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Miguel Benasayag : la résistance, la vie, la lutte politique ici et maintenant...
dimanche 8 juillet 2007

Origine :http://www.reseauxcitoyens-st-etienne.org/article.php3?id_article=1261

Voici une retranscription d’une interview de Miguel Benasayag réalisée par le journal Regards, dans le débat qui suit la défaite de la gauche.

On peut écouter l’enregistrement audio sur le site de Regards (http://www.regards.fr)

à l’adresse :

http://www.regards.fr/file/audio/benasayag.mp3

“Ne pas se raconter d’histoires” (et donc ne pas raconter d’histoires), c’est la définition du matérialisme qu’Althusser avait donné un jour. Le même avait dit que “l’idéologie, c’est quand les réponses précèdent les questions”...

Miguel Benasayag pointe des questions - de celles qui dérangent - et propose des pistes, des “lignes de fuite” (celles dont parlait Deleuze, pas celles des trouillards)...

Une invitation à s’engager ici et maintenant, dans les situations qu’on habite. C’est probablement en ce sens aussi qu’il faut comprendre cette sentence abrupte : “un autre monde n’est pas possible”. Nous avons le monde que nous avons. C’est celui-ci qu’il faut transformer. Dans une “période obscure”, c’est-à-dire une période “où l’hégémonie dominante n’apparaît pas dépassable”...

Tout ça ça se discute. Mais il y a de quoi discuter...

Ce qui suit est une retranscription à peine lissée de l’interview. Mais le mieux est bien sûr de pouvoir l’écouter...


(...) Nous pouvions réaliser que c’est la première fois que maintenant, oui ça y est, c’est fini, il n’y a plus, absolument, aucun modèle alternatif au capitalisme.

Seulement maintenant parce que disons que jusque il y a quelques années encore, on pouvait penser effectivement... L’altermondialisme auquel j’ai participé beaucoup, et je participe encore à l’alternative, dans les mouvements alternatifs en France : les sans papiers, RESF ou des trucs comme ça...ou chez moi en Argentine, en Amérique latine où je vais d’ailleurs maintenant en Bolivie pour rencontrer les gens un peu...

Ces mouvements là ont réveillé disons un dernier grand espoir - on a dit : bon, il y a là quelque chose, “un autre monde est possible” comme ils disaient, etc... Non, la réalité c’est que non ! La réalité c’est qu’un autre monde n’est pas possible et que nous sommes dans une étape vraiment obscure de l’histoire, quoi...

Une période obscure ce n’est pas un truc subjectif, l’image est un peu comme ça métaphorique mais ce n’est pas subjectif ; ça veut dire : c’est un moment dans lequel l’hégémonie dominante ne paraît pas dépassable. Comme nous sommes dedans, nous ne pouvons pas savoir, cette non dépassabilité, à quoi ça correspond, n’est ce pas, ça ne veut pas dire : c’est non dépassable pour un siècle, 10 siècles, 20 ans, je n’en sais rien...

Ce qui est évident c’est que, aujourd’hui si on peut se pousser un tout petit peu de Paris et du quartier latin ( !)... : nous en Amérique latine on a renversé des gouvernements, on a mis en place des gouvernements honnêtement de gauche, progressistes - et en tous cas archi-démocratiques, n’est-ce pas - : on peut dire ce qu’on veut de Bachelet, de Kichner chez moi, de Lulla, on peut dire ce qu’on veut, mais ils sont démocratiques. Evo Morales : la première fois qu’on a un indien président avec tout le peuple derrière... Donc toutes les conditions qu’on croyait être les conditions nécessaires pour un changement. Et ce qu’on voit, c’est qu’on peut effectivement faire moins mal que les autres, on peut pallier à certains maux, on peut faire des soins palliatifs quoi, c’est à dire dans le sens profond de pallier... mais la vérité c’est que même quand tout un sous-continent - donc c’est important ça, parce que ça veut dire qu’on n’a pas à la frontière quelqu’un qui vous emmerde en boycottant votre boulot - tout un sous continent, avec un peuple vraiment derrière, mobilisé, actif, qui a renversé un gouvernement derrière l’autre, sans parler de la résistance aux dictatures, un truc quand même énorme ... : ces gens là arrivent à mettre leurs représentants les plus directs au pouvoir et il n’y a pas un changement de structure. Ça veut dire ce que ça veut dire : ça veut dire que, aujourd’hui pour aujourd’hui, nous ne savons pas qu’est ce que ça peut être un changement.

On s’est dit : ah oui mais les marchés, il ne faut pas s’opposer aux marchés. On dit : la propriété privée : mais on ne peut pas s’opposer. La croissance par exemple : ça n’existait pas de gauche sans croissance. La gauche voulait dire croissance : parce que croissance pour répartir. Pour la justice sociale. La justice sociale n’était basée que sur la croissance. Et ceci, quand même, dans une filiation qui n’est pas une filiation superficielle : depuis Marx, hein (le développement des forces productives permet...etc).

