NOTE :
Nicolas FAUCIER : 30.03.1900-1992,
Louis LECOIN : 30.09.1888-1971
May PICQUERAY : 8.07.1898-1983.
Invité à parler de Nicolas Faucier (1900-1992), venu
en retraite à Saint-Nazaire en juin 1968, et de May Picqueray
(1898-1983) qui naquit à Savenay et séjourna épisodiquement
à Saint-Nazaire, je ne puis tenir à l'écart
Louis Lecoin (1888-1971), tant leurs parcours furent intimement
mêlés.
Point commun : ils sont anarchistes, combattent le militarisme
et la guerre, soutiennent les mêmes opprimés. Ils ont
aussi, tous les trois, une grande admiration pour Sébastien
Faure (1858-1942) : Sébastien Faure, le vétéran
unanimement respecté tant par ses œuvres que par son
long passé de propagandiste anarchiste, écrit Faucier.
Lecoin l'évoque : Mon anarchisme était surtout sentimental.
Je voulais m'abreuver aux sources. Il fréquente la salle
des Sociétés Savantes, comme le fera plus tard May
Picqueray qui s'enthousiasme : Ce fut une véritable révélation
et un enchantement. Quel orateur et quelle vérité
! — Pourtant il leur arrivera d'avoir des différents
lorsqu'on 1927 un conflit de doctrine éclatera au sein de
V Union anarchiste, entraînant une scission au sein du mouvement..
Autre point commun Louis, Nicolas et May seront correcteurs de
presse.
Et un autre, qu'ils partagent avec Faure, la longévité
: ils dépasseront 80 ans - Faucier atteindra même 92
ans. Pourtant Lecoin et Faucier auront subi les restrictions alimentaires
liées à l'incarcération. Et pour Lecoin, les
conséquences d'une grève de la faim qu'il mena en
1962 à l'âge de 74 ans afin d'obtenir un statut pour
les objecteurs de conscience.
Lecoin et Faucier sont des autodidactes. Ils sont aussi avec May,
des modèles d'abnégation. Ils auraient pu «réussir»
au sens bourgeois du terme, si ils s'en étaient souciés.
Des circonstances chanceuses dira Faucier, leur fit rencontrer un
autre idéal, et les amenèrent à mettre leurs
qualités et leur énergie au service de l'idée
libertaire liées au «refus de parvenir», et,
comme écrira Lecoin « pour être en paix avec
soi-même ».
Le cas de May Picqueray, au sujet des études, est intéressant
: elle est éduquée par les sœurs à Châtaubriant
puis à l'école publique à St-Nazaire où
son père a été muté. Mise en apprentissage
après avoir obtenu le Certificat d'Études Primaires,
son institutrice qui n'a pu obtenir des parents de lui faire poursuivre
des études, la prend à son service, non pour la faire
servir mais pour l'instruire. Elle l'emmène même au
Québec où May termine des études secondaires.
Lecoin est d'une famille de 7 enfants, père sans métier,
journalier, la famille est inscrite au bureau de bienfaisance. Il
lui arriva de mendier :... l'affreuse misère ne quitta point
le seuil de notre demeure^ confie- t'il....j'avais horreur de suivre
le catéchisme. Mes parents n'étaient point bigots,
mais ils se trouvaient trop à la merci des gens riches pour
oser manifester une opinion à ce propos, et m'exempter de
cette éducation- là. Il fera un bref apprentissage
dans une imprimerie et trois ans dans une ferme-école dont
il sortira sans expérience à 16 ans. A Paris, il est
attiré par Jaurès, mais très vite entend Sébastien
Faure et découvre l'anarchie. Le 13 octobre 1909, il est
à ses côtés lors de la manifestation pour Francisco
Ferrer fusillé ce même jour.
Quand à Faucier, il aimait citer une phrase d'Albert Camus
qu'il mettra d'ailleurs en épigraphe de Dans la mêlée
sociale. : Nous sommes quelques-uns à ne pas supporter qu'on
parle de la misère autrement qu'en connaissance de cause.
C'est qu'il s'y connaît en la matière : famille de
10 enfants (6è), vivant, un temps, à 12 personnes
dans les deux pièces d'un taudis d'un quartier populaire
d'Orléans avec le seul salaire d'un père ouvrier mécanicien.
A 8 ans Nicolas sert la messe en catholique fervent. A l'école
je subissais l'ambiance cléricalo-militariste du bourrage
de crâne.
NOTE : Sébastien Faure, né dans une famille de 6
enfants a des parents très catholiques et petits bourgeois.
Il est élevé chez les Jésuites et destiné
par ses parents aux ordres. Il perdit la foi, se rapprocha du socialiste
Guesde, et ayant lu Kropotkine et Elisée Reclus, évolua
vers l'anarchisme.
A 12 ans - et Faucier insiste sur ce fait - : je prend la décision
de m'obliger à une séance quotidienne de gymnastique
matinale. Il y sera fidèle toute sa vie et c'est, disait-il,
ce qui lui permis de résister aux emprisonnements et aux
privations. — Ceux qui l'ont connu, à la fin de sa
vie se souviennent de son étonnante vigueur physique et de
son dynamisme Son père étant un «bon»
ouvrier mécanicien. Nicolas, en 1912, entre en apprentissage
de mécanicien automobile.
En cette année 1912, fin mars, Louis Lecoin termine son
service militaire après avoir fait 6 mois de plus que ses
camarades, pour compenser un séjour en prison.
En effet, en octobre 1910, lors de la grève des cheminots,
il refuse, par solidarité avec les grévistes, de garder
les voies. Il est condamné, par un conseil de guerre, à
six mois de prison. Les Temps Nouveaux de l'anarchiste Jean Grave
- et dans la foulée, d'autres journaux -, publient une partie
du procès. Sorti de prison, on ne lui demande pas de participer,
avec son régiment, aux grandes manœuvres contre les
vignerons champenois et contre les mineurs de Montceau-les-Mines,
il reste presque seul a la caserne.
Pas question pour l'armée de faire un nouveau procès
à ce soldat récalcitrant, déjà célèbre.
Dès sa démobilisation, il s'engage dans l'interminable
combat qu'il va mener contre le militarisme.
Avec Ruff il signe et diffuse, quelques mois plus tard (en novembre),
un tract : « Aujourd'hui insoumis, demain réfractaire,
plus tard déserteur [...] Ne va pas à la boucherie
! Refuse-toi à tout service ! Arme-toi (...) sois le signal
de l'insurrection.».
Ils sont condamnés en 1913 à 3 ans de prison pour
sabotage de la mobilisation.
De la prison, avec des complicités extérieures ils
lancent en août 1915 un tract en faveur de la paix.
En novembre 1916, tout juste libéré, Louis retourne
son fascicule de mobilisation.
Enfin, il distribue lui-même en décembre son tract
« Imposons la paix ! ».
Lecoin le publia après avoir critiqué Sébastien
Faure et Mauricius, dont l'action pacifiste dans l'hebdo C.Q.F.D.
(Ce qu'il faut dire), était trop timorée à
ses yeux.
Il est arrêté ainsi que Ruff qui procédait
à une semblable propagande.
Il est condamné en décembre, par un conseil de guerre,
à cinq ans de prison pour insoumission, auxquels s'ajoutent
dix-huit mois pour propos subversif : « A bas la guerre !
» lancé à l'audience. Il ne sera libéré
que fin novembre 1920.
Pourtant dans Le Cours d'une Vie, il se souvient : « l'antimilitariste
et pacifiste que je suis était foncièrement nationaliste
et patriote à 17 ans [en 1905]. J'attendais, alors, d'atteindre
mes 18 ans pour m'engager dans l'armée en vue d'une carrière
militaire.» Et c'est à 18 ans, en août 1918,
que Faucier, pour échapper au front - car pensant que la
guerre va s'éterniser -, et aussi pour gagner un peu d'argent
afin de soutenir sa famille, s'engage pour 3 ans dans la marine.
Il ne tarde pas à écoper de 20 jours de cellule, puis
de trois mois de consigne. C'est là qu'il fait ses premières
armes politiques auprès de socialistes révolutionnaires
et d'anarchistes, qui servent sur ce navire en tant que réservistes
à l'atelier du bord.
(Il lit La Vague un hebdo pacifiste, socialiste et féministe,
lancé pendant la guerre par Pierre Brizon et sa compagne
Marcelle Capy. Mais ce n'est qu'un début) Le 11 juin 1919,
le cuirassé amiral Provence refuse d'appareiller pour la
mer Noire.
