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Sur le biopouvoir
Jean-Paul Baquiast et Miguel Benasayag
Chroniques du Post-humain
Chronique 4

Chronique 4
Sur le biopouvoir

Miguel Benasayag a décidé de publier avec nous, sans engager nécessairement la ligne rédactionnelle de notre revue, une douzaine de chroniques où nous échangerons à bâtons rompus des propos personnels non seulement sur les sciences et les technologies mais sur la façon dont elles sont reçues dans la France contemporaine. A.I.

Miguel Benasayag est philosophe et psychanalyste, enseignant, courriériste et auteur de nombreux livres.

Pour plus de détails, voir :

http://www.peripheries.net/article186.html

http://fr.wikipedia.org/wiki/Miguel_Benasayag

Jean-Paul Baquiast
Tu dénonces dans un livre tout récent (« La santé à tout prix. Médecine et biopouvoir » Bayard 2008) la façon dont la médecine et le pouvoir social collaborent pour imposer des normes de comportement aux citoyens. Tu illustres ton propos en prenant un certain nombre d’exemples que, comme acteur du secteur médical tu connais bien, mais que, comme philosophe, tu souhaites voir examiner avec un peu de recul. Tu t’appuie sur des exemples pris dans des domaines suscitant ce que l’on appelle aujourd’hui le compassionnel : le cancer, les handicaps, les soins palliatifs, les troubles psychiques, la maladie d’Alzheimer…Dans ces domaines, on comprend bien qu’une autorité régulatrice intervienne pour optimiser la prévention ou les soins. Il s’agit d’utiliser au mieux les ressources nécessairement rares de la protection sociale. Mais tu regrettes que ce faisant, le biopouvoir oublie le caractère global du patient en ne voyant en lui qu’une collection d’organes à traiter et en lui imposant des conduites stéréotypes qui négligent les conditions particulières selon lesquelles chacun s’inscrit dans son milieu. Ainsi, au lieu de placer le sujet dans un environnement susceptible de le soutenir, on aggrave sa misère en le transformant en un rouage dans un vaste système de gestion, fonctionnant comme une entreprise.

Je voudrais d’abord te demander si cette dénonciation, aussi fondée qu’elle soit au regard de nombreux cas particuliers, n’est pas pourtant un peu rapide. Il faudrait je crois faire valoir les contreparties des mesures rigoureuses imposées par le biopouvoir. Il est un peu facile de reprocher à la corporation médicale ou aux institutions sociales les normes de comportement qu’elles veulent imposer aux individus d’une façon que beaucoup trouvent policière : limitez votre vitesse sur la route, évitez l’alcool, mangez moins, cessez de fumer. Mais si, faute de ces interdictions, notre société continuait à se remplir d’invalides, d’alcooliques, d’obèses et de tabagiques, personne n’y gagnerait rien – même pas les intéressés qui finiraient par reprocher aux institutions de ne pas les avoir mis en garde. Il n’est pas anormal qu’un superorganisme social impose des normes aux individus qui le composent, dans les domaines de la santé comme dans de nombreux autres. Sans ces normes, il se diluerait, il perdrait sa raison d’être. Cela d’ailleurs a été de tous temps, sous des formes différentes. Or j’aime mieux que la Faculté, aujourd’hui, me demande de moins fumer que de la voir, comme au 19e siècle, condamner la masturbation comme débilitante.

Quelque chose me gène aussi dans la dénonciation des excès du biopouvoir, dénonciation que j’approuve par ailleurs. Si en effet ce biopouvoir se trouve réduit, ce seront d’autres pouvoirs qui prendront le relais, sans bénéfices aucuns pour les individus. Je pense aux lobbies des alcooliers, des cigarettiers, de la Big Food dit aussi en France de la malbouffe. Ces pouvoirs, dans la mesure où l’on peut identifier leurs dirigeants, se comportent en véritables sociétés du crime, qui n’hésitent pas, sciemment, à empoisonner les jeunes comme, dans les pays en développement, l’ensemble de la population.