Alors qu’est-ce que c’est la gauche ? Le problème c’est que voilà : la gauche, elle est née historiquement quand on avait un programme, un modèle, alternatif. Alors ce modèle, il était 10 modèles, 10 modèles différents, on s’est bagarré entre nous, très bien...

Alors il y avait les révolutionnaires qui voulaient arriver à ce modèle-là en faisant la révolution ; les réformistes qui voulaient arriver à ce modèle-là en faisant des réformes. Mais voilà : c’est à dire, l’horizon est bouché. Et ça, c’est ce que la gauche n’avait pas pensé.

Pourtant il y a des éléments très optimistes pour pouvoir penser ça d’une façon positive. C’est à dire : il ne faut plus espérer, hein, l’espoir ne sert plus à rien, l’espoir c’est encore discipliner les gens pour qu’ils aillent voter et la ferment.

Alors il ne faut plus espérer, mais il y a quand même une sorte d’irruption du présent de l’ici et maintenant, du fait que l’histoire existe, pour de bon. Qui dit que la lutte politique n’a pas comme objectif un modèle. La lutte politique a un objectif plus “organique” pour dire comme ça, qui est lutter pour les justices multiples là où il faut lutter, et que s’il y a un changement historique, une rupture historique, ça c’est de façon inopinée, et que tout véritable changement historique - d’hégémonie je veux dire - redistribue la justice et l’injustice.

C’est a dire que, au fait, il faut réaliser - chose que la gauche ne fait pas - réaliser que le socle sur lequel on fonctionnait : historiciste, téléologique c’est à dire qu’on allait arriver à une société sans injustice, eh bien cette hypothèse là elle était très féconde... barbare... elle était tout ce qu’on veut... mais que celle ci on ne peut plus y adhérer.

Donc il faut penser une sorte de vision plus organique de la lutte dans laquelle on se rend compte qu’on ne lutte pas pour un objectif final, ou par exemple voilà : savoir qu’être aujourd’hui de gauche et lutter pour la justice, ça veut dire : je lutte contre cette injustice-là et pour ce projet là qui me semble mieux. Mais je ne lutte pas pour la fin des injustices.

Il y a un permanentisme radical, vous voyez.

Question : mais est-ce qu’il ne faut pas en même temps porter un projet d’organisation sociale alternative qui quelque part fasse aussi espérer les gens... ?

Je pense que la rupture radicale qu’il faut assumer est la rupture avec ce qui nous a fondé nous tous.

Je ne suis pas social-démocrate mais je pense que les sociaux-démocrates, les communistes, les trotskystes les anarchistes, tout ce qui va... et le centre libéral, c’est a dire certains libéraux, démocrates même, comme Bayrou ou les gens comme ça... sont des gens que : toute leur analyse politique partait de la base d’une pensée, d’une croyance, d’un pari disons, une hypothèse, dans le progrès. Or le progrès s’est avéré ne pas être ce qu’on pensait en tous les cas.

Déjà il faut voir ça : c’est quand même pas évident pour un homme ou une femme de gauche de penser que ce pour quoi il lutte n’aura pas de fin. Et effectivement la lutte contre l’injustice n’aura pas de fin. Moi j’ai eu l’expérience avec la lutte contre la dictature, une chose qui m’a facilité pour penser l’étape actuelle, je n’ai pas plongé dans l’étape actuelle... Nous on luttait contre la dictature, pour que la dictature s’en aille ; et moi la politique n’est pas quelque chose qui m’intéresse beaucoup, ça ne me plait pas la politique, donc voilà, après je serai médecin psychiatre dans une Argentine démocratique et je vais voter à gauche, quoi, voilà c’est tout...

Donc, c’est cette idée quand même que les tâches sont données par l’étape ; c’est à dire que les tâches se présentent toutes seules, et qu’il n’y a pas un modèle à poursuivre, ça se présente de façon organique, tout seul.

Par exemple la réalité c’est qu’il y a une désertification de l’Afrique, il y a une crise économique terrible, il n’y aura pas de croissance pour le tiers monde, il y a même des décroissances pour le 1er monde... Donc les flux migratoires, qui étaient une réalité humaine depuis toujours, deviennent aujourd’hui beaucoup plus importants parce qu’il y a un problème démographique. Voilà, ça c’est le problème de notre époque...

Alors par rapport à ça, il faut se définir : qu’est-ce qu’on fait ?

Donc les problèmes politiques se posent, eux tout seuls. C’est un principe matérialiste, quoi : ils se posent tout seuls. C’est à dire que faire de la politique, ce n’est pas imaginer quelque chose dans l’air, faire de la politique c’est imaginer quelque chose par rapport à des problèmes concrets qui se posent.