« C'était l'époque du procès des marins
mutinés de la mer Noire qui s'étaient révoltés,
refusant de participer au blocus économique de la jeune révolution
russe. M'étant déclaré solidaire des mutins,
avec une poignée de mes camarades, je fus descendu en cellule
puis débarqué par mesure disciplinaire sur un autre
bâtiment [le Bretagne}.» Il fait encore quelques séjours
en cellule (pour divers motifs, liés à de l'indiscipline
et de la contestation) jusqu'à août 1921, date de sa
libération.
Quand à May Picqueray, elle est rentrée du Québec
pendant la guerre et a rejoint sa famille à Saint- Nazaire
où sa connaissance de l'anglais lui permet de travailler
comme dactylo bilingue auprès de l'armée américaine.
Elle a 18 ans et se marie avec un officier américain (de
la marine) qui repart bientôt aux USA.
Elle est touchée par la grippe espagnole et soignée
au lycée de Saint-Nazaire transformé en hôpital.
Guérie, elle monte à Paris, rencontre un étudiant
en médecine qui fréquente les anarchistes. Elle lit
Bakounine, Reclus, etc. Et, comme pour entendre parler Sébastien
Faure il faut parfois se coltiner avec des perturbateurs, un soir,
armée d'une discrète matraque en caoutchouc, elle
entre dans la bagarre.
Dès lors son avenir est lié au mouvement anarchiste.
« Mon enthousiasme anarchiste allait dans toutes les directions.
Je risquais de devenir inefficace à force de me disperser.
La chance mit sur ma route Louis Lecoin. [...] A partir de ce moment
je consacrai l'essentiel de mon temps à faire la guère
à la guerre.».
Sa rencontre avec Lecoin a lieu en 1921, Lecoin vient d'être
libéré et Faucier est sur le point de l'être.
Si Faucier est inconnu, ce n'est pas le cas de Lecoin : «
Lecoin était pour nous, jeunes libertaires, jeunes syndicalistes,
un exemple à suivre.» Tout de suite, Lecoin devient
administrateur de l'hebdo Le Libertaire, et mène campagne
pour éviter l'extradition de trois espagnols, Ascaso, Durruti
et Jover, condamnés en Argentine pour un soi-disant hold-
up. Plus tard il démarche pour éviter l'expulsion
de Camille Bemeri et Nestor Makhno. Il crée un Comité
de soutien à Sacco et Vanzetti, qui viennent d'être
condamnés à mort en Amérique pour un crime
qu'ils n'ont pas commis.
May Picqueray participe alors à toutes les campagnes. En
1921, elle envoie un colis piégé à l'Ambassadeur
des États-Unis pour amener la presse à parler de Saceo
et Vanzetti.
Elle milite dans un groupe des Jeunesses anarchistes de Paris (Ve
et XIIIe arr.) et aux Jeunesses syndicalistes, et devient en 1922
secrétaire administrative de la puissante Fédération
des Métaux. C'est à ce titre qu'elle est déléguée
au 2ème congrès de V Internationale syndicale rouge
à Moscou en novembre 1922 où elle se permet de critiquer
le régime, de refuser de serrer la main à Trotsky
et de lui demander la libération de deux jeunes anarchistes
déportés (Mollie Steiner et Sonya Hechine). A son
retour en France, elle file sur la Côte d'Azur pour être,
pendant 3 ans, secrétaire d'Emma Goldman, puis travailler
dans la presse régionale.
Quant à Nicolas Faucier, après un séjour à
Orléans, il vient d'arriver en région parisienne :
« Je devins un lecteur assidu du Libertaire et un et un adhérent
fervent du groupe libertaire d'Argenteuil.». Il se fait propagandiste
: « Je diffusait le livre interdit Les Moyens d'éviter
la grossesse, bien utile à l'époque, dans lequel j'encartais
une brochure libertaire ou syndicale selon le cas. Je réussis
à faire des abonnés et des lecteurs au Libertaire.»
Il croise May Picqueray, aux Jeunesses anarchistes, et fréquente
comme elle les goguettes et les soirées de La Muse Rouge,
pour entendre des chansons sociales.
NOTE : Ce n'est pas le lieu, mais il faut souligner le rôle
que jouèrent divers groupes de poètes-chansonniers,
professionnels et amateurs dans le mouvement libertaire. Faucier
interprétait - fort bien - Gaston Coûté, et
May Picqueray fut une ardente propagandiste de Charles d'Avray.
La première véritable rencontre de Faucier et Lecoin
date de février 1924. Tous les deux sont (avec Frémont
et Andersen) de la délégation de l'Union anarchiste
qui se rend au siège de la CGT en vue d'organiser la grève
générale du 12 février.
Faucier est un militant anarcho-syndicaliste très agissant,
trop aux yeux de certains : « je jus inscrit sur la liste
noire du patronat, et mis à l'index dans les entreprises
de la région parisienne.» Il se fait camelot et vend
sur les marchés de la porcelaine de Limoges. Puis seul, il
vend de la bimbeloterie aux portes de Renault à Boulogne-Billancourt,
toute en continuant la propagande libertaire et maltusienne. Il
est de toutes les manifestations, en particulier de celle contre
la guerre du Maroc qui se concrétise par la grève
générale du 12 octobre 1925.
Faucier et d'autres militants sont arrêtés. Une nuit
en cellule, le temps de faire une perquisition à son domicile
où la police saisit l'introuvable et interdit La Société
mourante et l'anarchie de J. Grave.
En 1926, au congrès d'Orléans, l'U.A. devient U.A.C.,
Union anarchiste-communiste) (pour se démarquer des individualistes).
Dès lors Faucier et Lecoin sont ensembles au Libertaire,
au Comité du droit d'asile pour Ascaso, Durutti et Jover,
au Comité Sacco-Vanzetti, etc.
En 1927, le courant communiste libertaire se renforce au sein de
l'UAC. Déchirement : 3 courants s'affontent au sein de l'U.A.C.
C'est la scission.
- 1) un courant dit majoritaire, partisan d'une organisation structurée,
qui rejette les thèses des anarchistes individualistes (jugés
irresponsables) et prend le nom d'UA.C.R. (UAC révolutionnaire)
pour se différencier des autres. Faucier, Lecoin, Pierre
Odéon, le morbinais Pierre Le Meilleur sont dans ce courant
qui continue à éditer Le Libertaire.
- 2) un courant minoritaire qui, quoique en désaccord sur
la nouvelle organisation, violant, selon lui, les principes anarchistes,
décide de rester dans l'organisation pour les défendre
contre leurs détracteurs.
- 3) un courant scissionniste, d'accord avec les minoritaires pour
la défense du traditionnalisme anarchiste, mais refusant
d'appartenir plus longtemps à une organisation qu'il assimilait
à un parti. Ce courant, sous l'influence de Sébastien
Faure, fonde l'A.F.A. (Association des fédéralistes
anarchistes) qui fait paraître dès le 1er janvier 1928
Le Trait d'union libertaire, auquel succède en mai La Voix
libertaire qui parut jusqu'en juillet 1939. (Principaux représentants
de ce courant : Séb. Faure, Lucien Barbedtte, Charles Marchai,
Louis Louvet, Stephen Mac Say, ce dernier assez proche des individualistes
entraînés par E. Armand) Voir Roland BIARD, Hist. du
Mouvement anar. 1945-75. Plate-forme Archinoff, p. 47-50. et Synthèse
de Faure, p. 30-33.
Voir Nicolas FAUCIER, Dans la mêlée sociale : Problèmes
organisationnels : p. 63-75, et son Rapport sur le mouvement anarchiste
en France, période 1930-40 (Archives CHT, Nantes).
L'exécution de Sacco et Vanzetti en 1927, mobilise tous
les libertaires, mais ne parvient pas à ressouder le mouvement.
Il ne le sera qu'en mai 34. (congrès d'unité de Paris).
NOTE : Quinze jours après l'exécution de Sacco et
Vanzetti; Lecoin manifeste, seul, au Congrès de VAmerican
Légion qui se tient à Paris : « Le congrès
va commencer. Le président de l'American Légion ouvre
la bouche... Il va parler... Le silence est total... Alors je me
lève et, par trois fois, d'une voix retentissante, je clame
: "Vive Sacco et Vanzetti !"» Lecoin passe deux
jours à la Santé avant d'être inculpé
d'apologie de meurtre. Vous avez bien lu. Lecoin ajoute : «
Et la justice s'étonne de n'être pas prise au sérieux
!» Voir LECOIN : Le Cours d'une vie, p. 142-147.
En novembre 27, au congrès de l'UACR, Faucier est désigné
administrateur du Libertaire et gérant de la Librairie sociale.
Cette activité lui permet de rencontrer de fortes personnalités
dont Durruti, Voline, Archinoff, Makhno. Le local sert aussi de
boite aux lettres pour des clandestins.
