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Origine : http://www.laviedesidees.fr/Les-expulsions-de-sans-papiers-un.html
Miguel Benasayag et des militants du Réseau éducation
sans frontières étudient les conséquences que
les expulsions d’enfants sans papiers ont, par un phénomène
d’« effet miroir », sur l’ensemble du corps
social. À la fois enquête sociologique et alerte citoyenne,
leur action définit une nouvelle manière de militer.
Miguel Benasayag, Angélique Del Rey et des militants de
Réseau Education Sans Frontière (RESF), La Chasse
aux enfants. L’effet miroir de l’expulsion des sans-papiers,
La Découverte 2008, 128 p., 10€.
couverture du livreAu moment où éclate au grand jour
la situation des travailleurs sans-papiers qui occupent leurs lieux
de travail, paraît un petit livre dont le propos porte sur
un fait de société récent : l’expulsion
des jeunes scolarisés sans-papiers. L’originalité
de l’ouvrage repose à la fois sur sa démarche
et sur son objet. La première partie du titre est assez trompeuse.
Le livre n’est en effet pas destiné à reconstituer
l’histoire de la « chasse aux enfants », ni à
alimenter la critique idéologique contre les lois visant
à restreindre l’immigration, même si on trouve
dans ses pages quelques jalons chronologiques toujours utiles pour
resituer historiquement l’action en faveur des sans-papiers.
L’objet du livre est le fruit d’un déplacement
du regard vers ceux qui, à proximité des individus
directement concernés, assistent aux expulsions des sans-papiers
et de leurs enfants. Le livre porte aussi, par extension logique
– c’est l’hypothèse défendue par
les auteurs –, sur les hommes et les femmes qui s’engagent
auprès de ces sans-papiers au sein du réseau militant
RESF (Réseau éducation sans frontières) né
en 2004.
La notion qui permet de faire le lien entre ces deux objets –
et qui figure en deuxième partie du titre – est celle
d’« effet miroir », qui qualifie les conséquences
sur l’ensemble du corps social des expulsions massives de
sans-papiers et de leurs enfants. L’autre originalité,
c’est celle de la démarche : une enquête de type
sociologique et épidémiologique portée par
une exigence d’alerte de santé publique. On connaît
bien depuis quelques années l’effet des conditions
de travail sur le stress, les douleurs ou la souffrance psychique,
notamment grâce aux travaux du psychanalyste et psychiatre
Christophe Dejours [1]. Mais que sait-on de l’impact sur les
populations que peuvent avoir les scènes d’interpellations
et d’expulsions désormais quotidiennes dans certains
quartiers de Paris et des grandes villes ? La démarche part
d’une carence dont les causes sont évidemment politiques,
mais aussi scientifiques. Il faut ici considérer comme salutaire
la tentative d’appropriation des modèles cliniques
par des citoyens extérieurs au cercle des experts.
Cette veille citoyenne, soutenue par la formation du groupe RESF-Miroir,
émerge dans le milieu « psy ». Le psychanalyste
et philosophe Miguel Benasayag, qui est à l’origine
du projet d’enquête, est un militant du réseau,
bien connu des auditeurs de France-Culture. Militant guévariste,
il a été enfermé quatre ans dans les prisons
d’Argentine et rejoint les milieux de la gauche alternative
dès son arrivée en France en 1978. Il a développé
dans ses derniers ouvrages une approche mêlant clinique et
politique, critique sociale et psychanalyse [2]. Mais c’est
en tant que praticien de la psychothérapie qu’il s’inquiète
ici des séquelles psychologiques des expulsions sur les enfants
– à partir de la requête d’une enseignante
qui envoie trois jeunes Congolais en consultation après l’arrestation
musclée de leur mère. L’enquête lancée
en mars 2007 au sein du réseau RESF [3] a donc une vocation
sociologique, qualitative par le biais des témoignages et
quantitative par le biais des questionnaires (autour de deux thèmes
principaux : la connaissance des expulsions et ses conséquences
sur les enfants ; la manière dont les adultes ou les enfants
peuvent se sentir concernés par les faits).
Cette vocation a été rapidement contrariée,
comme le signalent honnêtement les auteurs. Les limites méthodologiques
d’un tel travail sont nombreuses. L’échantillon,
relativement mince (200 réponses), n’est pas aussi
représentatif que les auteurs pouvaient l’espérer.