Il me semble quand même qu’après, les modes d’organisation en découlent. L’intendance suit. On ne peut pas mettre la charrue avant les boeufs, comme disent les français. Il faut quand même d’abord voir ça... Je pense à des militants comme Krivine, ou je sais pas ... Marie-Georges Buffet - je ne connais pas cette dame mais Krivine je connais - 60 ans qu’ils luttent contre le système, c’est à dire que leur vie c’est lutter contre le système...

Alors moi, il me semble que ce type d’organisation - il y a le Vatican, il n’y a que le Vatican qui peut tenir le coup 2 000 ans - ce type d’organisation qui en permanence... parce que quand un mec de la Ligue vient me voir quand j’ai subi une injustice - parce que nous en psychiatrie maintenant on travaille avec RESF dans un projet très concret : sur les torts portés aux petits blancs français, en disant : la solidarité a deux bouts - Quand un mec de la LCR vient me voir, je ne le crois pas : il s’en fout du petit blanc que je veux protéger - parce qu’il y a les métèques qu’on vire et qui sont très mal, mais arrêtons de penser que des petits blancs peuvent voir ça sans être touchés...- Quand il vient une mère de famille, quand il vient quelqu’un d’un quartier, un enseignant, me voir, et dit : je veux travailler avec toi à votre projet, d’accord...

Quand un mec de la Ligue vient me voir, je ne le crois pas parce que son métier est : changer le monde. Alors il s’accroche à tout ce qui dépasse pour changer le monde. Mais tout ce qui dépasse, donc ce qui est la vie réelle au demeurant, il s’en fout en fait, c’est à dire que de la vie réelle il s’en fout. Demain, les jeunes, ils vont militer pour le CPE ou je sais pas quoi, eh bien ils seront là, mais le CPE il s’en fout. Les métèques, sans papiers, ils s’en foutent. Ce n’est pas un procès d’intention, je ne dis pas qu’ils s’en foutent au fond de leur coeur - je m’en fous du fond de leur coeur - dans les faits, c’est que de toutes façons, je n’ai pas besoin de savoir quelle sera leur position puisque que leur position, elle est prise à l’avance.

Alors je pense qu’il faut un mode d’engagement dans lequel les situations réelles, avec leur complexité, soient au coeur de notre préoccupation. Et non pas un modèle qui utilise les différentes réalités humaines pour dire : “vous voyez qu’on a raison”.

Le truc principal, c’est qu’on ne se rend pas compte à quel point il y a une rupture dans le socle qui fondait la position même de gauche, qui était la position historiciste. Un mec de gauche, une nana de gauche, mais même de votre âge, même des jeunes, quand moi j’explique ma position sur ce que j’appelle le contre pouvoir etc, même s’ils n’ont pas vécu, sont nés après, la rupture de l’espoir... ils ne veulent pas militer si on ne leur promet pas un espoir quelconque. Et moi je pense que là il y a une faille, parce que personne ne doit promettre rien à personne. Nous devons voir ensemble qu’est ce qu’on peut faire.

J’étais invité par les sans toit du Japon à Tokyo. J’étais invité parce qu’ils ont traduit un bouquin qui s’appelle “le contre pouvoir” que j’ai écrit, ils l’ont traduit en japonais, bon...

Et alors vient me voir un petit militant - le petit militant typique comme ça - je n’ai jamais supporté les militants comme ça, ceux qui arrivent avec, vous savez, comment le monde doit être sous le bras, ils disent : voilà mon journal comment le monde doit être. Ceux qui arrivent avec voilà comment le monde doit être.

Il vient un militant et il me dit : “fais gaffe, parce que quand tu parles, souvent, tu mets en avant beaucoup de problèmes de la mouvance altermondialiste. Il ne faut pas les déprimer”...

Moi je viens ici et je dis exactement quels sont mes problèmes pour les partager avec des amis japonais, qui me diront comment ils vivent les problèmes. Parce que je ne vois pas en quoi, moi, je serais, moi, un papa - vous voyez la position paternaliste - qui dit aux petits japonais - c’était des gens, vous comprenez, des SDF que ça faisait 15 ans qu’il vivaient dans des parcs, qu’ils étaient virés à coups de pieds au cul... Qu’est-ce que j’ai moi à dire d’un espoir à un japonais que ça fait 15 ans qu’il vit dans un parc dans la poubelle du néolibéralisme ?

Qu’est-ce que je sais moi ? Moi, ce que je veux faire, c’est dire qu’est-ce que je vois moi en tant que latino-américain qui habite en France depuis 20 ans... voilà camarades : moi, comme vous, je tiens à la justice, on se bat comme ça et on a tels problèmes, vous quels problèmes vous rencontrez ?