Pendant 2 ans (de déc. 27 à déc. 29) Faucier,
l'Archange-aux-yeux-bleus comme l'appelle un journaliste, est permanent
au Libertaire et jusqu'en 39 il écrira abondamment dans ce
journal dont tous les collaborateurs sont bénévoles.
Mais en décembre 29 : « C'est à regret que
j'abondone mon poste de permanent au Libertaire, mais j'ai de sérieuses
raisons pour le faire. J'ai, en effet, rencontré celle qui
devait devenir la compagne de ma vie*, et le maigre salaire que
j'avais accepté alors n'aurait pu suffire aux besoins de
notre ménage.» (Mêlée, p. 76) Alice est
alors comptable pour les coopératives de consommation. Faucier
trouve un emploi de mécanicien. Le couple s'installe à
Belleville. Une fois de plus, Nicolas perd son emploi. Cependant
Alice commence à avoir des ennuis de santé, ils quittent
Paris, petits boulots en province, militantisme, contestations,
manifestations, licenciements.
En 1932, pour qu'Alice puisse bénéficier de la franchise
médicale de 80 versée à la conjointe d'un travailleur,
ils se marient (à Coursan) et reviennent dans la région
parisienne. Nicolas se fait, de nouveau, marchand forain pendant
15 mois. (en coutellerie).
En 1934, après un bref emploi, Nicolas ayant gagné
un procès au conseil des prud'hommes, devient définitivement
indésirable pour le patronat.
Heureusement, parrainé par des correcteurs, il passe l'examen
de correcteur de presse et est employé dans une imprimerie
de labeur (annuaires, catalogues, certains périodiques,...)
En mai 1934, l'U.A.C.R. redevient l'U.A. (Union anarchiste} et regroupe
presque toutes les tendances. (Certains anars fondent la FCL (Fédé.
Corn. Libertaire) L'UA et la FCL fusionneront en mai 36.) Faucier
est l'un des dirigeants de l'U.A. avec Lecoin, Frémont et
Anderson.
Commence alors une période agitée sur tous les plans,
marquée surtout par : — la victoire du Front populaire
en Espagne (Frente popular) le 16 février 1936 — réunification
des CGT et CGTU.
— la victoire électorale du Front populaire (SFIO,
Rad-soc. et PC, au 2è tour des législatives) le 3
Mai 1936, aussitôt suivie des occupation d'usines, de la rédaction
de Cahiers de revendications des travailleurs, et du développement
des grèves dans toute la France.
Notons le 3 juin 36 la promesse du député du Nord,
Roger Salengro : Entre l'ordre et l'anarchie, je maintiendrai l'ordre
envers et contre tous.(\e lendmain, il est nommé ministre
de l'Intérieur).
— le 4 juin Blum est nommé président du conseil
(1er cabinet du 4 juin 36 au 21 juin 37, succède à
Sarrault). Le ministère de la Guerre devient ministère
de la Défense Nationale.
— 7 juin : Accords de Matignon : le patronat négocie
avec la CGT réunifiée (Léon Jouhaux).
— 12 juin : déclaration de Maurice Thorez : II faut
savoir terminer une grève.
— 11 au 22 juin : vote des « mesures sociales »
: augmentation des salaires de 7 à 15 (35 à 50 pour
les plus bas), conventions collectives, congés payés,
semaine de 40 h., reconnaissance syndicale, délégués
du personnel (mais il semble qu'il s'agit là d'une revendication
patronale).
18 juillet 36 : soulèvement de Franco au Maroc espagnol,
suivi dès le lendemain par une explosion révolutionnaire
espagnole ripostant au coup d'État militaro-fasciste.
(août : constitution d'un Comité anarcho-syndicaliste
qui regroupe l'U.A., la F.A.F. (Fédération anarchiste
de langue française, créée en 36, concurrente
de l'U.A.) et la CGT.SR (CGT-syndicaliste révolutionnaire,
créée en nov. 26).
Faucier, Lecoin, Le Meilleur, Odéon et quelques autres s'entendent
avec la CNT et la FAI* pour fonder le « Comité pour
l'Espagne Libre ». (Mouv. anar, t 2, p.30-31, et communiqué
de SIA dans le Libertaire, in Pacif et Antimilit. p. 11-12) * CNT
: Conf. Nat. du Travail, FAI : (fédération anarchiste
ibérique Lecoin écrit : Je mets au monde, fin août
1936, le Comité pour l'Espagne Libre, en accord avec Nicolas
Faucier qui en sera l'administrateur, et Pierre Odéon qui
accomplira une tâche des plus rudes en roulant sans cesse
sur les routes entre Paris et l'Aragon, via Barcelone. Plus tard
Pierre Le Meilleur grossira notre équipe, ainsi que Marcel
Bullier Nous enverrons en Espagne jusqu 'à cinq camions par
semaine, de quatre à cinq tonnes chacun, pleins de linge,
vêtements, denrées alimentaires, cachant les armes
et les munitions, que nous nous procurerons. Gros effort de notre
part ; apports insignifiants en raison des immenses besoins des
révolutionnaires espagnols. Nous organiserons des manifestations
d'une réelle importance si l'on tient compte de la jeunesse
de notre comité. Nous réussirons des réunions
au Vélodrome d'Hiver. Ici dans Le Cours d'une Vie (p. 155),
Lecoin signale l'attitude du gouvernement Blum qui voulut interdire
le meeting du Vel d'Hiv.] Le meeting eut lieu. Le gouvernement n'osa
le supprimer — la Fédération socialiste de la
Seine, dirigée alors par Marceau Pivert, se solidarisant
avec le Comité pour l'Espagne Libre. [Lecoin souligne encore
: ] le peu d'empressement du gouvernement de Front Populaire à
soutenir efficacement les antifascistes espagnols. Ce fut ainsi
tout au long de cette malheureuse révolution.
En quelques semaines, deux ou trois mois au plus, l'Espagne ouvrière
se fût délivrée de Franco si on l'avait laissée
se procurer à l'extérieur ce qui était nécessaire
à son succès. (CV. p. 154 à 157).
De son côté, à Paris, à Toulouse et
ailleurs May Picqueray, œuvre pour diverses associations de
soutien, et seule, fabrique des faux papiers pour les évadés.
Et Saint-Nazaire voit débarquer des républicains
espagnols venus du front basque, qui repartent aussitôt en
train pour le front catalan.
— En septembre 36, Léon Blum justifie la « non
intervention » en Espagne.
(En janvier 37 : fondation par des militants synd. révol.
et des anarcho-synd. des Cercles Syndicalistes de lutte de classes,
(le n°l de leur revue Le Réveil syndicaliste paraît
en janv. 38.).
— En février 37, alors que Blum réclame la
« pause », Marceau Pivert, de la tendance "Gauche
révolutionnaire" de la SF10, déclare, en démissionnant
du poste qu'il occupe à la Présidence du Conseil :
Non ! Je n'accepte pas de capituler devant le militarisme et les
banques. Non ! Je ne consens ni à la paix sociale ni à
l'Union sacrée.
Marceau Pivert, exclu de la G.R. restera proche de Lecoin jusqu'à
sa mort en 1958.
— Le 10 avril 38, Daladier s'installe au pouvoir et scelle
la fin du front populaire. Le pouvoir glisse à droite.
Un peu plus ! — Ce même 10 avril : création
d'un Centre Syndical d'Action contre la Guerre, à l'initiative
des Cercles Syndicalistes. (v. Pacifisme et Antimilit. p. 149-51).
— En septembre, ce Centre se fond dans le Comité de
liaison contre la guerre et l'union sacrée, créé
sous l'initiative de l'UA et de la SIA (Solidarité internationale
antifasciste).
Lecoin et Faucier signent une déclaration par laquelle ils
refusent de répondre à une éventuelle mobilisation.
Cela leur vaut une condamnation à 6 mois de prison pour délit
de « Provocation de militaires à la désobéissance
dans un but de propagande anarchiste..» Ils font appel, ce
qui retarde leur inarcération.
— Alice, toujours en mauvaise santé, tient la comptabilité
du Comité et officie comme caissière auprès
de Sébastien Faure (âgé alors de 80 ans) lors
de ses conférences. Elle se tiendra auprès de Faure
jusqu'en 39 alors que Nicolas est emprisonné.
— En novembre 38, le Comité lance un hebdo S.I.A.
du nom de la section française de Solidarité Internationale
Antifasciste qui remplace le Comité pour l'Espagne Libre.
Faucier (administrateur) et Lecoin (secret, de réd.) en sont
les responsables. La section franc, du S.I.A. compte en février
39, 15 000 adhérents, son journal hebdo SIA, 5 500 abonnés.
