Origine : http://malgretout.collectifs.net/spip.php?article171
Extrait d’une interview 1. Les motivations de votre engagement
au sein de cette association ?
Cette association est née d’une histoire d’amitié
et de dialogue avec Agnès Munier. Lorsqu’après
l’adoption de son fils vietnamien, elle m’a fait partager
son ressenti sur les conditions de vie des orphelins handicapés
vietnamiens, nous n’avons pas voulu rester inactifs. Notre
volonté était forte d’agir de façon concrète,
même de façon restreinte. En effet, nous sommes à
une époque où la complexité des grands enjeux
et la difficile résistance aux valeurs triomphantes de consommation
et d’individualisme, incitent plutôt à la résignation,
la tristesse et la passivité.
Par ailleurs, Le handicap relève de questions normatives
que l’on préfère taire. Témoigner, ne
pas être complice, est une façon de résister
avec efficacité.
Enfin, l’adoption n’est pas une démarche sans
effet. Il y a comme un arrachement des enfants à un pays,
une culture, une histoire. Pouvoir donner quelque chose en retour
évite peut-être de marquer une frontière trop
abrupte. J’ai donc co-créé cette association
avec Agnès Munier (présidente de l’association),
avec qui je partage beaucoup de valeurs comme celle-ci "la
vie ne peut pas être une simple question personnelle".
Le projet initial reposait donc sur la création d’un
aller-retour avec le pays d’origine des enfants afin de consolider
un pont entre les 2 pays, les 2 cultures : des liens de solidarité
et non de simples projets personnels.
2. Pourquoi cette association ? il y a tant de sollicitations
de toutes parts...
Je ne pense pas qu’on s’engage dans des associations
en suivant la logique du supermarché. On s’engage toujours
par rapport à des parcours et à des affinités
électives. En ce qui me concerne, avant mon engagement auprès
d’Agnès Munier, l’adoption d’enfants dans
les pays "périphériques" faisait déjà
partie de mes préoccupations. 3. En tant que psychanalyste,
quelles sont les orientations que vous avez données aux actions
pour l’accompagnement des enfants dans leur quotidien ?
Grâce à Agnès Munier, j’ai découvert
l’existence de tous ces enfants laissés-pour-compte,
car non adoptables, et qui voient d’autres enfants (valides),
"heureux élus", partir vers une vie certainement
idéale et confortable. C’est selon nous une véritable
injustice.
Pour ces enfants condamnés à grandir à l’orphelinat
sans distraction, nous avons donc programmé une base d’activités
minimale et des stimulations. L’objectif de cet accompagnement
étant de permettre à ces enfants aux handicaps différents
et parfois très lourds de profiter des réseaux de
solidarité.
4. Depuis la création de l’association en 2006,
quelles sont les évolutions que vous avez notées dans
le quotidien des enfants ?
Travaillant en étroite collaboration avec Agnès Munier,
je peux dire que le changement est radical pour des enfants qui
vivaient sans presque aucune stimulation, sans grands échanges
affectifs, et développaient ce que du point de vue psychanalytique,
l’on connaît sous le nom "d’hospitalisme"
; c’est-à-dire la réduction de plus en plus
forte des activités vitales par manque d’un environnement
adapté.
5. Quelles actions avez-vous menées pour soutenir l’association
?
Mes contacts avec le magazine Témoignage Chrétien,
ont été l’occasion de communiquer sur ce projet,
et de mettre également en lumière un prêtre
vietnamien exceptionnel qui oeuvre de toutes ses forces pour les
plus faibles et les plus démunis de son pays.
6. Quelles sont selon vous les priorités à donner
aujourd’hui à l’action de l’association
?
Tout d’abord, continuer dans le sens donné par la
présidente : c’est-à-dire le développement
d’activités concrètes sur le terrain.
Mais nous avons maintenant un défi plus complexe : développer
des modes de solidarité active nouveaux, qui ne tombent pas
dans le paternalisme ou pire dans un rapport Nord-Sud. Ainsi, je
n’approuve pas les individus qui font du tourisme social.
Il s’agit plutôt de développer des liens de
solidarité qui modifient notre propre vie ; ces modèles
de solidarité restent encore à penser...
Pour conclure, une pensée ouverte sur nos pratiques :
Nous avons besoin de tout type d’aide mais aussi de développer
une pensée critique exigeante par rapport à nos pratiques.
Nous devons développer une véritable responsabilité
qui nous permet de poser la question des conséquences de
nos actes dans le pays d’adoption comme dans le pays des adoptants.
Aujourd’hui, des couples provenant de pays occidentaux considèrent
comme un droit acquis le fait d’avoir des enfants quand ils
le désirent, avec les différentes méthodes
(Procréation Médicalement Assistée, jusqu’à
imaginer le clônage...)
L’autre possibilité d’assouvir son désir
d’enfant, réside dans l’adoption dans des pays
pauvres, pratique qui connaît un grand développement
aujourd’hui. Nous devons sortir de la logique "puisque
j’ai les moyens, je fais..."
Il s’agit tout simplement d’être citoyen et de
comprendre que nos actes s’inscrivent dans des processus sociaux
et historiques concrets. Pour ma part, je travaille dans ma pratique
clinique, les effets négatifs de l’ignorance de la
part de parents adoptifs dans le monde, de cette réalité
complexe. Il faut comprendre que le monde et la société
ne commencent pas au délà du mur de notre petite maison
! Le monde existe sous des formes précises, dans chaque relation,
dans chaque maison, dans chaque histoire.
L’adoption à l’étranger est plus complexe
que celle des enfants en France ; car dans ce dernier cas, nous
sommes plus dans des circuits de solidarité classique : un
enfant sans famille est incorporé à une famille. L’adoption
à l’étranger pose des problèmes que nous
ne voulons assumer de façon responsable.
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