Non, le mec voulait que je vienne là faire la branlette idéologique et dire “on vaincra !” ... et s’il y a une chose dont je suis sûr, c’est qu’on ne vaincra pas du tout, quoi, c’est à dire qu’on peut résister, on peut changer des choses, mais vaincre ça ne veut rien dire.

Alors, la question de l’espoir est une question très délicate.

Vous voyez il y a eu un truc par exemple, c’est - à un moment donné, je ne me souviens pas qui c’est, si c’est Paul Nizan, vous voyez l’ami de Sartre Nizan, qui rentre d’Union soviétique, et il raconte à Sartre, et il dit : voilà c’est une horreur quoi, c’est le goulag, c’est l’horreur.

Et Sartre dit : oui, c’est l’horreur, donc il se sépare un peu du parti communiste...

Et il dit : il faut le dire Sartre, il faut le dire ouvertement. Et Sartre que j’adore, que j’aime beaucoup, il a commis une horreur horrible, il a dit : non je ne dirai pas la réalité de l’union soviétique, parce qu’il ne faut pas désespérer Billancourt. Billancourt c’était Renault Billancourt, c’est à dire : il ne faut pas désespérer la classe ouvrière. Je pense que c’est horrible ça, c’est dégoûtant. Ça c’est prendre les gens pour des pauvres gens, et soi, c’est se prendre pour supérieur.

Je pense au contraire qu’il faut désespérer tous les Billancourts du monde. Et dire, là maintenant qu’on voit bien dans quel merde on est : de quel côté passe la résistance ? De quel côté passe la vie ? De quel côté passent les lignes de fuite, comme dirait Deleuze ?...

Je n’ai jamais vécu de ma vie, dans la tôle, dans l’exil, dans la clandestinité, dans les luttes, jamais vécu de ma vie sauf peut-être aux moments les plus durs - mais ça durait bon... où on te torture, voilà effectivement, peut être là c’est plus difficile, mais quand même, puisque je n’ai pas lâché le morceau, mais bon mis à part ça - je n’ai jamais vécu de ma vie un moment si obscur dans lequel on ne puisse pas voir par où passaient les lignes de fuite.

Et bien c’est ça militer, l’engagement c’est ça, ce n’est pas dire aux gens comment le monde doit être, mettre un peu de féminisme, d’homosexualité, un peu d’écologie, ça veut rien dire ça...

Question : ... peut être qu’il ne faut pas non plus se réfugier uniquement dans l’espoir de changer le monde mais il faut que ce soit présent quand même. Est-ce qu’il ne faut pas réinventer des formes de socialisme de communisme, est-ce qu’il ne faut pas quand même mettre ça sur la table ?

Le problème c’est que les grandes ruptures historiques redistribuent la donne radicalement. Mais cette redistribution de la donne ne nous permet pas à nous de faire une hypothèque envers la société future. Parce que nous nous sommes ceux qui subissons l’horreur du néolibéralisme, mais il ne faut pas se comporter de telle façon qu’on avalise par notre espoir les injustices de la société à venir.

Moi je pense, oui, qu’il y aura un jour une rupture ...j’imagine, comme ça grosso modo qu’un jour ou l’autre il y aura une rupture d’hégémonie. Bon, j’imagine... Mais je n’ai aucune envie de baser toute mon action d’aujourd’hui dans l’espoir de cette rupture là, pour deux choses :

D’une part, parce que qu’est ce que j’en sais moi de cette rupture-là, n’est ce pas ? Or les petits leaders, toujours ils sont leaders parce qu’ils se légitiment d’un savoir de Madame Soleil sur l’autre monde..

Deuxièmement, tout ce que je sais, moi, du point de vue matérialiste de l’histoire, c’est que l’autre monde possible grosso modo aura autant de justice et d’injustice que celui-ci. Il y a un déplacement, c’est à dire que, effectivement, il y a des choses qui sont intolérables aujourd’hui qui n’existeront plus, mais du moment que cet intolérable là se déplace, ipso facto émergent de nouveaux intolérables. C’est comme on dirait : bon voilà, aujourd’hui, en Occident il n’y a pas d’esclavagisme, donc qu’est-ce qu’on a à faire chier le monde, et le peuple ? Eh bien oui, il n’y a pas d’esclavagisme, mais nous on ne veut pas l’injustice du néo-libéralisme. Vous voyez...

Ou par exemple, c’est pareil, ce que nous disait le premier gouvernement démocratique très hésitant en Argentine après la dictature. Il disait : “qu’est-ce que vous voulez, la dictature ?... Alors arrêtez de protester !” On disait : “attends, écoute, on n’a plus la dictature, on en est ravi, mais il y a des mômes qui meurent des maladies estivales...”. Vous voyez...

En fait , il y a deux problèmes avec “l’autre monde est possible” :

Un : c’est que, en fait, on n’en sait rien, quoi, parce qu’une rupture historique est toujours inopinée. Ça c’est l’épistémologie qui le dit, mais ce qui est très drôle, c’est qu’il y a même un passage de Lénine qui dit ça. Le fait, le côté inopiné de la rupture, c’est une donnée logique.