(articles de Sébastien Faure, Henri Janson, Georges Pioch,
Marceau Pivert, Robert Louzon...Dernier numéro le 31 août
1939) Dans la foulée, création d'un Comité
de défense des peuples coloniaux, avec des représentants
des syndicats et de groupements d'extrême-gauche. Articles
violents de Henri Jeanson et Robert Louzon dans le journal S.I.A.
et condamnation de Lecoin, Faucier et Vintrigner (gérant)
à 2 ans de prison, et Jeanson et Louzon à 18 mois.
pour « atteinte à l'intégrité de l'Empire
» — En janvier 39 : Exode en France des réfugiés
espagnols, internement dans les camps (de Guers, St-Cyprien, Argelès,
etc.) Activité de soutien du Comité sous forme de
parrainage (colis personnalisé).
— Fin août 39 : Faucier adresse une lettre argumentée
au gouverneur militaire de Paris pour lui notifier son refus de
mobilisation (v. Pacif. et Antimilit. p. 196-7).
— 3 septembre 1939 : Déclaration de la guerre.
— 13 septembre, 10 jours après la déclaration
de guerre, Lecoin et Faucier tirent à 100 mille exemplaires
le tract Paix immédiate signé par 31 personnalités.
Ils sont arêtes peu après et condamnés.
A la prison de la Santé Faucier rencontre Lecoin à
la promenade. Lecoin lui apprend que certains signataires de Paix
immédiate ! ont renié leur signature.
(Alain, Lucien Jacques, Victor Marguerite, Georges Pioch, etc.
Seuls à ne pas renier leur signature : Challaye, Giroux,
Yvonne et Roger Hagnauer, Louzon, Poulaille, Tourly, Vives, Yvetot
et Giono (après avoir lacéré les affiches de
mobilisation il fat incarcéré au fort St-Luc à
Marseille). Jeanson, mobilisé, avait demandé que sa
signature soit retirée de la liste. (CV. 178 etc.), Voir
Nicolas FAUCIER : Pacifisme et antimilitarisme : p. 191-195.
Lecoin, de prisons en prisons, ira en déportation en Algérie,
et sera libéré en 1943, totalisant alors 12 années
d'emprisonnement.
Faucier, condamné en outre à 3 ans de prison pour
insoumission, sera maintenu administrativement en détention,
jusqu'à son évasion en décembre 43.
(Lecoin, a été arrêté à Angers,
où il avait rejoint sa compagne, fin septembre 39, Faucier
l'a été à Paris le 8 octobre).
• Sébastien Faure meurt le 14 juillet 1942.
Il est dans la salle, auprès d'Alice, lorsque Faucier passe
en cour d'Appel à Paris le 14 mars 1940.
Alice accompagna longtemps Sébastien Faure dans ses tournées
de conférences, elle en était la caissière
et la trésorière.
Tant qu'Alice put envoyer le « colis mensuel autorisé
», Sébastien, pourtant impécunieux, y participa
(confidence recueillie).
En 1943, après un long séjour à Fontevrault,
Faucier est transféré au camp de Neuville (Vienne).
(A Fontevrault, il a retrouvé Jean Duval, déserteur
en 1911, condamné aux travaux forcés pour tentative
d'homicide d'un capitaine et d'un adjudant en 1913, évadé
en 1923, réfugié en Belgique, dénoncé
en 1936 et arrêté. Une campagne de presse le fera libérer
en 1947. En 1980, à 89 ans, très affaibli, il se donne
la mort).
A Neuville, il apprend qu'Alice est au plus mal et que ses jours
sont en danger.
(grâve opération en août 43,2 kystes à
la glande thyroïde, puis en oct. 43, hospitalisée pour
une fièvre typhoïde.).
Dès lors, Nicolas ne songe plus qu'à l'évasion.
Le 12 décembre 43, devant sortir du camp pour faire une
course habituelle, il réussit à le faire sans gardien,
et s'évade. Sans complicité de l'intérieur
du camp, donc sans exposer à des punitions ses co-détenus.
(N'étant pas complices de l'évasion, ils ne seront
que privés de correspondance).
Évasion heureuse : car après le 6 juin 44, les Allemands
s'enfuyant les abandonneront dans le camp dont ils sortiront...
pour être cernés dans un bois et presque tous exterminés.
En plusieurs jours, à pied, il rejoint Olivet près
d'Orléans. On le cache et on lui fourni des faux- papiers.
Il s'appelle désormais Georges Berger.
Quelques jours plus tard, il a enfin des nouvelles d'Alice, convalescente,
et aidée par des camarades anars.
De janvier 44 au 6 juin (débarquement) il vit clandestinement
et travaille en Bretagne.
Le 7 juin 44 il part pour rejoindre Alice à Vierzon hébergée
par des camarades.
Il y arrive enfin après 500 km, dont les 2/3 à pied,
et de nombreux incidents.
(avec un camarade, profitant de la confusion, ils partent vers
St-Brieuc, Dinan, Rennes, Lavai, Le Mans (en plusieurs jours, parfois
en train, parfois à pied). A La Chartre-sur-Loir eles deux
amis se séparent. L'autre va vers Paris, Faucier doit rejoindre
Thénioux (près de Vierzon) où Alice, après
une nouvelle maladie, se repose.).
Fin août 44, Alice et Nicolas rejoignent Paris. Faucier retrouve
un emploi de correcteur.
Il milite dans le Comité de coordination syndicaliste. Il
va tout de suite s'employer à obtenir la libération
de Jean Duval. (par des démarches et des articles de presse.
Duval sera libéré le 11 mai 1948 et trouvera un emploi
de garçon de café à Lille, auprès de
son frère. Mais en mauvaise santé il devra bientôt
arrêter de travailler. Sans ressources il recevra une aide
grâce aux lecteurs de Liberté de Lecoin, alertés
par Faucier. Il entre à la Maison de Retraite de la Libre
Pensée, près d'Angers, et s'y donne la mort en juillet
1980.).
May Picqueray est déjà revenue à Paris et
a repris le métier de correctrice.
En 1946 et 48, très fatigué par des années
d'incarcération, Nicolas interrompt ses activités
syndicales et sociales et son métier de correcteur, insalubre
et mal payé. Pour quelques temps il redevient marchand- forain.
(C'est sans doute à cette époque qu'il vend des chaussures
sur les marchés, allant parfois assez loin (au Mans) avec
deux valises et des paquets). Notons qu'en 1943, Lecoin, pour les
mêmes raisons, a été, également, quelques
mois marchand forain.
Printemps 48 : Remis d'aplomb et de finances, il reprend son métier
de correcteur, (à l'Imprimerie de la Presse) et son action
revendicative. (Il oriente son action vers les Comités d'entreprise.
Il écrit sur ce sujet des articles dans La Révolution
Prolétarienne, dont il est l'un des animateurs.).
Lecoin, Faucier et Picqueray vont militer au Syndicats des correcteurs.
Octobre 48 : n°l de Défense de l'Homme, fondé
par Lecoin.
(700 compagnons sont abonnés avant la parution) (imprimé
à Cannes. Marie Lecoin travaille sur la Côte d'Azur,
les Lecoin resteront longtemps en Provence. Dorlet sera l'un des
animateurs de la revue).
janvier 52 : Création du Cercle Zimmerwald (du nom de la
conf. internationale de 1915 tenue en Suisse). Il participe au conseil
d'administration. Le Cercle demeura actif jusque dans les années
60 (comptes-rendus dans La Révolution Prolétarienne.
Le Cercle publiait aussi un périodique.
En 1955, Louis Lecoin laisse la direction de Défense de
l'Homme à Louis Dorlet, et s'éloigne, à 67
ans, de la vie militante. Pas pour longtemps : fêtait en train
de finir mes jours en petit rentier fort tranquille^ lorsque, ^en
quelques minutes, la compagne de ma vie, sans avoir été
malade, cesse de vivre".
Fin décembre 56. Il revient à Paris, reprend des
activités militantes et fonde, avec le fruit de la vente
de ses biens, l'hebdo Liberté dont le °1 paraît
le 31 janvier 1958. (voir Écrits p. 54).
(31 janvier 58 : n°l de Liberté, hebdo fondé
par Lecoin avec son argent personnel et le fruit de la mise en loterie
d'œuvres offertes par des peintres (Vlaminck, Bernard Buffet,
Lorjou, Grau Sala, Kischka, Atlan, Van Dongen, etc.). Il annonce
la création d'un comité : « Secours aux Objecteurs
de Conscience » (dont le comité de patronage comprend
: André Breton, Ch.-Aug.