Pour mieux comprendre le biopouvoir (comme tous les nouveaux technopouvoirs en général,) et ses perspectives d’évolution vers la société dite transhumaniste, je pense qu’il faudrait essayer de mieux comprendre sa logique. Est-il le résultat de ce que l’on pourrait appeler un complot de minorités dirigeantes dont les représentants seraient bien identifiés : syndicats de médecins, patrons d’entreprises pharmaceutiques, directeurs de caisses d’assurances maladies, etc. Ces gens se réuniraient régulièrement pour rechercher la meilleure façon de contrôler des individus réputés anarchisants et rebelles afin d’en faire des « clients » disciplinés.

A l’opposé de cette vision fortement inspirée de la théorie du complot et de la Big Brotherisation, ne faudrait-il pas considérer le biopouvoir en question comme l’une des formes par lesquelles s’exprime la structuration des sociétés humaines (et animales) autour de dominants et dominés : les mâles, les chefs, les guerriers, etc. Dans ce cas, il ne servirait à rien de chercher à démanteler le biopouvoir, si l’on ne suscitait pas un contre-pouvoir susceptible de l’équilibrer.

Miguel Benasayag
Je vais d’abord répondre à la question de savoir comment analyser les biopouvoirs modernes et leurs macro-processus. Je m’appuie sur des études qui datent maintenant d’une cinquantaine d’années, celles de Simondon par exemple (http://fr.wikipedia.org/wiki/Gilbert_Simondon). L’idée est que la technique répond aux problèmes qu’elle pose par des solutions techniques. Ceci se fait de façon quasi automatique. Tu as dit très bien dans ton livre que les techniques se développent en buissonnant, comme le font les organismes vivants dans le cadre de l’évolution darwinienne, sans aucun souci de bien ou de mal. Il s’agit de stratégies sans stratèges, selon l’expression. Certes, il n’est pas exclu que dans certains cas, des « décideurs » ou « responsables » puissent intervenir pour optimiser tel aspect particulier de la stratégie. Mais dans l’ensemble les individus qui sont pris dans ces stratégies doivent se persuader qu’il n’y a pas un Big Brother qui décide de tout. Le biopouvoir fonctionne en système autonome.

Une entreprise industrielles et commerciale

Mais il faut aller plus loin. Ce que je dis du biopouvoir est qu’il ne résulte pas seulement du développement darwinien de nouvelles technologies de santé. Il est aussi organisé en entreprise globale de type industriel et commercial. Il reprend ce faisant un modèle économique dont on nous dit qu’il est devenu incontournable, dans le monde entier. Plus précisément, le biopouvoir se comporte en entreprise pour qui les questions de santé et la vie des citoyens doivent être traitées comme des éléments significatifs de gains ou de pertes. Les patients, comme d’ailleurs les professionnels de santé eux-mêmes, sont devenus des facteurs de production et de profit. On leur impose des ratios, des calculs de probabilité, des objectifs de résultats généralement spéculatifs.

Je ne critique pas cette démarche en elle-même. On ne peut pas demander à une société d’investir à perte. Elle cesserait vite de pouvoir le faire. Mais encore faudrait-il le faire intelligemment. Malheureusement pour le biopouvoir, les individus qui sont pris dans ces spéculations obéissent à de nombreux autres critères déterminatifs que ceux envisagés par les experts du biopouvoir. Prenons l’exemple de la sexualité. Le biopouvoir considère celle-ci sous l’angle utilitariste immédiat des assistances à la maternité ou éventuellement des aides à la contraception et à l’avortement. Mais l’essentiel des activités sexuelles des individus se déroule dans d’autres champs et pose d’autres problèmes…L’un de ces problèmes est le développement des maladies sexuellement transmissibles lors de rencontres sexuelles que le biopouvoir voudrait bien empêcher mais sur lesquelles il n’a pas prise. Il en existe bien d’autres.