Et deuxièmement, voilà, je n’ai aucune envie de tirer des plans sur la comète sur un autre monde dans lequel je n’en sais rien, par où passeront les injustices. Moi ce qui m’intéresse, c’est les justices, les injustices, les tristesses et les joies ici. Et ça veut dire, voilà, une certaine radicalité. Ça ne veut pas du tout dire réformisme, ça veut dire une radicalité.

Ça veut dire... par rapport aux métèques, ça veut dire : ceux qui sont ici : bouge pas ! Par rapport aux usines qui ferment : non, elles ne ferment pas ! On n’accepte pas la logique unique. Voilà, lutter c’est ça. C’est à dire : ça ne passe pas, l’impératif économique ne passe pas !

Question : ... Plus à un niveau culturel, on reproche souvent à la gauche en général d’avoir cette image d’une gauche immobile, ringarde, ennuyeuse.

Est-ce que là dessus il n’y a pas quelque chose à faire aussi, alors je ne sais pas si c’est au niveau des formes d’organisation par exemple, on en parlait, est-ce que pour redonner envie d’un engagement politique ou de résistance aux nouvelles générations, est-ce que...

Oui, certainement, il y a quelque chose qui a des formes différentes, c’est à dire, dans la militance d’extrême gauche, il y a un côté protestation un peu messianique : on proteste, on râle mais on a tendance à être les “il n’y a qu’à”, c’est à dire... chose que quand même, c’est pas vrai quoi : il n’y a qu’à ... rien du tout.

En Argentine nous on a loupé la révolution, mais au Nicaragua on l’a faite, et ce sont deux échecs : là où on l’a loupée et là où on l’a faite, c’était deux échecs.

Cette idée que si on dégomme les méchants, on pourra ... Il y a une idée quand même un peu trop facile, quoi. C’est à dire que tant qu’on croyait que l’histoire avait un sens, et qu’on allait dégommer la bourgeoisie et que la liberté allait venir, un militant pouvait être quelqu’un simplement de bonne volonté. Aujourd’hui il me semble quand même qu’il faut plus des militants et des engagements proches des pratiques, et sans une centralité comme ça de quelqu’un qui sait tout sur tout.

Sinon on arrive à des trucs tristes, un peu grossiers comme Sarkozy et Ségolène dans lesquels...bon, Sarkozy on s’en fout, mais Ségolène en train de raconter tout et n’importe quoi parce qu’elle doit faire semblant de savoir... Or c’est quand même incroyable que quelqu’un de gauche en France pense que l’énergie nucléaire vient à 2% des centrales nucléaires, par exemple.

Donc ces positions dans lesquelles il y a des toutologues, et qui créent des formations pyramidales... moi je pense qu’effectivement il faut aller vers un engagement plus multiple, plus lié à nos pratiques, quelles que soient nos pratiques, c’est à dire que je crois que la contestation du monde - bon, c’est le bouquin qu’on avait écrit avec Florence Aubenas qui s’appelle “résister c’est créer” - je pense que la contestation doit s’accompagner d’une négation radicale, parce que moi je crois qu’on a tout à fait intérêt et le droit de nous opposer aux injustices même si on n’a rien à proposer.

Ça c’est un piège l’idée qu’il faut proposer quelque chose si on s’oppose. Moi je pense que non. C’est à dire que quand je m’oppose à une injustice, déjà je propose quelque chose, je propose la solidarité, l’amour, le désir de justice, la joie, c’est à dire que, on peut et on doit s’opposer aux choses même si on n’a aucun programme, et surtout il faut réclamer ce droit là ... il ne faut pas tomber dans le piège gestionnaire de “si tu t’opposes à quoi que ce soit tu dois avoir déjà clé en mains un programme”, parce que c’est là où on devient ridicule.

Il vaut mieux être sérieusement dans une position de contestation radicale que d’être dans une position bouffonesque de proposer des trucs qu’on n’en sait rien. Donc déjà il faut pouvoir s’opposer.

Et deuxièmement, l’expertise est nécessaire, mais l’expertise doit être faite par rapport à nos affinités électives, c’est à dire que, le mec qui dit : voilà je suis médecin, je suis instit je suis ça, et après je vais militer... : non ! moi je pense que la question, c’est toujours par où passe la résistance, la création, la joie dans les situations où je suis directement engagé, c’est à dire qu’il faut essayer de... un peu commencer à laisser derrière le toutologue qui sait tout sur tout parce qu’il est de gauche, ou parce qu’il est militant du parti.