Bontemps, Bernard Buffet, Albert Camus, Jean Cocteau, Jean Giono,
Lanza del Vasto, Henri Monier, l'abbé Pierre, Paul Rassinier,
le pasteur Roser et Robert Tréno.). Lecoin en est le secrétaire
général, Pierre Martin - un autre que celui mort en
14- 18 - le secrétaire adjoint.
(juin 57 : Création du P.U.M.S.U.D. (Pour un Mouvement Syndical
Uni et Démocratique) qui réunit des syndicalistes
de diverses fédérations de FO et de la CGT. Le PUMSUD
durera 10 ans.).
Le journal est servi gratuitement à tous les députés.
Robert Lacoste l'interdit en Algérie.
Le 15 oct. 58, Liberté publie la « Proposition d'un
Statut pour les Objecteurs de Conscience.» A ceux qui lui
font grief de côtoyer un abbé (Pierre) et un pasteur
(Roser), Lecoin répond : "Face à la saloperie
d'Algérie, je ne fais pas le bégueule, [...] je préfère
mille fois me tenir aux côtés d'individualités
chrétiennes pacifistes plutôt que de côtoyer
des laïques socialistes faiseurs de guerre. Est-ce suffisamment
clair ? " Faucier aussi se consacre beaucoup au combat pour
la paix, il adhère à l'association "Les Artisans
de la Paix" et collabore à sa revue La Paix du Monde.
Participe au "Comité national des Forces Libres de la
Paix" (créé en 1952) avec Lecoin. Il collabore
à Défense de l'Homme, au Monde Libertaire, à
La Révolution Prolétarienne, à L'Unité,
à La Raison, à L'Imprimerie Française, etc.
(Il organise et participe à des conférences et débats
du Groupe d'études et d'action syndicales, dont les comptes
rendus sont publiés dans le Bulletin des correcteurs.). (1961
Faucier milite au sein d'une association de consommateurs (ORCO).
Il collabore sans doute à sa revue Le Consommateur.).
Le 1er juin 62, Lecoin qui agit déjà avec Faucier
et Picqueray dans le Comité de secours aux objecteurs, entame
sa grève de la faim.
(Comité parrainé par l'abbé Pierre, A. Camus,
J. Giono, Alfred Kastler, André Breton, etc.) (13 juin 62
: Dans le Canard Ench., article de Jeanson « Holà !
Les Grandes Gueules ! laisserez-vous mourir Louis Lecoin ?»)
(juin 62 : dans Liberté, article de Lecoin, Si je mourais
demain, dont sont extraits les textes cités au début.)
Le 4 juillet 62 : Lecoin cesse sa grève, après avoir
été assuré que la loi serait votée.
Après les tergiversations du pouvoir et une menace de nouvelle
grève de la faim, la loi est votée et promulguée
le 22 décembre 63. Le 24 tous les objecteurs sont libérés.
Notons que l'Union Pacifiste de Saint-Nazaire, rendant hommage
au militant Félix Bide (1912-2005) écrit que François
Blancho, maire socialiste, je cite : lors de la grève de
Louis Lecoin, nous a apporté son total soutien.
Lecoin, à 76 ans, se consacre alors aux réfugiés
politiques espagnols menacés par Franco, fonde un Comité
pour l'extinction des guerres* et tire clandestinement une petite
brochure pour présenter un projet de loi : La Paix partout
dans le monde...
* ralliant Jean Rostand, René Dumont, Bernard Clavel, Yves
Montand...
1964: Création par V Union des Syndicalistes de la coopérative
des Éditions Syndicalistes, dont la première réalisation
sera le livre de Faucier sur la presse, (v.p.207 de Dans la mêlée).
29 mai 64 : Inauguration à Paris de la librairie des Éd.
Syndicalistes.
Nicolas publie en 1965 La Presse quotidienne, ceux qui la font,
ceux qui l'inspirent, aux éditions syndicalistes qu'il a
contribué à créer en 1964. Et prend sa retraite.
En juin 1968, Nicolas et Alice s'installent à St-Nazaire
pour qu'Alice se rapproche de sa famille. Elle est de plus en plus
afaiblie et Nicolas doit assurer les tâches ménagères.
Il lit et écrit toujours beaucoup. Tous ses livres contiennet
des fiches de lecture et des coupures de presse. Il est des groupes
nazairiens de la Libre Pensée et de l'Union pacifiste. Il
s'intéresse au mouvement ouvrier à St-Nazaire.
• 23 juin 1971, Lecoin, à 83 ans, meurt d'une embolie.
Son nouveau combat était de lancer une campagne pour un désarmement
unilatéral.
Bien que Lecoin ait confié cette tâche à L'Union
Pacifiste - où milite Faucier et Robert Jospin (le papa),
May Picqueray fonde, restant dans la ligne de Liberté, Le
Réfractaire auquel collaborera plus tard Nicolas.
Faucier commence à compulser les archives syndicales «
soigneusement classées par Mainoë » dit-il, et
s'entretient avec des militants nazairiens en vue d'écrire
des articles, (pour la presse, et particulièrment pour interrogations,
revue internationale de recherche anarchiste que son ami Louis Mercier
Vega veut lancer (n°l en déc. 74, annonçant la
collaboration de Nicolas), interrogations publiera un extrait du
livre en mars 76 dans son °6. Mercier se donnera la mort le
20
nov. 77 à l'âge de 63 ans.) 1973 Souvenirs d'un permanent
anarchiste (1927-1929) par Nicolas Faucier. Le Mouvement social,
n°83, avril-juin 73. Texte repris dans Dans la mêlée
sociale.
mars 1976 : Les Ouvriers des chantiers navals, in interrogations,
de Louis Mercier Vega °6, mars 76. (extraits du livre à
paraître) et Les Ouvriers de St-Naz.aire, un siècle
de luttes, de révoltes, de dépendance.
intro Louis Mercier Vega, Éditions Syndicalistes. (Mercier
Véga meurt es déc. 77. Nécro par Faucier dans
Le Réfractaire °34) septembre 83, Pacifisme et antimilitarisme
dans l'entre-deux-guerres (1919-39), dédié à
Louis Lecoin. (éd. Spartacus.) Ouvrage indispensable sur
ce sujet.
— novembre 83 : May la réfractaire et son journal
cessent de paraître.
mai 86. 1936 à travers «Le Libertaire», avec
articles de 1936 et une postface de Faucier. Certains articles intéressants
à relire par rapport à la situation actuelle, (édition
Vent du Ch'min, voir p. 50 et p. 58) 1988, Dans la mêlée
sociale, itinéraire d'un anarcho-syndicaliste. éd.
la digitale, (fini d'écrire en janv. 1985).
— 1992 : mort de Nicolas à St-Nazaire. 92 ans. (En
1980 : infactus, 15 jours d'hôpital) NOTES SUR LES ŒUVRES
: Faucier, Picqueray et Lecoin, ont publié leur autobiographie
: Dans la mêlée sociale (1988), May la réfractaire
(1979) et Le cours d'une vie (1965) qui reprend en partie De prisons
en prisons (1947) et le prolonge..
— May Picqueray raconte simplement, chronologiquement, sans
recherche d'écriture.
— Nicolas Faucier, raconte les faits sans se mettre en valeur.
Il y évoque souvent sa compagne Alice.
— Lecoin s'implique, laisse parler son cœur. Il en fait
de même dans de nombreux articles. Lui à qui on reproche
de se démener pour la défense d'accusés qui
n'étaient pas des compagnons, mais d'abord des condamnés
à mort, écrit dans son journal Liberté, en
août 1964 '...Jamais je ne me suis demandé si, alors,
je me conduisais en pur révolutionnaire ; je sentais, par
les transports qui m'agitaient, que j'étais dans le vrai
et cela me suffisait. Mon anarchisme, d'ailleurs, n'a jamais séparé
raison et sentiment, et je trouverais terriblement desséchées
les idées que j'aime si le sens de l'humain ne les animait
plus. Il est, par là, proche de Sébastien Faure qui
prit très vite avec Louise Michel - contre presque tous -,
la défense de Dreyfus.
— Faucier s'attache dans tous ses ouvrages - y compris dans
Dans la mêlée sociale - à faire œuvre d'historien
et de journaliste. Lecoin, - bien qu'il se soucia peu de l'être
- peut être considéré comme un véritable
écrivain prolétarien (qu'il s'agisse de ses souvenirs
ou de ses articles).
— Il est enrichissant de les lire, car derrière des
relations différentes de la même réalité,
c'est de l'histoire d'un même combat qu'il s'agit.
Lorsqu'il sera en grève de la faim, en juin 1962, Lecoin
écrira : je dis qu'un homme est favorisé quand il
est habité par les idées et l'idéal anarchistes.
