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Le luddisme est un mouvement ouvrier des années 1811-1812
en Angleterre
connu pour ses destructions de machines
(métiers à tisser notamment). Ces ouvriers sont appelés luddistes
ou luddites.
Le mot Le terme trouve son origine dans le nom d'un ouvrier
anglais, John ou Ned
Ludd (parfois appelé « King Ludd » ou « General
Ludd »), qui aurait détruit deux métiers à tisser en 1780.
L'authenticité de cet évènement et ses motivations exactes restent
cependant discutées. On ignore en fait s'il a véritablement existé.
Mais des lettres signées de ce nom ont été envoyées en 1811, menaçant
les patrons de l'industrie textile de sabotage.
Le terme « luddisme » est maintenant utilisé plus généralement
de façon péjorative pour fustiger tous ceux qui s'opposent aux nouvelles
technologies (on parle même de « neo-luddisme »).
Origine du mouvement
La révolution
industrielle bouleverse l'Angleterre du début du XIXe siècle.
Dans le milieu du textile, trois professions sont particulièrement
menacées par l'apparition de métiers mécaniques : les tondeurs
de drap, les tisserands sur coton et les tricoteurs
sur métier. Ceux qui les pratiquent sont des artisans assez
puissants, bien organisés malgré les lois de 1799 interdisant toute
association en Angleterre (Combination
Acts), et mieux lotis que les ouvriers qui travaillent dans
les usines. Ces métiers très techniques sont déterminants pour la
qualité des draps ou des tissus : selon le travail d'un tondeur
de drap, par exemple, le prix du produit fini peut varier de 20%.
Les années 1811-1812 cristallisent les rancœurs des couches populaires
anglaises et spécialement celles de ces artisans. C'est que, outre
la crise économique, les mauvaises récoltes et la famine, ces années
marquent la fin des politiques paternalistes qui protégeaient les
artisans et le lancement en grande pompe de la politique du « laissez-faire »
— on parlerait aujourd'hui de libéralisme
économique. Les anciens droits des tondeurs et tisserands leur
sont donc enlevés, et ils se trouvent démunis pour se battre contre
des manufactures et des usines utilisant des machines plus performantes
et pratiquant des méthodes de gestion du personnel proche de l'esclavage.
Les salaires des tondeurs chutent, les commandes aussi, et leur
cri contre l'industrialisation d'un savoir-faire ancestral et la
destruction d'un métier rencontre un écho désespéré dans la classe
populaire écrasée par une paupérisation du travail.
La révolte des luddistes
Mars 1811 : à Nottingham,
une manifestation syndicale de tondeurs sur drap est sévèrement
réprimée par les militaires. Dans la nuit, 60 métiers à tisser sont
détruits par un groupe issu des manifestants. Il s'agit d'un mouvement
spontané.
Novembre 1811 : le mouvement s'est organisé et certains leaders
commencent à répandre la contestation, notamment au Yorkshire.
De nombreuses fabriques font l'objet de destructions « ciblées »
puisque seuls les métiers des patrons ayant pratiqué des baisses
de prix sont disloquées.
Hiver 1811-1812 : le mouvement s'étend encore et devient insurrectionnel.
Les attaques de fabriques deviennent planifiées et méthodiques.
Les luddistes attaquent en petits groupes, ils sont armés et masqués.
Avril 1812 : dans le Yorkshire, où c'est presque la révolution,
une attaque de luddistes contre une fabrique à Rawfolds échoue,
de nombreux ouvriers sont tués. Le mouvement se radicalise.
Mai 1812 (le 11) : le Premier Ministre Spencer
Perceval est assassiné.
Été 1812 : les actions armées se poursuivent, des collectes
d'argent s'organisent. Une vraie conspiration prend naissance, avec
pour objectif de renverser le gouvernement.
Fin 1812 : le mouvement se poursuit dans le Lancashire,
mais la révolte y est plus spontanée et moins organisée. La répression
du gouvernement britannique se fait plus dure.
Des actions dans des fabriques se poursuivront sporadiquement jusqu'en
1817.
Le mouvement s'est rapidement diffusé dans toute l'Angleterre et
une véritable guerre s'est engagée entre les Luddites et le gouvernement
britannique. On estime qu'à une certaine période, l'Angleterre avait
mobilisé plus d'hommes pour combattre les Luddites que pour combattre
Napoléon.
La fin de la révolte
En 1812, les artisans du textile essaient d'emprunter la voie constitutionnelle :
ils proposent au parlement d'adopter une loi pour protéger leur
métier. Ils paient au prix fort des avocats, font un vrai travail
de lobbying, mais la loi n'est pas adoptée.
Pendant ce temps, les luddistes ont obtenu une satisfaction partielle :
les salaires ont augmenté, la pression économique s'est un peu relâchée.
Et dans le même temps, les arrestations ont affaibli le mouvement.
En 1813, une loi instaurant la peine capitale pour le bris de machine
est entérinée, malgré les protestations et les pamphlets de Lord
Byron, entre autres. Treize luddistes sont décapités.
Si des luddistes sont actifs jusqu'en 1817, leurs destructions
deviennent de plus en plus desespérées. En fait, les trois métiers
mentionnés vont quasiment disparaître à l'aube des années 1820.
Si les luddistes disparaissent en tant que tels, ils vont cependant
aller nourrir d'autres mouvements ouvriers du début du XIXe siècle.
La contestation deviendra souterraine ou légale avant de ressurgir
en force quelques années plus tard et mener au Chartisme.
Bibliographie
E. P. Thompson, La formation de la classe ouvrière anglaise,
Gallimard/Le Seuil
Vincent Bourdeau, François Jarrige et Julien Vincent, Les luddites:
Bris de machines, économie politique et histoire, Editions è®e,
2006, 160 pages.
Les amis de ludd, Bulletin d'information anti-industriel,
ed. "petite capitale"
Kirkpatrick Sale, Rebels against the Future : The Luddites
and Their War on the Industrial Revolution : Lessons for the
Computer Age, Addison Wesley, 1995
Voir aussi
Le
massacre de Peterloo,
Les
luddites - Bris de machines, économie politique et histoire,
résumé du livre de Julien Vincent, Vincent Bourdeau et François
Jarrige sur le site de l'éditeur,
Frankenstein,
roman contemporain des luddites et exprimant une profonde méfiance
vis-à-vis de la science et du progrès.
Unabomber,
le plus célèbre néo-luddite,
Bill
Joy, auteur de Pourquoi le futur n'a pas besoin de nous.
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