Moi je pense que ça c’est une militance plus joyeuse. Parce qu’une militance plus joyeuse est une militance qui est capable de créer, de déployer une puissance, qui laisse derrière ce militant triste comme ça, qui est tout le temps en train de dire aux gens comment le monde doit être. Il y a un mec, je ne veux pas le nommer parce que c’est un copain, mais qui vraiment... il y a quelque temps me dit par rapport à un mouvement des sans, des no-vox où je gravite, me dit : “oui mais Miguel, on ne te voit pas souvent dans telle ou telle action”. Je trouve ça minable. Chacun fait là où il fait, comme il fait, c’est à dire que ce côté curé des commissaires politiques est inhérent aux organisations actuelles.

Moi je crois qu’il faut développer, inventer ce rapport parallèle entre les contre pouvoirs qui se développent en multiplicité de tous les côtés, et les gens qui aiment faire de la politique politicienne, et que leur boulot est d’être à l’écoute de ce qui se passe dans la puissance. Le contre pouvoir ce n’est pas s’opposer au pouvoir, c’est disons le fait de...un équilibre. L’engagement devrait aller comme ça : dans une multiplicité de collectifs plus ou moins agencés, qui cherchent tous azimuts. Et sans du tout lâcher prise par rapport à la démocratie disons formelle, qu’il faut qu’elle soit le moins formelle possible...

Mais pour cela il faut qu’ils soient à l’écoute, simplement qu’ils soient à l’écoute de ce que nous faisons.

Question : ces dernières années est ce qu’il n’y a pas eu justement un manque de liens entre les partis politiques de gauche quels qu’ils soient et puis tout ce qui est gauche mouvementiste, collectifs

Eh oui, mais parce que le problème c’est que, à chaque fois les militants de gauche ou les responsables de la gauche, ils agissent comme un gros devant la devanture d’une boulangerie, vous voyez, d’une pâtisserie : ils veulent se bouffer tout ce qui bouge. Et après, eh bien voilà, après il y a une indigestion. En fait, c’est ce qu’ils ont fait.

Ils ont voulu se bouffer et discipliner l’altermondialisme, et voilà ils se l’ont bouffé, l’ont digéré et chié. Tchao, ça n’existe plus.

Le CPE, voilà : ils voulaient le bouffer, le digérer, le chier. voilà, à chaque fois que quelque chose bouge ...

La seule chose qu’ils n’ont pas pu faire parce qu’ils avaient horreur et ils étaient écoeurés, c’était la révolte des banlieues. Là effectivement, ils ont envoyé des psychologues, des sociologues et des flics, parce que là, ils ont voulu pathologiser ça. Ce qu’ils ne comprennent pas, ils ne se posent même pas la question. Ce qu’ils ne comprennent pas, ça n’existe pas, c’est un accident. Et le reste, ils le bouffent, ils le digèrent, et ils le chient.

Et après eh bien voilà, la gueule qu’on a quand on a été digéré par la social-démocratie, ou les communistes, ou les trotskystes, quoi...

Dans les forums altermondialistes - vous avez connu les forums altermondialistes ? - mais c’était une horreur. Mais je ne pouvais pas croire les bagarres qu’il y avait pour aller causer ! Et si vous causiez dans une plénière ou si vous causiez dans un atelier... Et Bernard Cassen qui tirait contre tout ce qui bougeait, et le Monde Diplomatique et la Ligue qui voulait que ...

Et tout ça, les indiens sans terre carrément qui étaient dans un forum à côté. Nous les no-vox qui étions à côté. Vraiment là, c’était incroyable, parce qu’ils ne laissaient pas que le mouvement commence à se développer qu’ils voulaient déjà le saucissonner, le récupérer.

Alors oui, c’est un rapport très malsain qui a existé entre la gauche disons organisée, politique, et les contre pouvoirs. Un très mauvais rapport, un rapport très malsain.

Il faut quand même qu’on comprenne tous que faire de la politique ce n’est pas simplement faire de la politique représentative. Ça c’est une dimension de la politique, très intéressante, très importante, mais cette dimension de la politique, elle doit s’abreuver des mouvements multiples, contradictoires. Surtout dans un moment dans lequel on dit qu’on ne sait pas de quel côté il faut aller. Il faut aller de tous les côtés, c’est comme dans un labo quand on ne sait pas trop de quel côté il faut chercher, eh bien on cherche plutôt de tous les côtés possibles.

Et là, la gauche, elle a tout a fait intérêt à accepter qu’effectivement il y a une crise profonde des fondements, sinon il n’y aura plus de gauche. Il y aura une social-centriste-démocratie. Il n’y aura plus de gauche du tout, quoi. Alors c’est très drôle parce que les gens, ils imaginent que ce n’est pas possible. Mais vous imaginez : le mur de Berlin est tombé... C’est rien... si absolument, c’est tout à fait possible et pensable et je ne vois pas comment on fera autrement. Qu’il y aura des partis du centre, démocratiques, droits de l’homme, droits des femmes, droits des minorités, mais ça, ça ne s’appelle pas la gauche, ça s’appelle des partis démocratiques, progressistes...