Les enseignants ont mieux répondu que les parents, surtout
lorsqu’ils étaient directement confrontés aux
situations les plus dramatiques. Le cercle des professionnels et
des parents moins concernés est donc faiblement présent
dans le corpus. Pour les mêmes raisons, les réponses
sont essentiellement parisiennes et les témoignages concentrés
sur quelques quartiers qui, à l’image de Belleville,
sont particulièrement touchés par les scènes
violentes. Les adolescents engagés qui ont répondu
aux questionnaires ne sont guère représentatifs de
leur génération. Le reproche méthodologique
qui peut être fait à cette étude – absence
de représentativité et d’objectivité
en raison de la surreprésentation des militants de RESF qui
ont été le vecteur du questionnaire – n’est
en réalité pas fondamental puisqu’il est lié
à l’objet d’étude même : l’engagement
auprès des sans-papiers au contact des situations d’exclusion
les plus traumatisantes. Le projet d’alerte de santé
publique s’est ainsi transformé, en raison de son objet,
en un ouvrage tout aussi utile, dont l’intérêt
dépasse l’ambition initiale et dont la qualité
provient de l’alternance entre témoignages et apport
scientifique, selon une formule étrennée avec succès
chez ce même éditeur. [4]
L’émergence du traumatisme
Comme l’explique un témoignage cité dans le
livre, la peur n’a pas attendu les dernières années
pour se répandre dans les familles dépourvues de papiers.
Cela étant, par-delà les actions répétées
des collectifs depuis l’occupation de l’église
Saint-Ambroise en 1996, les familles sans papiers n’étaient
pas jusqu’à une date récente identifiées
en tant que telles dans leur quartier. Les effets sur les habitants
qui les côtoient quotidiennement étaient donc moins
apparents. Les choses changent à partir de 2004. Des jeunes
scolarisés dans les lycées sont voués à
leur majorité à être expulsés. Ils ont
migré seuls ou sont arrivés sur le territoire français
après l’âge de treize ans pour rejoindre leur
famille sans possibilité de bénéficier d’un
regroupement familial. Ces cas surgissent dans l’actualité
à l’été 2004 et se multiplient dans les
mois qui suivent. Après une suspension des expulsions des
familles qui ont des enfants scolarisés, en octobre 2005
(maintenue durant l’été suivant grâce
à la mobilisation du réseau RESF), le ministère
de l’Intérieur change de stratégie. En 2006,
la résolution de ces affaires médiatisées par
une circulaire a priori favorable à la régularisation
va induire par contrecoup une montée en puissance du dispositif
d’expulsion des familles « recalées ».
[5] De l’application comptable et incohérente sur le
territoire de cette circulaire découle l’impression
d’un basculement pour les témoins : « Tout a
changé en 2006 », explique une habitante de Belleville.
Le traumatisme naît dès l’instant où
la machine institutionnelle d’exclusion devient plus efficace,
évacuant ainsi ce que certains nomment la « question
humaine ». Les expulsions sont quantifiées et programmées
(25 000 escomptées en 2007, 26 000 en 2008). Or, selon les
propres chiffres du ministère de l’Intérieur,
une seule expulsion suppose cinq interpellations (125 000 donc pour
25 000 expulsions prévues). Le terme de « chasse »
prend son sens à l’instant où la police est
sommée de « faire du chiffre ». On ne se contente
plus d’expulser par avion les sans-papiers condamnés
ou pris au hasard, mais on va les chercher où ils sont, à
domicile, dans les quartiers où ils vivent, à l’entrée
des bouches de métro qu’ils fréquentent. Des
opérations régulières de réquisitions
officielles étendues sur une partie de la journée
et d’un quartier s’apparentent à des «
rafles ». [6] Il faut remplir les camions pour atteindre les
quotas. La délation est encouragée dans les services
publics et les convocations dans les administrations sont devenues
un moyen d’attirer les individus pour les piéger. Des
centres de rétention (une trentaine de centres et de locaux
en métropole et outremer) banalisent l’enfermement
dans des conditions qui suscitent la révolte des internés
et les critiques de la CIMADE, seule association autorisée
à pénétrer en ces lieux. En quelques années,
on assiste ainsi à une « industrialisation du dispositif
d’éloignement des étrangers en situation irrégulière
» [7], largement encouragée au niveau européen
dans un projet de directive actuellement débattu. [8]
Les conditions du traumatisme sont réunies. Peut-on encore
parler de « faits divers » face à la multiplication
des défenestrations et des suicides ? La « banalisation
de l’indignité » s’étend : la mort
de Baba Traoré en avril 2008 n’a ainsi guère
mobilisé les médias. L’extension de l’emprise
policière concerne désormais les jeunes et le milieu
scolaire. Les témoignages reproduits dans l’ouvrage
évoquent ces lycéens et collégiens arrêtés
dans leurs classes, ces enfants en âge de fréquenter
l’école primaire sortis du centre de loisirs, ces jeunes
enfants scolarisés en maternelle placés en rétention
avec leur famille, ce bébé d’un mois lui aussi
placé en rétention. Les témoignages sont confirmés
par la statistique froide dressée par la CIMADE dans son
rapport sur les centres de rétention : 242 enfants ont été
placés en centre de rétention en 2007.