Toutes les chances, certes, ne sont pas de son côté,
une certaine malchance est souvent son lot car, devenu très
perspicace et extrêmement sensible en raison d'un acquis plus
étendu; d'une connaissance assez, poussée des événements
et des comportements, il souffre. H souffre en voyant clair et il
se cabre en constatant les vilenies qui partout s'étalent.
Autoportrait et portrait de Nicolas Faucier, de May Picqueray et
de tous ceux qui «se cabrent».
Lucien SEROUX
QUELQUES NOTES pour répondre à d'éventuelles
questions :
Sur le tract Imposons la Paix ! : Lecoin le publia après
avoir critiqué Sébastien Faure et Mauricius, dont
l'action pacifiste dans P hebdo C.Q.F.D. (Ce qu'il faut dire), était
trop timorée à ses yeux.
Sur le Refus de parvenir : Liberté de juin 1962, publie
un article écrit par Lecoin juste avant de commencer sa grève
de la faim : Si je mourais demain. Il s'adresse aux jeunes : «
Fuyez les carrières toutes faites, le râtelier et le
licol. L'indépendance est encore plus indispensable à
l'homme qu'aux nations. Même dans un monde d'esclaves soyez,
libres, au moins par votre esprit.» Sur le Statut des objecteurs
(1963) : « L'histoire retiendra que ce statut, tant de fois
écarté, et dont les hommes de gauche eux-mêmes,
quand ils étaient au pouvoir, avaient soigneusement évité
la mise en discussion, ce statut, un vieil anarchiste l'a obtenu
d'un général.» (Jean Toulat. les grévistes
de la guerre, éd. Fayard, 1971) En Allemagne, article 4 de
la Constitution (loi du 19 mars 1956) : « Nul ne peut être
forcé d'accomplir son service militaire contre les impératifs
de sa conscience.» La Paix partout dans le monde est au bout
de cette proposition de loi : brochure éditée en octobre
1970, pour un désarmement unilatéral. « Article
Premier : La France procédera dans le délai le plus
bref à la dissolution de toutes ses armées de terre,
de mer et d'air, ainsi qu'à la destruction ou à la
transformation de tous ses armements et engins de guerre.»
Bientôt Jean Rostand, le ministre Robert Buron, la comédienne
Suzanne Bon, et beaucoup d'autres moins célèbres rejoindront
les premiers signataires.
Faucier Dans la mêlée sociale : « En livrant
publiquement les différentes étapes de ma vie militante,
je n'ai pas la prétention d'avoir vécu une existence
exceptionnelle. Beaucoup des hommes de ma génération
qui liront ces lignes, engagés dans la même voie que
la mienne, c'est-à-dire nés dans le même milieu
prolétarien, élevés dans les mêmes conditions
d'indigence et amenés à réagir contre les difficultés
matérielles et les inégalités sociales qui
heurtaient leurs aspirations à plus de justice et de fraternité
entre les hommes, retrouveront des analogies à leur propre
existence et à leur militantisme.
C'est à eux surtout, à ces compagnons de route, dans
le combat commun pour la paix et l'affranchissement de l'exploitation
capitaliste, que je dédie ces souvenirs avec l'espoir qu'ils
y trouveront quelque intérêt.» La fin de Liberté.
Le n° 179 de juin 1971 est titré 1972, année
de la paix. Dans l'article de tête, Lecoin annonce la campagne
que vont mener les pacifistes pour obtenir le désarmement
unilatéral. Un encadré annonce que le prochain numéro
de Liberté ne paraîtra pas avant le début septembre.
En fait il en paraîtra un dernier (°80) le 1er juillet
: une simple feuille titrée Lecoin n'est plus.
Et le n° 59, d'août -septembre 71 de l'Union pacifiste
annonce prendre en main ce projet, comme l'avait souhaité
Lecoin. Il annonce aussi la création de l'association Les
Amis de Louis Lecoin, dont le siège est chez May Picqueray.
Sur les scissions et unifications (de nov. 1926 à mai 1936)
En nov. 1926 (au congrès d'Orléans) l'U.A. devient
U.A.C. (Union anarchiste-communiste) sous l'influence des anarchistes
russes (makhnoïstes) partisans d'une organisation structurée.
Ils se démarquent ainsi des individualistes (jugés
irresponsables). Dès lors Faucier et Lecoin sont ensemble
au Libertaire, au Comité du droit d'asile pour Ascaso, Durutti
et Jover, au Comité Sacco-Vanzetti, etc.
(Sous la signature d'un Groupe des anarchistes russes à
l'étranger une Plate-forme d'organisation de l'Union générale
des anarchistes convie les anarchistes à "unir leurs
forces dans une organisation générale et permanente
comme l'exigent l'actualité et la stratégie de la
lutte sociale des classes." Sur la base de thèses idéologiques
et tactiques précises, écrit Faucier (doc. d'archivé)
ils préconisaient l'établissement d'un programme en
vue de déterminer sans équivoque la position des anarchistes
face à la révolution sociale afin de ne plus retomber
dans les erreurs du passé*. Se dressant contre décisivement
contre le comportement de "l'individualisme irresponsable",
ils proposaient l'introduction dans l'organisation du principe de
la responsabilité collective et politique, selon lequel "toute
l'Union est responsable de l'activité révolutionnaire
et politique de chaque memebre et, de même, chaque membre
est responsable de l'activité révolutionnaire et politique
de toute l'Union". Faucier signale aussi que déjà
"au congrès de l'U.A. de nov. 1924, plusieurs délégués
intervinrent sur la nécessité de doter l'organisation
de cartes et de timbres afin de connaître, géo graphiquement
et numériquement, nos possibilités".
En nov. 1927 (congrès de Paris) le courant communiste libertaire
va se renforcer encore au sein de l'UAC. en adoptant les thèses
de la plate-forme. Mais cette adoption entraîne l'affrontement
de 3 courants au sein de l'U.A.C. C'est la scission.
- 1) un courant majoritaire qui, se trouvant en concordance de
vues avec les auteurs de la «plate-forme», proposait
de préciser encore les objectifs de l'organisation en ajoutant
au titre le mot «Révolutionnaire» et que cette
U.A.C.R. soit désormais régie par des statuts incluant
le principe de la responsabilité collective. Elle reprenait,
en outre, la proposition de cartes d'adhésion et de cotisations
obligatoires. Faucier, Lecoin, Pierre Odéon, Georges Bastien
(Fédé du Nord et du Pas-de-Calais, et journal Germinal),
le morbihanais Pierre Le Meilleur sont dans ce courant qui continue
à éditer Le Libertaire et à diriger la Librairie.
- 2) un courant minoritaire qui, quoique en désaccord sur
la nouvelle organisation, violant, selon lui, les principes anarchistes,
décide de rester dans l'organisation pour les défendre
contre leurs détracteurs.
- 3) un courant scissionniste qui, d'accord avec les minoritaires
pour sauvegarder le traditionnalisme anarchiste, refusait d'appartenir
plus longtemps à une organisation qu'il assimilait à
un parti. Ce courant, sous l'influence de Sébastien Faure,
fonde l'A.FA. (Association des fédéralistes anarchistes)
qui fait paraître dès le 1er janvier 1928 Le Trait
d'union libertaire, auquel succède en mai La Voix libertaire
(mai 28 à juillet 1939). Principaux représentants
de ce courant : Séb. Faure, Lucien Barbedette, Charles Marchai,
Louis Louvet, Stephen MAC SAY, ce dernier assez proche des individualistes
entraînés par E. Armand) - Quelques groupes s'abstinrent
et restèrent autonomes.
Voir Roland BIARD, Hist. du Mouvement anar. 1945-75 : Plate-forme
Archinoff : p. 47-50. et Synthèse de Faure p. 30-33.
Voir Nicolas FAUCIER, Dans la mêlée sociale : Problèmes
organisationnels : p. 63-75, et son Rapport sur le mouvement anarchiste
en France, période 1930-40 (Archives CHT, Nantes).
Au congrès de Paris (Pâques 1930), le courant minoritaire
devient majoritaire et prend la direction de l'UACR et du Libertaire.
Malgré cela l'AFA de Sébastien Faure reste à
l'écart, bien que Séb. Faure recommence à écrire
dans le Libertaire Le courant "plate-formiste" de Lecoin-Faucier
etc. est contraint d'éditer un Bulletin mensuel de la minorité
(édité à Coursan dans l'Aude où réside
Lecoin) qui disparaît en 1931, sans doute après seulement
ix numéros. Quant au courant Sébastien Faure (l'AFA)
il édite alors V Encyclopédie anarchiste dont le succès,
renforce sa position.