Ignorance de la multidimensionnalité

Le biopouvoir s’adresse à un homme unidimensionnalisé, qui n’existe pas. Le modèle dans lequel le biopouvoir essaye d’emprisonner le sujet constitue une cage trop étroite. Le sujet en déborde de partout. J’en ai eu une expérience concrète en participant à des programmes de prévention du sida. Nous nous sommes rendu compte que les messages de prévention disant « si tu fais l’amour, tu meurs » étaient conçus à destination de l’homme artificiel imaginé par le biopouvoir, celui qui ne veut pas mourir. Mais si tu dis à l’homme réel, « tu baises, tu meurs », beaucoup vont le faire deux fois plutôt qu’une. Ce serait à cet homme là qu’il faudrait s’adresser. Mais c’est plus facile à dire qu’à faire.

Les chercheurs en Intelligence artificielle ont du mal à comprendre qu’un organisme n’est pas une accumulation de divers mécanismes de survie bien huilés. Il rassemble bien d‘autres processus répondant à des fonctions intermédiaires toutes aussi vitales pour sa survie mais qui peuvent mettre celle-ci en danger. Le biopouvoir ne les a pas prévues et découvre, au fur et à mesure qu’il cherche à étendre son contrôle sur les individus, que ceux-ci se rebellent plus que proportionnellement aux possibilités du contrôle. Il existe des angles morts dans lesquels le regard du stratège du biopouvoir ne peut pénétrer.

Jean-Paul Baquiast
Je suis tout à fait d’accord sur ton analyse. J'ajouterais seulement que la multidimensionnalité de l'individu humain ne tient pas à une mystérieuse insondabilité de l'âme humaine. On peut d'ailleurs en trouver des exemples chez l'animal. Elle tient à ce que l'individu participe à plusieurs superorganismes qui se croisent en lui et qu'il peut, pour telle ou telle cause simple (une analogie se produisant dans son cerveau, par exemple), basculer entièrement de l'un à l'autre. Comme quoi il faudrait pour bien faire étudier bien plus en profondeur que la science ne le fait aujourd’hui les ressorts profonds des comportements individuels ET collectifs. L'hyperscience transhumaniste telle que nous essayons de l’imaginer pourra peut-être le faire.

Je t’indique que les chercheurs en Intelligence artificielle évolutionnaire, celle dans laquelle on ne cherche pas à programmer à l’avance tous les comportements du système artificiel, ont bien compris ce que tu dis. Leur objectif est d’obtenir des robots dits « incorporés » dans lesquels devront pouvoir naître et se développer des affects, des passions, des perversités diverses.

La création d’ « entreprises » par les robots

Replacés en société avec des congénères, ces robots découvriront l’association et nous en montreront les logiques. Ce seront les leurs et pas nécessairement les nôtres…Encore que…. On verra sans doute ainsi se créer des « entreprises » dont nos entreprises industrielles et commerciales représentent une version parmi d’autres possibles dans l'univers. Quelles seront leurs logiques ? Sans doute en priorité les logiques du constructivisme structural propres à tous systèmes, matériels ou biologiques, notamment la nécessité d’économiser l’énergie et les matières premières. Mais il y en aura sans doute aussi d’autres, telles que l’équivalent de l’altruisme.

Par contre, en contrepartie de son inventivité et de son adaptabilité, le robot pourra – éventuellement – non seulement faire des bêtises qui entraîneraient sa perte, mais devenir dangereux pour ses concepteurs eux-mêmes. Si cette possibilité lui était interdite, il ne serait pas vraiment autonome. Or on ne veut pas fabriquer des esclaves mécaniques. Cela, on sait depuis longtemps le faire.

Miguel Benasayag
Tu évoques un point central. D’où proviennent ces phénomènes que l’on appelle naïvement « des bêtises » ? Pourquoi les gens commettent-ils des bêtises (dans le domaine sexuel, dans la prise de risque en voiture, etc.) au lieu de suivre sagement les conseils qu’on leur donne ? Les bêtises qu’ils commettent sont le reflet en surface de processus très profonds et mal connus. Comme je le disais, il s’agit d’angles morts dont les déterminants échappent encore aujourd’hui à la science la plus évoluée. Pour bien faire, il faudrait prévoir toutes ces bêtises, autrement dit les programmer à l’avance. Mais c’est impossible. Le champ des bêtises possibles est trop grand pour être programmable. On ne peut pas modéliser un angle mort ni commander son émergence.