Il n’y aura plus de gauche parce qu’il faut repenser sur quels fondements on peut refonder une gauche, et ça vous imaginez que les responsables de gauche sont tous en train de se tirer dans les pattes pour survivre personnellement, mais le problème c’est que c’est ce type de considérations bureaucratiques, mais vraiment bureaucratiques : ce n’est pas pour faire les malins, c’est des gens qui sont en train de défendre leur gagne-pain...

Question : Est-ce qu’il ne faut pas à l’instar de ce que fait Sarkozy et l’UMP et une certaine droite décomplexée autant sur le langage que sur les projets qu’ils présentent, est-ce qu’il faut pas justement une gauche décomplexée mais à l’inverse qui reprenne un langage de gauche en parlant... ou en réactualisant les notions de bourgeoisie, de lutte de classe, de capitalisme, des notions qui sont pratiquement devenues tabous ?

Bien entendu, c’est à dire qu’à gauche nous devons dire : vous vous foutez la communication au cul. C’est à dire : il n’y a pas de problème de communication. Les jeunes du CPE, ce n’est pas qu’ils n’ont pas compris. Il n’y a pas une réalité, il y a au moins deux ou trois ou quatre réalités, et ces réalités là ne sont pas solubles dans la communication. Il y a des intérêts, de classe, de secteurs, de projets, de sexe, opposés et non réconciliables. Ça ne veut pas dire la guerre, mais ça veut dire qu’il faut absolument une gauche décomplexée, comme la droite est décomplexée ...

... - Il faut voir parce que la gauche décomplexée, des fois ça sort un peu bizarre, ça sort : “je suis de gauche mais je suis raciste” ! Parfois il y a des choses... au départ, je me disais : mais où il veut en venir ?... parce que j’en vois partout des gauches décomplexées, Kouchner par exemple c’est un gauchiste décomplexé, non, carrément... -

Mais disons, dans le sens où vous le dites : mais bien entendu, bien entendu ! Il faut dire : tout ce qui est légitime n’est pas forcément légal. Voilà, alors qu’est-ce qui est légitime ?

Eh bien c’est légitime que les gens aient un toit alors eh bien voilà : on les emmerde, on occupe des maisons !

C’est légitime que les sans papiers sont là et bien voilà : on les emmerde, les sans papiers sont là !

C’est légitime que tant qu’on n’applique pas un principe de précaution, on brûle les champs d’OGM. Eh bien on brûle les champs d’OGM !

C’est à dire qu’il faut quand même récupérer la notion de lutte, quand même, avec un côté sérieux. Aujourd’hui quelqu’un qui lutte apparaît comme un énergumène en manque de communication, n’est ce pas. Eh bien voilà : il faut dire que non, qu’il n’y a là aucune communication, que ce n’est pas un déficit de communication. Les jeunes qui sont sortis dans la rue contre le CPE - je n’ai pas parlé avec tout un chacun, mais... - je ne crois pas qu’ils sont sortis dans la rue parce qu’ils n’avaient pas compris Villepin. Ils sont sortis dans la rue parce qu’ils ont très bien compris Villepin, et ils l’emmerdent Villepin. Et alors là, Sarko va entuber tout le monde avec la communication...

Mais bien entendu qu’il faut revenir à une gauche qui arrête de parler que nous sommes tous d’accord sur tout. Il faut une radicalisation. Mais cette radicalisation passe par ré-enoblir une contestation non programmatique.

C’est à dire : oui, quand on a 20 ans, on a tout à fait le droit de se révolter, de casser une vitrine d’un marchand d’esclaves d’intérim. D’être contre les projets que vous êtes des kleenex, des merdes qu’on utilise et on jette. Oui on a le droit de s’opposer radicalement à ça. Sans avoir absolument pas la moindre idée de quoi mettre à la place. Parce que si on ne s’oppose pas, il n’y aura même pas l’espace pour mettre quelque chose à la place.

Question : est-ce qu’il ne manque pas de références théoriques communes au sein de la gauche, est-ce que justement dans les discours qu’ils soient au PS ou à gauche du PS on entend pas suffisamment de références théoriques ?...

Moi je pense que là, en ce moment, il n’y a aucune référence, il n’y en a pas de nouvelles, certainement pas, mais même les vieilles, parce que ... Marx c’est très intéressant d’étudier Marx, mais il y a une chose qui est évidente : je veux bien croire que tous les leaders de la gauche aujourd’hui ont lu Marx, mais ils l’ont oublié, en tous les cas ils ne parlent pas de Marx.