Ce n'est qu'en 1934, sous la pression des événements
: montée du fascisme en Allemagne, contagion fasciste en
France (février 34), crise économique en France (chômage,
baisse du niveau de vie), divisions syndicales (CGT / CGTU), que
peut se tenir un congrès dit d'unité. L'UACR redevient
l'UA (sigle plus unitaire). Sébastien Faure et l'AFA rejoignent
l'UA. L'unité est faite, bien que certains militants de l'UACR
s'y refusent et fondent la FCL (Fédé. Communiste Libertaire),
parmi eux Louis Mercier Vega et Félix Guyard. La FCL rejoindra
l'UA le 15 mai 36, suite au pacte Laval-Staline de juillet 35 (qui
encourage le militarisme et l'armement) et après la victoire
du front populaire en Espagne (16 fév. 36), celle du front
populaire en France (3 mai 36), et enfin les occupations d'usines
(11 et 13 mai) qui font naître une dynamique nouvelle. L'explosion
révolutionnaire espagnole (19 juillet 36) ripostant au coup
d'État militaro- fasciste de Franco (18 juillet 36) vont
resserrer les rangs des anarchistes.
- erreurs du passé : allusion au manifeste des 16 : des
anarchistes furent sensibles à l'union sacrée (Kropotkine,
Grave,...), aux courants tentés par le ralliement au bolchevisme
après la révolution de 1917. Et bien avant, la controverse
sur l'illégalisme (la propagande par le fait, parfois la
bombe), le conflit du congrès CGT d'Amiens en 1906,...
On peut noter que l'individualisme anarchiste va avoir une tribune
à pâtir du 13 avril 1905, avec le journal l'anarchie
de Libertad, journal qui va jouer un rôle important dans le
développement des théories illégalistes. (Le
journal est né après le procès de Marius Jacob
en mars 1905).
L'Encyclopédie anarchiste sous la direction de S. Faure,
commencée en 1927, est livrée aux abonnés début
1930, le dernier des 60 fascicules de 48 pages (près de 3
mille pages) sort des presses (E. tienne Rivet, à Limoges)
le 8 décembre 1934.
Lecoin n'y est cité que deux fois (dans objection et manifeste
des seize), et son nom n'apparaît pas dans des articles où
on devrait le trouver.
C'est sans doute la conséquence du conflit interne qui entraîna
une scission au sein du mouvement, anarchiste en novembre 1927.
Lecoin, Faucier, Pierre Odéon, Loréal, Chazoff, le
morbihanais Pierre Le Meilleur et d'autres restèrent à
l'UA. Séb. Faure et d'autres quittèrent l'UA pour
fonder l'AFA. Après la nouvelle scission de 1930 (les majoritaires
deviennent minoritaires) Faure recommença à écrire
dans Le Libertaire (de l'UACR) en 1930, tout en continuant à
publier dans La Voix libertaire (AFA).
On ne s'étonnera pas de ne pas rencontrer ces nouveaux minoritaires
parmi les rédacteurs de Y Encyclopédie. Seuls Loréal
- vite exclu de l'UACR -, et Chazoff - qui la quitta en 1928 -,
y participèrent.
Georges Bastien, de l'importante Fédération du Nord
et du Pas-de-Calais et responsable du journal Germinal (1919-1933,
puis 1938) se tient en marge. C'était un orateur talentueux,
dont Sébastien Faure, en 1931, souligna les qualités
en écrivant de lui qu'il était "en état
d'exposer fort bien nos idées." {Le Libertaire, 19 juin
1931). Il donnera une vingtaine d'articles à l'E.A.
C'est assez dire que la plaie de la scission fut longue à
se cicatriser.
On notera que deux des signataires du manifeste des seize participèrent
à la rédaction de l'EA. : Marc Pierrot (qui signait
docteur Pierrot, 13 articles) et Paul Reclus (1 article)
Quelques échos anciens à Saint-Nazaire :
— Dans Les Temps Nouveaux, 6ème année, °
24 du 6 au 13 octobre 1900 : Saint-Nazaire.— Les camarades,
pensant qu'il est temps de sortit de l'accalmie dans laquelle nous
croupissons bêtement, font un appel aux lecteurs des journaux
libertaires et à tous ceux qui veulent faire de la propagande
révolutionnaire soit par la parole, par le chant ou autrement,
et les invitent à se réunir le dimanche 7 octobre,
à 3 heures du soir, au café du Vélodrome, près
le Casino.
— Dans Les Temps Nouveaux, 7ème année, °
2 du 11 au 17 mai 1901 : Saint-Nazaire. — Groupe libertaire
d'étude sociale Ni Dieu, ni Maître. Les camarades sont
invités à se réunir tous les samedis soir,
à 8 heures, au lieu habituel de leur réunion.
— Dans Les Temps Nouveaux, 15ème année, °
23 du 19 mars au 1 avril 1910.
Les Temps Nouveaux sont en vente à Nantes : Librairie du
Progrès, 37 chaussée de la Madeleine (près
l'Hospice), à la Bibliothèque des Chemins de fer d'Orléans
(grande gare), et à l'Aube Nouvelle, rue du Chapeau Rouge.
Et à Saint-Nazaire, chez M. Delaveau, libraire, rue Amiral
Courbet.
Quelques échos anciens à Saint-Nazaire : —
Dans Les Temps Nouveaux, 14ème année, ° 1, du
2 au 6 mai 1908 : Une conférence de Marck à Nantes
(le 14 avril 1908 à la Bourse du Travail) Un article d'une
colonne signé VALE. Marck, Yvetot (et Constant Moreau ?1
venus à Nantes soutenir les dockers en grève avaient
été arrêtés.
Il y eut procès. Ils furent amnistiés.
— Dans Les Temps Nouveaux, 15ème année, °
16 du 11 au 24 décembre 1909.
Les Temps Nouveaux sont en vente à Nantes : Librairie du
Progrès, 37 chaussée de la Madeleine (près
l'Hospice), à la Bibliothèque des Chemins de fer d'Orléans
(grande gare), et à l'Aube Nouvelle, rue du Chapeau Rouge.
— Dans Les Temps Nouveaux, 16ème année, °
26 du 17 mars 1911.
Les Temps Nouveaux sont en vente à Nantes, à l'Aube
Nouvelle, rue du Chapeau Rouge, à la Coopération Syndicaliste
"Entraide" place Darbefeuille (ancienne Petite Place de
la Verrerie), à la Librairie du Progrès, 37 chaussée
de la Madeleine, et aux Bibliothèques des gares.
Article encyclopédie anarchiste
Article sur la trôle suite à la discussion
sur la « perruque » lors du débat de St Nazaire.
TROLE n. f. (de l'allemand trollen courir). Action
d'un ouvrier qui va de magasin en magasin offrir de vendre un meuble
qu'il a fabriqué. (Larive et Fleury) Vente par l'ouvrier
lui-même des meubles qu'il a fabriqués et qu'il offre
aux marchands en boutique ou aux passants. Trôleur, ouvrier
qui fait la trôlé (Vagabond.) (Larousse)
La frôle fut un fait spécial des ébénistes
parisiens dans le faubourg Saint-Antoine. Les causes initiales furent,
en général, les crises commerciales dans l'industrie
du meuble, ICM arrêts de COIIIIII;I,II(|PM chez les industriels
qui ne travaillaient que sur plans et dessins, la mévente
dey fabricants d'articles courants (lui avaient leurs magasins complets.
Les patrons débauchaient leurs ouvriers ; les chômage,s
quoique n'étant pasw aussi longs que ceux de 1831-32-33 se
renouvelaient périodiquement, surtout après les grandes
expositions universelles et dans les intervalles qui suivaient les
années de grande production. Les secours de chômage
n'existaient pas, les ouvriers du faubourg ne voulaient pas mendier
aux bureaux de bienfaisance. Malgré que Ie prix du travail
était faible et les vivres moins chers qu'aujourd'hui, les
économies étaient tôt épuisées
il fallait manger et faire subsister la famille. Alors, l'ouvrier
ne voulant pas d'aumône, dans un coin de son logement ou chez
un petit patron, qui lui louait un établi, s'ingéniait
à construire un meuble qu'il allait lui-même offrir
chez les marchands en magasin ou au public : il devenait trôleur.
