transparence est assurée par cette obligation faite à l’appareil bureaucratique de rendre compte de ses actions. A travers l’exercice constant du Tribunal de l’Opinion Publique, « rendre compte » signifie bien « rendre visible » et assure le bon fonctionnement d’une société démocratique et utilitariste. La transparence érigée en norme managériale est le garant de l’Etat démocratique benthamien.

par Malik Bozzo-Rey

Notes

[1] Pour une analyse critique, voir M. Marzano, Extension du domaine de la manipulation, Paris, Pluriel, 2010 ; en particulier p. 11-40, p. 77-116 et p. 181-218.

[2] On parle ainsi de « restructuration organisationnelle ». Voir sur ce point P. Thompson, J.O. Davidson, « The Continuity and Discontinuity : Managerial Rhetoric in Turbulent Times », Personnel Review, Vol. 24 N°4, 1995, p.17-33.

[3] Loi organique n°2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances. On parle à son propos de « Constitution financière ».

[4] En ce qui concerne sa théorie du droit, voir l’ouvrage majeur que constitue Of the Limits of the Penal Branch of Jurisprudence, Oxford, Oxford University Press, 2010. Sa pensée constitutionnelle marque les dernières années de sa vie avec la rédaction du monumental Constitutional Code dont seul le premier volume est actuellement disponible. Bentham, Jeremy, Constitutional Code : Volume I, Oxford, Clarendon Press, 1983.

[5] Sa pensée politique est développée dans différents ouvrages, nous ne citerons que le Fragment sur le gouvernement, Paris, LGDJ, 1996 et Tactique des assemblées législatives, Boston, Elibron Classics, 2007.

[6] L’expression benthamienne est la suivante : « the ruling few/the subject many ». Voir sur l’articulation des différentes classes : E. de Champs, « Les fonctionnaires dans le Code Constitutionnel », Revue d’études benthamiennes [En ligne], 1 | 2006, mis en ligne le 01 septembre 2006, consulté le 15 avril 2011. URL : http://etudes-benthamiennes.revues..... Voir également pour une analyse plus générale de la bureaucratie benthamienne : L. J. Hume, Bentham and Bureaucracy, Cambridge, Cambridge University Press, 1981 ainsi que C. Chauvet, Jeremy Bentham. Vie, œuvres, concepts, Paris, Ellipses, 2010.

[7] Nous reviendrons sur ce point.

[8] Constitutional Code, Op. cit., p. 195.

[9] La destitution d’un fonctionnaire peut s’accompagner de sa nomination à un autre poste.

[10] Ibid., p. 21.

[11] J. Bentham, First Principles Preparatory to Constitutional Code, Oxford, Clarendon Press, 1989, p. 4 et 151.

[12] Constitutional Code, Op. cit., p. 19.

[13] First Principles, Op. cit., p. 117.

[14] La volonté réformatrice de Bentham se fait ici clairement entendre puisqu’il faut exclure les aristocrates des charges étatiques. Voir sur ce point, F. Dreyfus, « Actualité de Bentham. Penseur de la bureaucratie utilitaire » dans M. Bozzo-Rey et G. Tusseau, Bentham juriste. L’utilitarisme juridique en question, Paris, Economica, 2011.

[15] Il serait intéressant d’analyser cette dissuasion indirecte à la lumière de ce que Bentham appelle en droit pénal la législation indirecte. Voir sur ce point les Traités de législation civile et pénale, Paris, Dalloz, 2010, p. 331-405 et pour une analyse plus précise, se reporter à la préface p. xxii-xvi.

[16] Ibid., p. 30.

[17] Ibid., p. 40.

[18] Constitutional Code, Op. cit., p. 118.

[19] Ibid., p. 314-315.

[20] Pour une analyse précise, se référer à G. Tusseau, « Jereremy Bentham on Power-Conferring Laws », Revue d’études benthamiennes [En ligne], 3 | 2007, mis en ligne le 01 novembre 2007, consulté le 15 avril 2011. URL : http://etudes-benthamiennes.revues.....

[21] First Principles, Op. cit., p. 151 et 276.

[22] J. Bentham, Introduction aux principes de morale et de législation, Paris, Vrin, 2011, p. 25-26.

[23] Pour une analyse détaillée, voir R. Harrison, Bentham, Londres, Routledge, 1983 et particulièrement p. 106-134 et p. 197-194.