Mais je suis loin de dire : si on lisait bien Marx on aurait la réponse. Il n’y a aucune réponse théorique possible. Je ne pense pas qu’il y ait de réponse théorique possible. Je pense que les réponses doivent être des hypothèses locales et multiples théoriques et pratiques à la fois, c’est à dire qu’il faut construire des micro-théories, des micro-pratiques qui se contestent entre elles, qui se relancent, dans un système complexe, quoi, c’est à dire : ça se conteste entre eux, ça existe pour et par l’autre...

Il faut avoir la préoccupation de la pensée théorique. Mais non pas chercher aujourd’hui qui pourrait avoir la nouvelle théorie de l’empire ou LA théorie, comme ça ... je crois qu’ il y a quelque chose là qui ne marche pas dans ce sens là : un système, comme ça, théorique, qui permettrait de lire toutes les situations, ça ne marche pas.

Question : est-ce qu’il n’y a pas un manque de productions intellectuelles à gauche ou est-ce qu’il y a certaines théories, certains développements qui sont trop ignorés par les partis politiques ?...

Ah oui oui, on vit dans une époque très riche de production théorique mais qui n’est pas forcément... des idéologues ou des penseurs philosophiques qui pensent la contestation ou le socialisme. Mais on vit dans une époque richissime de production théorique, mais qui est plus de fond, qui questionne les modèles de pensée, les liens...

S’il y a une richesse dans notre époque - parmi d’autres, parce que dans les époques obscures les choses se passent de façon underground mais se passent quand même, tandis que dans les époques lumineuses, les gens se contentent d’étudier beaucoup moins, parce que ce n’est pas nécessaire - C’est une époque très riche théoriquement, très très très riche. Je suis même surpris à chaque fois de voir comment il existe un peu partout des gens qui sont en train de travailler sans idéologie, sans crainte à la fois, de ce qu’ils vont trouver...

Question : ces positions ne sont pas assez reprises ou relayées par les partis politiques à gauche ?

Parce que les partis politiques, ils ont d’autres choses à faire, ils sont tout le temps en train de penser à des problèmes internes, à des luttes de leaders, aux prochaines élections, de s’opposer aux partis d’en face. Des problèmes identitaires qui ne laissent pas le temps de penser ces problématiques lourdes.

Moi ça m’est arrivé plusieurs fois par exemple avec les écolos. Les écolos, plusieurs fois on a commencé des groupes de travail ensemble sur la rupture historique, anthropologique : qu’est ce que sont des modèles alternatifs, parce qu’on peut pas dire “la décroissance”... la décroissance, c’est un voeu pieux. On ne ne peut pas imposer à des gens de changer des idéaux de vie, il faut quand même inventer d’autres modes de désir, c’est très compliqué tout ça, bon...

Et systématiquement ces trucs c’est coupé, quoi. Après, il y a eu d’autres groupes politiques qui m’ont demandé de travailler... mais je parle au delà de moi : en général je sais que les chercheurs avec lesquels je travaille sont carrément dégoûtés des partis politiques, parce que quand vous êtes un intellectuel un tout petit peu reconnu, ce qu’il font c’est qu’avant les élections ils viennent vous appeler, et ils vous disent : oui, il faut tout remuer, il faut tout parler, et on va tout changer. Et alors vous allez une fois, deux fois, mais ... Après vous avez fini par comprendre que le jour des élections ils ne vous connaissaient même plus, ils avaient perdu votre numéro de téléphone : donc, ils nous utilisent comme condom un tout petit peu. C’est à dire, vraiment on y va là pour faire semblant de faire rehausser les débats, et je ne sais pas quoi, et après ils s’en foutent, parce qu’ils passent aux choses sérieuses : la politique.

Je pense que les partis politiques, ils sont dans la merde. C’est les pires endroits pour développer une ... Je crois par exemple à la possibilité d’assises de la pensée de l’émancipation, des assises nationales avec des lieux régionaux, sans centralité aucune...

C’est ce qu’on a essayé de faire avec les listes de gauche alternative. Mais deux ans avant 2007, ça y est, ils ne me connaissaient plus parce que je disais : mais attendez, attendez, les élections c’est les élections mais nous on a d’autres choses à penser, eh non, on ne pensait qu’aux élections.

Je pense que oui, c’est possible d’installer des lieux - mais qui ne soient pas des blabla - dans lesquels les gens viennent dire : nous on pense ça, d’accord, mais nous nous faisons comme ci, nous nous faisons comme ça... Vous voyez... des lieux dans lesquels les pratiques, les théories sont articulées, et pensées, sans un autre objectif que ça, des lieux comme ça, des assemblées, quoi, dans lesquelles on pense sérieusement.

Vous imaginez que pour la moindre amélioration d’un vaccin on passe 10 ans de travail, et pour changer le monde les gens croient qu’en lisant le programme de Ségolène et en le comparant avec le programme de Marie-Georges... Vous voyez.... les militants ne sont pas sérieux...