Les différents cercles touchés par l’«
effet miroir »
Comment rendre compte de l’effet de ces événements
sur les populations et quel sens leur donner ? Les auteurs ne renvoient
pas le lecteur à une vision simpliste de l’opposition
entre un bourreau et une victime ou à une explication univoque
du traumatisme. Cette attention à la situation et à
sa complexité fait l’intérêt de cette
hypothèse de l’« effet miroir » que l’on
peut décrire selon trois cercles : celui des enfants, celui
des enseignants, celui des parents. On lira avec attention le récit
des enfants dont les parents sont expulsés ou qui se trouvent
en centre de rétention, mais l’essentiel du propos
du livre est ailleurs, dans la réception (ou non) de cette
souffrance par les autres.
Comment des élèves d’une classe d’école,
de collège ou de lycée pourraient-ils élaborer
psychologiquement sans problème le fait qu’un ou une
de leurs camarades soit menacé(e) d’être expulsé(e)
de France ou soit obligé(e) de se cacher en raison du seul
délit d’exister ? Comment pourraient-ils admettre de
telles agressions en provenance d’une institution qui doit
théoriquement protéger – la police – dans
un lieu théoriquement sanctuarisé – l’école
? Pour les jeunes enfants, la séparation des autres est,
on le sait, progressive et le développement du soi autonome
passe par des phases de projections sur les autres enfants. Ce processus
d’identification projective, qui correspond à une manifestation
empathique normale plus qu’à un phénomène
pathologique (tel que Mélanie Klein l’a mis en évidence
[9]), trouve aussi son fondement, selon les auteurs, dans ce que
les neurophysiologistes nomment « les neurones miroirs [qui]
désignent le mécanisme par lequel les mêmes
zones du cortex et du cerveau sont activées lorsque nous
réalisons un acte et lorsque nous regardons un autre le réaliser
» [10].
L’exemple de la cour d’école est assez parlant.
Tout parent sait en effet de quelle manière les enfants transforment
ce lieu en un monde illusoire commun au sein duquel se déroulent
des expérimentations diverses qui participent au développement
de l’enfant. Elle est un lieu construit par des identifications
mutuelles. Or, comme la cour d’école, le corps social
est une entité à propos de laquelle les enfants ne
distinguent pas nettement les membres. Lorsque des violences se
produisent dans leur quartier, le témoin se projette aisément
sur la victime directe. Dans un espace théoriquement protégé,
la menace pesant sur un enfant sans-papiers, pèse donc par
« effet miroir » sur tous les enfants, quel que soit
leur statut. Certes, tous les enfants ne réagiront pas de
la même façon, et les auteurs rappellent que la réaction
peut varier infiniment de l’un à l’autre, du
plaisir à la terreur pathologique. Mais les témoignages
recueillis, qui ne peuvent faire état que d’une maigre
part des conséquences psychologiques des expulsions, montrent
un effet réel sur certains enfants. Après l’épisode
de la tentative d’arrestation aux abords de la maternelle
de la rue Rampal à Paris en mars 2007, les enfants de l’école
ont vécu un moment de tension extrême décrit
dans les témoignages reproduits dans le livre. Dans les semaines
qui suivent les faits, Julie (8 ans) et son amie produisent des
papiers pour chaque élève d’une classe imaginaire
dont elles sont les maîtresses. Une autre enfant, touchée
par les gaz lacrymogènes, « croyait que c’était
la guerre ». Choquée (au sens du « shellshock
», terme utilisé par les médecins du premier
conflit mondial, qui désigne les troubles nerveux et psychiques
consécutifs aux traumatismes de guerre), elle présente
un mois plus tard des crises de convulsions violentes de nature
épileptique. Les auteurs ne concluent en rien sur la relation
directe entre les faits et la pathologie, mais il n’est pas
impensable, comme le témoignage le souligne, que les violences
aient pu réveiller des souvenirs inconscients, l’enfant
ayant des grands-parents nés hors de France qu’elle
estime menacés aussi.
