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Origine : http://malgretout.collectifs.net/spip.php?article161
Très loin de ses belles promesses et de celles de son président
– « zéro SDF » - Christine Boutin, ministre
du Logement, cautionne une politique de sélection des pauvres
et des exclus, comme l’illustre l’inauguration d’un
centre d’hébergement en Seine et Marne.
Madame Christine Boutin est une femme d’idéal. Avec
elle, pas de demi-mesure. Elle a des principes et ne les transgresserait
pour rien au monde. Non seulement elle crie haut et fort son attachement
à faire l’amour sans capote – comme le pape Benoît
XVI le lui aurait recommandé, pense-t-elle [1] – mais,
surtout, elle rêve d’un monde sans exclus, où
chacun aurait un toit. Madame rêve... Or Madame est ministre
du gouvernement. Une sacrée opportunité, pensez-vous,
pour mettre en œuvre ses utopies de bonne catholique. Ministre
du Logement, par dessus le marché : une bénédiction
pour tous les sans-toits ! Alors quand s’est approchée
la fin de la trêve hivernale, et son cortège d’expulsions,
Madame Boutin a tapé du poing sur la table. « Cette
année, il n’y aura plus personne à la rue en
conséquence d’une expulsion » a-t-elle déclaré
le 12 mars, trois jours avant la fin de la trêve. Une formule
qui rappelait la promesse présidentielle du candidat Sarkozy
: « en cinq ans, zéro SDF ». Mais peut-on croire
un chanoine plusieurs fois divorcé-remarié ?
Comme premier geste symbolique de sa politique de rupture, madame
le ministre a inauguré un centre dont le nom s’inscrit
parfaitement dans son projet utopique : le « hameau de l’espoir
». Le 16 mars, à Serris, en Seine et Marne, elle fit
le tour des 17 chalets de ce hameau, en compagnie des deux principaux
partenaires de l’opération, le PDG de la société
Adoma (anciens foyers Sonacotra) et le PDG d’Eurodisney. Oui,
vous avez bien lu, c’est un authentique conte de fées
qu’est en train de réaliser Christine Boutin : les
futurs pensionnaires de ce « hameau de l’espoir »
pourront peut-être un jour réussir leur vie en enfilant
le costume de Mickey ou en préparant des barbapapas pour
des couples d’amoureux en goguette... Nicolas et Carla, pourquoi
pas ?
Le plus édifiant, avec ce « hameau de l’espoir
», ce n’est pas tant le partenariat de bande dessinée
sur lequel il s’appuie que la politique d’ « accueil
» mise en oeuvre. Elle a été dévoilée
à l’occasion d’une chronique sur France Inter,
Périphéries [2]. Quinze jours avant l’inauguration
du centre, le journaliste Edouard Zambeaux est allé le visiter.
Il a pu rencontrer le directeur et quelques futurs occupants. Le
résultat est effarant : ce hameau n’est pas un lieu
d’accueil mais un centre de sélection.. Le directeur
le dit clairement « celui qui ne veut pas avancer, qui reste
là à rien faire », il n’en veut pas. L’acceptation
des dossiers et la durée d’hébergement des personnes
se juge « en fonction de leur motivation à s’en
sortir ». Il faut bien reconnaître, avec Monsieur le
directeur et Madame la ministre, qu’elle est tellement confortable
cette vie de bohème sous les étoiles. On peut être
facilement tenté de s’y installer : le bitume, la saleté,
la faim, le froid, la violence.... Le directeur du « Hameau
de l’espoir », tout à son humanisme débridé,
livra au journaliste une autre clause d’admission : être
français. Il bredouillait un peu devant le micro, on le sentait
gêné de devoir expliquer ça, un peu honteux
même : « on ne peut pas avoir des personnes qui sont...
au niveau des papiers... malheureusement on peut pas les prendre
». On devine aisément qu’il ne parlait pas de
papiers à lettre...
Bien loin de la généreuse utopie qu’elle proclame
à coups de formules chocs, Christine Boutin cautionne une
politique de sélection naturelle des pauvres. A travers cette
expérience « pilote », elle dévoile le
darwinisme social qui anime ses projets et ceux du président
de la République. Le choix des 40 heureux élus part
d’un principe de sélection néolibérale,
par lequel on ne retient que ceux qui ont le désir de s’adapter.
En revanche, ceux qui sont cassés par la vie, déprimés,
à bouts de force, sont laissés sur le côté.
On comprend mieux ainsi le concept de solidarité nationale
selon Nicolas Sarkozy : sa société est celle des plus
forts, des plus méritants, et certains doivent être
broyés. Quant à Madame Boutin, s’il lui arrive
de brandir sa Bible devant les caméras et les parlementaires,
il faut bien constater, au r
Au moment où Témoignage chrétien se bat pour
vivre, il me semble important de souligner, à ses côtés,
que notre conception de la vie est tout le contraire de celle qui
est appliquée dans ce « hameau », cette survie
barbare et sauvage. Nous ne concevons pas notre existence comme
un jeu de concurrence, et surtout pas avec les plus faibles. La
vie telle que nous la concevons ne peut se faire qu’avec les
autres, pas contre eux.
[1] lire page 20
[2] www.radiofrance.fr/franceint...
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