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Origine : http://base.d-p-h.info/fr/fiches/dph/fiche-dph-7679.html
Longo Maï (du provençal « que ça dure
longtemps ») est un réseau de coopératives d’élevage,
d’agriculture, d’artisanat et de petite industrie implantées
en France, Suisse, Autriche et Allemagne, qui existe depuis plus
de 30 ans. C’est un réseau assez difficile à
décrire formellement car riche en expériences sociales
et humaines et porteur d’une dynamique régionale et
internationale rarement développée par d’autres
coopératives en Europe.
Eléments historiques
En 1972, dans la foulée des idéaux proclamés
symboliquement lors de mai 1968, des groupes de jeunes (nommés
Spartakus en Autriche et Hydra en Suisse) décident de créer
lors d’un congrès fondateur à Bâle des
« communautés européennes de jeunes »
conçues comme des « zones expérimentales d’une
Europe solidaire, pacifique et démocratique, par une vie
commune et l’autosubsistance issue du travail dans l’agriculture,
l’artisanat et l’industrie sur une base coopérative,
(…) des semences d’une Europe dans laquelle on n’échange
pas que des marchandises mais des hommes et des idées, et
qui relie les peuples entre eux. »
Parmi leurs principes fondamentaux, toujours d’actualité
à Longo Maï, on peut citer la forme coopérative,
l’autosubsistance par l’agriculture et l’élevage,
la gestion commune de l’énergie et des besoins de base,
l’organisation d’une production artisanale et industrielle
collective adaptée à des niveaux de consommation locaux,
puis régionaux et européens, le partage des tâches
entre hommes et femmes, le rejet du salaire et l’autogestion.
En 1973, un premier village pionnier (Longo Maï) est créé
sur un terrain de 280 hectares en Haute-Provence, à Limans,
près de Forcalquier. Fonctionnant sur la base d’une
vie commune solidaire et égalitaire, d’une mise en
commun des biens, des revenus et des forces du travail. Cette coopérative
a pour but de choisir et d’organiser les activités
productives génératrices de revenus dans l’agriculture
et l’élevage. Par la suite, Longo Maï s’oriente
vers la vente de vêtements, de cosmétiques, de conserves…
tout en adoptant dès le début un comportement respectueux
de l’environnement (les économies d’échelle
de la vie en communauté réduisant la consommation
d’eau par exemple). Longo Maï s’intègre
aujourd’hui bel et bien dans le paysage de la Haute-Provence,
malgré quelques attaques politico-judiciaires à ses
débuts et a réussi à semer son mode de fonctionnement
et son esprit un peu partout en Europe.
Dynamique sociale et construction du réseau
Le réseau de coopératives Longo Maï s’étend
aujourd’hui à Briançon en France (la filature
de laine Chantemerle qui traite 12 à 15 tonnes de laine par
an), à Eisenkappel en Autriche (Hof Stoppar), dans le Jura
suisse (la ferme le Montois), à Saint Martin de Crau en France
(le Mas de Granier), en Haute Ardèche en France (Treynas),
dans le Lubéron en France (la Cabrery) et à Ulenkrug
en Allemagne. Mais c’est beaucoup plus qu’un réseau,
c’est surtout le « pôle dynamiseur » d’un
vaste mouvement social peu commun.
En effet, et c’est bien la spécificité de Longo
Maï et certainement une des raisons de sa longévité,
les « Longos » (ceux qui partagent les expériences
de cette coopérative) n’ont jamais voulu s’isoler
en produisant de façon alternative et en se refermant sur
leur monde. Dès le début, ils ont multiplié
les campagnes de solidarité, comme par exemple celle portant
sur l’accueil de 2 000 exilés chiliens, menacés
par le putch de Pinochet, dans des communes suisses, des actions
de solidarité avec les Indiens Guaranis au Paraguay, le soutien
aux jeunes « muchachos » du Nicaragua en lutte contre
le dictateur Somoza, la création d’une coopérative
de réfugiés nicaraguayens au Costa Rica – toujours
active aujourd’hui pour la défense de la petite paysannerie
–, la création du Comité européen de
défense des réfugiés et immigrés (CEDRI),
du Forum civique européen (FCE) (1) pour le soutien des processus
de démocratisation des pays de l’Est, le soutien au
Syndicat des ouvriers de la campagne (SOC) qui défend les
travailleurs saisonniers sans papier et immigrés exploités
dans le Sud de l’Andalousie (El Ejido entre autres), etc.