Une des qualités du livre réside notamment dans cette
façon qu’il a de préserver la complexité
de la situation, particulièrement lorsqu’il aborde
la question épineuse du rapprochement historique entre cette
chasse aux enfants et celle qui eut lieu durant l’Occupation.
Le livre ne pouvait occulter cette dimension historique tant les
témoignages semblent y faire fréquemment référence.
Mais, outre l’affirmation légitime du mot « rafle
» pour désigner les opérations d’interpellations
de sans-papiers, on ne trouvera pas dans ce livre de comparatisme
historique – si ce n’est à travers le témoignage
de Jean, adulte, autrefois lycéen dans un établissement
du quartier du Marais sous l’Occupation, qui permet de comprendre
comment l’« effet miroir » a joué sur l’adolescent.
Constatant la manière dont, de jour en jour, sa classe se
vidait de ses élèves juifs, l’adolescent au
nom tchèque craignait pour son propre avenir, s’enfermant
dans un sentiment de culpabilité et d’impuissance.
Ce type de situations ne joue pas seulement sur les enfants. Dans
une école peu concernée par la question, on adapte
tout de même les pratiques face à la menace potentielle.
Si la police ne peut venir chercher les élèves dans
l’école sans l’accord de l’inspecteur d’académie,
la priorité est de préserver l’enfant dans l’école,
de lui éviter les sorties, de préférer le fondre
à d’autres classes. Les parents des quartiers ne sont
plus indifférents à la présence policière
et deviennent craintifs. Les auteurs avancent finalement plusieurs
questionnements. La population peut-elle s’habituer à
ce type d’évolution par un refoulement actif lourd
de conséquences ? Les enfants de ces établissements
subissent-ils une forme d’éducation à la passivité
destinée à les « vacciner » progressivement
contre tout désir de réaction ? C’est précisément
contre cette tendance que le livre est écrit.
Une forme du nouveau militantisme
Un des mérites de ce livre est d’évoquer, à
travers cette notion d’« effet miroir », l’émergence
d’une nouvelle forme de militance qui dépend directement
de son objet. Il offre aussi une grille de lecture originale qui
propose une forme de conciliation entre l’interprétation
psychanalytique et l’action politique, cette dernière
étant souvent passée au crible du narcissisme dans
les milieux « psy ». Les auteurs interrogent donc le
caractère existentiel de l’engagement dans le réseau
à partir d’une déclaration de principe critique
: « Les idées qui motivent l’engagement doivent
être systématiquement mises à l’épreuve
de la complexité et des faits. »
Pourquoi est-on solidaire ? Par narcissisme, en raison de la sensation
de puissance que donne le passage du citoyen spectateur au citoyen
acteur, ou bien est-on solidaire en raison de la réalité
du lien social et de sa dislocation ? Les auteurs tentent de combiner,
grâce à la notion d’« effet miroir »,
le souci de soi et celui des autres : « Il ne s’agit
pas de se centrer sur l’autre comme si notre égoïsme
lui payait un impôt ; il s’agit de quelque chose de
plus existentiel, de plus diffus que ce qui est en cause dans la
militance classique. » Impliquée comme parent d’élève,
Pia vient au réseau au moment de la création d’un
comité pour soutenir une famille chinoise dont un des enfants
est l’ami de son fils scolarisé en primaire. Le réveil
citoyen s’opère ici par proximité et l’apprentissage
politique est associé à une impression de «
faire partie d’un truc » dont il est ensuite difficile
de se départir. L’engagement est, pour reprendre une
expression des auteurs, une forme d’« assomption »,
une prise en charge de l’intimité des familles dont
on doit connaître la situation exacte jusque dans son aspect
médical pour la défendre devant les administrations.
La dimension fusionnelle que prend parfois cette assomption –
il arrive que des enfants des familles sans papiers partent en vacances
avec des familles du réseau – est un trait de la veille
permanente rendue nécessaire par une menace elle aussi permanente.
