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La politique contre-nature de Mme Boutin , par Miguel Benasayag
mardi 5 mai 2009

Origine : http://malgretout.collectifs.net/spip.php?article161

Très loin de ses belles promesses et de celles de son président – « zéro SDF » - Christine Boutin, ministre du Logement, cautionne une politique de sélection des pauvres et des exclus, comme l’illustre l’inauguration d’un centre d’hébergement en Seine et Marne.

Madame Christine Boutin est une femme d’idéal. Avec elle, pas de demi-mesure. Elle a des principes et ne les transgresserait pour rien au monde. Non seulement elle crie haut et fort son attachement à faire l’amour sans capote – comme le pape Benoît XVI le lui aurait recommandé, pense-t-elle [1] – mais, surtout, elle rêve d’un monde sans exclus, où chacun aurait un toit. Madame rêve... Or Madame est ministre du gouvernement. Une sacrée opportunité, pensez-vous, pour mettre en œuvre ses utopies de bonne catholique. Ministre du Logement, par dessus le marché : une bénédiction pour tous les sans-toits ! Alors quand s’est approchée la fin de la trêve hivernale, et son cortège d’expulsions, Madame Boutin a tapé du poing sur la table. « Cette année, il n’y aura plus personne à la rue en conséquence d’une expulsion » a-t-elle déclaré le 12 mars, trois jours avant la fin de la trêve. Une formule qui rappelait la promesse présidentielle du candidat Sarkozy : « en cinq ans, zéro SDF ». Mais peut-on croire un chanoine plusieurs fois divorcé-remarié ?

Comme premier geste symbolique de sa politique de rupture, madame le ministre a inauguré un centre dont le nom s’inscrit parfaitement dans son projet utopique : le « hameau de l’espoir ». Le 16 mars, à Serris, en Seine et Marne, elle fit le tour des 17 chalets de ce hameau, en compagnie des deux principaux partenaires de l’opération, le PDG de la société Adoma (anciens foyers Sonacotra) et le PDG d’Eurodisney. Oui, vous avez bien lu, c’est un authentique conte de fées qu’est en train de réaliser Christine Boutin : les futurs pensionnaires de ce « hameau de l’espoir » pourront peut-être un jour réussir leur vie en enfilant le costume de Mickey ou en préparant des barbapapas pour des couples d’amoureux en goguette... Nicolas et Carla, pourquoi pas ?

Le plus édifiant, avec ce « hameau de l’espoir », ce n’est pas tant le partenariat de bande dessinée sur lequel il s’appuie que la politique d’ « accueil » mise en oeuvre. Elle a été dévoilée à l’occasion d’une chronique sur France Inter, Périphéries [2]. Quinze jours avant l’inauguration du centre, le journaliste Edouard Zambeaux est allé le visiter. Il a pu rencontrer le directeur et quelques futurs occupants. Le résultat est effarant : ce hameau n’est pas un lieu d’accueil mais un centre de sélection.. Le directeur le dit clairement « celui qui ne veut pas avancer, qui reste là à rien faire », il n’en veut pas. L’acceptation des dossiers et la durée d’hébergement des personnes se juge « en fonction de leur motivation à s’en sortir ». Il faut bien reconnaître, avec Monsieur le directeur et Madame la ministre, qu’elle est tellement confortable cette vie de bohème sous les étoiles. On peut être facilement tenté de s’y installer : le bitume, la saleté, la faim, le froid, la violence.... Le directeur du « Hameau de l’espoir », tout à son humanisme débridé, livra au journaliste une autre clause d’admission : être français. Il bredouillait un peu devant le micro, on le sentait gêné de devoir expliquer ça, un peu honteux même : « on ne peut pas avoir des personnes qui sont... au niveau des papiers... malheureusement on peut pas les prendre ». On devine aisément qu’il ne parlait pas de papiers à lettre...

Bien loin de la généreuse utopie qu’elle proclame à coups de formules chocs, Christine Boutin cautionne une politique de sélection naturelle des pauvres. A travers cette expérience « pilote », elle dévoile le darwinisme social qui anime ses projets et ceux du président de la République. Le choix des 40 heureux élus part d’un principe de sélection néolibérale, par lequel on ne retient que ceux qui ont le désir de s’adapter. En revanche, ceux qui sont cassés par la vie, déprimés, à bouts de force, sont laissés sur le côté. On comprend mieux ainsi le concept de solidarité nationale selon Nicolas Sarkozy : sa société est celle des plus forts, des plus méritants, et certains doivent être broyés. Quant à Madame Boutin, s’il lui arrive de brandir sa Bible devant les caméras et les parlementaires, il faut bien constater, au r

Au moment où Témoignage chrétien se bat pour vivre, il me semble important de souligner, à ses côtés, que notre conception de la vie est tout le contraire de celle qui est appliquée dans ce « hameau », cette survie barbare et sauvage. Nous ne concevons pas notre existence comme un jeu de concurrence, et surtout pas avec les plus faibles. La vie telle que nous la concevons ne peut se faire qu’avec les autres, pas contre eux.

[1] lire page 20

[2] www.radiofrance.fr/franceint...