Une nouvelle forme d'exploitation dans le meuble s'est produite
vers 1850 : celle dos commissionnaires qui s'adressent aux petits
fabricants, intermédiaires qui exigent de. gros pourcentages
; connaissant leurs besoins quotidiens, leur manque d'avances financières,
ils en profitent pour acheter à bas prix, Un autre genre
d'intermédiaires apparut sous le Second Empire, les porte-faix
auvergnats comme les forts des halles, tenaient les coins des artères
des rues de Charonne, d'Aligre, de Saint-Nicolas, de la Roquette
; ils allaient chez les petits artisans et se chargeaient de vendre
leur travail soit aux commissionnaires, soit dans les magasins du
faubourg et de Paris. Des maisons aujourd'hui cotées furent
fondées par ces intermédiaires et ont fait fortune
sur la sueur des pauvres fabricants.
Avant 1870 et jusqu'en 1880, la trôle se pratiquait par ces
mêmes auvergnats. Sur un crochet ils se chargeaient à
dos l'armoire finie, sans glace, et allaient offrir leur marchandise
d'une boutique à une autre. Peu à peu, les auvergnate,
qui prélevaient de gros profits, disparurent en partie ;
les producteurs transportèrent eux- mêmes et offrirent
directement leur travail ; les uns, leur meuble sur l'épaule
s'il n'était pas trop lourd, les autres les véhiculaient
sur des voitures à bras. De nombreux petits artisans, ouvriers
en chambre, façonnaient ainsi dans les rues de Reuilly, de
Montreuil, dans le quartier de Charonne, à Montreuil et dans
le Bas-Bagnolet. Ils exécutaient des meubles de tous genres.
Jusqu'en 1885, la vogue fut au style gothique en chêne (inutile
de dire que l'ensemble était grossier et impur), bibliothèques,
buffets, chaises, tables à colonnes torses et à chimères
sculptés à l'envolée, lits vulgaires en noyer,
armoires à cadres en acajou. Après, succéda
le buffet et la desserte Henri II, les lits (Louis XV, les tables
à abattants et à allonges, les vide-poches, tables
à ouvrage et de nombreux petits meubles massifs ou plaqués,
des guéridons, tables de salons, etc.
Beaucoup de marchands (comme encore aujourd'hui!) n'avaient pas
d'ateliers, ils garnissaient leurs magasins en s'approvisionnant
au marché des trôleurs.
Après la guerre de 1870 et la Commune de 71, la trôle
déclina, parce que les demandes d'achats étaient considérables,
les employeurs manquaient de bras. Cette période de prospérité
dura jusqu'à ce que les dégâts causés
par les méfaits de la guerre fûrent comblés
; la trôle de ce fait était insignifiante et ne tenait
que par les auvergnats qui commerçaient avec les petits fabricants.
A cette époque, il y eut une intense production qui, non
seulement remplit les vides, mais accumula des stocks ; l'Exposition
Universelle de 1878 donna encore de l'extension aux affaires.
En 1882, les ouvriers en profitèrent pour déclencher
une grève quasi-générale ; les prix étaient
do 60 et 70 centimes ; ils obtinrent 80 centimes a l'heure et un"
hausse dans les prix des travaux aux pièces, forfaits.
Maie toutes ces augmentations acceptées et signées
par les patrons et le syndicat ouvrier ne furent que momentanées.
En 1884, commença une forte crise qui dura jusqu'à
l'Exposition de 1889. A défaut de commandos, les ateliers
fermaient et le personnel était licencié. En cet état
aigu, de nombreux ébénistes, sculpteurs, chaisiers
s'employèrent à faire chez eux, toutes sortes de meubles
qu'ils vendaient le samedi, à la trôle.
Les marchands du faubourg, de Paris et des environs s'y fournissaient
; entre eux, ces mercantis se concertaient pour acheter (comme A
l'Hôtel des Ventes), et, attendaient jusqu'au soir pour fatiguer
les trôleurs ; ces derniers, lassés, craignant de ne
pas vendre leurs bahuts, voyant la nuit arriver, donnaient leur
travail à un prix dérisoire, pour la bouchée
de pain qui leur permettait, tant bien que mal, de donner à
manger à la famille.
Vers 1890, après le percement de l'avenue Ledru-Rollin et
de la rue Trousseau (ancienne rue Sainte-Marguerite), le marché
se tient sur cette nouvelle avenue.
Les trôleurs l'envahissent sur toute la chaussée,
empêchant totalement la circulation des voitures.
Le travail des trôleurs, exécuté dans des conditions
défectueuses d'installation, d'outillage, de matières
premières, ne peut être que de qualité inférieure.
Avec subtilité et boniments, les vendeurs se chargeaient
de prouver aux naïfs acquéreurs, la solidité
et la qualité de la marchandise. Le proverbe que l'acheteur
n'est pas toujours connaisseur est bien vrai.
Le marché de la trôle est une véritable concurrence
aux magasins et aux fabricants de meubles courants et ordinaires.
Il fut aussi une cause de la diminution des prix aux ouvriers dans
les ateliers patronaux. Les marchands et les fabricants adressèrent
des pétitions au Conseil Municipal pour la suppression de
ce marché, prétextant une concurrence déloyale
e l'encombrement de la voie publique. Les deux chambres syndicales
patronales, celle de l'Ebénisterie de la rue de la Cerisaie
et celle du Meuble sculpté de la rue des Boulets éditèrent
des manifestes contre les trôleurs. La chambre syndicale ouvrière
de l'Ebénisterie et du Meuble sculpté, faisant chorus
avec les exploiteurs, réclama de même leur suppression
en disant qu'ils étaient la cause de la diminution des prix
de main-d'œuvre.
Si les exploiteurs étaient logiques pour conserver leurs
privilèges qui se trouvaient atteints, le syndicat ouvrier
ne l'était pas, il voyait l'effet sans en chercher les causes,
qui étaient dans la misère des' travailleurs atteints
par le chômage.
Da.ns les 11e, 12e et 20" arrondissements, un noyau d'anarchistes
comprit le problème dans sa réalité ; il se
détacha de la Chambre syndicale pour former l'Union syndicale
des Ouvriers ébénistes, et une propagande se fit pour
faire comprendre aux travailleurs toute la vérité.
On imprima des tracts qu'on distribuait par- tout dans les ateliers
et aux trôleurs. On y indiquait que, pour supprimer la trôle,
il fallait supprimer la misère. Et l'idée de révolte
et d'expropriation se répandit dans tout le faubourg Saint-Antoine.
Des groupes révolutionnaires : les Egaux du 11e rue Basfroi,
le Drapeau noir de Charonne, rue des Haies, aidèrent à
la propagande de la nouvelle Union syndicale. Les camarades anarchistes
voyant le moment propice à la diffusion des idées
libertaires fondèrent le journal Le Pot à Colle, qui
tirait à 6.000 exemplaires, se vendait cinq centimes et se
lisait ardemment parmi les ouvriers •de l'ameublement.
En 180l, la misère grandissant, la trôle prit une
extension considérable, Les quotidiens en donnèrent
de longues chroniques favorables an patronat ; une ligue se fonda
contre la trôle {Eclair du 19 octobre 1891, l’Intransigeant
de décembre 1893) ; les patrons se plai- gnent qu'il y ait
12.000 chômeurs qui travaillent pour la trôle. En 189:1,
la question est de nouveau agitée.
'Une pétition réunit 4.500 signatures, sous la direction
du patron Guériu, président de la Ligue, après
une réunion tenue au Café de l'Espérance, dans
le fau- bourg ; elle est portée, par une commission de sept
ouvriers, sept négociants et sept patrons, a la Préfecture
de la Seine pour sa suppression. Les Pouvoirs publics n'osèrent
intervenir, ils craignirent les sursauts populaires.
Les anarchistes veillaient et entretenaient l'esprit de révolte,
des animateurs libertaires visitaient les chômeurs et les
trôleurs, organisaient des secours, ceux "qui ne pouvaient
payer leur loyer aux propriétaires étaient déménagés
à la Cloche de Bois (voir le mot Vautour), des logements
leur étaient trouvés avec de bons renseignements,
savamment préparés. La propagande des idées
anarchistes fit un pas immense ; le peuple voyait chez les anarchistes
le désintéressement, la solidarité, il était
avec eux.
Aux approches de 1900 et de l'Exposition Universelle, les demandes
d'ouvriers dans les ateliers firent beaucoup diminuer le marché
de la trôle. Elle n'en continua pas moins, mais n'eut plus
un caractère misérable ; des petits artisans et patrons
continuèrent à trôler, patrons sans vergogne
qui exploitaient les malheureux Belges et Luxembourgeois qui arrivaient
à Paris dénués de ressources, patrons qui tenaient
en même temps un débit de vin et logeaient aussi leurs
ouvriers, qui cou chaient souvent dans l'atelier, sur les copeaux
; à la fin de la semaine, ces infortunés étaient
souvent redevables à leurs mercantis exploiteurs.
Après 1900, on mena une forte campagne contre les (....)
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