Face à des actes qui disloquent le lien social formé
dans les écoles, le réseau reconstitue des liens sociaux.
Les membres du réseau peuvent d’ailleurs souffrir de
la disparition temporaire de ces liens, ce qui les pousse à
s’investir davantage, comme le montrent quelques textes recueillis.
Le réseau peut apparaître aussi comme une forme d’aide,
de soulagement, de béquille face au déséquilibre
émotionnel provoqué par les arrestations.
L’« effet miroir » n’est en fait pas le
seul facteur qui permet d’analyser l’émergence
d’un réseau de cette nature. Il faut replacer RESF
dans une perspective plus longue de transformation de l’action
politique dans le sillage du mouvement social de 1995 et de 2003
(contre la réforme Fillon sur les régimes de retraite).
En effet, les enseignants qui forment les principaux bataillons
du réseau sortent alors d’un conflit historique qui
les a conduits à la défaite. Il n’est pas impensable
qu’un tel réseau soit notamment le fruit d’une
réorientation de l’action d’une partie des enseignants
militants. Cependant, il faut clairement distinguer l’action
de RESF de l’altermondialisme qui est de quelques années
son aîné, puisqu’il s’agit pour les membres
du réseau de « résister à une forme de
société sans s’abriter derrière la promesse
d’en changer ». RESF ne dit rien du monde, mais engage
une lutte minoritaire concrète portant sur un secteur particulier
de la population (comme d’autres le font pour les mal logés,
les stagiaires, etc.), une lutte qui, « en ne parlant pas
de tout le monde, parle à tout le monde ».
De manière plus générale, le livre permet
de relier l’action des membres de RESF aux nouvelles formes
de militantisme issues du siècle qui s’ouvre, autour
de quelques points communs. Privilégier le « faire
», l’action, en assurant une veille quotidienne, en
étant présent aux tribunaux, en rédigeant des
dossiers. Faire accéder le citoyen à l’expertise
en prenant connaissance du droit et en le diffusant auprès
des personnes concernées . Privilégier l’échelon
local à travers des collectifs, des mobilisations de quartiers
et d’écoles, l’échelon national du réseau
ne se transformant pas en comité centralisateur, car il est
tout au plus un lieu de diffusion des outils de lutte. L’action
locale permet d’ailleurs d’incarner au mieux les luttes
puisqu’il s’agit ici ou là de défendre
le copain de classe de son enfant, de pétitionner pour la
libération de pères et de mères que l’on
connaît etc. Ce mode d’organisation horizontale, renforcée
par l’utilisation d’Internet, est aussi un gage d’indépendance
par rapport aux autres organisations et de préservation de
la diversité idéologique de ses membres.
La Chasse aux enfants est donc un petit livre fragile
dont l’objectif initial a été partiellement
détourné. Mais la richesse des témoignages
pallie les carences de l’enquête sociologique et l’essai
apporte, à partir de la notion d’« effet miroir
», des éclairages sur les ressorts d’un certain
renouveau militant et sur les conséquences ignorées
de la politique la plus répressive en matière d’immigration.
par Hervé Guillemain [04-06-2008]
Notes
[1] Christophe Dejours, Souffrance en France. La banalisation de
l’injustice sociale, Seuil, 1998 ; Travail, usure mentale,
Bayard, 2008 (dernière édition).
[2] Voir notamment M. Benasayag et A. Del Rey, Éloge du
conflit, La Découverte, 2007.
[3] La méthode est exposée en page 51. On peut en
retrouver les différentes étapes sur le site RESF
Miroir.
[4] Voir notamment Stéphane Beaud, Joseph Confavreux, Jade
Lindgaard, La France invisible, La Découverte, 2006.
[5] Voir la circulaire du 13 juin 2006.
[6] L’emploi du mot rafle à propos de ce type d’opérations
de police a été l’objet d’un débat
assez vif dans la presse française en octobre 2007. Voir
notamment le contre journal de Libération.
[7] Cimade, Centres et locaux de rétention administrative,
rapport 2007, p. 3. Voir le rapport de la Cimade.
[8] Sur le projet de directive européenne, voir Cimade.
[9] Mélanie Klein, « Notes on some Schizoid Mechanisms
», International journal of psychoanalysis, 27, 1946, p. 99-110.
[10] Voir à ce sujet G. Rizzolatti, Les neurones miroirs,
traduction française Odile Jacob 2008. Recension à
paraître sur la Vie des Idées
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