[24] Cet ajout a toute son importance, notamment dans le cadre de la théorie benthamienne des punitions. « C’est la peine réelle qui fait tout le mal ; c’est la peine apparente qui produit tout le bien. Il faut donc tirer de la première tout le parti possible pour augmenter la seconde. L’humanité consiste dans le semblant de la cruauté. » Traités, Op. cit., p. 356.

[25] Constitutional Code, Op. cit., p. 244 et p. 356.

[26] J. Bentham, Théorie des peines et des récompenses, Londres, B. Dulau, 1811, vol. 2, p. 169.

[27] Ibid., p. 26.

[28] J. Bentham, Official Aptitude Maximized, Expense Minimized, Oxford, Clarendon Press, 1993.

[29] First Principles, Op. cit., p. 1-122.

[30] A. Brunon-Ernst, « Les métamorphoses panoptiques : de Foucault à Bentham », dans Cahiers critiques de philosophie, 4, 2007, p. 61-72.

[31] Constitutional Code, Op. cit., p. 285.

[32] Ibid., p. 442.

[33] M. Foucault, Surveiller et Punir. Naissance de la prison, Paris, Gallimard Tel, 1993, p. 162.

[34] Ibid., p. 180.

[35] Legrand, Stéphane, Les normes chez Foucault, Paris : PUF, 2007, p. 54.

[36] Constitutional Code, p. 440.

[37] Surveiller et punir, Op. cit., p. 200.

[38] Ibid., p. 201-208.

[39] Ibid., p. 209. « Au cœur de tous les systèmes disciplinaires fonctionne un petit mécanisme pénal. »

[40] Ibid., p. 210.

[41] Ibid., p. 215.

[42] Ibid., p. 217.

[43] Les normes chez Foucault, Op. cit., p. 63.

[44] Surveiller et punir, Op. cit., p. 208.

[45] Constitutional Code, Op. cit., p. 443-450.

[46] Sauf dans des cas très précis mais qui ne sont pas en jeu ici. Constitutional Code, Op. cit., p. 440-448.

[47] Tactique, Op. cit., p. 245 et Constitutional Code, Op. cit., p. 539.

[48] Voir également E. de Champs, La déontologie politique : ou la pensée constitutionnelle de Jeremy Bentham, Genève, Droz, 2008 ; F. Rosen, Jeremy Bentham and Representative Democracy. A Study of the Constitutional Code, Oxford, Oxford University Press, 1983 et O. Ben-Dor, Constitutional Limits and the Public Sphere. A Critical Study of Bentham’s Constitutionalism, Oxford, Hart Publishing, 2000.

[49] Constitutional Code, Op. cit., p. 35.

[50] Ibid.

[51] Ibid.

[52] Ibid.

[53] Ibid., p. 36-37.

[54] J. Bentham, Securities Against Misrule and Other Constitutional Writings for Tripoli and Greece, Oxford, Clarendon Press, 1990, p. 56.

[55] Ibid., p. 62-63.

[56] Ibid., p. 67.

[57] J. Bentham, Deontology ; Together With a Table of the Springs of Action ; and the Article on Utilitarianism, Oxford, Clarendon Press, 1983, p. 72.

[58] First Principles, Op. cit., p. 96 et p. 133.

[59] Constitutional Code, Op. cit., p. 36.

[60] Introduction, Op. cit., p. 52.

[61] Même s’il convient que l’utilisation systématique de la récompense est ce qui peut mener à la corruption, qu’il n’a eue de cesse de combattre.

[62] Ce concept est particulièrement étudié dans l’ouvrage suivant : E. Pezet (dir.), Management et conduite de soi. Enquête sur les ascèses de la performance, Paris, Vuibert, 2007.

[63] Voir sur ce point les Traités, Op. cit., p. 258-271.

[64] C. Hood, « The “New public management” in the 1980s : variations on a theme », Accounting, Organizations and Society Vol. 20, n°3, 1995, p. 93-109.

[65] D. Osborne et T. Gaebler, Reinventing Government. How the Entrepreneurial Spirit is Transforming the Public Sector, New-York, Plume, 1992.

[66] S. Halford et M. Savage, « Restructuring organizations, changing people : Gender and restructuring in banking and local government », Work, Employment and Society, 9, 1995, p. 97-122.

[67] Voir sur ces points : M. Power et R. Laughlin, « Critical Theory and Accounting », dans M. Alvesson et H. Wilmott, (dirs.), Critical Management Studies, Londres, Sage, 1992, p.113-135, ainsi que P. Miller, « Accounting and objectivity : the invention of calculable selves and calculable spaces », Annals of Scholarship 9 (1), 1992, p. 61-86.