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Origine : http://malgretout.collectifs.net/spip.php?article155
Révolution : le mot revient souvent dans les propos d’Olivier
Besancenot, porte-parole charismatique et médiatique du Nouveau
parti anticapitaliste. Un mot qu’il emploie aussi bien en
public, devant micros et caméras, qu’aux réunions
politiques de son mouvement, en plus petit cercle. Olivier Besancenot
veut changer le monde, changer le système, tout remettre
à plat. Tremblez bourgeois... Eh bien justement, ils ne tremblent
guère les bourgeois. Ils ont même plutôt l’air
de l’apprécier, le leader révolutionnaire. Tout
le monde voudrait l’avoir pour gendre... Michel Drucker l’invite
dans son salon, Laurence Ferrari l’accueille à bras
ouverts. Quand il se présente devant les gardiens du système,
qu’ils soient responsables politiques ou journalistes de grands
médias, il fait tout de suite partie de la maison : on se
sourit, on se taquine, on utilise le même langage. Ponctué
de temps à autre, chez Olivier, de l’incantation magique
: « Le smic à 1500 euros, blablabla... révolution
», « plus de fonctionnaires, blablablabla.... révolution
», « nationaliser les banques, blablablabla... révolution
», « y’en a marre... blablablabla.... révolution
» . Olivier Besancenot trouve les mots qui ne blessent personne.
Sa révolution ne s’incarne que dans des revendications
politiques traditionnelles. Seuls les chiffres et le curseur changent.
C’est un peu le « monsieur plus » de la gauche.
Et s’il dit ne pas vouloir participer à un gouvernement
avec les actuels partis de gauche, il s’embourbe dans quelques
sérieuses contradictions qui pourraient à terme coûter
cher à son mouvement. D’une part, si le NPA se présente
avant tout comme un élément du mouvement social, une
force de contestation dont l’objet est d’être
dans la rue et non dans les mairies ou les ministères, pourquoi
une telle focalisation sur les élections, toutes les élections
: des municipales aux européennes en passant par la présidentielle.
Le NPA n’est jamais aussi présent dans le débat
public que lorsqu’il se lance dans les élections, c’est
à dire quand il s’inscrit pleinement dans les mécanismes-clés
de ce système qu’il prétend combattre. Un système
qui n’a pour objectif que la gestion des affaires courantes.
Avec, dans le meilleur des cas, un léger progrès social
à la marge. En ce sens, le NPA est une formation politique
gestionnaire comme les autres. On connaissait le centrisme révolutionnaire
de François Bayrou, Olivier Besancenot pourrait être
présenté comme un démocrate radical, ou un
gestionnaire colèreux... Son maître à penser
Daniel Bensaïd ne dit pas autre chose quand il affirme depuis
trente ans, tout en dirigeant des mouvements dits « révolutionnaires
», qu’en dehors de la démocratie représentative,
rien n’est envisageable. En accolant ainsi des notions radicales
à de bons vieux programmes politiques à l’ancienne,
ils vident la radicalité de sa substance. Passée à
la moulinette LCR-NPA, elle devient purement nominaliste : «
nous sommes radicaux parce que nous nous nommons radicaux ».
C’est sur le même mode incantatoire qu’ils ne
cessent de se référer aux années 68 et suivantes.
Ils les regardent comme des années lumineuses, émancipatrices
(ce qui est en grande partie exact) en cherchant le ressort, la
formule qui pourrait leur permettre de les recommencer. Comme si
la force d’une époque tenait à un signe, un
levier, un déclic. Alors que le déclenchement est
évidemment beaucoup plus complexe et porté par des
réalités économiques, sociales, historiques
dont l’imbrication, la convergence ne pouvait se faire qu’à
un moment donné. En extrayant une petite parcelle de ce contexte
(la fondation de telle organisation politique, le succès
de manifestations sur telles revendications, la conjonction entre
telle institution politique et tel mouvement social) on le vide
de son sens. C’est un peu comme si on demandait aujourd’hui
aux filles de porter des mini-jupes pour faire renaître l’esprit
contestataire de mai 68.
Et il recommence avec la Guadeloupe, en se rendant sur place pour
chercher à reproduire en métropole les mêmes
mouvements sociaux (100 000 personnes dans les rues en Guadeloupe,
cela représenterait environ 15 millions en France...). C’est
là aussi faire preuve d’un relativisme culturel et
d’un manque d’intelligence politique notables. Comment
peut on mettre sur le même plan la crise identitaire, culturelle
et raciale de la Guadeloupe avec ce que nous vivons à Paris,
Lille ou Montpellier ? La question des salaires et du pouvoir d’achat
(là aussi d’une toute autre ampleur, tant dans les
écarts que dans la part de la population touchée et
la permanence de la situation depuis des décennies) a été
le déclencheur d’un malaise beaucoup plus enfoui qui
n’a rien de commun avec ce que vivent les métropolitains
aujourd’hui. C’est bien là le signe qu’Olivier
Besancenot est coincé par la dialectique du « bon programme
pour un bon système », plaquée à répétition
sur des situations les plus diverses, et qu’il passe à
côté de la vie. Nos vies n’ont que faire des
programmes clés en main, des slogans, des leaders charismatiques,
des pourcentages aux élections et des audiences de prestations
télévisées. En essayant ainsi de récupérer
des périodes historiques et des mouvements sociaux, en leur
collant des slogans et des intentions programmatiques, le NPA les
dévitalise. Il réduit et ridiculise leur complexité,
leur diversité. Un bon terrain politique, pour ce parti,
est un terrain lisse, plat, sans aspérités, sans zones
d’ombre. Où l’on peut défiler fièrement
et parler haut. Quand ces « révolutionnaires »
arrivent quelque part où émerge un mouvement réel,
ils en viennent à le virtualiser. Et s’inscrivent ainsi
parfaitement dans les codes et les valeurs de l’époque,
ceux du formatage, de la centralité et de la transparence.
En somme, les codes d’une autorité qui ne nous veut
pas que du bien. Un conseil donc à Olivier Besancenot et
ses camarades : si vous voulez la révolution, commencez par
donner l’exemple, prononcez la dissolution de votre parti
et plongez vous dans le bain frémissant de la vie.
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