Jean-Paul Baquiast
Dans une approche organique de l’individu global, est-ce que tu ferais correspondre ce que tu nommes des angles morts aux contenus de l’inconscient de cet individu. Pas seulement celui de son inconscient freudien mais des multiples mécanismes inconscients résultant du fonctionnement en interaction de ses multiples organes ? Reprenons l’exemple de ton bonhomme qui veut avoir des relations sexuelles à risque malgré les messages de prévention. Il fait émerger (apparaître) un comportement dont la raison est a priori incompréhensible pour le concepteur du message de prévention. Mais une analyse plus fine pourrait peut-être montrer que ce sujet particulier réagit à un message interne, de type endocrinien (par exemple un excès momentané de testostérone – je dis cela au hasard) qui le pousserait à ne plus pouvoir entendre le « langage de la raison » et à se lancer dans « des bêtises » au terme desquelles il finirait sidéen.

Miguel Benasayag
Oui, mais on entre là, comme tu l’indiques, dans un champ quasi infini de motivations possibles. Toutes ne pourront pas être identifiées. Il faudra en revenir à des calculs de probabilités, ceux dans lesquelles excelle le biopouvoir mais auxquels échappent en permanence des cas particuliers susceptibles de ruiner l’ensemble des dispositifs de calculs de gains et pertes.

Jean-Paul Baquiast
Tu vas me reprocher de parler en gestionnaire froid, mais je me demande si globalement, il ne faudra pas, faute de pouvoir tout comprendre et pouvoir remédier à tout, accepter ce que l’on pourrait appeler des pertes collatérales. Ceci maintenant ou, à plus forte raison, plus tard, dans une société post-humaine. Tu évoques dans ton livre l’autiste ou le malade d’Alzheimer. Tu dis que les mécanismes de prise en charge que le biopouvoir – même bien intentionné – leur applique sont désastreux pour eux car ils tuent tout ce qui leur restait de personnalité encore vivante, susceptible d’adoucir leur condition. Je veux bien le croire. Mais tu indiques en même temps que, pour éviter ces dégâts, il faudrait mobiliser des familles entières ou des armées d’aides-soignants. C’est à mon sens évidemment impossible, même dans nos sociétés riches. Si dans le même temps, on sait que des centaines de millions d’enfants meurent dans le tiers monde faute de soins élémentaires, on sera tenté d’évoquer pour ces malades des pays riches, comme pour les malades en soins palliatifs dont tu parles par ailleurs dans ton livre, des solutions bien plus simples, consistant selon l’expression des anciens médecins à « laisser faire la nature ». Je m’empresse à cette occasion de te dire que, dans mon propre cas, si j’en ai le moment venu la possibilité, je choisirai le suicide ou la mort assistée (voir à ce sujet : ADMD http://www.admd.net/).

Miguel Benasayag
Concernant les malades en fin de vie, tous les praticiens hospitaliers savent qu’avec l’accord de la famille, on s’arrange lorsqu’il n’y a plus d’espoir à laisser faire la nature, comme tu disais. Malheureusement il n’est pas possible de réglementer cela par des lois. La société qui le ferait se détruirait sans doute de l'intérieur.

Mais je voudrais revenir sur ce que j’ai dit des malades d’Alzheimer. Pour le biopouvoir et les pouvoirs sociétaux en général, on identifie l’homme à sa conscience. Je ne parle pas de son âme à laquelle les matérialistes comme nous ne croyons pas, mais à cette fonction finalement limitée du cortex supérieur dite par les neurologues la conscience de soi. Or l’homme est bien plus que la simple conscience de soi dont il peut disposer. Ne fut-ce que par ses dimensions animales.

Si le biopouvoir élimine, pour des raisons utilitaires, les hommes réduits à une condition animale, il éliminera aussi pour les mêmes raisons utilitaires, les vies animales dont il n’aura pas besoin ou dont son alter ego le pouvoir agroalimentaire n’aura pas besoin. De proche en proche, c’est toute la vie qui disparaîtra. La société qui décide d’éliminer les faibles ou les anormaux se condamnera elle-même à terme.