Forte de toutes ces mobilisations, Longo Maï a développé
et tissé toute une série de liens avec des syndicats,
des associations, quelques partis politiques, un peu partout dans
le monde et a créé un radio locale « Radio Zinzine
» et publie des journaux, dont l’excellent mensuel Archipel.
Longo Maï impulse ainsi de nombreuses campagnes solidaires
(des coalitions à géométrie variable suivant
le thème) à destination du grand public, renforçant
le concept de citoyenneté active et développant en
même temps son réseau de soutien et d’amitiés.
Succès de la campagne pour la filière laine
Longo Maï s’est très tôt investie dans
la filière laine avec la création, au début
des années 1980, d’une filature moderne « Chantemerle
» près de Briançon dans les Hautes-Alpes. Cette
filature permet de transformer la laine et a débouché
sur la création de plusieurs ateliers de produits finis qui
sont écoulés dans les magasins de la région.
Tissant de solides relations avec les éleveurs, les tondeurs,
les artisans, les experts-lainiers, Longo Maï a cherché
à revitaliser une filière en déclin et s’est
opposé, à partir de sa ferme du Montois dans le Jura
suisse au projet du Conseil fédéral visant à
supprimer le service public de collecte et de tri de la laine des
éleveurs du pays. Ce projet avait pour but d’inciter
les industriels à se retourner vers le marché mondial
pour s’y approvisionner. Ce projet menaçait donc les
petits éleveurs de montagne. Longo Maï a recueilli plus
de 20 000 signatures et a organisé en octobre 2002 une manifestation
devant le Palais fédéral à Berne qui fit la
Une de tous les journaux nationaux. Suite à cette mobilisation,
le Parlement confirma le soutien de la Suisse à la production
lainière nationale et créa un fonds spécial
d’aide. Ce succès est dû au large réseau
de soutien développé et alimenté par Longo
Maï et à sa constante mise en relation de l’idéologie
(attachement aux services publics, lutte pour le maintien des petits
paysans, la solidarité humaine,…) et des actions pratiques,
de terrain et politiques.
(1) Voir www.forumcivique.org, Contacts en France : Le Pigeonnier,
F-04300 Forcalquier, Tél. : +33 (0)4 92 73 05 98, fax : +33
(0)4 92 73 18 18, courriel : France (at) forumcivique.org, en Suisse
: St. Johanns-Vorstadt 13, Postfach, CH-4004 Basel, Tél.
: +41 (0)61 262 0111, fax : +41 (0)61 262 0246, courriel : suisse
(at) forumcivique.org. Voir également leur excellent journal
Archipel.
Notes
Cette fiche est un résumé des articles de Jacques
Berguerand, « Longo Maï : de la ferme à l’engagement
politique », et de Marc Ollivier, « Une expérience
internationale de recherche autogérée : les ‘chercheurs
de survie’ du réseau ‘Longo Maï’ »,
publié dans l’ouvrage collectif Produire de la richesse
autrement : usines récupérées, coopératives,
micro-finance,… les révolutions silencieuses, PubliCetim
n°31, octobre 2008, éditions du CETIM, Genève.
ISBN 2-88053-059-5, 6 € - 10 CHF.
Jacques Berguerand est arrivé en 1973 dans la coopérative
Longo Maï et ne l’a plus quittée. Il travaille
essentiellement dans le domaine de l’élevage et de
l’agriculture. Il anime régulièrement l’émission
« Le génie des alpages » sur Radio Zinzine et
est impliqué dans de multiples activités de la coopérative.
Marc Ollivier est chercheur en sciences sociales au CNRS. Ces extraits
sont tirés de Marc Ollivier, d’après un article
du même titre que précédemment, paru dans Avec
les paysans du monde, éd. refondue des numéros 136
et 136 de la revue Informations et Commentaires – Le développement
en questions, Association pour un nouveau développement,
Grenoble, 2007. Voir le site dédié au livre perso.orange.fr/paysans.du.monde,
contact : marc.oll (at) wanadoo.fr
Contacts de Longo Maï en Suisse : Longo Maï, St Johanns-Vorstadt
13, 4004 Bâle.
Tél. : +41 (0)61 262 01 11 ;
Longo Maï, Ferme du Montois, 2863 Undervelier. Tél.
: +41 (0)32 426 59 71.
Contact en France : Le Pigeonnier, 04300 Limans. Tél. : +33
(0)4 92 73 05 98.
CETIM (Centre Europe - Tiers Monde) - 6 rue Amat, 1202 Genève,
SUISSE - Tél. +41 (0)22 731 59 63 - Fax +41 (0)22 731 91
52 - Suisse - www.cetim.ch - cetim (@) bluewin.ch
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