Jean-Paul Baquiast
Tu dis cela en raisonnant à froid. Mais lorsqu’on annonce à des parents qu’ils risquent d’avoir un enfant gravement handicapé, peu aujourd’hui décident de le garder – et s’ils le font, c’est généralement pour des raisons que les psychologues ne manqueront pas de critiquer. Cela veut dire que le biopouvoir n’est pas seulement régi par des lois, mais par des interdits intériorisés par les citoyens.

Miguel Benasayag
Bien sûr. Les interdits non-dits, découlant de normes elles-mêmes souvent non dites, sont souvent bien plus efficaces que des lois explicites. Avec la loi, tu peux discuter. Avec la norme, tu ne peux pas. Si tu n’es pas d’accord, c’est que tu es anormal.

Jean-Paul Baquiast
Notre conversation survole un peu vite ces questions très discutées aujourd’hui. Il faudra y revenir, dans la perspective notamment du post-humanisme. Comment dans l’avenir, avec les possibilités offertes par des technologies et appareillages de plus en plus puissants, mais également sans doute toujours très coûteux, la société arbitrera –t-elle entre soulager quelques uns aux détriments de la grande masse, ou répartir ses soins entre des milliards d’hommes dont par ailleurs la prolifération menacera de plus en plus les écosystèmes, au sein desquels on peut prévoir des extinctions massives ?

Dimension sacrificielle et Constructivisme

Miguel Benasayag
Je reviens à mon analyse du biopouvoir. Pour répondre à ta question, sans vraiment y répondre, je dirai seulement que le calcul économique à court terme qui fonde le biopouvoir ne prend pas en compte la dimension sacrificielle de la consommation, dimension très connue dans les sociétés primitives, avec le potlatch ou le don gratuit. Ces comportements avaient et ont encore, sous leur forme moderne, une portée ontologique très forte. Je ne la juge pas en termes de morale du bien et du mal, je me borne à la constater. De plus je serais bien incapable de dire sur quels fondements neurologiques ou génétiques elle repose. Mais ce n’est pas en prétendant éliminer ces comportements qu’on les élimine vraiment. Au contraire. Les sociétés les plus rationnelles n’arrêtent pas de produire du sacrificiel barbare. L’argent qu’elle ne veut pas consacrer à des handicapés, par exemple, notre société passe son temps à l’engloutir dans d’autres circuits sacrificiels…par exemple les rodéos automobiles, qui créent soit dit en passant de nouveaux handicapés.

Jean-Paul Baquiast
Selon toi, l’argent que la société post-humaniste ne consacrerait pas à augmenter les capacités de ses représentants les plus favorisés, elle ne l’utiliserait pas à améliorer le sort des plus pauvres. Elle en ferait des usages apparemment beaucoup plus absurdes…comme aujourd’hui dépenser des fortunes pour le jeu et la drogue…. ?

Pourtant, tu écris dans les derniers paragraphes de ton livre « La santé à tout prix », consacrés aux perspectives offertes par le développement des capacités techniques dans la perspective du transhumanisme, je cite (p. 137) :

« Le développement des possibilités techniques est en réalité loin d’être monopolisé par le biopouvoir. Et la construction des entités mixtes, voire des hybrides, peut être pensée dans des projets d’émancipation….il s’agit aujourd’hui de CONSTRUIRE ces pratiques et ces théories qui, loin de revendiquer un passé illusoire, sauront développer les infinis mondes possibles dans ce monde-ci, avec ses techniques ».

Miguel Benasayag
Oui, j’insiste sur le mot de Construction et de Construction émergente. C’est bien d’ailleurs la méthode que dans ton propre livre tu préconises pour la recherche de consensus aussi bien concernant la « vérité » des connaissances scientifiques que le « contenu des valeurs morales »

Jean-Paul Baquiast
Certes. Ce terme de construction, qu’il faudra évidemment mieux définir, est à retenir comme vision d’ensemble, je n’ose pas dire comme ontologie. Mais on doit se persuader qu’il suppose une ouverture à toutes les émergences, sans vouloir leur imposer a priori des caractères dont nous sommes ici et maintenant bien incapables de définir les aspects « bons » ou « mauvais ». N'est pas G.W. Bush qui veut.

(à suivre)